Forum - ~ Echanges épistolaires ~ Prologue
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Tala | 22/04/15 09:16
Alors que la Lune est à l'apogée de sa course nocturne, une missive parvient au Seigneur Barnefine, par l'intermédiaire d'un loup gris au regard sombre.
Seigneur Barnefine,
...Je ne sais comment débuter cette missive, ni si vraiment, elle aura d'autre utilité que celle purement égoîste de vous faire partager les trames sinueuses de mes pensées.
Quand j'ai vu vos troupes, cette fatale et ensanglantée lune, sur les terres de mon cher ami nain, la Rage seule a pris possession de moi. Encore aujourd'hui, une part d'elle demeure, mais elle ne jette plus son courroux que sur ma honteuse personne. Vous avez pu voir de vos yeux propres alors, la malédiction qui me touche, agir envers et contre moi, pour l'une des rares fois de ma vie maudite. Vous avez vu Loup, qui m'a de moi même sauvée alors. Cette existence éternelle aurait dû prendre fin cette nuit là. Une trahison, encore. Mon coeur a été meurtri au plus profond de mon être, que vous, vous en qui j'avais placé foi et confiance, vous ayez pu ainsi agir. Vous n'étiez pas le premier, a ainsi transpercer les abysses de mon coeur, et je pensais en revenant sur cette terre de Daifen qu'il ne serait plus possible pour personne d'ainsi l'atteindre. Je m'étais trompée. sans Loup, la fuite que j'aurai prise ne m'aurai pas permis d'aujourd'hui vous écrire
De quel droit vient-elle se lamenter à moi, devez-vous vous dire ? Aucun. Pourtant, j'ai retrouvé enfin ma liberté, et si je peux tenir cette plume, c'est que votre ami m'a ouvert à des choses dont j'ignorais l'existence. Ou dont je ne voulais pas voir l'existence... Ne lui en voulez pas. Le Seigneur Yatarshi m'a ouverte à vos tourments, aux meurtrissures de votre propre coeur. Bien que je ne comprenne toujours pas les raisons qui vous ont poussé à vous en prendre réellement à notre allié Zeddicus, je comprend et compatis aux heures de souffrances que je vous ai involontairement infligé, et qui vous ont également poussé à la Rage la plus folle. Je ne suis mère que de tristesse, peine, et n'ai pu engendrer que le vent formateur du terrible Ouragan qui fît de vous son bras armé.
Seigneur Barnefine, je ne sais si j'en ai trop ou pas assez dit. Je ne m'excuserai pas du temps passé auprès du Dragon ce déchirant soir. Autrefois, il fût mon époux. Il ... Notre passé fût heureux, avant de sombrer avec brusquerie, et ce soir là ... cela faisait bien longtemps. Quelque chose en Lui... Peut être son animalité.... Peut être car nos pensées nous pouvons partager... Enfin... Que vous importe après tout. Je vous fais mes excuses pour le Mal que je vous ai fait. Pour ne pas avoir su interprêter vos lignes.
Je ne sais comment poursuivre, ni le but qui m'anime vraiment. Peut être juste ai-je dû mal à croire toujours ce qui s'est passé, peut être juste voudrais-je avoir de vous votre explication. Peut être juste, je souhaite apaiser ce qui me ronge.
Peut être peut-elle encore l'être... que la Lune soit votre lumière, comme elle est ma guide,
Tãla la louve,
Fille de Lune
L'intelligent animal patiente tandis que l'homme lit ses quelques lignes, attendant visiblement un signe, un ordre, ou autre chose...
Tãla la louve,
Fille de Lune
Barnefine | 22/04/15 20:25
Lune mille quatre cents quarante-troisième - Ruines fumantes d'Ouragandhil
Réfugié dans une sylve profonde, épargnée et des orques barbaries et des déchaînements climatiques, sire Barnefine reçut, ainsi qu'il l'avait appris auprès de ses Primotaures, le noble animal avec révérence, puis détacha en un geste délicat le parchemin de la gorge du loup, et s'y plongea longuement, éclairé par la providentielle lueur giganto-lunaire.
Le loup en un silence patient regarda l'homme s'en retourner vers son koala endormi auprès de la besace, et s'en revenir, plume, encrier et papier en main.
Le loup regarda l'homme, ses yeux très-présents scrutèrent respectueusement les doigts de l'homme graver en le blanc végétal une rivière de ce dont dépourvu il demeure : la Parole.
*
Dame Tãla,
Je ne sais comment répondre à votre missive, sinon en vous dûment narrant tout ce dont j'aurais tant voulu vous parler, mais le temps n'avait pour cela assez coulé, au contraire du sang avec lequel il me semble que ces mots je sculpte.
Fille de la Lune, vous êtes-vous déjà demandé comment un homme pouvait de Primotaures être seigneur ? Ces créatures ancestrales ont vu hommes et femmes chuter d'âge en âge et de cycles en cycles, les dédaignant chaque ère toujours plus - sans pour autant être eux-mêmes exempts de toute faute. Je vais vous dire en substance pourquoi je parvins à la tête de ces vieux errants.
Je viens de la funeste contrée d'Occidhil, à l'Extrême-Ouest du monde, le Pays du Néant. Il y a quelques mois, je venais d'accomplir ma vingtième année et, ainsi que l'imposait la Loi des Tas - ces souvenirs si douloureux ne s'épancheront guère ici -, ma jeune barbe devait être rasée et stérilisée, afin que je sois conforme au Grand Lissage. Je refusai et fus contraint à l'exil.
Mon père réunit le maximum et, après de courts adieux sous les tirs d'arbalètes plasticantes, je pris la barque qui me mena en Ouragandhil, c'était il y a deux mois. Je ne vous dis point, Dame Tãla, tout cela pour vous apitoyer et me faire excuser les crimes dont mes mains ne sont même pas encore sèches, car comme tout un chacun je suis un être imparfait et fauteur de maux.
J'arrivai donc sur la plage occidental d'Ouragandhil. C'était il y a une quarantaine de nuits. Un koala agonisait sur la grève, sous la demie-lune. Pris d'une fougue aimante pulsionnelle incontrôlée, je me jetai à l'eau, le ramenai en ma barge, et le soignai, pansai ses blessures et le nourris. Je ne savais pas encore que c'était le début d'une incroyable amitié avec la tribu de Barbemmousse. Le petit animal, une fois sur pattes, me mena en sa forêt, je pris le plus de richesses et nourriture possible avec moi et tandis que leur chaman narrait à ses frères ce qu'il faut bien appeler l'Amour qui sauva ce koala en péril, je distribuai avec moult génuflexions saluts et présents aux habitants de ce moussu bois qui n'est plus.
Je n'ai jamais raconté mon histoire à personne, Madame, car l'Amour se cache et ne se vante pas ; ainsi que me le dirent une nuit les Vieux Sages de cette forêt, qui se glorifie pour 'ses' oeuvres d'Amour est de la race maudite de qui viole les vierges consacrées.
Ces mêmes Vieux Sages se concertèrent en un cercle de pierres dressées dont je fus désigné comme centre. Je ne me souviens, en vérité, plus guère de ce soir-là. On me dit plus tard que j'étais en état permanent de transe, et que mes yeux ne pouvaient se détacher de la demie-lune sauf lorsque, par de brusques à-coups je m'élançai vers l'un ou plusieurs d'entre eux pour leur parler, les questionner fiévreusement, les rassurer, les caresser, les embrasser, les consoler de leurs peines et déchirements, les aimer. J'étais si vif, me dit-on, qu'il fallut m'attacher à un chêne contre lequel je finis par m'endormir amoureusement.
Les Sages conclurent, bien que même ces vieilles branches n'en revenaient pas de leurs cornes, que l'Ineffable Puissance avait en mon être soufflé l'Amour, et unanimes me rendirent chef de leur primotaure tribu. L'on comprit plus tard que c'est lors de la phase croissante de la lune, et en un flot exponentiel jusque dans les trois jours qui suivent la plénitude, que je deviens l'esclave heureux de l'amoureuse démesure.
Ces barbes interminables eurent beau enseigner mes oreilles grand ouvertes à leur ancestrale sagacité, je restai le bien maladroit bipède argileux que je suis, et au moment crucial de l'astre ne sus canaliser le torrentiel ouragan d'Amour qui me sauvagement labourait le coeur, et la récolte fut terrible... Le Dragon brûla les semences, et vous ayant vu sur son dos écaillé, je choisis de commettre la pire horreur à la disposition de mes mains de chair : me venger sur le juste et innocent khan Zeddicus, dans le seul et unique but que la fureur qui m'emplit vous fisse à puissants coups de hallebarde le plus atrocement souffrir à la vue de son royaume par les miens dévasté.
Le temps du pardon n'est pas encore venu, Madame. Je puis vous écrire là que je regrette amèrement l'injustifiable ignominie que j'infligeai à vous, à khan Zeddicus et à son ami sire Yartashi, mais mon âme est divisée, et c'est lorsque je serai à nouveau un, Madame, que je reviendrai à vous, et à terre, vous demanderai votre pardon. Pour l'heure, il est trop tôt.
C'est à votre si belle Rage, Madame, que je dois mon salut, en vérité ; car, si vos mots ne m'avaient pas durant la bataille transpercé de part en part corps, âme et esprit, j'ignore si je serais maintenant sur l'aigre mais déjà joyeuse voie de la pénitence. Je vous aime, Madame, et n'ai pour vous d'autre désir que de vous libérer de la dualité qui après vos dires se montra à la stupeur de mes yeux cette tragique nuit. Omnia vincit Amor Madame, et je veux croire que par l'Aimant Feu je vous libèrerai de ce Loup qui vous aime, mais qui vous garde prisonnière. Je connais votre légende, et je l'accomplirai, dussé-je dompter la Bête, et parfaire votre déchirante Dualité en une Trinité une, libre et nôtre.
Croyez, Madame, en l'Amour qui ignore l'impossible et marche vers la victoire absolue.
Barnefine, vôtre
*
Les humaines lèvres déposèrent un viril éclat de lune sur le museau et le loup s'envola vers sa Dame.
Tala | 22/04/15 20:52
Le loup gris retrouva la Fille de Lune au sein du temple lunaire sur l'île d'Aerendir. Un instant, il observa sa frêle silhouette alors qu'elle observait les majestueuses chutes d'eau de l'île deverser leur torrent en contrebas des abruptes falaises. Un sentiment étrange, entre paix et tristesse, semblait l'habiter, il pouvait le sentir, relié à elle comme il l'était. Le temps serait bientôt venu de partir de cet hâvre, il le sût alors.
Il vînt frotter sa tête à ses jambes, et elle caressa en retour de sa main d'albâtre, son crâne au pelage un peu rêche. Silencieux, ils communièrent ainsi quelques minutes sous la clarté lunaire, avant qu'elle ne se penche pour détacher le parchemin du cou de son fidèle compagnon. Sa tâche achevé, celui-ci s'allongea au sol à ses pieds, posant sa vieille tête sur ses pattes fatiguées, et ferma à demi ses yeux, dans un repos alerte.
Détachée de ses précédentes pensées, son attention se tourna vers la missive en sa main détenue. Sans attendre, elle parcourut de ses éteintes prunelles améthyste les mots tracés par une main dont elle reconnaissait les contours.
Elle fût touchée au plus profond de son être, en apprenant l'histoire du Seigneur Barnefine. Elle frissonna, en comprenant pourquoi la Folie avait rasé les terres du Seigneur Zeddicus... Elle fût glacée d'espoir, de peur, et d'incompréhension en apprenant de lui même ses sentiments, ses intentions et sa détermination. Elle alla dans un état second prendre place à son bureau, et resta interdite un instant qui s'étira en un temps, qui se transforma en une lune. Quand elle sembla revenir à elle même, la lune terminait sa course nocturne, et déjà, les premiers rayons de l'Eternel commençaient à balayer de ses doux rayons les premières lueurs de l'aube sur l'île de saphir. Alors seulement elle sortit de sa torpeur, pour saisir plume, encre et parchemin, et répondre.
Seigneur Barnefine,
Je suis profondemment touchée de l'honneur que vous me faîtes de partager avec moi votre histoire. Peut-être un jour trouverons-nous un temps où j'en saurais plus sur ceux qui vous ont banni pour votre courage d'avoir voulu rester vous même... Hommes aux coeurs de pierres et à la volonté de fer, qui ne plient pas même devant le lien éternel qui devrait unir un fils à son père ! Votre coeur a dû saigner terriblement par ce châtiment immérité de la main de ceux qui vous ont élevé... Je ne peux qu'imaginer la poignante désillusion qui devait vous habiter quand vous fûtes parvenu aux houleuses terres d'Ourangandhil. Pourtant, même alors, vous n'avez pas hésité à sauver ce Koala. Alors que tous vous avaient abandonné, que vous avez été trahi par les vôtres, alors encore, votre être était encore habité par un soupçon, ou une infinité, d'Amour, que vous avez mis au service de ce pauvre petit être, jusqu'à le sauver d'une mort certaine. Seigneur Barnefine, ce geste, ce récit, me persuade que je ne m'étais pas fourvoyée sur votre compte. Votre âme est grande, votre coeur est profondemment bon. Ne vous rabaissez pas en vous jugeant sur votre bassesse humaine. Ces êtres immémoriaux que sont les Primotaures ne se seraient jamais attachés à vous si vous n'étiez pas un homme intensémment différent du commun ! Si votre nature n'était pas plus sage que celle des autres. Je vois là le récit d'un homme humble et dévoué. D'un être doué de compassion, et d'un incommensurable amour pour la vie qui l'entoure.
Ma peine est grande, à lire ses lignes, car je prends d'autant plus conscience de la Noirceur dans laquelle je vous ai plongé moi -même .... Vous avez réussi à me transpercer violemment en vous acharnant sur les terres du bon Zeddicus. J'ai pour ma part transpercé plus encore votre être si Bon par mon aveuglement et ma stupide mais incontrôlée inclination envers le Noir Dragon. Et pourtant, pourtant, aujourd'hui encore vous me parlez d'accomplir ma destinée ! Oh, seigneur Barnefine, pourquoi ne pas vous être ouvert à moi avant de vos tourments ? Bien des choses m'échappent, je ne sais ce qui en ma personne vous pousse à chérir un sentiment d'Amour. Si puissant, que malgré tout ce que nous savons, brûle encore d'un ardent désir qui pourrait de nouveau vous retrancher dans des sentiers tortueux et contraire à vous-même.
Seigneur, vos mots ont ouvert mes yeux à une chose que je suis aujourd'hui encore encline à refuser de croire. Vous voyez Loup comme un géôlier, je le vois comme un Sauveur. Loup m'a donné sa vie de chair, s'est donné à moi entièrement, complètement, sans hésitation, en ce jour fiévreux ou je n'appelais que la mort pour me libérer de mes souffrances. Loup m'a sauvé, m'a octroyé un regain de vie, une flamme éternelle qui brûle en moi. Pourtant, vos lignes me poussent à un doute nouveau... un doute auquel mon être entier frissonne et que je voudrais de mes mains propres rejetter loin de moi. Il n'a fait ça que pour me permettre de vivre. Bien que ma vie soit bien sombre et que ma route soit sinueuse, grâce à lui mon coeur a pu battre comme celui de l'humaine entière que j'aurai dû être quand l'Amour m'a prise dans ses bras , il a souffert également comme celui d'une humaine. Il a vécu, comme celui d'une humaine. N'est-il pas juste qu'en retour, mon cher Loup partage cette existence ? Que je reprenne parfois son apparence , mes pattes alertes parcourant terres fertiles en des chasses en compagnie de sa meute, qui est mienne à présent ? ... Suis-je vraiment prisonnière ? ... Seigneur Barnefine, votre plume, messagère de vos pensées , me fait peur .. Elle me glace d'effroi à l'idée que votre volonté vous fasse parvenir à vos fins. A l'idée de perdre Loup. Que serais-je sans lui ? .. Je ne suis pas faîte pour l'Amour. Ma vie est sienne et sienne est mienne. C'est là sans doute le prix à payer pour mon existence prolongée. Je l'accepte, j'ai vu de mes yeux, et souffert de mon être, d'avoir un jour cru possible une existence ou mon humanité serait au devant. Ou je pourrais vivre simplement avec un être aimé. D'avoir cru cela possible fût un doux rêve, mais l'onirique fût brutalement ramené à la réalité, et j'ai compris alors, que Loup toujours me protègerait de la fragilité des sentiments si puissants et si éphémères de l'humaine que je reste.
Une tâche d'encre se forme, alors qu'elle lève ses yeux vers un point indéterminé au fond de la salle, en proie à ses pensées tumultueuses. Sans y prendre garde, elle poursuit :
Paradoxalement, vos propos me laisse interdite d'un espoir contenu, alors que mes yeux ont gravé ces mots : "Trinité une, libre et nôtre". Jamais encore personne ne m'avait ouverte un tel possible... Seigneur Barnefine, vous devez être bien fou de déverser sur moi l'Amour si entier et puissant que vous avez. Une telle folie, d'envisager de le lier à une existence maudite. Seigneur Barnefine, pourtant, je suis en mon coeur vivement chavirée, qu'une telle idée ai pu vous venir, et de lire avec quelle force vous la croyez réalisable. Mon être la caresse, elle lui paraît si douce...
Oh Seigneur Barnefine, je ne peux terminer sans vous en prier. Il est encore temps. Reprenez vos esprits, et chérissez l'Amour qui vous habite. Offrez le à Une qui, sans risque de vous détruire par lui, saura en garder la Flamme intacte
Que la Lune vous éclaire, vous protège et vous garde,
Tãla la louve,
Fille de Lune
D'un regard échangé, le loup gris se relève et vient auprès d'elle. Il connaît sa tâche, et s'en retourne d'un pas rapide dès que le parchemin lui est remis...
Barnefine | 22/04/15 21:27
Lune mille quatre cents quarante-cinquième - Sereines miettes de Barbemmousse
Le printanier après-midi croulait sous la légèreté de l'air et la clémence d'un soleil puissant. La forêt et ses derniers habitants s'entêtaient à vivre sur un continent en déréliction. Les rivières coulaient.
Barnefine et les ultimes Barbemoussus qui n'avaient ni péri ni abandonné leur seigneur s'adonnaient, ils ne devaient pas être plus d'une quinzaine, à la Sieste Sacrée du Milieu d'Après-Midi. En cercle autour d'une Stèle du Repos encore debout, ils communiaient ainsi dans le sommeil, à l'ombre des chênes et des noisetiers, paisibles.
Le gris loup, dont l'inconsciente mémoire remontait jusqu'à l'origine des temps, n'osa perturber telle ancestrale pratique rituelle de la Vraie Vie, et s'assit placidement sous un cerisier en fleurs, tranquille à côté du koala qui avait été désigné de garde pour ce jour.
Lorsque l'Heure fut venue, les amis se réveillèrent un à un, pas plus que d'habitude ne souriant. Alors le loup s'approcha et tous le saluèrent. Barnefine, assis en tailleur, le serra dans ses bras, et l'ayant d'une main un peu fébrile délivré de son fardeau, déroula le tant attendu parchemin.
En tous les yeux se ralluma la flamme de la joie perdue quand tressaillit d'une calme allégresse le seigneur en ruines, qui lisait et relisait la tendresse, la compassion et l'admiration que l'aimée avait lui offrir daigné en un long et salvateur premier paragraphe. La poignée de Primotaures autour de l'homme rassemblés grouillait déjà de murmures d'espérance, et quelques-uns s'en partirent chercher le maximum de survivants pour une aventure qui ne faisait que débuter.
Les usés doigts caressèrent la tache d'encre, et prompt et vif sous l'arrogant crépuscule, Barnefine se leva vers un dolmen verdoyant, et à la lueurs des lucioles, fées puis rayons de lune, écrivit.
*
* *
* * *
Dame Tãla,
Vos si douces paroles m'ont enflammé l'âme, et telles un feu de forge réunifient mon être déjà sur la bienheureuse sente de la guérison. Je vous remercie pour le baume et le miel que vous insufflâtes en mon coeur, qui plus que jamais vôtre vous répond présent, bien vivant.
S'il y a bien une personne que je souhaite absolument certaine de l'Amour qui m'enivre lorsque votre nom et votre visage en mon esprit reviennent, c'est assurément vous, Dame Tãla. Souffrez, je vous prie, de croire en ce mystère. Chacune de vos lettres, chacun de vos gestes, chacune de nos rencontres triplaient chaque lune le Brasier d'Amour qui m'habite, Madame ; oui précisément, sans que vous en manifestement fussiez consciente, vous agissiez passivement mais sûrement sur mon être amoureusement plus ardent de lune en lune, de somme en somme et de jour en jour.
Non Madame, je n'ai su vous le dire à temps, et comme écrasé sous un torrent de lave trop tumultueux pour mes mains bien maladroites, je ne pus l'exprimer par mes lettres autrement qu'en termes bien souvent, je l'avoue, trop prononcés jusqu'au ridicule, et vous crûtes et je ne saurais vous en vouloir, que ce n'étaient que vides flatteries. Pourtant la Passion qui me brûle à la moindre pensée vous concernant est bien réelle et bien vraie, et je vous demande un premier pardon, Madame, de n'avoir su vous la révéler avant ce qui nous sépare aujourd'hui.
Je vous demande un deuxième pardon - qui n'est pas le dernier qu'il me reste à mendier -, Madame, pour avoir, pendant que la fureur meurtrière guidait mes actes, déformé mon Amour pour vous en vulgaire et laid désir égoïste et possessif ; en effet, vous l'apprîtes peut-être, j'avais osé déguiser un de mes plus fidèles koalas en guerrier nain du khan dans le vil but de vous capturer et de vous en une tour magique enfermer. Je connus auprès du chaman qui était responsable de l'animal que ce dernier avait fort heureusement échoué en sa perfide mission, car ayant trouvé bambous en marais alentours il s'empiffra vigoureusement tandis que vous vous envoliez avec celui-dont-je-ne-graverai-pas-le-nom. Je vous présente mes excuses les plus criantes pour cette basse entreprise fruit de ma colère d'alors.
L'Amour, en effet, Madame, est profané si l'on porte atteinte à la liberté de l'aimé. L'Amour est au contraire le don total et sans limite de soi, l'Amour est la seule démesure permise des Dieux, et unique du salut le chemin, auquel on pardonne volontiers les égarements passionnels et fougueux emportements du moment qu'ils n'altèrent ce Souffle Brûlant qui n'est pas un simple sentiment, mais le principe même de la Vie, par lequel toutes choses sont nées puis toutes choses dans leur plus grande essence originelle seront rétablies quand le monde sera un jour par l'Ineffable lavé de toutes ses blessures et souillures qui ne sont, au final, que le résultat de tous les manquements d'Amour qui se fatalement enchaînèrent depuis les Temps de la Nuit.
Vraiment, Madame, l'Amour vainc tout, et il n'est pas question que je vous fasse du tort. Puissé-je dorénavant, toujours respecter votre volonté ainsi que l'exige ce Brasier qui me dépasse ! Si j'erre encore, Madame, c'est très-certainement d'abord dû au fait de mon âge bien jeune, pas plus avancé que le vôtre, par ailleurs, lorsque vous fûtes à jamais liée à votre cher Loup, auquel je viens, maintenant.
Mes très-chers Primotaures connaissent votre légende, Fille de la Lune, et m'ont édifié à son sujet. D'après leur antique sagacité, qui prend sa source dans la fort révolue ère du Règne Doré de la Merveille, la Dualité n'est que déséquilibre, et il faut la dépasser 'en Trois qui est Un', d'après leurs propres chuchotés mots. Pour vous, Dame Tãla, ils m'ont assuré que seule une réunion - et sacramentellement placée sous la bénédiction de ce qu'ils murmurent timidement ''l'Ineffable Puissance'', à l'origine de l'Amour - des principes masculin et féminin, de l'homme et de la femme, saura dompter la noble et bestiale âme qui vous garde.
L'ancien pacte qui vous lie au Loup ne peut être aboli, mais bel et bien accompli. En l'Amour, par l'Amour, pour l'Amour. Loup restera, son âme demeurera en vous, Madame, bien présente, néanmoins, par le Lien qui nous unira, il ne pourra plus prendre le dessus sur vous, grâce à la force amoureuse qui m'anime, qui irriguera nos âmes et qui vient, comme je viens de vous le dire, de très loin et de très haut. Car il n'est pas, en vérité, du ressort de l'animal de dominer sur l'homme, mais c'est l'essence - depuis longtemps perdue - de l'homme que de ne faire qu'un avec le monde, et parce que doué à la différence de l'animal de la puissance de la Parole, d'être son très-aimant seigneur et maître. Mes vieux feuillus amis ont vu l'homme mépriser l'Amour, et en retour se faire mépriser par le monde devenu hostile et lui cachant ses merveilles.
Si ces mêmes vieilles branches croient en moi, Madame, c'est bien uniquement parce qu'ils croient en l'Amour en moi - ils ont cessé de croire en l'homme depuis bien des lunes... Cependant ces sagaces cornes m'ont averti : parce que l'union qui vous, vous libérera du Deux et moi, me donnera de me donner, sera irréversible et sacrée, justement demandera un sacrifice. Rien de grand ne se fait sans la souffrance, m'asséna le plus ancien d'entre eux en plantant en mon âme un vieux de plusieurs millénaires regard - c'est dire combien Amour et souffrance sont inséparables !
Lorsque j'osai leur demander, à ces Vieux Sages, quelle donc sera la nature du sacrifice, ils n'ont su me répondre avec exactitude, mais furent tous d'accord sur ce point que ce sera mon être qui en sera le seul et unique objet, puisque l'amant je suis. Quant aux conditions de ce que je ne puis autrement vous nommer un mariage
La plume trébucha. L'homme se reprit. La lune priait.
... enfin je vous l'encore écris, Madame. Je vous aime, vous, Fille de la Lune. Je n'ai plus profond désir d'à jamais me donner à vous, et en toutes choses vous être, du mieux que me le permettront mes argileux gestes et sous la douce clémence de vos cils, agréable et ensoleillant. Je vous le redis enfin, et espère ne pas vous brusquer, troubler ou effrayer, puisque c'est votre bonheur que je désire. Que ne perdrais-je pas, si c'est pour vous voir et ressentir accepter d'être ma reine et mon épouse avec la bénédiction des Dieux ? Pour cela, Madame, je conjurerai le Dragon qui vous oppresse et conquerrai terre et mer au prix de mille efforts, et c'est d'ailleurs ce que réclame le sacré de notre libératrice union : nous unir au point le plus élevé d'un dhil pacifié, au plus proche des Dieux, telle est la condition nécessaire à tel mariage.
Pas plus que mes vieux amis, je ne sais guère tout ce qui se passera alors, quand Homme, Femme et Animal seront tous trois Un, mais pour que règne l'Amour entre et autour de nous, Madame, je suis prêt au sacrifice.
Amoureusement, Dame Tãla, vôtre,
Seigneur Barnefine
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L'homme d'un léger baiser imprégna le front du brave animal d'une flambée de tendresse, et l'ayant chargé de l'entrelacé manuscrit, l'entendit s'en aller vers Aerendir.
Tala | 22/04/15 21:49
Avant même de le voir surgir à ses côtés en haut de l'immobile falaise taquinée par des vents d'une doucereuse chaleur, les ondes les reliant l'un l'autre l'informe que le vieux loup revient porteur d'un nouveau message. Leurs regards se croisent, et elle lit dans ses yeux d'ébène de l'animal une dévotion infaillible. Elle « sent » les impressions ressenties par le loup au sein du sanctuaire de fortune des Barbemmousse. Leur Force, leur Quiétude, la profonde conviction de ces Sages Etres d'un accomplissement à venir. Ces sensations, elle les a partagé elle-même jadis avec Loup. Avant qu'elle ne s'égare de la Voie. Quand était-ce ? ... Un épais brouillard l'habite maintenant, opaque grisaille qui l'égare et l'éloigne depuis des lunes de son destin.
S'agenouillant à hauteur du fidèle animal, elle l'enlace d'une douceur infinie, le remerciant silencieusement, d'accomplir au crépuscule de son existence, toujours aussi promptement tout cela pour elle. Ensuite seulement, ses doigts fins et avides saisissent la blanche feuille qu'elle libère prestement de son lien. Elle s'assied à terre, tout contre le loup gris. Infiniment lentement, elle prend connaissance de chaque mot, chaque phrase, s'en imprègne, les évaluent, acceptant sans délai des excuses qu'elle juge inutiles.
Sans réfléchir à ses mots, elle répond de sa plume emportée, sur un étrange, solide et fin parchemin teint d'une légère couleur verte, élaboré à partir d'un arbre indentifiable comme étant une espèce proliférant uniquement sous le soleil d'Aerendir, grâce à la magie protectrice de l'île.
Cher Seigneur Barnefine,
Ne vous excusez pas, il n'en ai besoin. Pardonnez plutôt mes erreurs, de n'avoir pas su interpréter vos mots, de n'avoir pas même définitivement compris ce noir soir alors que vous étiez si proche, votre coeur si terriblement déchiré.
Votre écriture grave en votre missive comme en mon âme l'Amour profond que vous me portez. Imprègne en mon être un désir véritable de vous suivre dans cette éperdue quête. Eveille en moi un espoir. Combien sont précieuses les paroles de vos vénérés primotaures, qui de part leur âge d'à travers les temps, sont détenteurs de secrets que nous avons oublié ou volontairement détruits par notre inconsciente inconstance !
Seigneur, vous êtes certes jeune, autant que moi-même oui par le nombre des années humaines d'alors, mais celles-ci peuvent revêtir différentes séquences de temps et d'expériences, qui prêtent à mûrir l'âme bien plus vite parfois que l'enveloppe charnelle. Vous devez être bien plus qu'un simple humain parmi les autres, et ces nobles créatures des temps anciens que sont les fidèles de Barbemmousse ne croient sans doute pas seulement en l'Amour qui est en vous. Sinon, pourquoi seriez-vous celui qui réussirait là où celui qui a éveillé votre destructrice jalousie a échoué ? Lui qui pourtant vient du fond des âges et est détenteur de la mémoire des Dragons. Mon souhait le plus sincère serait d'immédiatement croire en vos propos si doux, et me laisser porter par eux, m'engager à vos côtés par l'Amour, pour l'Amour. Pourtant .... En moi reste un souvenir, celui d'une union, il y a quelques centaines de lunes célébrée, au point le plus haut des joyeuses et pacifiées terres de Riredhil. Rien ne se passa d'autre alors, qu'un bonheur éphémèrement humain et volatile. Cher Seigneur, si un tel passé ne restait ancré en mes persistants souvenirs, je serais encline à vous rejoindre dès à présent pour l'accomplissement de cette prophétie qui murmure si agréablement à mes oreilles, et à ma main vous tendre, à votre compagne devant l'Ineffable Puissance devenir, à tout ce qui est Moi vous offrir sans retenue.
Comme j'aimerais rassurer votre coeur enflammé en déposant en son sein d'aimantes paroles ! L'apaiser un instant par mes lignes, le temps de venir vous rejoindre, et alors de mes yeux seuls vous dire ce qui ne peut être écrit. Mais, saurais-je à nouveau me précipiter dans le Torrent de l'Amour après tout cela, et croire encore à ce possible ? Alors même que d'après les Vénérables, les Dieux savent seuls ce qui adviendra ? Comprenez que je ne crains rien pour mon insignifiante personne : la Mort ne m'effraie pas, sans doute bien moins en réalité que la Vie. Elle aurait dû m'accueillir auprès d'elle il y a tant d'années que la rejoindre ne serait que reprendre le cours normal de ce qui aurait dû être. Quand à Loup...Si je disparaissais, il ne souffrirai de vivre. Il a déjà fait le Sacrifice, et il le referai s'il était persuadé que par là, le Destin enfin serait accompli. Mais.. Qu'en est-il de vous, cher Barnefine ? Qui suis-je pour me mettre ainsi en travers de votre existence et prendre l'inconsidéré risque que malheur arrive à votre personne, au nom de l'Amour que vous me portez et que je ne suis pas en mesure de vous rendre, tant mon coeur s'interdit à sa douceur salvatrice par peur d'engendrer à nouveau le Chaos. Il m'est impossible pour l'heure de me confier à lui, tant je redoute les possibles qu'il peut engendrer... Incontestablement, je tiens bien trop à vous pour courir ce risque, et de vos malheurs encore une fois être la source.
Il n'est pas question non plus que je vous fasse du tort. L'Amour vraiment l'emporte toujours ? La souffrance qui va de pair avec son Précieux Don.. me serait insurmontable si sur vous elle s'abattait comme vous l'ont révélé vos Très Grands.
Vous m'effrayez tant votre Amour est immense, entier. Vous me troublez tant votre désir est convaincu... Vous me faîtes pourtant aussi rêver, espérer, un Songe d'Aimer et d'être aimée, de l'Amour Véritable et Eternel. Mon coeur s'emballe à la simple vue de vos lettres, mon esprit s'échauffe, prie, mon être entier se tend vers Vous, et désire que par Vous s'accomplisse ce qui doit. Mais votre Sauvegarde aura toujours primauté, mon cher Barnefine, et jamais je ne permettrais ni n'accèderai à ce Paradis sans la certitude absolue de celle-ci.
Pour que règne l'Amour, entre et autour de nous, je ne suis pas prête à ce sacrifice
Que la Lune m'aide à ne pas vous rejoindre, et à vous protéger de mes sentiments les plus profonds à votre égard
Tãla la louve,
Fille de Lune
Sa main cueille un baiser doux et brûlant sur ses fiévreuses lèvres pour sceller la missive qu'elle serre un moment dans sa main, le temps pour son coeur de recommencer à battre à l'unisson de son calme compagnon tout contre elle. Une caresse, un serein regard, et il se relève et s'éloigne, emportant avec lui la lettre.
Barnefine | 22/04/15 22:56
Lune mille quatre cents quarante-septième - Veillée de Feux
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Les amis contemplaient les étoiles. Rassemblés autour d'un humble feu, ils étaient, non agglomérés, mais distincts les uns les autres, y compris celles et ceux qui reposaient leurs cornes sur épaules ou poitrines aimées. La tendresse ainsi régnait sous la maternelle Voie Lactée.
Dans ce silence conquis d'Amour entra le loup, porteur des nouvelles vertes. Sur son passage des mains s'étendaient, afin qu'aimées pattes foulent aimantes. Barnefine détacha les yeux de l'astre décroissant et le gris animal accueillit, pour les poser sur le message.
La lune vit alors exténuer de l'homme le soupir et s'étendre dans le ciel en un inarrêtable voile de mélancolie, qui est soeur de patience, et fille de la joie et du monde.
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* *
Dame Tãla,
Voilà que s'en va la lune, et je la vois à nos yeux dissimuler l'à la fois solaire et nuptial trésor de lumière, et ma brûlante ivresse d'Amour se transmue en aimante et patiente méditation pour les nuits et jours à venir, jusqu'à la prochaine demie-lune.
Ainsi n'est plus l'heure pour moi de par les mots flamber. Lancinante tendresse j'éprouve pour vous maintenant.
Dame Tãla, je vous ai offert mon Amour, et si vous le refusez j'en certes souffrirais, tout en acceptant votre choix. Mais diantre, de grâce, Fille de la Lune, que comparez-vous l'Incendie Amoureux qui jamais ne s'éteint, avec je-ne-sais-quelle éphémère passion volatile d'un Dragon ? Je comprends, et suis déjà assez vieux pour cela, ce que sont les déceptions, et par quelle déchirure la mort de ce en quoi l'on si fermement crut use l'âme jusqu'à l'épuisement.
Mais souhaitez-vous donc, ma Dame, que je vous laisse dépérir ainsi, avec vos désillusions, vos moroses cicatrices et vos vieilles peines ? Vos mots vous trahissent tant, même si leur fatigue est sincère. Vous manquez de foi en ce que l'on nomme l'Amour, car le Noir Âge que nous traversons a oublié Ce qu'Il est et Qui Il est ; notre bien morne ère prononce en vain 'Amour' sans Le connaître - je crois en cette omniprésente ignorance voir la majeure source de votre hésitation. Oui, si chère Tãla : l'Amour vainc tout et peut tout, sauf bien sûr se résorber ou se contredire. C'est pourquoi ne peut être supprimée l'aimante alliance entre vous et Loup, mais saura être détruite par Amour l'obsolète lien qui vous maintient prisonnière du Noir Dragon.
Je vous reproche davantage, ma Dame, de vouloir fuir la souffrance, alors que je vous ai si ardemment remis cette éternelle vérité, qu'Amour, puisque méprisé, rejeté et haï en ce monde depuis des lustres souillé et se souillant encore jusqu'à sa fin, qu'Amour se vêtit du pourpre manteau de Douleur. Bien sûr, l'amant veut l'aimé loin de toute blessure, mais quand adviennent les épreuves et les guerres engagées contre l'Amour, la souffrance est inévitable, et il faut l'accepter, non la nier, et la vaincre ! Nous devrons ensemble souffrir, ma Dame, si nous voulons ensemble aimer.
Vraiment, il n'est pas de vie aimante qui ne souffre, et sont lâches vies qui préfèrent le confortable repli à l'inévitablement douloureux, désintéressé et absolu don de soi.
Vous devez acceptez, ô gentille Dame, que je puisse pour vous un sacrifice, afin de, par le recours à la lupine bestialité, le Dragon conjurer.
Vous, Loup et moi, distincts, serons Un, dussé-je devenir homme-loup.
En vos lettres vous ne cessez de me trouver de la valeur ; souffrez je vous prie d'être, comme tout être et toute chose de l'univers, digne de cet Amour qui par définition est démesuré - c'est par ailleurs la meilleure réponse qu'on puisse donner à ceux qui se demandent pourquoi le monde et nous existons. Ainsi, vous continuez à m'interroger, je vous répondrai : je vous aime, vous, parce que je vous aime, démesurément.
Vous aussi alors, puisque raisonnant trop encore, vous n'arrivez encore à résonner : aimez-moi, démesurément, avec toute l'ivresse qui sommeille en votre coeur qui n'aspire qu'à l'éternelle danse amoureuse de nos corps, âmes et esprits d'Amour assoiffés.
Au diable et au dragon les vallons escarpés et les sommets rocailleux. Les Dieux ne sont guère regardants sur la formalité, mais cléments scrutent la sincérité des coeurs, et toujours se méfient de l'orgueil qui pourrait les hommes méprendre lorsque s'agrippent à la hauteur - ainsi que cela est déjà arrivé. Que le pic de la montagne, la forêt millénaire, profonde et protectrice, n'est pas moins sacrée.
Dame Tãla, en attendant que fin prenne éloignement - nous ne savons encore vers quel dhil prendrons la mer -, j'amoureusement confie à votre fidèle loup cette missive, et m'en vais dormir sous un buisson de violettes.
Patiemment vôtre,
Seigneur Barnefine
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Tala | 22/04/15 23:12
Matin de départ du voyage d'Aerendir vers Traskadhil
L'Astre lunaire toujours est caché, et l'Astre solaire non encore arrivé, quand la lettre lui parvient.
Les quais fourmillent déjà, là, où elle est. Ses troupes et celles de son ami ont reçu des ordres d'embarquement, l'aventure reprend sûrement. A bord du bâtiment de guerre en cours de chargement, elle s'installe.
- Loup ?
- Fille de Lune.
- Loup... dois-je suivre cette Voie
- Toi seule le sait, Fille de Lune.... Mais... La confiance et la Foi tu avais perdu... Tu sembles bien t'y ouvrir à nouveau.
- Alors ...
- Suis ton Instinct, Fille de Lune, toi seule sait
Ses pupilles s'ouvrent, elle écrit
Mon tendre Barnefine,
Honte me submerge d'ainsi vainement tenter de repousser ce que tout en moi me dicte d'accueillir sans délai. Puissiez-vous pardonner mes doutes, puissiez-vous accepter mes faiblesses.
Le temps me manque en cette matinée débutante, pour m'épancher plus avant sur les pensées qui affleure à mon esprit. Je suis en partance pour un nouveau dhil, que je me dois de tenter de conquérir en compagnie de mon ami Pantokrator, afin de tenir promesse faîtes à lui lors de son départ précipité des terres de l'Ouragan. Traskadhil, est le nom de cette étrange terre vers lesquels mes pas me dirigent.
Doux Barnefine, je vais partir, et qui sait ce qui adviendra alors... Aussi, sans plus de retenue, je vous le dis : je vous aime, et je vais laisser couler en moi la Rivière de l'Amour Véritable qui menace de me submerger depuis des lunes. Je cesse de lutter, et plutôt que de m'y perdre, je vais nager en ses eaux si tumultueuses, et si prometteuses. En Vous, Seigneur Barnefine, en vous et en votre Amour je place la Foi que j'avais perdu.
Acceptez cette première victoire, car je ne vous repousserai plus, sous de vains prétextes, alors que vous avez raison en tout. Si vous même n'avez peur, je placerai mes doutes sous votre protection rassurante, et un à un, je le sais, vous saurez les apaiser, et me montrer la Voie de l'Amour Vrai
Que la Lune m'en soit témoin, ensemble nous accomplirons ce qui doit. Votre compagne je serais, au regard de tous ici bas, et des Dieux Si Puissants. L'Amour vaincra tout.
Vôtre, pleinement,
Tãla la louve,
Fille de Lune
Cette fois, un volatile bien petit et fort laid, pigeon de son état, inestimable courrier malgré son apparence banale, s'envole vers les rescapés. Loup gris ne saura se détacher d'elle alors que le départ a sonné.
Barnefine | 23/04/15 01:32
Plage orientale d'Ouragandhil - Lune de l'Empiroguement
Ma Dame,
Vous me par votre dernière missive délicatement enchantez le coeur, et c'est une forte joie qui en moi l'emporte et qui promet de sans fin brûler, telle l'Amour qui enfin vient d'entre nous prendre son embrasement. J'accepte, bienheureux suis-je ! votre amoureuse rivière, le long de laquelle je me sereinement couche, dans l'attente de m'y plonger entièrement.
Bien sûr, chère Tãla, que je comprends et pardonne vos doutes et faiblesses communes à notre humaine race ; et je solliciterais féminine clémence votre si je venais encore à mon tour à faiblir.
Mes fidèles Primotaures le Grand Canoë préparent. Le temps m'aussi manque, pour vous une plus longue lettre écrire, mais ce n'est que remise partie: nous aurons le temps de sur Traskadhil nous rencontrer. A ce propos, j'escompte pour cette aventure recontacter les sires Yartashi et Pantokrator. Je dois avec le premier, mon cher Phénix fâché, d'abord me réconcilier. Puissions-nous rallier Orc et Elfe à notre cause ; assurément, ils feraient de fiers témoins pour notre mariage. Mais, je vais pour quelques jours traverser les mers, et mes braves pigeons ne saurons chemins retrouver - nous ne pourrons donc pendant cette poignée de lunes communiquer, ma Dame. Alors, pourriez-vous, chère, me devancer dans l'annonce à nos amis de notre amoureuse quête ? J'ai entendu dire que l'antique Elfe, sans qui nous peut-être, douce Dame, ne nous connaîtrions, me verrait aujourd'hui sous le prisme de peu glorieuses rumeurs.
Quant au khan Zeddicus, j'essayerai de me faire pardonner mes crimes à l'égard de sa personne et de son peuple, mais les Nains sont rancuniers...
Vos yeux manquent aux miens, ma Dame, et j'emmène dans la grand-barque quelques bouquets de lavande, afin de déjà me réhabituer, si cela est seulement possible, à l'enivrant parfum d'un dhil jouissant de votre présence.
Impatiemment vôtre,
Seigneur Barnefine de Barbemmousse