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Carlyle | 11/04/07 12:46
Eva marche paisiblement dans les venelles de la ville endormie, ses talons résonnants agréablement sur les pavés mal joints qui dessinent une surface instable, pleine de creux et de bosses traîtres, où le pied ne sait vraiment pas quelle allure adopter, de peur de, après avoir décidé d'aller plus vite que de raison, frapper du bout du pied un pavé plus haut que la volée précédente, et trébucher maladroitement en une perte d'équilibre ridicule et gênante, avec l'espoir fou - ou raisonnable, selon l'état - de se rétablir impeccablement, et de ne pas s'étaler sur ce sol glissant et sale, forcément, parce que passant, parce que dans une ruelle, parce qu'oublié des services de voiries adéquats, parce qu'appartenant à la cité, sans lui appartenir, constituant une sorte d'en dessous sur l'étendue même de l'agglomération, seulement parcouru par des âmes noires, ou damnées, à la recherche de quelques besognes à accomplir, sur le point de le faire, d'autre fois fuyant le lieu où elles furent accomplies, ou encore cherchant commanditaire pour trouver un exutoire à la faim qui les pousse, connaissant cependant la vanité de leur quête, puisqu'à la fin, la toute fin, eh bien...
Néanmoins, les jambes d'Eva se meuvent avec vélocité, précisément dans ce monde brumeux et opalescent où les contours des silhouettes s'estompent dans le brouillard, lui-même monument de la ville, de cet en dessous au dessus, faisant partie intégrante de l'identité de l'endroit, et l'enlever serait priver la cité de sa délicate harmonie, fragile édifice tenant tant à la couleur locale de la pierre, l'aspect et le goût de l'eau, qu'à l'enchevêtrement complexe et indéchiffrable - pour les esprits non avertis, et peu le sont encore - des rues, avenues, cours et culs-de-sac secrets, sauf pour Eva qui survole le pavé, sans vraiment le battre, et pourtant le son obsédant de ses talons, rythme entêtant et enivrant, portant haut les coeurs et les esprits quand elle passe à côté d'homme de peu de foi, les laissant retomber tandis que son pas, et son souvenir avec lui, s'attarde un instant dans les volutes de brumes épaisses, assourdi par celles-ci, de moins en moins audible, pour finir par n'être plus qu'un vague ressenti, une réminiscence obscure, puis très vite un oubli, une case blanche dans le cerveau obtus, une de plus parmi les autres, une place vide parmi les ombres...
Le hasard n'est en rien impliqué dans la marche nocturne d'Eva sur ces chemins labyrinthiques, et sa nonchalante vitesse le prouve avec rigueur, la dame sait pertinemment non seulement où elle se rend, mais aussi ce qu'elle doit y faire, et également comment elle va le faire, savourant, d'ailleurs, par avance son acte plus ou moins délictueux, du moins, espérant pouvoir ajouter à sa mission une touche beaucoup plus personnelle.
Elle s'arrête. Voici la bonne impasse, suffocante de brume, surchargée de douleurs nocturnes, et de cris retenus par l'eau en suspension, presque aussi sale, si cela est possible, que celle stagnant dans les flaques immondes où Eva évite soigneusement de poser ses pieds. Elle s'approche d'une porte ouverte à demi, et sans frapper, l'ouvre, pénétrant dans une obscurité plus aveuglante encore. Elle y reste un moment, en habituée de ce genre de passe, laissant le temps à son regard de s'habituer à ne rien voir, et faisant deviner à son être les contours de la nuit. Elle continue d'avancer, poussant des portes, silencieuse comme une chatte, se mouvant avec une précision infernale, une assurance létale. Un dernier couloir, et elle s'arrête à nouveau. Une lueur tremblotante filtre par le pas de la porte, vacillante lueur.
Elle ouvre la porte à grande volée, et se dévoile dans le passage.
L'homme en chemise de nuit est, selon les canons humains, d'une beauté certaine quoique trop classique. Ses longs cheveux blonds battent librement en anglaises charmantes sur ses tempes et son dos, masquant des épaules larges et musclées. Son nez fin et droit prolonge agréablement son visage, ovale légèrement aplati aux pôles, laissant ainsi un menton non pas volontaire et carré, mais au contraire doux, et mangé par une barbe blonde finement taillée, ouvragée même, équilibrant le front plutôt haut marqué par des sourcils épais surplombant de leur auguste ombre des yeux d'un bleu limpide où brillent des pupilles noirs. La chandelle posée sur la table projette, par les va-et-vient de la flamme, une ombre museuse sur un mur de la pièce, en pierre blanche, et ainsi la silhouette assise est magnifiée par le jeu langoureux des mouvements du feu. Les bras nus de l'homme sont ciselés par des muscles fins, car point trop n'en faut, même pour un parangon de chevalerie, et se terminent par des mains parfaitement entretenues.
« Amélia. Dit-il sur un ton neutre. Je n'osais t'espérer.
- Il faut me faire confiance. Quand je dis que je te veux, Eva laisse tomber sa veste et sa brassière en s'avançant vers lui, c'est, brave prince, que je te veux.
- J'avoue ne pas y avoir cru, Amélia. Répond-il en se levant, sa voix masquant mal son trouble, ainsi que sa chemise de nuit. Il ouvre les bras en grand. Mais je n'attendais que cela.
- Il fallait, pourtant. Je tiens mes promesses. Surtout, elle passe une langue impatiente sur ses lèvres en envoyant le reste de ses vêtements rejoindre sa veste, sur le sol, si elles sont synonymes d'un plaisir sans borne. Elle note la direction de la bibliothèque, et s'engouffre dans les bras de l'homme.
- Il sera partagé, j'en suis sûr. Fait l'autre timidement, avant de l'embrasser.
- J'en suis certaine, mon beau paladin. » Affirme-t-elle en passant une main sous la chemise de nuit de l'homme, et en le renversant sur sa chaise.
La nuit fut longue, et courte, et tandis que la lune se demande si elle ne va pas s'attarder encore une heure ou deux dans un ciel sans étoiles, Eva poignarde froidement son amant épuisé et endormi d'un coup de poignard adroitement ajusté. Il lui reste approximativement une heure et demie pour remplir sa mission. Elle examine le torse et le dos lacérés du paladin, et sourit. Comme elle le prévoyait, elle a pu apporter sa touche personnelle.
Elle se dirige vers la salle de bain, pour y faire sa toilette, ne supportant pas de garder en elle des relents visqueux de ses conquêtes, écoeurante substance qui lui colle à la peau, froide et coulant entre ses cuisses, répandant une odeur désagréable sur sa poitrine. Elle se lave à fond, et ressort, nue dans les pièces, pour se sécher lentement. Elle est encore rigoureusement à l'heure, et ainsi, sans se presser, parcourt du regard les livres épais ornant la bibliothèque. Elle en retire le plus volumineux, sans même l'ouvrir, et retourne s'habiller.
L'incendie s'étend à présent à tout le quartier populaire de la ville, et les flammes s'élèvent bien trop haut, et sont bien trop chaudes pour que les services de la cité puissent et veulent faire quoique cela soit contre. Dans le jour plus vraiment naissant, mais pas encore tout à fait homme, elles dévorent impassiblement vie, bâtiments, moyens de locomotion, livres, preuves...
Dans le quartier noble, séparé de la glébeuse populace par une épaisse muraille, doublée, à ce moment là, d'un fossé profond et d'une ceinture de gardes pour éviter que les gueux, effrayés par l'incendie, n'essaient de s'y infiltrer pour y trouver un refuge bien illusoire, l'existence suit son court tranquille. En premières loges, les mains posées aux deux extrémités d'un créneau, Carlyle observe le spectacle en connaisseur.
- Lamentable. Ils ne savent pas s'organiser. C'est pathétique. Enonce-t-il platement. Et je ne te félicite pas non plus, ma chère Eva.
- Je suis à l'heure, Carlyle. A l'heure, et avec ce que tu avais demandé. Répond-elle.
- Oh, mais cela, je n'en doutais pas. Tu es mortellement efficace, ma douce amie. Le problème, vois-tu, c'est que... Un incendie... En plein jour... Cela... Il cherche ses mots un instants. Cela témoigne d'un cruel et flagrant manque d'esthétisme... Est-ce un hasard si je m'arrange toujours pour les faire arriver de nuit. Au crépuscule ou à l'aube, de préférence, où chef-d'oeuvres sans pareils, ils s'élèvent dans le ciel et se confondent avec les flammes du jour naissant ou mourant ? Mais... Il secoue la tête, visiblement défait. En plein jour... C'est affreux...
- Je n'ai pas ton talent pour avancer mes pions aux moments adéquats, sans doute.
- Qu'importe, tu en as tant d'autre que celui-la ne t'es pas nécessaire. Et puis, après tout... Il tapote doucement sur le grimoire épais ouvert sur le créneau, entre ses mains. Je ne puis rien te reprocher. Si tu n'avais pas musé un peu partout, et par hasard découvert cette copie en court des minutes de la confrérie, nous n'aurions pas gagné de précieuses informations. Surtout qu'elles concernent la période actuelle. Songeur, il les regarde un instant. Oui, grâce à cela, je vais être en mesure de prévoir leurs prochains mouvements. C'est une chance, Eva, qui tu sois si belle.
- Une chance ? Vraiment ?
- Pour toi, oui. Sourit-il en l'embrassant doucement. Mais pour moi, il n'aurait pu en être autrement.
- Manipulateur. Elle le pousse violemment contre le créneau, et s'attache autour de lui.
- Je le revendique clairement, charmante jeune fille. D'une main preste, il écarte le grimoire, et plonge ses yeux dans ceux d'Eva, tandis que leurs mains s'envolent en un rituel réprouvé en public par la morale, mais, que foutre ? La ville est à eux.
Carlyle | 11/04/07 12:49
Suite de :
Monologue oublié : [Lien HTTP]
Fragments épars : [Lien HTTP]
Séance inamicale : [Lien HTTP]
Eva : [Lien HTTP]
Il reste sans doute pas mal de fautes un peu partout, mais j'ai peu relu.
Mamba La Vengeresse | 11/04/07 13:39
Excellent !! Toujours aussi prenant et intriguant !
Vivement la suite.
Cerbère | 27/05/07 15:03
j'ai, avec le retard, décidé de lire la suite de texte. Après des premiers textes vraiment bon, prenant et laissant sur la fin, en voilà un décevant. On a du mal à se mettre dedans, par la compliquation des phrases qui rend le texte trop lourd, vite lassant et puis quand on arrive à plonger dedans voilà qu'il devient trop simple, limite baclé.
Enfin, il faut toujours une erreur parmi la perfection.
