Forum - Lettres à mon Abbé 2

Mandalore | 05/12/12 00:26

À l'attention de l'Abbé de Saint-Kloarn, abbaye de Saint-Kloarn.

Cher Abbé,

Ces jours-ci, je suis tombé sur un paysage plutôt désertique.
Pas au sens d'un désert classique avec du sable partout et du soleil mais bien au sens premier, le sol ne laissant rien pousser, la neige formant un tapis mou, informe, mélangé à l'eau, elle me semblait grise et triste.

Un monticule assez important retint mon attention.

Je ne m'attendais pas à y trouver une sorte de bâtisse, comme un mausolée mais au milieu de nulle part, recouvert de neige fondue, sinistre oeuvre d'art dans un paysage sinistre.
Je ne suis pas parti pour rien, je voulais donc visiter ce lieu malgré la répulsion qu'il m'inspirait.

La grille était rouillée au possible, j'en ai eu pour environ une demi-heure à vue de nez pour l'ouvrir, m'écorchant sur les morceaux de rouille qui se détachaient du métal sain.

Une fois cette satanée grille ouverte, je pus me concentrer sur le spectacle qui m'était offert derrière : une volée de marche taillées à même la roche composant le sol de cette région, abimées, comme usées par des années de piétinement, ce qui me paraissait étrange vu la désolation alentour.

Peut-être était-ce le lieu de pèlerinage d'un culte quelconque.

Je voulais m'en assurer et je m'engageai sur la première marche, glissant à cause de la semelle trempée de mes chaussures et de la marche plus que lisse.

Prudemment, je descendis, puis descendis encore et encore.

Je n'ai pu compter les marches mais je sais que je n'en pouvais plus. Il me semblait même que la température descendait en même temps que moi. Je n'avais déjà pas bien chaud en haut mais en bas, je tremblais de tous mes membres, pas facile pour prendre un escalier traitre avec prudence.

Au bout d'une distance qui me parut presque aussi longue que le trajet parcouru depuis l'abbaye, je commençai à apercevoir une lueur bleutée en contrebas qui devenait plus intense à mesure que je descendais.

J'éteignis ma torche au cas où des créatures m'attendraient.

Les marches s'arrêtèrent.

Devant moi s'étendait une sorte de fleuve, dans les remous, des éclats de lumière bleue faisaient leur apparition, comme de magnifiques saumons lumineux. Ce ne serait pas plus ridicule qu'un pingouin géant...

Une barque vint à ma rencontre, avançant toute seule sur cette étendue d'eau agitée malgré l'absence de vent, et tellement silencieuse que c'en était perturbant.

En grimpant dans cette barque lorsqu'elle arriva à ma hauteur, je peux vous avouer que j'avais peur.

Monter dans une embarcation qui se conduit seule, sur un fleuve agité sans vent, dans ce silence surnaturel, je ne me sentais pas rassuré.

En y regardant de plus près, je voyais l'air fluctuer à l'arrière de mon canot, comme au-dessus d'une source de chaleur et pourtant je n'ai jamais connu une température plus basse.
Une voix craquante, comme des brindilles sèches qui se cassent sous une botte s'éleva, je vous retranscris les dialogues tels qu'ils furent :

-Qu'est-ce t'as ? Pourquoi tu me regardes comme ça le jeunot ?

J'ai été surpris par la voix, elle venait de l'endroit même où je regardais, comme personne d'autre ne pouvait se tenir à cet endroit, j'en déduisis que l'ondulation m'avait parlé mais je voulais tout de même m'en assurer :

-Êtes-vous... cette perturbation de l'air ?

-Ben bravo, il est moins con qu'il en a l'air le gamin, appelle moi Charon, et toi t'es qui ?

-Euh... Mandalore, enchanté si je puis dire.

-Et en plus il a de l'humour, on va se marrer.

Étant donné l'amabilité de mon seul compagnon, je décidai de ne plus ouvrir la bouche.

Nous arrivâmes sur une avancée rocheuse près de laquelle un chien d'environ deux fois la taille humaine au garrot montait la garde en ronflant, en m'avançant, je constatai que ce chien avait trois têtes, ce qui me rappela une légende que j'ai pu lire dans la bibliothèque de l'abbaye. Il faudra corriger le passage du livre qui indiquait la taille du chien, il a doublé de volume depuis lors.

Je continuai ma route le plus discrètement possible pour ne pas réveiller le gardien terrible et efficace.

J'entrai dans un mur, je ne peux appeler ça autrement, une surface lisse et noire encre. Une ouverture rectangulaire faisait office de porte, je l'empruntai. Un long couloir s'étendait à mes pieds, je le suivis.

Au détour d'un virage, j'aboutis dans une salle plongée dans un noir profond, je n'y voyais rien mais entendis un bourdonnement, et quelque chose dans cette ambiance me fit froid dans le dos.

Une nouvelle voix s'éleva, froide et fuyante comme un vent d'hiver coriace :

-Que fais-tu là jeune humain ? Tu n'es pas encore mort, chercherais tu à me défier ?

-Je... Non... Enfin, je... Raaaaah je ne comprends rien, je ne sais pas ce que je fais ici, ni où je suis, ni qui vous êtes, je voulais juste explorer, découvrir et apprendre...

J'étais vraiment terrorisé, essayez de vous imaginer à ma place.

-Hum... Oui... Tu m'as l'air de pouvoir faire de grandes choses. Et tes avenirs sont intéressants, tu vaudras beaucoup plus le coup plus tard... Je vais te laisser repartir, mais ne l'oublie pas, je ne l'oublierai jamais.

Le temps d'un clignement de paupières, j'étais revenu devant le mausolée, la porte se referma devant moi. Je ne cherchai pas à la rouvrir, l'expérience avait été assez éprouvante comme ça.

Je repris le chemin et montai un bivouac loin de ce lieu terrifiant. Je suis maintenant assis auprès d'un bon feu en train d'écrire les derniers mots de cette lettre. Je vous donnerai bientôt de mes nouvelles.

Mes respects les plus sincères, mon Abbé.

Votre ami, Mandalore.

Edité par Mandalore le 05/12/12 à 01:02

Roxar | 05/12/12 10:36

Très sympa ... remarque, te plains pas, t'aurais pu avoir à remonter l'escalier à pince

Roxar, humble guerrier nain

Au jour du jugement, la plume du diplomate pèsera aussi lourd que l'épée du guerrier