Forum - Les Fils de la Lune
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Azkaban | 27/01/13 22:25
Origines
Le doux vent de la mer soufflait sur les landes d'une contrée fort lointaine, inconnue des peuples daifenniens, inconnue de bien d'autres civilisations. Là, sur ces terres, sur ces continents, vivaient d'autres hommes. Ils réunissaient des armées pour combattre, pour conquérir de nouvelles terres, ils réunissaient les meilleurs bâtisseurs pour ériger les plus fortes citadelles et les plus belles cathédrales, ils recrutaient les plus vils malfrats pour organiser les plus grands réseaux de voleurs, ils s'organisaient en guilde pour tirer le plus de profits de leurs produits, etc. Des pays comme ceux d'ici, en fin de compte - mais d'ailleurs.
De tous ces peuples bien différents, certains s'étaient, années après années, regroupés autour d'une vieille légende orale véhiculée par quelque druide en train de perdre la tête. Personne ne l'avait jamais écrite. Elle se transmettait de génération en génération et le vent colportait les rumeurs de son existence au-delà des frontières, interpellant les uns et laissant indifférents les autres.
Quoi qu'il en soit, depuis des temps anciens que même les nouveaux chefs de ce regroupement n'ont pas connu, tous les membres se réunissent dans la campagne, dans un village perdu et abandonné mais qui revit quelques jours tous les cinq ans. Pendant un mois, entre le solstice d'hiver et la prochaine pleine lune, ce village se voit repeuplé de dizaines d'hommes, de femmes, d'enfants, des tentes y sont plantées pour héberger les armées qui les accompagnent, les marchands et tout autre bon homme qui avait envie de voir du pays. Et pendant cette période, tous se retrouvent, rencontrent de nouvelles têtes, boivent, mangent, rient, s'amusent, festoient. Ils racontent comment ils ont écrasé tel ou tel seigneur belliqueux, comment ils ont arnaqué tel ou tel bourgeois plein aux as ou encore comment ils ont bâti la merveille d'Ayrikan (1). Parfois aussi, ils se rendent des comptes, si l'un ou l'autre a malencontreusement attaqué le pays d'un autre Fils, alors cela se règle en duel, ou bien, si la rage aveugle la victime et qu'il envoie son poing démolir la figure de son camarade trop vite, cela peut rapidement tourner à la bagarre générale. Pour la plupart, brutes comme ils sont, cela fait partie du folklore et est parfaitement du ton de la fête. Des cercles se forment, des paris sont lancés et tous se jettent par terre pour y ajouter son grain de sel. Les morts sont rares, ces gars-là sont des costauds et casser six dents, un nez et offrir un oeil au beurre noir - en se brisant soi-même quelques phalanges - suffit bien souvent à remettre les compteurs à zéro. Ainsi passent les soirées et les nuits, car le jour, ils se reposent et se remettent, de plus en plus lentement, des gueules de bois de la veille.
La tradition veut que les repas, en approche de la pleine lune, soient partagés autour d'une longue table rectangulaire où se retrouvent tous les Fils de la Lune. Le chef des Fils préside, en bout de table. A cette époque, Khor était ce chef depuis de nombreuses années. Il avait gagné le respect de ses pairs en combattant et repoussant à de multiples reprises ses ennemis. Il avait fait bâtir avec ses ressources la ville de Rheâ, capitale de son empire, et, entendait-on parfois, la petite soeur d'Ayrikan. Son étendard flottait au vent de nombreuses forteresses qu'il avait défendues ou conquises et ses couleurs fleurissaient tous les royaumes qui lui vouaient allégeance. C'était un homme imposant, costaud, qui aimait porter des fourrures d'ours en cette froide période, ainsi qu'une barbe fournie qui le faisait lui-même ressembler à un ours. Il portait à la ceinture une épée, aussi lourde que l'armure de quelque guerrier, qu'il maniait habilement et sans trembler. Ainsi, Khor, pour la sixième fois consécutive, présidait la table des Fils en cette dernière soirée du rassemblement, la pleine lune brillant au-dessus de leurs têtes. A sa droite était assis son meilleur allié, Argo, un grand guerrier lui aussi. A sa gauche, son meilleur ami, Bàlt, le plus grand brasseur d'alcool de tous les royaumes connus (autant vous dire qu'ils seraient tous saouls comme des pots le lendemain puisque ce dernier avait décidé de ne pas s'encombrer de ce qui n'avait pas été consommé pour le retour...). Et à table, tous ses frères et soeurs, seigneurs et dames qui faisaient les beaux jours de leurs pays. L'ambiance était à la bonne humeur, à quelques larmes pour ceux qui allaient se quitter et ne plus se voir pendant cinq ans, tous buvaient pour fêter encore un dernier soir la réussite du rassemblement de cette année.
A un moment donné, alors que la fête étaient déjà bien avancée et que les gens commençaient à rire pour un oui ou pour un non - les effets des effluves d'alcool sans doute -, Bàlt glissa quelques mots à l'oreille de son ami. L'expression du visage de celui-ci devint tout-à-coup fort sérieuse. Il murmura quelque chose à l'attention de Bàlt qui répondit : « Ne fais pas l'imbécile Khor... »
« - Tu trouves que je fais l'imbécile ?
- Il est un peu tard pour ce genre de choses, tu ne crois pas ?
- Lève la tête. Sélène veille sur nous. Quel meilleur moment ? De toute façon je n'ai entendu parler que de ça ces dix derniers jours, il est temps de mettre les choses au clair.
- Tu es fatigué, tu as bu comme jamais, je ne sais même pas si tu tiens encore sur tes deux jambes...
- Tu me défies toi aussi, mon ami ? Tu penses que ton alcool peut avoir raison de moi ?
- Ha ha ha ! Je te dis juste de te méfier mon cher. On ignore ce que Sélène nous réserve.
- Depuis toujours il en est ainsi, Bàlt. Les rumeurs circulent et enfin, elles tombent dans l'oreille du chef. Il est alors temps pour lui de remettre son titre en jeu. C'est ainsi.
- Tu n'y es pas obligé. Mais c'est vrai que c'est ainsi, et qu'il serait honorable de perpétuer la tradition.
- Il y avait longtemps qu'on ne m'avait pas provoqué de la sorte. Je me réjouis de voir la gueule de ce prétendant au trône. »
Personne n'avait remarqué le petit aparté et les brouhahas allaient bon train. Soudain, Khor tapa violemment la table du poing. Quelques choppes se renversèrent. Ses plus proches voisins sursautèrent, mais les derniers murmures se turent seulement lorsqu'il rugit : « Fils de la Lune ! Voilà dix jours que j'entends parler de l'un d'entre vous ! On vous loue par ci, on vous adore par là. Il paraît que vous tirez à l'arc comme personne ! Que les ennemis craignent vos flèches comme la peste. Qu'elles percent les armures et les boucliers. Un archer ! Et bien ! Montre-toi ! Toi dont même mon meilleur ami me fait l'éloge ! J'ai entendu tes provocations, je veux maintenant connaître ton visage ! » Le silence s'abattit sur l'assemblée. Tous regardaient leur chef. « Est-ce moi qui me défierais moi-même ?, lâcha-t-il sur un ton sarcastique. » Alors quelques regards commencèrent à se tourner vers une autre personne, assise vers le milieu de la table, puis de plus en plus. Khor éclata d'un rire tonitruant. « Ma foi ! Une femme ! Une femme qui me provoque ! C'est une blague ? Vous ne trouvez pas ça drôle, Bàlt, Argo ?! » Plusieurs hommes rirent, pas les dames, et Bàlt garda tout son sérieux en dévisageant la demoiselle. Il convient de savoir que la règle est la même pour tous. Une fois que la rumeur parvient aux oreilles du chef, celui-ci décide de défier celui (ou celle) qui le provoque. La tradition veut qu'il le défie sur son terrain, le chef étant censé maîtriser tous les arts. Mais que le provocateur soit un homme ou une femme, cela ne change rien. Khor, à cette heure tardive, ne craint nullement cette frêle créature assise à quelques mètres de lui. C'est alors qu'elle tourne la tête et le regarde enfin, droit dans les yeux : « Khor ! Une femme à ta table, cela t'ennuie-t-il ? Nous sommes nombreuses ici à porter les couleurs des Fils de la Lune. La même tradition nous anime, la même rage et les mêmes valeurs brûlent au fond de nos entrailles ! En douterais-tu, Khor, Fils de Sélè... »
« - Suffit ! » Khor avait de nouveau abattu son poing sur la table, plus fort, brisant le bois sous sa main. « Tu me provoques ouvertement, princesse ! » Il se leva alors et, tout en la pointant du doigt, lui ordonna de se présenter : « Présente-toi, à présent, qui es-tu ? » Elle ne l'avait pas quitté des yeux. Elle savait ce que tout cela signifiait. Le Roi s'était levé et lui avait demandé de décliner son identité. Son identité vraie. Il descendait de son trône et lui offrait le duel pour décider qui de lui ou d'elle-même devrait monter dessus dès l'aube. Elle se demanda si vraiment c'est ce qu'elle avait voulu. La rumeur de ses exploits s'était amplifiée sans qu'elle n'ait de prise sur elle. Mais souvent, c'était ainsi que cela se passait. Même à quelques mètres, elle ressentait toute l'aura de Khor et elle resta figée encore quelques secondes à le regarder en silence. Ensuite, elle posa ses couverts et se leva, calmement, sans baisser les yeux. Elle ne tremblait pas. Tous les regards étaient tournés vers elle, et de nombreuses femmes avaient le sourire aux lèvres alors que la plupart des traits masculins marquaient la surprise. Seul Bàlt semblait inquiet. Il avait lui aussi entendu parler de ce maître archer. Et il savait que Khor n'avait jamais touché à cette arme. Qu'allait-il donc bien pouvoir lui proposer pour les départager sans risquer de perdre le trône trop facilement ?
« - Mon nom est Anna Niërina, Fille de la Lune, Alnasi de la Flèche.
- Mon nom est Khor Rheâ, Fils de la Lune, Hamal du Bélier. Alnasi, tu réclames le trône des Fils de la Lune. En tant que Fils de Sélène, j'accepte de t'affronter. »
Les brouhahas explosèrent. Ni une ni deux, nombre de paris étaient lancés. Ah comme cette année était belle et allait finir en beauté ! Du spectacle, du spectacle ! Bàlt se leva et interpella Khor : « Dois-je te rappeler que tu n'as jamais manié un arc de ta vie ? » Khor lui répondit en souriant : « Qui te dit que je vais devoir me servir d'un arc ? » Khor se tourna vers Anna et perçut dans ses doux traits une beauté qui ne laissait en rien entrevoir le feu de ses entrailles. Il la vit glisser quelques mots à l'oreille d'une fillette qui s'éloigna en courant, puis leurs regards se croisèrent. « Alnasi ! Regarde l'arbre là-bas. Crois-tu pouvoir le toucher d'ici ? » Elle en rit presque. « Hamal, je peux transpercer la gorge d'un soldat à deux fois cette distance. » Il n'eut pas l'air surpris. « Alors tu devras me transpercer le coeur à trois fois la distance. Qu'en penses-tu ? » Elle se mordit la lèvre inférieure, non pas qu'elle doutait d'elle, même si la précision à cette distance était moins aisée, l'absence de vent ce soir était à son avantage, mais elle s'inquiétait pour Hamal. Tuer le Fils de Sélène, ce n'était pas un simple soldat ! « Ne t'inquiète pas Alnasi, j'arrêterai ta flèche avant qu'elle ne m'atteigne. » Elle le regarda avec de grands yeux. Cet homme était fou.
A suivre...
(1) La plus belle et grande des capitales des royaumes des Fils de la Lune.
Edité par Azkaban le 27/01/13 à 22:45
Anna-Belle | 28/01/13 01:02
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Ils auront mon corps & mon coeur, mais mon âme t'a été donnée, et elle sera tienne à jamais.
Fionnghuala veille sur moi, je n'ai peur de rien.
Roxar | 28/01/13 11:52
Roxar, humble guerrier nain
Au jour du jugement, la plume du diplomate pèsera aussi lourd que l'épée du guerrier
Bart Abba | 28/01/13 12:34
On a envie d'en savoir plus...
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Bart Of Ze Horde
Nul n'est censé ignorer la Horde.
Coton Tige | 28/01/13 18:09
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Tige, déboucheur d'oreilles officiel
Membre d'Aerendir
Je vais jusqu'où je suis. Je n'y suis pas encore.
Ombre-lune | 02/02/13 18:50
"Ce que ma plume trace, que jamais ma lame ne l'efface"
Azkaban | 27/08/13 22:40
Origines (suite)
Le silence régnait sur la plaine, froid comme il pouvait l'être en cette heure. Les dames et les seigneurs, spectateurs, se tenaient à bonne distance de l'archère. Ils chuchotaient beaucoup entre eux, mais le ton de leurs voix ne s'élevait pas au-dessus de celui du vent entre les feuillages des grands chênes. Les paris avaient été pris, laissant place maintenant aux hypothèses les plus farfelues. D'où ils étaient, et malgré que les rais de lune n'étaient assombris par aucun nuage, ils voyaient à peine Khor, ombre mouvante, au loin, sous son arbre, face à Niërina. Il était assez loin pour qu'on ne l'entende pas, lui, alors qu'il était en grande discussion avec son ami Bàlt sans craindre de troubler l'éveil de quelque chouette postée au-dessus de lui. Bàlt se tenait tout près, trop près même à son goût. « Nom d'un chat botté ! Vas-tu enfin me laisser regarder mon destin en face ? » « Khor, mon bon Khor, répondait-il, c'est ce à quoi je t'amène, tu chancèles sur tes pattes, on dirait bien que ma bière a déjà eu raison de toi. » « Laisse-moi ! Je tiens debout, droit et fier, comme je le fais depuis le jour où je suis devenu Roi, fils de Sélène. » « Si tu le dis, je te laisse, à combien de pas dois-je me tenir ? » « Foutre dieu ! Qu'en sais-je ? Je ne sais pas si elle sait viser moi, elle risque peut-être de nous confondre ? Eloigne-toi, éloigne-toi ! » Il faisait de grands gestes pour le chasser. « Et comment comptes-tu arrêter sa flèche ? Avec les dents, ne me fais pas rire Khor... » « Avec mes POI... » Un hoquet de stupeur acheva sa phrase tandis qu'un filet de sang commença doucement à couler de sa lèvre inférieure. Il se retourna vers Bàlt. Celui-ci ne put rien lire dans ses yeux. Il le rattrapa avant qu'il ne s'effondre sur le sol. Il respirait en sifflant. Il tentait d'articuler son nom. Bàlt le fit taire. Une larme coulait sur sa joue.
D'où elle se tenait, à trois fois la distance, elle voyait les deux ombres. Celle de Bàlt, cet homme qu'elle ne connaissait pas, semblait calme et sereine. L'autre, qui se tenait à son côté, était extravagante, surtout pour une ombre. Khor écartait les bras, les rapprochait, parlait fort, elle s'imaginait très bien le mouvement de ses lèvres alors qu'aucun son ne lui parvenait jusque là. Qu'était-ce que tout ce tohu-bohu ? Quelle grande conversation pouvait-il avoir avec son ami en pareil instant ? Il avait dit qu'il arrêterait sa flèche, elle voulait voir ça, mais ne devait-il pas se concentrer un minimum pour réussir pareil exploit ? A moins qu'il ne cesse de bouger pour la déconcentrer, pour qu'elle rate sa cible ? Il y avait déjà plusieurs minutes que cela durait. Depuis tout ce temps, elle était seule, et elle-même était la flèche, sa conscience et son inconscient. Elle banda la corde de l'arc sans trembler. Toute réflexion quittait peu à peu ses pensées. Bientôt sa tête fut vide de sens. Elle se surprit encore à penser, une brève seconde, à viser Bàlt. Mais la flèche pointa à nouveau sur Khor. Elle ne se rendit même pas compte qu'elle avait décoché, elle n'était plus qu'une pointe tranchante, réfléchissant la pâle lueur de la nuit, taillant l'air qui la séparait de sa cible, danse et chant silencieux et mortels.
« Place ! Place ! Ecartez-vous, laissez lui de l'air ! » Bàlt s'exténuait à écarter les gens, tous se massaient autour d'eux. Le corps du blessé était plus lourd que lorsqu'il était empli de vie, une vie qui le quittait peu à peu. Il ne marchait plus, et Bàlt devait le traîner à la seule force de ses bras. Argo s'extirpa de la foule dès qu'il le put et vint l'aider à soutenir leur chef. Il souffla à Bàlt : « Il faut retirer la flèche. » « Assurément le coeur n'a pas été touché, c'est trop délicat de retirer l'arme ainsi. Il faut l'amener à la tente de Nemroth, notre guérisseur. Il le connait bien, il saura quoi faire. »
Anna était recroquevillée au pied de l'arbre où se tenait Khor, attendant la mort, sa mort. Elle sanglotait. Son arc était posé dans l'herbe, elle voulait le briser mais ne pouvait s'y résigner. Était-ce ainsi qu'on devenait Reine, par la voie du régicide ? Ah !, si elle était restée dans son pays plutôt que de venir fêter ici les retrouvailles des Fils de la Lune, mais quelles retrouvailles ? - celle d'un roi mort et d'une reine déchue. Elle leva la tête entre deux pleurs et aperçut Sélène à travers le feuillage, qui l'observait du haut du ciel. Elle sentit monter un puissant réconfort dans tout son être, une chaleur venue du fond des âges pour la prendre dans ses bras, lui caresser le visage, et la rassurer. Il y avait longtemps qu'une femme n'avait plus porté sa couronne. Si fragile était-elle en cette heure sombre et lumineuse, il fallait veiller sur elle. Anna respira profondément. Ses doigts glissèrent le long du bois de son arme puis se refermèrent sur lui. Du bout de ses lèvres s'envola un merci murmuré à la nuit.
« Nemroth ! Nemroth ! » Bàlt parcourut la vaste tente du regard et ne rencontra pas celui du sage. Il y avait de nombreuses armoires et étagères, des étals sur lesquels trônaient toutes sortes d'objets, certains dont il connaissait l'utilité, d'autres à l'aspect parfaitement inconnu ; il y avait au centre de la tente un brasier sur lequel chauffait un bouillon dans une grande marmite en céramique, mais aucune trace de celui qu'ils cherchaient. Argo était entré lui aussi, il portait seul Khor, étant presqu'aussi bien bâti que lui. « Où est-il ? Le temps presse Bàlt. » Khor murmurait des paroles dénuées de sens, il marmonnait des mots dans sa barbe qu'on peinait à entendre, et il crachait à intervalles réguliers des filets de sang, ses yeux ouverts étaient comme possédés. « Nemroth ! » Enfin, un rideau se leva, à l'arrière de la tente, dévoilant l'imposante stature, par sa grandeur, du sage Nemroth. Il était vêtu d'une longue robe noire qui traînait sur le sol derrière lui, les traits de son visage étaient ridés par l'âge, mais ils n'étaient pas fatigués, ses mains recroquevillées autour de sa canne semblaient plus vieilles encore, mais elles ne tremblaient pas. Il était plus grand que n'importe quel Fils de la Lune, et la profondeur de son âme était telle qu'il inspirait le plus grand respect à chaque homme, chaque femme, et tous les enfants, qui lui demandaient souvent, lorsqu'il n'était pas occupé à concocter quelque potion - et encore -, de leur conter les légendes de leurs peuples, et les secrets de mille ans d'Histoire oubliés de tous. « Que se passe-t-il, Bàlt ? » Son timbre était grave et pur. Il résonnait comme le cristal, faisant vibrer les forteresses de diamants enfouies dans le coeur des hommes. Il leur rendait l'espoir perdu, il guérissait les maux et réveillait les lumières dans les sombres méandres de l'esprit. « Nemroth, Dieu soit loué ! C'est Khor, il faut que tu le soignes. » A peine eut-il brièvement expliqué la situation à Nemroth que celui-ci était déjà face à Khor, il essuya le sang sur son visage et posa une main tendre sur ses yeux, le berçant de quelques murmures reposants. Le corps du Fils se détendit, Argo le maintint debout tant bien que mal. « Il faut que je le dépose. » Nemroth commença à dégager un étal, et demanda à Bàlt, qui s'exécuta immédiatement, de l'aider. Quelques minutes plus tard, Nemroth pria Argo de sortir. Bàlt resterait. Khor était allongé de côté sur l'étal, il dormait, alors que la flèche était toujours fichée dans sa poitrine transpercée.
Tard dans la nuit, Anna se glissa à l'intérieur de la tente. Nemroth s'était retiré. Khor reposait sur une paillasse improvisée, le torse nu bandé. Bàlt veillait, assis sur un tabouret en bois, il se tourna vers Alnasi lorsqu'elle entra. Il lui indiqua un second tabouret près de lui. Elle s'assit, et observa Khor quelques minutes en silence, puis souffla : « Par quelle magie ? Je jurerais que c'est le coeur que j'ai visé. » Bàlt ne put s'empêcher de laisser échapper un léger rire.
« - Dame Niërina, vous apprendrez en tant que Fille de Sélène, qu'il y a des secrets mieux cachés que d'autres au sein de notre grande famille.
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir. »
Bàlt la regarda et il la trouva belle, et forte. Il était heureux qu'elle soit sa nouvelle Reine. Nul doute que les années à venir promettaient d'être pleines de surprises. Il se réjouissait déjà de les vivre. Il se leva et se posta près de Khor, prenant une de ses mains dans les siennes. Il parla dans une langue que Niërina ne comprit pas. « M'expliquerez-vous ? »
« - Je suis sûr que vous avez visé le coeur, ma Dame. Et vous l'auriez certainement touché si Khor était un homme normal. Mais Khor ne l'est pas. Détrompez-vous, il n'est pas surhumain, que du contraire. C'est grâce à Nemroth s'il a survécu à sa propre naissance. Il est né avec un coeur atrophié. En vérité, il vit avec les trois quarts de vos capacités. Vous ne l'auriez pas cru, n'est-ce pas ? Nemroth lui a insufflé le souffle de vie qui lui manquait pour faire de cette faiblesse une force, et c'est la raison pour laquelle il a régné si longtemps à la tête de notre clan. Vous avez visé un coeur comme le vôtre, sans toucher le sien. Vous restez néanmoins maîtresse de votre art : vous avez perforé son poumon gauche. Il n'y survivra pas. Je lui disais au revoir.
- Je suis désolée, souffla Niërina. »
Bàlt s'éloigna, lâchant la main de son ami, et sortit. Niërina se leva à son tour et vint près de Khor. Elle regarda son visage serein. Elle caressa son torse des doigts, se pencha, et baisa le front de son Roi. Elle s'apprêtait à le quitter lorsque soudain une main enserra son poignet. Elle se retourna vivement : Khor la regardait d'un lointain rivage. « Je vous attendais, Alnasi. » Elle hoqueta de surprise, et les larmes lui montèrent aux yeux. « Chassez ces pleurs ! Ainsi vont les choses dans ce pays. Vous êtes belle, ma Dame. Soyez grande, et fière, et guidez nos frères et soeurs. Avec votre coeur, toujours. Fille de Sélène. Nemroth vous remettra la couronne qui vous est due. Portez-la comme une reine, car à présent, vous êtes notre Reine, et j'en suis fier. Merci. » Il lui baisa la main et ferma les yeux, et il s'en alla.
Ainsi mourut le Fils Khor de Rheâ, Hamal du Bélier. Ainsi naquit la Fille Niërina d'Isdril, Alnasi de la Flèche. Dès le lever du jour, elle chevaucha fièrement à la tête des Fils de la Lune, la bannière or et azur du pays d'Isdril flottant au vent, la couronne des Rois posée sur la tête. Les hommes de Khor les premiers lui avaient prêté serment d'allégeance. Leur chef reposait en paix, ils ramèneraient son corps en son royaume afin de lui dire adieu avec tous les honneurs, mais son âme s'était déjà envolée, rejoindre les étoiles dans le ciel. La lignée de Niërina allait donner naissance à de grands héros, de nombreuses reines et de nombreux rois, qui allaient perpétuer longtemps les valeurs du clan des Fils de la Lune. Avec leur coeur, toujours.
Edité par Azkaban le 27/08/13 à 22:45
Guerrier Du Tnaën | 28/08/13 01:49
Jadeshen | 28/08/13 05:39
tres bon!
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