Forum - Orchestral manoeuvre in the dark.

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Carlyle | 05/05/07 22:38

Les arbres des bois étaient immobiles dans la tiédeur de la nuit australe, et la ronde des gardes de la petite garnison frontière se déroulait pour le mieux. Depuis que le capitaine Kent avait pris le commandement, les errements de Marcus avaient été palliés, avec brio.

Mercutio jeta un regard au bas des remparts, et sourit en se rappelant que, trois semaines auparavant, la forêt venait lécher les premières pierres des murs. Ce qui constituait un indéniable avantage pour toute armée qui voulait s'approcher discrètement des défenses de la ville, et l'attaquer.

Errements d'autant plus regrettables qu'en plus d'être mauvais bâtisseur, Marcus était un piètre stratège. Seules la force de caractère de ses soldats et la fierté de ses capitaines, tels que Paul, avaient empêché la forteresse de céder plus d'une fois. De toute manière, la petite compagnie ne céderait pas un pouce de terrain. Corps expéditionnaire, venant des contreforts des montagnes, s'étant entraînés dans des conditions que ne supporterait nul humain, il préférerait la mort à la reddition.

Kent moucha sa chandelle et s'étira de tout son long dans des draps qui n'avaient pas senti depuis trop longtemps sa présence. Enfin un peu de repos. Mérité. Trois semaines d'assauts incessants, vagues déferlantes de moins en moins violentes, dont l'écume sanglante maculait encore certains endroits de la plaine dégagée entre la forêt et les remparts. Trois semaines de travaux, de remise en ordre, de reprise du corps de garde. Sa tête s'appesantit sur l'oreiller. Deux corps aussi différents ne pouvaient s'entendre. Et pourtant, pourtant, cela tenait bon. Hors quelques rixes et altercations sans dommages, cela tenait bon. Ses hommes avaient apprivoisé - il sourit : maté plutôt - ceux de Marcus. Il ferma les yeux, et une nouvelle nuit se passa sans heurts.

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Les arbres des bois balançaient doucereusement leurs branches au long souffle du vent dans la tiédeur de la nuit australe, et la ronde des gardes du fort se déroulait pour le mieux. Mercutio s'était même payé le luxe d'abandonner sa lance contre un créneau, tandis que son urine glissait le long des remparts. Grognant de satisfaction, il reprit sa pique, et continua son guet, les yeux grands ouverts.

Les lueurs des torches rendaient une clarté vacillante qui peinait à percer les ténèbres opaques, comme chaque soir, mais tout allait bien. Kent soupira doucement, et alluma un nouvelle bougie avec ce qui restait de l'autre. Les rapports des autres places fortes étaient bons, les éclaireurs confirmaient les uns après les autres l'absence de troupes adverses. Il se frotta les yeux et referma le journal qu'il tenait. Rien de bien neuf à y marquer, sinon l'arrivée de ce membre du chapitre principal, incapable infatuité de son autorité, avait jugé Kent en quelques regards. Il n'en restait pas moins que cet émissaire était protégé par la parole donnée du roi. Et Kent n'avait rien à dire contre elle.

Léandre se retournait encore et toujours dans son sommeil, et se réveilla en sursaut, en sueur, la bouche et les yeux secs. Il ne fit aucun mouvement vers son épée. Il se contenta d'essayer de percer les aveuglantes ténèbres, pour vérifier qu'il était bien seul dans la chambre que Kent lui avait alloué. Il se savait lâche, couard même, terrifié par la moindre perspective de danger, mais les années d'entraînements l'avaient, un peu, endurcies. Il respira calmement, avant de s'asseoir sur le rebord du lit. Qu'il haïssait ces déplacements. La pierre reste la pierre. Le bois reste le bois. Mais rien ne semblait aussi sûr que les murs du chapitre. Ni aussi solide. Le sommeil ne reviendrait plus. Autant rester éveillé jusqu'à la nuit prochaine. Il ceignit son épée après avoir enfilé ses chausses et sortit. Il ne pensa même pas à trouver une taverne ou une jeune femme aux cuisses accortes. Il erra, plus ou moins jusqu'aux remparts, plus ou moins jusqu'au château, jusqu'au point le plus haut de la petite forteresse, et fit ce qu'il savait le mieux faire : il veilla.

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Les arbres des bois laissaient échapper de confuses paroles au murmure langoureux du vent dans la tiédeur de la nuit australe, et la ronde des gardes de la ville fortifiée se déroulait pour le mieux. Mercutio, aux aguets, sentait des gouttes de sueur lui couler sur le front, réaction naturelle face à la chaleur. Il affermit ses mains moites sur sa pique, et reprit sa longue veille, notant du coin de l'oeil la silhouette de l'émissaire en haut du château.

Léandre restait immobile et la chaleur de la nuit lui glaçait le corps. Il respira calmement, et retint ses imprécations. Il haïssait ces climats, comme il haïssait ces soldats frustres qui n'avaient jamais ouvert de leur vie un livre que lui eut déjà lu, ou prêté l'oreille à une chance que lui eut déjà entendu. Il sortit son épée de son fourreau, contempla sa garde une minute, avant de la poser, vers lui, sur le créneau. Soupirant de la vapeur, il se remit à veiller.

Kent polissait son sabre, prenant bien soin de vérifier son tranchant, coupant les mèches des chandelles dans un seul mouvement. Finalement, l'émissaire n'était pas si agaçant. Il le remit au fourreau, et enleva son maillot de corps pour essuyer la sueur due à son entraînement, avant de s'asseoir à même le sol en position méditative. Il s'occupait de ses affaires, ne mettait pas le nez dans la tactique de Kent, et ne gênait en rien la bonne marche de la ville. En outre, son attitude martiale, il fallait l'avouer, donnait un excellent exemple aux hommes des deux corps. Kent se permit un léger sourire.

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Les arbres des bois étaient froids comme des tombes dans la tiédeur de la nuit australe tandis que la complainte déchirante du vent hurlait entre leurs troncs inexpressifs et que la ronde des gardes de la petite ville fortifiée se déroulait pour le mieux. Mercutio attacha la jugulaire de son casque. Tout allait bien, mais l'atmosphère délétère dégageait il ne savait quoi de dangereux. Il vérifia qu'il s'était bien muni de son équipement complet, pour une fois, regrettant juste de n'avoir pas - et même alors, quoi ? - d'armure de plate complète. Sa main gauche vint se poser sur la poignée de son épée, avant de vite revenir sur le manche de sa lance. Il continuait sa veille, et les torches des remparts projetaient des ombres trop réelles sur les jeunes pierres des murs, teintes de rouge par la lune, quand celle-ci ne jouait pas entre les nuages. Il se frotta les yeux : sur la cime d'un arbre, il croyait avoir aperçu un homme debout et droit, regardant par ici. Il secoua la tête.

Kent tournait et se retournait et se leva. Il trouva son briquet sur la table de chevet et alluma sa chandelle. Il ne dormirait pas cette nuit. Impossible de trouver le sommeil. Et voilà trop longtemps qu'il n'avait pas partagé une nuit de veille avec ses hommes. Il enfila son armure de cuir et de mailles, seul compromis qu'il ait jugé acceptable entre agilité et sécurité, ceignit son sabre autour de sa taille, et pris le vieux casque familial en forme de chien sous son bras gauche. Il récupéra le bouclier orné des armoiries de ses aïeux et la passa dans son dos avant de sortir. Son pas résonnait calmement dans les couloirs du château. Il avança sans presse dans les rues de la ville, et se rendit sur les remparts, avec ses hommes. Le vent le saisit en traître, et soudain il su qu'il n'allait pas dormir pendant quelques nuits encore. Un léger frisson lui parcourut la nuque, il soupira, et s'aida de la main pour gravir le dernier degré qui le menait sur les murs. Il resta immobile une seconde. Avait-il vraiment aperçu une silhouette droite et debout sur la cime des arbres ?

Léandre était perdu au milieu de la ville. Pas perdu à proprement parler, bien sûr, puisqu'il savait parfaitement où il était, mais perdu quand même. En armure complète, il avait l'air encore plus martial et strict qu'à l'accoutumée. Sa présence rassurait les citadins. Son haut pavois sur le dos aussi. La lourde épée à son côté également. La lune était rouge. Il n'aimait pas cela. Mauvais présage. Tout avait tendance à arriver lors des lunes rousses. En particulier le pire. Il cligna des yeux sous son lourd heaume, et repris sa marche vers le château. Il y sera toujours perdu, mais il pourra au moins voir venir. Il impressionnait. Les gardes du corps de Marcus encore éveillés n'en croyaient pas leurs yeux. Ils peinaient à gravir les marches qui menaient jusqu'en haut du château en équipement léger, et lui les avalaient littéralement quatre à quatre, au pas de course encore, en harnachement complet. Il s'arrêta finalement une fois arrivé en haut, et souffla légèrement, son endurance même pas entamé par cette course. Elle ne valait en rien les séances d'entraînement au chapitre principal. Il se raidit. Qu'elle était cette figure debout et droite sur la cime des arbres ?

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Les arbres des bois sont muets comme des tombeaux et glacés comme les corps qui nourrissent leurs racines dans la tiédeur de la nuit australe. Le vent des cryptes hurle en silence entre leurs branches inamovibles, et dans ce concert inaudible, sur les remparts de la ville fortifiée, la ronde des soldats se déroule pour le mieux. La lune et haute et blanche, comme la nuit, et le vent chasse les nuages qui tentent de la dissimuler. Mercutio s'est finalement acheté une mentonnière. Il a longuement hésité devant une armure de plate, mais, après réflexion, il s'est estimé de constitution trop peu robuste pour pouvoir la supporter. Et la stature gigantesque de Léandre à ses côtés le lui confirme. Voilà quatre nuit de rang que les vétérans n'ont pas dormi, se reposant uniquement le jour, Kent leur ayant demandé d'être tous plus que jamais sur le qui-vive. Il tourne son regard à droit et à gauche, et - comme chaque soir depuis quatre nuits - note que l'effectif est bien trop important pour une nuit classique. Même le capitaine est sur les remparts. Non, quelque chose ne va définitivement pas. Et ces deux silhouettes sur les arbres, là-bas, sont-elles réelles ?

Kent ajuste son casque, vérifie que son bouclier coulisse avec aisance de son dos à devant lui, fait vaguement jouer son sabre dans son fourreau. Malgré son équipement propre et élégant, il fait bien piètre figure à côté du paladin. Finalement, cet émissaire est rassurant. Sa présence est apaisante. Même pour un soldat aguerri. Quatre nuits blanches, douze, quinze peut-être, heures de repos en trois jours. Quelque chose ne va pas. Il reprend sa ronde sur le mur, ayant un mot pour chaque homme qu'il croise. Il se sent bien, ainsi. Un calme étrange l'envahit, et ses vieilles blessures ne le font plus souffrir. Voilà longtemps qu'il n'avait pas senti cette odeur dans l'air, et, à vrai dire, il l'accueille avec grâce. Son regard s'éloigne au loin. Deux silhouettes, droites et debout sur la cime des arbres. Est-ce réel ?

Encore une fois, il impressionne. Sa démarche, même s'il est le plus lourdement armé, est presque féline. Cela en rend jaloux plus d'un, mais il ne s'en aperçoit pas, et si alors, n'en aurait cure. Les torches fragiles aux flammes dansantes magnifient son ombre portée sur les murs. Il semble une tour que rien ne fera tomber. Léandre est serein dans son armure. Il n'a jamais aussi bien dormi que pendant cette dernière journée. Il est frais, dispo, sûr de lui, de son entraînement, de son équipement, de son corps, de ses réflexes. Il sait qu'il faudrait trois hommes armés comme lui pour le faire tomber. Que quinze soldats du rang peineraient à lui survivre. Il est au faîte de sa force et de sa puissance. Comme par habitude depuis quatre nuits, il s'agenouille dans un point au hasard des remparts et prie à voix basse. Lorsqu'il se relève, il aperçoit les deux silhouettes sur la cime des arbres. Il n'en est pas effrayé, même si lui sait qu'elles sont par trop réelles. Il regarde la lune. Elle est pleine. La veille ne sera pas vaine, cette nuit-là.

Debout et droits sur la cime des arbres, Carlyle et Eva observent le ciel s'ouvrir et les nuées se déchaîner.

Debout et droits sur la cime des arbres, Carlyle et Eva observent le corps expéditionnaire résister vaillamment aux assauts des créatures contre nature.

Debout et droits sur la cime des arbres, Carlyle et Eva observent Mercutio laisser sa pique dans un démon, et combattre à l'épée contre cinq, six autres qui finissent par le terrasser.

Debout et droits sur la cime des arbres, Carlyle et Eva observent la tornade sanglante qu'est Kent, laissant un chemin parsemé de cadavre derrière lui, se faire rattraper par son destin en l'objet d'une dague lancée avec précision dans son oeil droit.

Debout et droits sur la cime des arbres, Carlyle et Eva observent Léandre attaquer sans relâche, tour imprenable. Carlyle lève légèrement un sourcil de colère.

Debout et droits sur la cime des arbres, Carlyle et Eva observent la ville se faire ravager par les hordes démoniaques, et toujours Léandre résister.

Debout et droits sur la cime des arbre, Carlyle et Eva observent les démons encercler le paladin. Carlyle lève la main avec un sourire de dépit. Il est le dernier survivant. Il survivra pour raconter l'Histoire.

Agenouillé aux côtés de Léandre, Carlyle lui murmure à l'oreille des mots qui le font pâlir.

Bientôt, l'imprenable tour reste seule dans la cité dévastée. Il ne combattra plus. Son devoir est ailleurs. Il prie pour atteindre le chapitre principal avant que la folie ne le dévore.

Edité par Carlyle le 05/05/07 à 22:39

Carlyle | 05/05/07 22:42

Suite de :

1) Monologue oublié : [Lien HTTP]

2) Fragments epars : [Lien HTTP]

3) Séance inamicale : [Lien HTTP]

4) Eva : [Lien HTTP]

5) Vol de nuit : [Lien HTTP]

6) Les Minutes de la Confrérie Blanche : [Lien HTTP]

Edité par Carlyle le 05/05/07 à 22:42

Black Mamba | 06/05/07 16:43

Un effort de style très appréciable et apprécié .

Malgré tout, je reste un peu sur ma fin

La suite !!!!

Khorèn | 08/05/07 00:27

Y a de quoi être jaloux!
Bravo!
Et comme dirait Black Mamba: La Suite!!!

Cerbère | 27/05/07 15:40

magnifique, vraiment.

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