Forum - Histoire lors d'un soir de Blizzard

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Shadee | 12/04/13 21:48

« C'est sûr, je m'en souviendrai longtemps, de ce repas ! » m'exclamai-je à Bagnard, Kolal et Port'Nhawak. Malgré le temps épouvantable de Blizzardhil et le duel qui n'en finissait pas, je me remémorai les meilleurs moments d'un joyeux banquet qui avait réuni les primotaures deux jours auparavant. Les myrilliens avaient profité du repas festif préparé par Violette, ma cantinière originaire de l'île de Myra. Une fois l'an, elle nous régalait d'agapes de sa province préparées dans les règles de l'art. Ce festin, c'était sa façon de nous remercier d'assurer sa propre subsistance. Elle savait comme nulle autre révéler avec talent toutes les saveurs de ses mets en sauce, du carré d'agneau à l'hysope qui succédaient avec bonheur aux charcuteries de Myra aux puissances olfactives insoupçonnées ! Puis, Violette concluait avec apothéose son banquet en nous servant SA spécialité : les fameuses crêpes à la farine de châtaigne, cuites aux fers, auxquelles quelque ingrédient secret donnait un inimitable goût sauvage des plaines de Myra.
Je repensai au destin singulier et solitaire de cette femme devenue par nécessité si rude à la tâche. Il y avait bien longtemps en effet que, toute jeune, elle était arrivée de son île natale sur les bords de la cité mère, dans le sillage d'un jeune et beau marin. « Son Tristan », comme elle disait... Il lui avait promis une vie de rêve sur le continent, au milieu des belles dames de Daifen, et puis aussi une vie exotique sur ces îles tropicales où il ferait campagne. Ainsi donc avait-elle prématurément quitté Myrilla.
Vint le jour où Tristan lui annonça qu'il allait embarquer pour les îles lointaines. Le coeur serré, Violette le vit ainsi, un beau matin d'été, quitter la cité mère, appuyé au bastingage de « L'Attrape Coeur », la caravelle à destination des lointaines aventures de flibustes. Ce fut quelque peu confuse qu'elle réintégra ce soir-là son petit logis où l'attendait une terrible solitude. Las ! Aux missives enflammées des premiers mois succédèrent quelques cartes, de plus en plus laconiques au fil du temps passant. Quelque chose se désagrégeait, et bientôt, après une année sans nouvelles, elle comprit que ses rêves se dissolvaient dans le temps et l'éloignement : le beau Tristan ne reviendrait plus... Mais ses maigres économies s'étaient taries, il lui fallait bien assurer son quotidien. Elle n'était pas fainéante et savait faire la cuisine, patiemment apprise auprès de sa grand-mère, puis de sa mère précocement disparue d'une mauvaise toux contractée dans les profondeurs d'une mine de fer, dans une contrées appartenant aux nains.
C'est ainsi qu'elle rejoignit alors la cuisine de l'auberge des Trois Gredins. Non point que les patrons eussent besoin d'une cuisinière - ils suffisaient amplement au service de la petite salle surmontée de voûtes de pierres - mais Violette devant bien s'occuper, elle devint la cantinière des femmes de la rue, ces dames de petite vertu qu'on appelait aussi des catins.
A peine avait-elle fini-là son service qu'elle se rendait alors à la Taverne où j'avais mes habitudes, pour préparer le déjeuner des habitués, cet improbable agrégat, de vieux célibataires endurcis, de mercenaires et de solitaires ayant posé là leur sac ; ils avaient, eux, le temps de passer à table. Elle égayait chaque jour le repas d'anecdotes égrillardes récoltées auprès des catins ; ainsi se régalait-on aussi des mille petits vices qui édulcoraient les errements nocturnes des bourgeois de la cité Mère ! Et c'est ainsi que prise d'affection, je l'ai prise à mon service.

Ce soir là, la porte grande ouverte m'invita sans équivoque à pénétrer dans la salle commune. Mes yeux s'habituant à la demi-pénombre, j'aperçus au fond de la salle, près du feu, un attroupement formé autour de notre cantinière. On lui avait commodément installé une chaise de cuisine sous chaque fesse, tandis qu'Hercule, mon scribe, lui tapotait doucement la main, et Brume lui parlait gentiment à l'oreille. Sans doute la consolait-on de la disparition de son père, là-bas sur l'île lointaine, trois lunes plus tôt. Je m'approchai discrètement.
- Ah ! Tu tombes bien, toi ! m'apostropha alors Brume. Toi qui es diplomate, parle lui un peu, à Violette. Elle est inconsolable !
C'est décidément bien perplexe que je m'approchais du groupe, pour apercevoir Violette, le visage confus, aux yeux marqués de cernes, le cheveu noir filasse dont quelques mèches gardaient à grand-peine le souvenir d'une ancienne coiffure, tordant et retordant une serviette de cuisine sur son tablier de travail. Une vieille valise posée à côté des chaises me fit tout-à-coup craindre un nouveau drame. Je croisai un regard rempli d'impuissance, baigné de larmes, et c'est quelque peu désarçonné que je lui demandai :
- Eh bien Violette ! Que t'arrive-t-il ? Je ne t'ai jamais vu comme ça !

-Oh, pauvre de moi ! répondit-elle. Me voila bien punie de n'avoir pas été aux obsèques de mon père. C'est sa malédiction qui me frappe encore ! Je ne peux plus rester ici, devant vous tous. Je dois partir, retourner là-bas, je vais devenir une des maudites de l'île de Myra ! continua-t-elle d'une voix mourante, entre deux reniflements sonores.
On m'aurait jetée au visage un baquet d'eau glacée que je n'en aurai pas été plus saisi ! Mais, qu'est-ce qu'on lui avait fait boire, à Violette ? Etait-ce ce blizzard qui les rendait tous aliénés d'un mal mystérieux ?
- Allons Violette ! répondis-je, estomaqué. Reprends-toi un peu, dis : qu'est-ce que tu as, pour me dire des choses comme ça ? Tu n'es pas tombée sur la tête ? Tu as mal quelque part ? Allons Violette, ce n'est pas bien de dire des choses comme ça à tout le monde ! Allez ! Parle-moi un peu sérieusement !

- Ah ! reprit-elle avec une mine échaudée. C'est ma soeur. Tu sais que tous les ans, elle m'envoie un paquet, avec tout ce qu'il faut de bon pour cuisiner le repas de Myra. Elle m'a demandé si je l'avais bien reçu à temps, et elle s'est excusée d'avoir oublié d'y mettre la farine de châtaigne pour les crêpes.

- Allons, Violette ! Mais que tu n'aies pas eu la farine de châtaigne pour les crêpes, ce n'est pas si grave, tu sais : elles étaient excellentes, et ça ne vaut pas la peine de se mettre dans des états pareils ! lui répondis-je.

- Ah, tu sais, reprit-elle en triturant la serviette, le père, il m'avait chassée à cause de Tristan. Mais c'était quand même mon père ! Il m'a maudite et il continue même du royaume des esprits ! Tu comprends, et avec tout ce travail de cuisine, alors, moi, dans cette jolie boîte, j'ai pensé que c'était la farine de châtaigne. Et, quand ma soeur m'a demandé si j'avais bien reçu le reliquaire avec les cendres de Tristan, l'air m'a manqué ! Et voilà que je meurs de honte devant vous tous : peut-être qu'il a été bien puni de sa méchanceté, mais figure-toi qu'avec les crêpes... Je vous ai fait manger le Tristan qui a rejoint le père ... !

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~°~ La plume plus forte que l'épée ~°~
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Roxar | 12/04/13 21:58

(Arf :D ... euh ... condoléances Violette :o)

Roxar, humble guerrier nain

Au jour du jugement, la plume du diplomate pèsera aussi lourd que l'épée du guerrier

Neige II | 17/04/13 19:31

"Sympa la cuisinière :D
Pauvre Violette,encore un homme qui a fait croire tant de choses a une femme" :o

Neige II ,Prince De La Couronne Des Spliffs Sacrés De Gitanie

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