Forum - Un gain hasardeux
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Shadee | 27/04/13 18:01
- Quelque part sur Paridhil en la lune 1252 -
La pluie tombait énergiquement, elle formait un épais rideau d'eau qui me fendait littéralement l'âme. Je voulais de nouveau sentir la chaleur du soleil et entendre une autre mélodie que celle des corbeaux croasser. Passer cent lunes avec les fils et les filles honnis de La Mort n'avait rien eu de festif et de vivifiant. En quelques pas capricieux descendant la nacelle du navire, le soleil inondait le pont et les fourrures furent vite abandonnées. Sur Blizzardhil, je me devais de respecter la terre du vent et de la glace, mais sur ce nouveau continent, rien ne m'était interdit au sujet du temps que je maîtrisais mieux que personne. Nous avions choisi ce petit village, bien modeste d'apparence, mais avec un charme très particulier qui lui donnait quelque chose d'exotique. Il y avait une bibliothèque qui nous donnerait de quoi lire au soleil tout en sirotant une coupe de vin miellé. Mais notre débarquement en ce lieu n'était en rien un hasard: la réputation de la grande île la précédait.
Au rythme de mon envie à travers le village, je fis fleurir ici et là quelques arbres qui me semblaient bien en retard dans leur éveil. Le sourire fixé dans l'esprit, je pris une grande inspiration en saluant le printemps. Très loin de mes obligations étatiques d'impératrice des éléments et de souveraine du Royaume. J'allais enfin titiller le hasard, et m'adonner sans scrupule à l'un de mes vices : l'amour du jeu et des paris. Ma bourse était bien remplie, je sentais la chance m'accompagner avec Tony le Rôdeur à qui j'avais donné le droit de dépenser les cent quatre-vingt-treize pièces d'or qu'il m'avait dérobées avant d'être à mon service. De leur côté, Brume et Hercule profitaient du bon temps sur une terrasse au bord des quais ; le chapeau de paille vissé sur la tête, Violette chinait au marché. Teryan d'Ombrazur donnait les leçons sur le pont du navire à Orféa et Halcyon qui ne se risquèrent pas trop à protester face à leur étrange précepteur. Nous allions passer d'agréables congés mérités et cette pensée mettait mon humeur au beau fixe.
Toujours insouciante lorsque j'attrape le plaisir de la vie, je n'avais pas remarqué l'individu qui nous suivait. Depuis l'enfance, on m'avait toujours inculqué de ne rien montrer de mes pouvoirs, et pour un caprice ensoleillé, je venais de balayer des lunes d'apprentissage et de prudence. A cet instant, je n'en savais encore rien, je n'avais pas non plus vu Tony effrayer le curieux dans le coin d'une ruelle, toute occupé que j'étais à choisir l'établissement qui ferait fleurir mes pièces. Celui qui connut ma faveur fut un estaminet qui tenait debout par la volonté des dieux du hasard. La façade tordue de balcons penchait dangereusement vers la droite.
À l'intérieur, je fus accueillie par une ambiance contrastée : concentration et rires, adresse et hasard. Les tables de riboulettes, de trou de dame, de cartes, et de dés se battaient la faveur des clients. Je fus attirée par une petite table ronde au centre de laquelle trônait une chouette rieuse, un mercenaire et un lettré s'installèrent à leur tour. J'eus la surprise de les voir décamper ainsi que l'arbitre en livrée rouge. À leur place, un imposant orc, un shaman et un gobelin me firent face. Le plus gros d'entre eux, bardé d'ornements en bronze, tenta sans succès de moduler sans voix pour chuchoter discrètement :
- Salutations, Grande Magicienne! Je suis Zihorc, Grand Commandeur de la Horde Zetop On voudrait vous voir ailleurs... Auriez-vous l'obligeance de répondre à mon invitation ?
Voyant plusieurs têtes se tordre vers nous tandis que le silence se fit roi, je pris le parti de quitter les lieux, me levant déjà.
- Enchantée monsieur, vous faites une erreur, je ne suis en rien une magicienne.
Et plus vite qu'il n'en fallait pour le dire, j'ouvris la porte pour me retrouver nez à nez avec une vingtaine d'orcs armée jusqu'aux dents. Me retournant finalement vers le Commandeur orné de bronze : « Bien volontiers, allons boire le thé chez vous. »
Et c'est ainsi que je fus assise au beau milieu de ce village qui était en réalité un camp orc dans une pièce calfeutrée et seulement éclairée par quelques torches. Mes congés mérités prenaient une étrange tournure. Après tout, je m'étais retrouvée dans des situations autrement plus périlleuses, je fis donc appel à mes notions de diplomatie et attendis de connaître la raison de ma présence en ce lieu. Le Shaman partageait quelques pensées avec l'orc monumental, nommé Zihorc qui me scrutait de temps à autre avec une petite lueur qui me laissait ne rien présager de bon. Soudain, il m'apostropha:
- Nous vous avons vue. Cela fait mille lunes que la pluie n'a pas cessées à cause d'un shaman trop zélé lors de sa danse de la pluie du temps de La Grande Sécheresse. Vous avez levé la malédiction.
Il n'en fallut pas plus pour que je comprenne mon erreur, je m'empressai d'ajouter:
- Je vous prie de m'excuser, j'avoue, c'est moi . Je vais réparer cela tout de suite.
Ce que je fis avec un charmant sourire: la pluie tomba soudain à grosses gouttes, comme à l'origine. Cela n'eut pas l'effet escompté.
- Commandeur, c'est la plus puissante des shamans ! Elle n'a pas eu à danser, ni à chanter des litanies ! Nous devons la vénérer et nous soumettre à la moindre de ses volontés!
L'orc colossal imita son shaman en ployant le genou, il tendit à bout de poing son sceptre monté d'un crâne, dont les orbites étaient serties de deux grosses pièces d'or. Je le pris timidement pour éviter d'envenimer la situation.
- Je suis votre serviteur, le feu en est témoin, et par mon sang, je jure vous servir jusqu'à la fin des temps.
- Commandeur Zihorc, relevez-vous, voyons ! Je suis en vacances
Autant dire que je parlai dans le vide... Le shaman trancha sa paume à l'aide d'une dague et fit de même à son chef.
- Que les esprits des ancêtres en soient témoins.
Il pressèrent leur poing, les gouttes de sang perlèrent au-dessus d'une coupe en feu. «Nous nous lions à la Grande Magicienne sous la bénédiction du feu.»
- Ah non, pas mon père, s'il vous plaît ! protestai-je en un cri du coeur.
- Son Père ! s'exclamèrent en choeur la petite assemblée, avant qu'une voix apeurée ajoutât : « A terre, à terre, ce sont les dieux qui nous l'envoient ! »
C'est ainsi qu'une mare d'orcs s'étalait à mes pieds, allongés comme des étoiles de mer et totalement inoffensifs. Ne sachant que faire à cet instant, je fis alors taire la pluie pour faire briller le soleil...
- Je suis juste en vacances avec mes amis et mes enfants...
Mon soupir souleva le vent, les orcs se mirent à chanter d'obscures prières.
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~°~ La plume plus forte que l'épée ~°~
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Edité par Shadee le 27/04/13 à 18:09
Roxar | 29/04/13 10:27
Roxar, humble guerrier nain
Au jour du jugement, la plume du diplomate pèsera aussi lourd que l'épée du guerrier