Forum - Excaliburdhil: L'or, le cuivre et le jais

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Noir-feu | 16/11/14 01:12

-Approchez.

Trois silhouettes vêtues de blanc s'avancent, semblant hésitantes, dans la lueur incertaine du feu qui brûle au centre de trois cercles de pierres levées. Les robes frôlent le sol, les capuchons relevés dissimulent les traits, seules leurs ceintures tranchent sur les vêtements immaculés, simples bandes de cuir nouées qui soulignent des corps graciles. Des femmes. Noir-Feu détache son regard des flammes, le tourne sur ces visiteuses et les invite d'un geste de la main à s'asseoir en face de lui si elles le souhaitent. Il sent leur attention se porter sur la longue lame noire posée en travers de ses genoux, mais il ne perçoit pas de crainte dans la texture du silence. Il sourit tranquillement.

-Prêtresses. Soyez les bienvenues.

Les trois femmes repoussent leurs capuches, dévoilant leurs traits. La première est de petite taille, fine comme un roseau, sa chevelure se confond avec l'obscurité, ses prunelles de jais sont comme deux étoiles scintillantes, à refléter les flammes dansantes. La deuxième est un peu plus grande, mince et athlétique, ses cheveux sont d'or liquide et ses yeux de ce bleu pâle d'un ciel matinal. La troisième est grande pour une femme, parée d'une crinière bouclée couleur de cuivre, ses yeux sont pareils à deux émeraudes, elle est la seule à porter un torque d'or massif. Toutes trois s'inclinent avec grâce, geste auquel Noir-Feu répond d'un signe de tête sobre. La prêtresse rousse fixe longuement le Noir, la force de son caractère transparait assez pour troubler n'importe quel homme, mais homme, le Noir ne l'est pas. Elle détourne le regard, brièvement, sourit pour elle-même avant de river à nouveau son regard dans celui du guerrier.

-Dragon, Gardien de Dana, Souverain des Éléments, nous te saluons.

Les femmes prennent place, leurs gestes sont majestueux, plus gracieux que ceux de n'importe quelle mortelle.

-Nous espérions que tu viendrais, as-tu oublié le chemin qui mène au sommet du Tor?

-Non. Le temps n'était pas venu, Dame.

-Tu n'as que trop tardé, pourtant. Pourquoi repousses-tu encore ton destin?

-Parce qu'il s'est consumé dans le Feu, Dame, et que plus rien n'est écrit.

Les trois prêtresses se regardent, destabilisées, perplexes.

-Il n'existe qu'un seul feu capable de cela...par la Déesse...pourquoi, Noir-feu?

-La Déesse? Quelle Déesse, Dame? Mettez trois êtres ensemble, et voilà que tout un panthéon apparaît. Des Dieux, des Déesses, il y en a assez pour peupler tout un continent. Je ne suis pas des leurs, je ne le serai jamais. Et je ne les sers pas.

-Pourtant tu respectes la Mère, depuis combien de lunes protèges-tu sa Terre Sacrée?

-Ce n'est pas la Terre de Dana que je protège, mais les peuples qui y vivent, parce qu'ils me servent.

A nouveau les trois femmes se consultent du regard, atterrées.

-Alors la présence de tes légions ici...?

-Simple argument pour convaincre les obtus d'être raisonnables, elles servent mes intérêts, quels qu'ils soient.

-Tout se résume donc à cela pour toi? Pouvoir, puissance, intérêt?

-Ne me faites pas la leçon, Dame, vous-même jouez d'influence pour préserver ce qui vous importe. Combien de prêtresses avez-vous offertes pour épouses à des puissants afin de les rallier à votre cause? Et que dire de cette épée, Excalibur, offerte à un Haut-Roi à la condition qu'il protège votre tradition?

-C'était nécessaire.

-Nous y voilà. La nécessité. Est-ce la raison de votre présence ici ce soir?

-Je...

-Allons bon. Quelle pauvrette pensez-vous donc sacrifier à vos ambitions, cette fois? La jolie noiraude que voici? La blonde aux yeux de ciel? Vous-même, peut-être? Quelle facette de moi voulez-vous "convertir"? Le Dragon? L'Humain? Le Roi? Ou, plus prosaïquement, le général de ces légions que vous venez de traverser?

-Tu es devenu cynique, Dragon.

-Ah. Le Dragon, donc. Il est vrai que cela aurait mauvaise façon si le symbole de l'étendard ancestral n'était pas de votre côté. Alors, laquelle de vous?

-Tu nous insultes, Noir-Feu. Tu insultes la Mère.

-Vous m'insultez, prêtresses, à croire que vous pouvez faire de moi votre instrument.

-Nous sommes tous les instruments de la Déesse. Est-ce condamnable de vouloir protéger ce qui nous est cher? Qu'importe quelques sacrifices, si cela permet de préserver l'essentiel?

-Vous avez raison, cela n'a pas la moindre importance. Alors, laquelle d'entre vous est la sacrifiée?

-Nous...nous sommes toutes au service de la Déesse, Dragon...mais...

-Vraiment? Alors levez-vous, prêtresses, si vous m'offrez le privilège du choix. L'or, le cuivre ou le jais, la question est d'importance. Je dois penser à ma descendance.

-Tu es...

-Odieux. Je sais. Vous venez à moi comme des putains, prêtes à donner de votre personne pour m'attirer dans vos rets, vous me traitez comme un étalon qu'on accouplerait à quelque jument pour assurer l'avenir d'un haras, et vous voudriez que je sois courtois? Je me contrefous de vos divinités, je ne les sers pas, je vous l'ai dit déjà.

Le guerrier se lève, toisant froidement les prêtresses qui se lèvent à leur tour, extrêmement mal à l'aise. La grande prêtresse fixe le Dragon avec une colère non dissimulée.

-Je crois que nous avons fait erreur en venant ici...

-Je ne vous le fais pas dire. Mais il est un peu tard pour reculer, prêtresses...

le Noir s'approche de son interlocutrice, glisse une main dans les boucles soyeuses de sa chevelure malgré le brusque mouvement de recul qu'elle ne parvient pas à retenir. Elle frémit lorsque il s'approche davantage, et cette fois la crainte suinte d'elle, mêlée paradoxalement d'un désir passionnel. Le Dragon frôle son oreille de ses lèvres et lui murmure:

-Tu me désires, prêtresse...follement. C'est étrange, vraiment, cet envoûtement, je ne m'y suis pas habitué encore. Mais cela viendra, rassure-toi...

Un rire, une caresse qui dessine les traits du visage de la femme, les lèvres douces qui suivent le contour d'une joue, la prêtresse ne peut s'en empêcher, sa tête s'incline pour mieux savourer la douceur. Puis ses yeux s'agrandissent follement, elle voudrait hurler mais il est trop tard. Les canines du Vampire viennent de se planter dans sa gorge.

Les deux autres prêtresses ne réalisent pas tout de suite ce qui se passe, naïves et innocentes qu'elles sont. Leurs hurlements de terreur ne fendent le silence nocturne que lorsque le visage du Vampire se détache de la grande prêtresse, révélant une bouche sanglante de son repas tandis que le corps privé de vie glisse mollement à terre. Elles tentent de fuir, mais leurs longues robes entravent leurs gestes paniqués. Un bond, une étreinte impitoyable, des crocs qui trouvent sans faillir la chair tendre de la gorge, y puisent le fluide vital sans retenue, la deuxième prêtresse aux cheveux d'or succombe rapidement. Le prédateur est affamé, trop longtemps il s'est privé de cette manne nécessaire, par convenance, parce que celle qui fut sa compagne ne l'aurait pas supporté. Mais ce temps là est échu.

Gorgé de puissance, il se tourne vers la dernière représentante d'Avalon, sourit cruellement en découvrant qu'elle tente, maladroitement, de brandir la longue épée couleur de nuit qu'il a déposé contre une pierre avant de se lever. Mais la lame est lourde, bien trop pour la jeune femme qu'elle est.

-Tu es courageuse, fillette. Mais cette épée là n'est pas faite pour toi. Repose-là avant de te blesser.

-Tu...tu les as tuées!!! Et tu vas me tuer aussi! hurle la prêtresse terrorisée qui agite la dangereuse vierge sombre sans autre résultat que de trébucher.

-On ne t'a jamais appris que la Déesse avait deux visages? Il en va de même des Dragons. Comment te nommes-tu?

-Je...je te maudis!!! Je te hais! Approche et je te plante cette épée dans le coeur!

-Oh. Que de vilains mots dans une si jolie bouche. Quant à me transpercer...non, tu n'en es pas capable.

Trois pas, une esquive comme en se jouant, un coup pas bien violent sur le poignet, la lame tombe au sol, tintant lugubrement. Le Noir la récupère tranquillement, indifférent à la grêle de coups de poing que la jeune femme lui inflige. Il lui sourit narquoisement.

-Tu vois, il n'est pas si facile de m'abattre. Beaucoup ont essayé, pourtant. Mais peu importe, je t'ai demandé ton nom?

-Morgane, murmure la jeune femme, vaincue, résignée.

Le Vampire se fige, incrédule. Il murmure:

-Morgane...j'ai connu une Morgane, autrefois. Quoique, elle portait un autre nom quand je l'ai rencontrée.

-Tu...tu l'as tuée aussi?

-Non. Je l'ai épousée. C'était une Vampire, une Reine immortelle à nulle autre pareille. Elle s'est endormie pourtant, une nuit. J'ai attendu longtemps qu'elle se réveille, en vain. Alors j'ai poursuivi mon chemin, j'ai rencontré d'autres femmes, dont une, la dernière en date, qui est devenue une de ces déesses comme celle dont vous m'avez rebattu les oreilles. Et avant que tu ne le demandes, je ne l'ai pas tuée non plus, elle s'en est chargée elle-même. Enfin, façon de parler, étant donné que c'est une Immortelle.

-Tu vas me tuer...pourquoi me raconter ça?

-Te tuer...quel intérêt? Je devais me nourrir, cela faisait trop longtemps que je retardais cette nécessité. M'en veux-tu, pour cela?

-Oui! Tu es un damné! Tu as tué mes soeurs! Je te hais! Je te maudis!

-Tu te répètes. J'avais presque oublié la saveur de la haine. Mais il est temps que la grisaille cède un peu la place aux ténèbres. Viens, suis-moi, Morgane...

-Te...suivre?! Es-tu fou?

Le Vampire désigne les alentours d'un geste vague.

-Là autour, il y a la Légion d'Ivoire, constituée de Vampires, cela fait plusieurs lunes qu'ils n'ont rien eu à se mettre sous la dent. Alors, Morgane, c'est toi qui vois. Mais si tu veux avoir une petite chance de survivre à cette nuit, tu devrais coller à mes pas.

-Je préfère mourir que te suivre!

-Ah. Comme tu veux.

-Je...si je te suis...c'est...pour aller où?

Le Noir sourit doucement.

-Voyons, Morgane, à Avalon, bien sûr.

Edité par Noir-feu le 16/11/14 à 01:35

Anastase De Mu | 16/11/14 08:28

Excellent ! Je ne m'y attendais pas a celle la.. vraiment je suis conquis. Même le titre me plait. Encore !

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Anastase de Mù, le marquis.

"Mon cher ami, ce crâne de gobelin siamois est magnifique ! Votre prix sera le mien."

Shadee | 16/11/14 10:36

Un grand éclat rire hanta les cieux, une voix surprise lui répondit :
- Pourquoi riez-vous, ainsi ? Il n'y a rien de comique dans son geste.
- Oh, vous trouvez ? Répondit l'amusée.
- Il a commis un sacrilège, dirons certains ! Est-ce toujours ainsi qu'un dragon gardien se comporte ?
- Celui-ci particulièrement.
- Qu'est-il ? Un dragon, un vampire, autre chose ?
- Il ne le sait pas lui-même. Ce n'est qu'un enfant de Dana, perdu.
-Perdu... Mais, nous avons vu qu'il avait soit disant oublié son errance, ajoute la deuxième songeuse.
- Il ne l'a jamais quittée, il est prisonnier. C'est pour cela qu'il chérit la forme du cercle.
- Ah ! Parce qu'il tourne en rond !
- Exactement, rit la première, et c'est ainsi qu'il met ses proches dans de petites bulles d'attentes et lui reste dans la sienne, mais il n'a pas compris qu'il s'en isolait de cette façon. Ce qui le torture, vois-tu. Il cherche encore et encore au lieu de vivre...
- Oh...il cherche... Dites ! Ne devrions-nous pas arrêter de regarder ? Nous l'avons promis à la fille des éléments de ne pas le faire.
- Zut...Surtout qu'elle le sait déjà ! Chut, taisons-nous !

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~°~ La plume plus forte que l'épée ~°~
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Lancwen la Pourpre | 16/11/14 11:37

Loin de là, la Matriarche s'interrompit. Ses aides de camp la regardèrent, se gardant bien de poser une quelconque question. Après un court instant, la Vampire sourit.

_ La famille a un nouveau membre, se contenta-t-elle de dire avant de se replonger dans les rapports étalés devant elle.

Noir-feu | 17/11/14 23:07

Ils marchent, les minutes s'écoulent, si différentes dans la perception de la jeune femme et du Vampire. Interminables, pour elle, pas même un clignement de paupières, pour lui.

-Raconte-moi, Morgane, comment es-tu devenue prêtresse, prête à sacrifier ton existence auprès d'un damné?

-Je...pourquoi?

Le Noir s'arrête, se retourne pour lui faire face, un sourire indéfinissable au coin des lèvres:

-Parce que je te le demande, jeune femme.

-Je...j'avais...des visions...mes parents en avaient peur...ils disaient...ils disaient que c'était le diable qui me les envoyait...

Noir-Feu l'engage d'un geste à continuer, reprenant sa marche.

-Un jour, j'avais sept ans, ils ont décidé de m'envoyer dans un couvent, ils ont dit que les prêtres sauraient extirper le mal de mon âme. Mais, en route, nous avons été attaqués par des brigands, je me suis enfuie, j'étais petite et je n'ai pas eu de mal à me dissimuler dans les fourrés. Pendant quelques jours, je me suis nourrie de ce que je trouvais, des racines, quelques baies, et puis un soir, j'ai senti une odeur de viande grillée. J'avais si faim...je me suis approchée. Il y avait deux druides, et quelques soldats qui assuraient leur sécurité. Ils ont été gentils, ils m'ont donné à manger, et puis comme je ne savais pas où aller, ils m'ont conduite auprès des prêtresses.

-Je comprends. Elles t'ont élevée. Et lorsque tu es devenue femme, elles t'ont demandé, selon la tradition, si tu voulais rejoindre les rangs des prêtresses?

-Oui...elles m'ont proposé, si je ne voulais pas devenir des leurs, de me marier à un petit seigneur, mais je...j'avais peur. Je ne voulais pas partir d'Avalon, j'aimais...j'aime cet endroit...

A nouveau le Noir s'arrête, dévisageant la jeune femme:

-Pourquoi alors avoir accepté de te joindre à elles pour cette...ambassade?

Morgane fronce les sourcils, gardant le silence un instant, pensive.

-C'était une manière de payer ma dette...elles m'ont nourrie, logée, m'ont instruite, sans jamais rien demander en retour. Et puis...j'étais curieuse...je croyais voir un Dragon...

Elle une moue désabusée en fixant effrontément son guide.

-Personne ne m'a dit que tu étais aussi un Vampire.

Une autre mimique, gênée, un peu triste, elle baisse les yeux et murmure:

-Je...je n'ai jamais été belle...je veux dire, pas comme la grande prêtresse, ou Laëssa, qui avait de si beaux cheveux dorés. Je..je ne pensais pas risquer grand chose, jamais tu ne m'aurais choisie...

Le Noir relève doucement le menton de la jeune humaine, la fixant sévèrement:

-Ne te dévalorise jamais, Morgane. Nous sommes ce que nous sommes, celui qui ne s'accepte pas se prépare une vie de souffrance. Je doute fort que cela te console, mais si j'avais dû me prononcer entre vous trois, c'est toi que j'aurais choisie.

-Est-ce...pour cela que...

-Que je t'ai laissé la vie? Non. Tu as eu le courage de me défier, et ma soif était apaisée. Maintenant viens, cette nuit est importante, nous devons rejoindre Avalon avant le lever du jour.

-Je...je ne comprends pas...

Ils se remettent en marche, la jeune femme courant presque pour suivre les longues enjambées du Noir qui s'enfonce maintenant dans une brume de plus en plus dense.

-Un certain nombre de seigneurs se sont mis en quête d'Excalibur, voilà bien des lunes. Cela aurait pu être une guerre comme les autres, mais un Mage s'en est mêlé, il a tissé une étrange magie, une sorte de jeu, autour de l'épée. Cette magie était conçue de sorte à ce que celui qui voulait s'emparer d'Excalibur devait vaincre, seul, les serviteurs du Mage, et mes propres armées. Si cela n'était pas respecté, alors l'épée disparaitrait. Certains ont joué le jeu, d'autres pas, mais bref, comme souvent ce sont les manoeuvres de l'ombre qui ont influencé le cours du destin, et beaucoup ont payé cher leur naïveté, ou leur refus de participer au jeu du Mage. Mage qui était en quelque sorte le Gardien de la part lumineuse de l'épée, comme je suis celui de ses ténèbres.

-Le Mage...il a été vaincu?

-Pas lui, ses troupes. Cette nuit même, justement. Par un certain Marquis, plus rusé qu'un renard. Seulement...il n'était pas seul. Il a perdu l'habitude d'écouter les signes, qui lui conseillaient la patience, trop éloigné peut-être de sa nature d'Elfe.

Noir-Feu sourit froidement, retenant d'une main la jeune femme et désignant de l'autre le rivage à peine visible d'un lac.

-Nous y sommes presque. Appelle la barque, Morgane.

La prêtresse scrute le Vampire, indécise.

-Que comptes-tu faire? Tu viens de massacrer deux de mes soeurs...pourquoi t'ouvrirais-je le chemin vers Avalon?

-Je peux m'y rendre sans toi, Morgane. Mais comme moi, tu as un rôle à jouer dans cette histoire.

-Un rôle? Quel rôle?

-Ah, ça, c'est toi qui en décideras. Tu pourrais devenir la prochaine Dame du Lac, ou encore une guerrière redoutable, ou autre chose si tu le désires, une reine, peut-être, cela ne dépendra que de toi. Mais pour l'heure, toutes ces voies passent par Avalon, nous devons nous y rendre sans plus tarder. Tu peux choisir aussi de rester ici, seule, auquel cas ton avenir sera autre, une prêtresse parmi beaucoup d'autres, dont nul ne se souviendra. C'est toi qui vois, encore une fois.

-Je n'ai aucune raison de te faire confiance!

-Non. C'est vrai. D'un autre côté, j'aurais pu prendre ta vie et tu ne te poserais plus de questions. Alors?

-Je...je ne crois pas que tu puisses te rendre seul à Avalon...c'est pour cela que tu ne m'as pas tuée...

Le Noir hausse un sourcil amusé, puis il se penche à l'oreille de la jeune femme et lui murmure quelques mots. Les yeux de la prêtresse s'écarquillent lentement, puis elle hoche la tête.

-Je vais appeler la barque...

Elle prononce quelques paroles d'une voix forte, en un langage que seuls ceux qui ont été initiés aux mystère d'Avalon connaissent, et quelques instants plus tard, silencieuse, une embarcation à fond plat maniée par un petit homme en pagne muni d'une perche apparaît dans la brume. Le Vampire et la prêtresse y prennent place sans un mot, et bientôt se retrouvent plongé dans un monde cotonneux et silencieux, troublé seulement par les légers clapotis engendrés par le mouvement de l'esquif qui les mène vers l'ile aux pommiers.

Edité par Noir-feu le 18/11/14 à 11:22

Celimbrimbor | 18/11/14 20:04

Et que le Dragon lui a-t-il murmuré ?

Noir-feu | 19/11/14 01:11

Plusieurs hypothèses:

1) Qu'il lui ferait un bisou si elle n'obtempérait pas.8)

2) Qu'il avait une recette de confiture de pommes provenant de sa grand-mère. :o

3) Que le Marquis traînait en peignoir dans les parages.:p

4) Que les druides venaient de mettre au point une nouvelle crème de nuit et qu'elle allait manquer l'affaire du siècle. :'(

Noir-feu | 20/11/14 23:46

-Par la Déesse, tu n'iras pas plus loin, maudit!

Le Noir sourit au druide qui lui fait face. Un sourire réfrigérant, carnassier, juste assez pour que l'homme recule d'un pas, soudain un peu moins sûr de son fait. Il n'en admoneste pas moins Morgane tandis que le regard du Dragon détaille les environs.

-Diablesse, pourquoi l'as-tu amené ici? Il a tué notre Dame, et Laëssa, nous l'avons vu dans l'eau du puits sacré!

Quelques constructions, simples, murs blanchis à la chaux, toits de chaume, se blottissent sur les pentes d'une colline verdoyante, entourées de pommiers chargés de fruits malgré la saison automnale. Une atmosphère de paix se dégage des lieux, quelque peu troublée à cet instant par l'attroupement inquiet et colérique formé près du petit ponton où la barque a accosté. Une dizaine de druides armés de leurs bâtons de frêne, cinq ou six prêtresses à l'air sévère dans leurs robes blanches, qui dévisagent sans aménité le Dragon et la jeune Morgane. Elle cille comme si une gifle venait de l'atteindre au qualificatif employé, murmure piteusement:

-Il connait les mots qui ouvrent les brumes...

-Vraiment? Comment se fait-il, démon, tu n'es jamais venu ici, qui t'a enseigné la formule?!

Le druide qui brandit son bâton de façon menaçante tempête, ses yeux jettent des éclairs mauvais au Dragon qui lui répond d'une voix très calme:

-Maudit, diablesse, démon...voilà des épithètes qui siéraient mieux à quelque curé qu'à un druide, l'ami.

La lame que le Noir tient nonchalamment à la main depuis qu'ils ont quitté le cercle de pierres siffle dans l'air, trop rapide pour l'oeil, venant frôler le cou du zélé qui se fige en pâlissant subitement.

-Je te présente la Vierge Noire. Un nom approprié, tu ne trouves pas le druide? Elle n'a jamais goûté au sang, veux-tu la baptiser, toi qui sais si joliment user de ces mots dont raffolent les grenouilles de bénitier?

-Je...non...

-Comment? Tu n'aimes pas le nom de ma belle amante?

-...si...déglutit péniblement le druide, je...je veux dire...

-Que tu es un lâche? Que tu as renié la Tradition d'Avalon? Silence, druide, plus un mot. Ecarte-toi de mon chemin si tu veux vivre, doucement, ma tendre pucelle pourrait entamer salement ta précieuse petite personne.

Le druide se recule avec tout un luxe de précautions, rouge de honte, les yeux rivés à ses sandales. Le Noir parcourt l'assemblée tétanisée des yeux, souriant froidement:

-Voilà trop longtemps que vous vivez terrés comme des lapins, loin du monde, oublieux de vos ancêtres. Y'en a-t'il un, ou une, parmi vous qui se souvienne qui est Celimbrimbor?

Une prêtresse âgée s'avance, scrutant le guerrier d'un air méfiant:

-C'est un Protecteur Runique, mais il y a longtemps que nous ne l'avons aperçu...

-Ah! Bravo vieille mère! Il était le dernier, jusqu'à très récemment, veillant toujours de manière discrète sur ce lieu, et sur ce qu'il représente.

-Veux-tu dire que...

-Si vous savez ce qu'est un Protecteur Runique, imaginez-vous que j'aie pu arriver jusqu'ici sans son accord?

-Non...non, certainement pas. Mais je ne comprends pas, tu as massacré deux prêtresses, et te voilà pourtant ici en compagnie de notre jeune Morgane...que cela signifie-t'il?

-Que les brumes ne vous protègent plus comme par le passé, l'île aux forts a connu une nouvelle guerre, presque terminée aujourd'hui. Les belligérants cherchent Excalibur, et leurs regards se tournent désormais vers vous, vers Avalon.

-Excalibur...tu dis que la guerre est presque terminée et tu as survécu, visiblement...est-ce pour elle que tu es venu?

-D'une certaine manière, oui. Pas pour tenter de m'en emparer, cependant.

-Elle n'est pas ici, nous ne savons pas où elle a été dissimulée.

-Elle apparaitra à celui ou celle qui en sera digne, à son heure. Elle aura besoin d'un nouveau fourreau.

La vieille prêtresse dévisage longuement son interlocuteur d'un regard perçant, silencieuse. Puis elle incline lentement la tête.

-Suis-moi, Protecteur.

-Morgane vient avec nous.

-Oui...je suppose qu'il ne peut en être autrement. Venez.

Anastase De Mu | 21/11/14 10:43

Très joli retournement. Chaque fil de vie tissent ensemble une fort agréable tapisserie.

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Anastase de Mù, le marquis.

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Celimbrimbor | 21/11/14 18:00

Huhu...

Noir-feu | 23/11/14 14:01

Les deux prêtresses, la jeune et l'ancienne, marchent lentement, solennellement presque, en direction du Tor, cette éminence qui domine Avalon sans pourtant l'écraser. Derrière elles, le Noir semble se mouvoir au ralenti, effectuant un pas quand elles en font trois, profitant de ce rythme paisible pour contempler l'île, pour s'en imprégner. Il sourit imperceptiblement, étrange comme il se sent chez lui en ce lieu, d'où sourd une magie ancienne qui le ramène loin, si loin, dans les souvenirs de sa Lignée. A mi chemin du sommet, les dames s'arrêtent, s'écartent pour dévoiler l'entrée d'un souterrain, obturée par une porte de pierre brute, ornée seulement d'un croisant de lune et d'un soleil gravés à même le granit. Semblant surgir de nulle part, un très vieux druide apparaît aux côtés de Morgane, posant une main sur son épaule comme pour soulager ses jambes affaiblies après une trop longue marche. Il désigne de son bâton de frêne l'entrée, s'exprimant d'une voix encore ferme, chantante:

-Ici demeurent les mystères de notre Tradition. Ici commence le chemin Initiatique qui mène au coeur du Tor ceux qui en sont dignes. Franchis cette porte, si tu penses être de ceux-là, renonce si tu doutes, il n'est de retour possible une fois le premier pas accompli, même pour toi, Seigneur des Noirs.

Noir-Feu se contente d'acquiescer d'un hochement de tête, puis il sourit mystérieusement à la jeune prêtresse en lui tendant sa lame, poignée en avant:

-Garde-moi cela, veux-tu, Morgane?

-Que je...mais...

-A deux mains, précise le Dragon, elle est un peu lourde et longue pour une jeune fille.

Éclatant de rire, il lui ébouriffe les cheveux alors qu'elle s'empare de l'arme, puis s'approche de la porte de pierre, posant les deux mains bien à plat sur les deux symboles gravés. Sans un bruit, la lourde pierre s'écarte sur le côté tandis qu'un vent chargé de l'odeur de renfermé caractéristique d'un lieu trop longtemps clos s'échappe de l'antre désormais béant. Sans un regard en arrière, le Noir s'y engouffre.

Aussitôt le seuil franchi, la porte se referme et, bien malgré lui, le Seigneur d'Obsidienne frémit, percevant indistinctement que ce n'est pas un simple huis minéral qu'il vient de franchir. Quelques pas dans une obscurité que même sa vision de Vampire ne peut percer, une main suivant prudemment la paroi située à sa gauche. Vieille habitude, la main droite reste libre, toujours. Une voix sépulcrale résonne dans son esprit, posant une unique question:

L'Annwvyn ne possède qu'un accès. Le connais-tu? L'acceptes-tu?

-La mort est le chemin. Je l'accepte, murmure le Noir.

Passe alors.

Quelques pas, encore. Une étrange impression de décalage, diffuse, neuf torches qui s'allument soudain pour révéler une salle souterraine guère plus grande que la salle commune d'une quelconque ferme. La vision du Noir s'acclimate rapidement, il distingue neuf très jeunes femmes vêtues comme des prêtresses de robes blanches, qui tiennent chacune une torche, formant un cercle parfait autour de lui. Toutes sont belles à couper le souffle, d'une beauté glaciale, inhumaine, mais celle qui s'avance les surpasse encore, bien que dans son regard ne se dévoile aucune chaleur. Elle murmure, sans que ses lèvres ne bougent:

Dans nos bras, veux-tu apaiser éternellement tes souffrances, Dragon?

-Non, se force à répondre le bouillant Dragon. J'accepte la souffrance, mon chemin me mène plus loin.

Passe alors.

Les torches s'éteignent, soufflées par un courant d'air si froid que le Noir a l'impression que son épiderme givre. Quelques pas, il se fige soudain, son instinct lui hurlant un danger. Il tâtonne du pied devant lui, ne sent que le vide. Un sourire relève ses lèvres, qui se transforme peu à peu en un rire tonitruant, un peu fou, qui résonne sans fin dans l'abime. Un vertige, qui lui noue les entrailles, s'efforçant de le convaincre de reculer. Il se contraint à rester immobile. Un rire lui répond, mélodieux, enchanteur. Une lueur apparait, vacillante, issue de partout et de nulle part, qui révèle devant le Dragon un simple couloir de pierre, immuable, sans le moindre précipice.

Il avance encore, jusqu'à parvenir devant une porte de bois vermoulu, identique en tous points à la plus banale porte de chaumine. Sur le bois, pourtant, deux symboles sont gravés: un croissant de lune et un soleil. Le Noir y appose ses paumes, le battant s'ouvre pour dévoiler une nouvelle salle, circulaire, d'une trentaine de pas de diamètre. En son centre, un foyer surélevé, où brûle un maigre feu et, juste à côté, une enclume sur laquelle est posé un marteau antique. Il entre, légèrement perplexe.

-Hihihihi! T'en as mis du temps!

Surpris, Noir-Feu sursaute, scrutant la salle avec méfiance. Il finit par apercevoir, assis contre le foyer central, un jeune enfant qui semble avoir une dizaine d'années, vêtu d'un simple pagne de fourrure, hirsute, crasseux à en faire noircir les eaux qui entourent Avalon. Le gamin se redresse d'un bond et rit à nouveau comme un dément.

-Hihiiiiihiiiihi! Tu sais qui je suis?

-Hum. Myrddin, je suppose.

-Hé hé! Tout juste Auguste! Ne fais pas cette tête, tu ne le connais pas. Alors? Avalon? Avallon? Avallach? Avalach? Dans quelle île as-tu débarqué, toi?

-Toutes les trames ne forment qu'une, de même que tous les dieux sont un, selon la Tradition.

-Ah ha! Et l'épée? Celle du rocher? L'autre, Excalibur?

-Une lame reste une lame. Le nom change, la fonction demeure. Épargne-moi tes sornettes, Druide, Barde, ou quoi que tu sois d'autre, tu sais que je ne suis pas venu pour me procurer une épée.

-Bon, bon, un peu rabat-joie le dragon, moi qui ai si peu de visites! Sais-tu que j'ai un lien tout particulier avec les dragons?

-Oui. Comme avec beaucoup d'autres animaux. Tu en as dompté quelques-uns, jadis.

-Ouiiii!!! J'ai presque envie de te dompter! Je peux?

-Non. Ma femme m'attend pour le dîner.

-Ah! Ben voilà, un peu de légèreté, que diable! Oui, je l'aime bien, le Cornu, c'est un peu mon tonton, quelque part, même si les curés se le sont un peu approprié.

-Myrddin...

-Oh. Pressé, toujours pressés, et pour aller où je vous prie? Non, ne réponds pas, je connais la réponse. Un fourreau, donc.

-Non.

-Non?! Aaaaahhh! Voilà qui devient intéressant! Une surprise, c'est si rare quand on est prophète! Histoire de Chaos?

-Oui. Trois fourreaux.

-Mazette! Le Chaos Ordonné? Il va y avoir une épidémie de jaunisse!

-ça nous changera de la peste.

-Hé hé hé! Bon, dis-moi: qu'est-ce qui est le plus important? L'épée ou le fourreau?

-Myrddin...elle est éculée, celle-là. Le fourreau, bien entendu. Tu l'as déjà faite à Arthur.

-Pffff...plus moyen de rigoler dans ces cavernes! Tu veux utiliser ma forge pour confectionner ces trois fourreaux?

-Non. Je veux que tu enseignes à Morgane ce qu'elle doit savoir pour les confectionner.

-Pourquoi elle, Dragon? Pourquoi avoir tué les deux autres?

-Tu le sais.

-Oui. Mais toi, le sais-tu?

-Oui. Morgane parce qu'elle en est digne, elle est pure, et en elle coule le sang du peuple des Fées. Les deux autres, parce que ce n'étaient que des garces intrigantes, corrompues, luxure et ambition dévoraient leurs coeurs.

-Bien d'autres sont comme elles...

-Oui, mais cela ne saurait être le cas de la Dame du Lac, ni de celle destinée à lui succéder.

-Cela ne saurait être, en effet. Je lui enseignerai.

-Merci, Myrddin.

-Oh, Noir-Feu?

-Oui?

-Quatre est le chiffre juste. Sois au sommet du Tor à la prochaine pleine lune, seul. La magie d'Avalon ne suffit pas à tous les fourreaux.

-J'y serai...

-Passe alors, Dragon.

Myrddin change soudain d'apparence, passant de l'enfant au vieillard de manière déconcertante. De même, le foyer central change d'aspect, c'est un antique et vaste chaudron de bronze qui trône désormais au centre de la salle, sur le pourtour duquel sont gravés d'incompréhensibles signes cabalistiques. L'Enchanteur le désigne au Dragon, qui se penche dessus, un peu dubitatif. Le récipient semble contenir de l'eau, assez pure pour qu'il en distingue le fond malgré la faible luminosité ambiante. Il questionne du regard le Druide, mimant le geste d'y plonger, à quoi Myrddin répond d'un hochement de tête amusé soutenu d'un rire.

-Un bon bain ne te fera pas de mal, Vampire, tu as encore un peu de sang sur le menton! Mourir pour mieux renaître, tel est le chemin.

Le Noir enjambe le rebord du chaudron et se laisse glisser dans l'eau supposée jusqu'à y être intégralement plongé. Un nouveau vertige, un flot d'images, d'informations qui défilent à une vitesse impensable, dérangeantes de précision, de réalité, puis elles cèdent la place à une obscurité absolue, angoissante.

Sans transition, le Dragon est brutalement aveuglé par le retour subit de la lumière du jour. Il cille en réalisant qu'il se trouve maintenant au sommet de ce Tor dont il a tant entendu parler. Il inspire à pleins poumons l'air pur, sensible à l'incroyable féérie du lieu, réalisant qu'il n'en avait vu jusque alors qu'une image ternie, comme s'il n'avait pu le contempler qu'au travers d'une vitre sale avant d'avoir subi son initiation. Il baisse les yeux, réalise qu'il se trouve debout sur une sorte d'autel, vieille pierre incroyablement érodée, travaillée par le temps. Elle marque le centre d'un cercle de pierres levées colossales, le plus sacré de tous, le coeur même d'Avalon d'une certaine manière, même si le Dragon n'ignore pas que le véritable coeur de la féérie se trouve en ceux qui en perpétuent le souvenir plutôt qu'en quelque lieu que ce soit. Il éclate d'un rire profond, heureux simplement d'être là, en ce lieu qu'il avait rêvé d'atteindre voilà près de mille lunes déjà. Un temps où le monde était jeune encore, mais Avalon alors s'enfonçait dans les brumes plutôt que d'en sortir, inaccessible.

Peu importe, le temps s'écoule et tout change, le présent seul compte, quand bien même le passé ne doit être oublié et le futur préparé.

Edité par Noir-feu le 23/11/14 à 14:19

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