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Ombre-lune | 16/11/12 12:34
Précision préalable: ce texte et ceux qui suivent ont été rédigés d'après une idée d'Eragonnes et sont publiés à sa demande.
L'enfant.
Les grands yeux bleu-gris de la fillette étaient rivés sur le pâle humain, son oncle, profondément assis sur son trône de pierre noire. Il la contemplait d'un regard absent, depuis trop longtemps au goût de l'enfant. Elle trouvait la salle dans laquelle ils se trouvaient bien étrange. Le lieu était immense, intégralement construit de gigantesques blocs d'obsidienne taillée. Il aurait été plongé dans la nuit si le haut des murs n'avait émané de la lueur orangée de surprenantes gravures, mouvantes elles paraissaient faites de feu, représentant diverses scènes du passé de la Lignée d'Orféor Le Noir. D'un côté de la salle se trouvait l'imposant trône d'Obsidienne, du haut de son estrade de trois marches il dominait l'immense nef, monolithe ancestral qui symbolisait le pouvoir des Noirs. En face, les gigantesques portes de bois noir veinées d'argent venaient de se refermer, seul l'inquiétant commandant de la Légion d'Ivoire, Troëren, était demeuré dans la salle. Il se tenait maintenant dos aux portes, immobile et aussi muet que son Seigneur. L'enfant fronça les sourcils, puis avança résolument vers son oncle, gravissant les trois marches avant de venir se jucher sur ses genoux.
-C'est ta maison?
Ombre-Lune sourit à la fillette, jetant un bref regard à la salle.
-Oui. Une de mes maisons.
-Tu en as beaucoup?
-Oui. Mais celle-ci est la plus importante.
-Pourquoi?
-C'est le siège de notre pouvoir. Ici, nous nous relions à notre passé, au feu, à la terre, aux airs.
-Pas l'eau?
Un sourire en coin releva les lèvres d'Ombre-Lune, la petite était perspicace et curieuse.
-Non, pas l'eau. L'eau n'existe que par miracle. Qu'il fasse à peine frais, elle devient pierre, qu'il chauffe trop elle redevient air. Elle est importante, pourtant.
-Pourquoi?
-As-tu soif?
-...oui...
-Tu comprends?
-Non...mais c'est vrai que j'ai soif, fit la petite en dévisageant son oncle avec gravité. C'est ici que tu vas m'apprendre?
-Oui.
-On commence quand?
-Nous avons déjà commencé.
-J'ai soif!
-Tu es une Dragonne Noire. Tu n'as pas besoin de boire.
-J'arrive même pas à me tranfs...morpher!
-A te transformer...bientôt, Eragonnes, bientôt...
Puissances! Pères! Elle est si jeune...comment lui apprendre...faire d'elle une Dragonne, si vite...je ne suis pas prêt...surtout maintenant...je n'arrive pas à m'habituer, ne plus sentir mon coeur battre, c'est comme perdre le rythme du monde. Que suis-je, par les Noires?! Folie! Ne les invoque pas. Pourtant...il le faut...poursuivre la Voie, la Danse, et comment ne pas en user alors que le traître temps doit être plié aux desseins des Noirs? Le suis-je encore seulement, un Noir, moi qui ai accepté le Don Vampirique, l'ai souhaité, même? Oui...incontestablement...je la sens, cette obscure puissance qui constitue le coeur même de mes chairs, qui accepte de se mettre en sourdine pour laisser place autrefois à l'humain, et maintenant...au Vampire. Il me faudra encore du temps pour que les deux Dons s'allient...mais elle...éveiller la Dragonne...l'emporter sur la Voie des Trois Noires, de l'aube à la toute fin...Pères, aidez-moi...elle est si jeune...
Fantômes, qui s'agitent en une lente valse d'agonies, si lentes, de vies, si brèves. Souvenirs sans fins, dans l'arbre des possibles, les arbres des possibles, enchevêtrés aux temps, qui se déploient comme d'infinis courants, passé, présent, futur, en toute chose. Vois, Eragonnes, contemple le Pouvoir qui est tien. Suis-moi.
Le temps s'enroule lentement dans le krak, ployé par le pouvoir de l'Aîné et des Trois Noires, il se concentre au coeur de la citadelle, la détachant peu à peu du monde temporel de Daifen.
Edité par Ombre-lune le 16/11/12 à 12:35
Ombre-lune | 16/11/12 12:39
Les années passent, dans le sombre Krak des Dragons Noirs, l'enfant devient jeune fille. Elle perçoit maintenant les Trames, ces étranges voies qui reflètent les possibles futurs autant que les histoires du passé. Elle a appris, au gré de leçons ardues et exténuantes, à laisser sa forme reptilienne se révéler, elle a éprouvé la sauvage exultation qui nait de la puissance de ce corps, ses rugissements de plaisir et de colère ont ébranlé les murs de la citadelle alors qu'elle se faisait malmener par l'Aîné, terrifiante entité qui a abandonné tout ce qui n'était pas dragonnique en lui pour la former selon la tradition de sa lignée. Elle se souvient de ses mots, prononcés au début de son apprentissage:
-Nous sommes les derniers, Eragonnes, les derniers Dragons de ce monde. J'aimerais attendre avant de t'entraîner dans nos Danses, te laisser vivre ton enfance comme il se devrait. Mais cela ne fait pas partie de nos possibilités. Aucun d'entre-nous n'a jamais eu d'enfance, jamais bien longtemps, du moins. Ta mère m'a demandé de faire de toi l'une des nôtres, et toi tu l'as souhaité également, bien que tu ne puisses encore comprendre ce que cela signifie vraiment. Il n'y a pas mille manières de devenir une Dragonne digne de la Lignée d'Orféor le Noir, ton ancêtre. Il n'en existe qu'une. Elle est ardue, dangereuse. Tu me maudiras souvent, tu en viendras peut-être à me haïr. Quand cela arrivera, souviens toi: seules les épreuves les plus dures peuvent éveiller ce que nous sommes. N'attends de moi aucune faiblesse, aucune douceur, Eragonnes. Durant le temps de ton apprentissage, je ne serai que le Seigneur des Noirs, puissance inflexible et plus dure que la pierre.
De fait, le jeune humain souriant qu'elle avait connu jusque là avait laissé place à...autre chose. Il lui avait fallu des années pour commencer à comprendre, à cerner ce qu'il devenait lorsque s'effaçait son humanité. Ces premiers temps avaient été consacrés à d'épuisants exercices physiques, sans cesse répétés, qui avaient fini par forger son corps humain à la manière d'une lame légendaire, souple et puissante, une lame à l'équilibre parfait. Il y avait eu des leçons de lecture, d'écriture, en diverses langues, elle avait appris l'histoire de sa Lignée, la géographie de leur vaste empire, les métaux et les pierres n'avaient désormais plus guère de secrets, les plantes lui étaient pour la plupart familières. Puis, le jour de ses neuf ans, les leçons de maniement des armes avaient commencé. Elle grimaça à ce souvenir, son oncle n'était pas tendre et dès cet instant, les nuits furent nombreuses où elle s'endormit le corps bleu des coups reçus. Le Noir était un formidable adversaire, rompu au maniement des armes depuis des siècles, et il la poussait chaque jour dans ses derniers retranchements, avec une implacable détermination. Quand elle lui demandait si viendrait bientôt le moment où elle pourrait se transformer en Dragonne, il répondait invariablement:
-Notre forme humanoïde est la plus fragile des deux. Et une chaîne ne vaut pas plus que son maillon le plus faible. Patience.
Trois années passèrent encore, amenant la jeune fille à son douzième anniversaire. Ce jour là, Ombre-Lune la réveilla plus doucement qu'à l'accoutumée, déposant sur une table basse d'étranges cadeaux emballés de soie noire. La jeune fille, ravie, se leva précipitamment et se dirigea vers ses cadeaux inattendus. Elle ne put retenir un cri de ravissement en découvrant les somptueuses armes qui se révélèrent à l'ouverture des paquets. Trois dagues et un arc, forgés dans un métal cristallin d'un noir à la profondeur merveilleuse, quintessence de la connaissance dragonnique des arcanes du feu et de la terre, jetèrent leur pâle et létal éclat dans la pièce. Eragonnes observa attentivement les dagues, puis les brandit avec un sauvage enthousiasme avant de les déposer pour se concentrer sur l'arc. De toutes les armes, et il y en avait une incroyable collection dans la salle d'entraînement, l'arc avait sa préférence. Et celui-là...celui-là était simplement...magique. Elle le tendit d'une puissante traction assurée, un sourire lointain flottant sur les lèvres, puis pivota vivement et le laissa se détendre en direction de la poitrine d'Ombre-Lune.
-Fssshhhtt! Tu es mort, Dragon! Hahahahaha!!! Merci! Je veux l'essayer!
-Tu vas l'essayer. Jusqu'à ce que tes bras te brûlent, jusqu'à ce que le souffle te manque, jusqu'à ce que les larmes aveuglent tes yeux. Jusqu'à ce que tu deviennes la flèche.
Le maudit n'avait pas menti. Ses bras étaient devenus de plomb en fusion, tremblants et pitoyablement inutiles, mais il l'avait contrainte à tirer encore, et encore. Oh, elle s'était insurgée, s'était assise au sol bien déterminée à n'en plus bouger des trois prochaines heures. Il s'était contenté de la fixer, les traits figés en un masque d'impassibilité glaciale et de murmurer:
-Si tu ne te lèves pas, Eragonnes, tu meurs.
Et par les puissances, elle s'était levée, son coeur affolé tambourinant follement dans sa poitrine.
-Tu...tu n'oserais pas! Tu ne le ferais pas!
-En douter un seul instant serait une grave erreur. Une erreur mortelle, Eragonnes. Je t'ai dit de tirer encore cent flèches. Fais-le.
La jeune fille les avait tirées, ces cent flèches, les larmes aux yeux, mettant un temps infini à retendre son arc entre chaque tir. Les dix dernières avaient été un véritable supplice, ses bras en feu refusant tout service. Sous le regard glacial de son oncle, une profonde colère l'avait saisie et, mue par son effet, elle était allée puiser dans des ressources si profondément enfouies qu'elle ignorait les posséder. Les flèches étaient parties, une à une, se ficher au coeur de la cible. L'arc s'était alors échappé des mains d'Eragonnes, résonnant lugubrement contre le sol en y rebondissant plusieurs fois. Il lui avait semblé que la scène se déroulait au ralenti, irréelle, la colère bouillait en ses veines, comme un étrange feu, mais elle n'avait plus la force de l'exprimer, de la laisser sortir. Elle fixa son oncle, qui désigna l'arc, plus glacial encore qu'auparavant:
-Ramasse-le.
-Non.
-Alors meurs.
-NOOOONNNN!
Calcinant ses dernières ressources, Eragonnes se jeta sur son arc, le banda et tira d'un même geste fluide une flèche qui vola droit vers le coeur d'Ombre-Lune. Réalisant ce qu'elle venait de faire, elle hurla et projeta toute sa volonté, tout son être pour retenir la flèche. Et la flèche s'arrêta, tintant doucement contre l'armure de plates avant de retomber inoffensive au sol. La jeune fille, blême, fixa son oncle qui sourit durement:
-Eh bien voilà. Maintenant que tu as compris comment être la flèche, deviens une Dragonne!
-Je ne comprends pas...j'arrive à...quelques écailles...un vague feu des fois, qui me laisse un sale goût dans la bouche...souffla-t'elle, épuisée.
-Tu n'as jamais essayé de devenir une Noire. Une ébauche vaguement écailleuse, est-ce la limite de ton rêve, Eragonnes? Deviens une Dragonne!
-Je....je n'arrive pas...
-Oh si. Nous finissons tous par y arriver. Quand la nécessité est suffisante. Deviens une Dragonne!
La vaste nef fut subitement plongée dans les ténèbres les plus absolues, un bref instant, puis Eragonnes se trouva face à un gigantesque reptile couleur de jais, resplendissant lugubrement sous les lueurs orangées des fresques. Le Dragon darda sur elle des prunelles de feu sombre, écarlates de sauvagerie primitive, et gronda d'une voix sardonique qui ébranla les murs:
-La plus puissante Dragonne de notre histoire, vraiment? Je ne vois qu'une fillette apeurée prête à....renoncer!
Le dernier mot fut prononcé avec un suprême dédain, paniquée la jeune fille secoua frénétiquement la tête en voyant la patte énorme se lever, bardée de griffes de la taille d'épées, pour l'anéantir.
-Non...non...pas...maintenant...
-Sois! Il n'y a pas d'autre Voie! Tonna le Dragon en frappant.
Eragonnes roula sur le côté, esquivant de justesse le coup de boutoir qui fracassa quelques dalles, puis se releva maladroitement, cherchant en vain un échappatoire. A nouveau la patte s'abattit, la frôlant de si près qu'elle crut sa dernière heure arrivée. A peine eut-elle repris son équilibre que l'autre patte du Dragon la percuta, l'envoyant brutalement valser contre un mur où elle s'assomma à moitié. Grondant, le Dragon s'approcha, surplombant la jeune fille de toute sa taille.
-Frêle petite chose...où est ta colère? Est-ce tout? Tout ce dont tu es capable? N'y a-t'il donc pas une goutte du vénérable Sang d'Orféor en tes veines? Pas de fierté, petite mouche?
-Tue-moi! Vas-y! Qu'est-ce que tu attends, hein? Je n'y arrive pas! Je suis épuisée! ET je ne suis pas une petite mouche!
-Mmm. Voilà qui est mieux. Tu es au Coeur même de notre Pouvoir! La Terre, L'Air et le Feu t'offrent leurs forces et tu es...épuisée? Ne les sens-tu pas battre sous toi, battre en tes veines, frôler ta peau, emplir tes poumons?? Brise les chaînes de ton esprit, laisse-les t'emporter vers ce que tu es! Deviens la Flèche! Ou disparais...
Le feu du sombre chevaucheur d'orages frappa de plein fouet la jeune fille, l'ensevelissant dans un déluge torrentiel susceptible de faire fondre jusqu'au diamant.
Edité par Ombre-lune le 16/11/12 à 12:39
Ombre-lune | 16/11/12 15:31
Le feu sombre l'engloutit brutalement, elle sentit sa peau craqueler, puis fondre sous l'intense brasier. La douleur fut telle qu'elle laissa échapper un hurlement déchirant, certaine que sa route s'achevait à cet endroit.
Oh Puissances!! L'ai-je tuée? Suis-je devenu aussi fou que toi, mon Père? Me suis-je tant éloigné de la vie que je sois capable d'anéantir les miens au nom des desseins de notre lignée? Qu'ai-je fait...l'ai-je envoyée dans les limbes de la faucheuse, elle...si jeune, si...vivante? Non...non, je l'ai senti, elle est des nôtres, elle peut survivre à cette épreuve...elle...elle vit, je le sais! Je le veux! Mais...je dois cacher mes sentiments, ne rien lui laisser percevoir...suivre la Voie, la voie unique...sans vaciller...aidez-moi, Pères!
Peu à peu, l'effroyable chaleur diminua, les pierres portées à température de fusion reprirent leurs teintes habituelles, fumantes. Recroquevillée sur le sol calciné, la mince silhouette d'Eragonnes réapparut, sa peau était recouvertes d'écailles d'un noir de jais, qui achevaient comme les murs et le sol de reprendre leur couleur sombre. Elle releva la tête, incrédule, croisant le regard flamboyant de l'Aîné qui se penchait sur elle pour l'examiner, en apparence rigoureusement indifférent.
-Co...comment...?
-Tu es une Noire. Aucun feu ne peut nous blesser. Eragonnes, nous sommes le feu.
-Oui...mais..je n'ai rien fait...les écailles...
-L'instinct. En toi coule le Sang de ton lignage, ses souvenirs, sa puissance. Ils sont gravés au plus profond de ton être, et ressurgissent lorsque la menace est suffisante.
Le cracheur de feu repoussa d'une griffe la jeune fille, négligemment, comme il aurait poussé un gravillon gênant de sa couche, adoptant une voix légèrement dédaigneuse.
-Pourtant cela ne suffit pas. Je ne vois toujours pas de Dragonne...je ne vois qu'une espèce de petite chose écailleuse rampante, incapable de voler, à peine une petite chenille qui n'ose jaillir de son cocon pour être! Serais-tu une vulgaire lézarde, plutôt qu'une Noire?
-Tu n'es jamais satisfait! Jamais content! J'ai réussi à me recouvrir entièrement d'écailles!!! Laisse-moi me reposer!
-Tu auras toute l'éternité pour te reposer quand tu seras morte. Ce qui pourrait arriver plus vite que tu ne le souhaites si tu ne te lèves pas immédiatement!
-Je te hais!!! Je te tuerai!!
La patte droite du Dragon la percuta de plein fouet, l'envoyant une nouvelle fois bouler violemment contre un mur. Elle sentit quelques os de sa main se briser alors qu'elle tentait d'amortir le choc, gémissant sourdement sous l'afflux de souffrance. L'Aîné gronda, méprisant, l'écrasant de toute sa ténébreuse puissance:
-Ah oui? Et comment? Avec une aiguille à coudre, donzelle?
La jeune fille se releva, tenant sa main brisée avec précaution, les traits figés en une grimace de colère haineuse:
-Je vais te...
Elle se jeta à terre pour éviter le coup suivant, y parvenant par miracle, puis tenta de se relever vivement pour éviter la deuxième patte qui déjà s'abattait, mais sa main blessée se déroba sous elle et le choc l'envoya voltiger une fois de plus, pantelante et brisée, contre la pierre brûlante.
-Tu vas me quoi, pitoyable petite chose? Je sens ta peur, ta colère, ta haine...mais qu'en fais-tu? Elles t'inondent, te dominent, te rendent faible et stupide. Tu as tout, mais tu refuses de t'en servir, pauvre petite brindille ballotée par les vents de sa destinée...n'as-tu pas...honte? Relève-toi!
Combien de coups avait-elle reçu, ce jour là, avant que, poussée si près des portes des limbes qu'elle les avait vues de ses yeux ouverts, elle parvienne enfin à accomplir sa première métamorphose? Elle n'en n'avait aucune idée, son corps ne lui répondait plus, brisé, son esprit lui-même flottait dans une sorte de brouillard cotonneux à l'infini attrait, car la souffrance s'y dissipait. Au fond d'elle-même, lorsque les battants maudits du domaine de la Mort menacèrent de l'engloutir, une étincelle se réveilla pourtant, et l'enflamma dans une virulente explosion qui fit trembler le Krak de l'Aîné sur ses fondations. La Dragonne venait d'éclore.
Elle se jeta sur son oncle avec une rage impensable, déchirant les airs de ses coups brutaux et désordonnés un long moment avant de réaliser qu'elle n'arriverait à rien ainsi. Ses coups étaient esquivés les uns après les autres, et chaque échec signifiait en recevoir un en retour, qui semblait vicieusement voué à la toucher là où son corps était déjà blessé. Eragonnes finit par perdre toute notion du temps, vouant tout son être à cette unique danse mortelle, à cet instant présent si intense qu'il occulta toute autre chose en son esprit. Ce fut à ce moment que son véritable apprentissage commença, comme elle devait s'en rendre compte bien plus tard. Le combat entre les deux chevaucheurs d'orages dura longtemps, car tous deux puisaient dans les forces élémentaires leur force, la feu et la magie coulaient en leurs veines comme des torrents furieux qui paraissaient ne jamais devoir se tarir. La jeune Dragonne dompta sa colère, lentement, et commença à réfléchir ses coups. Cela lui valut un grondement approbateur de l'Aîné, qui redoubla de sauvagerie pour l'obliger à surpasser le seul instant présent, à prévoir des enchaînements de coups visant à créer une faille dans sa défense implacable. Les heures, les jours, les mois, les années elles-mêmes avaient perdu toute signification lorsque, enfin, ses griffes acérées tracèrent de sanglants et profonds sillons sur la poitrine de son mentor, qui se recula d'un air satisfait. Mais la jeune Dragonne ne l'entendait pas ainsi, et sous le rire sismique de son oncle, profita de son coup victorieux pour tenter de le mettre à terre. Commença alors une étrange chorégraphie, les deux Dragons passant alternativement d'une forme à l'autre pour esquiver et duper leur adversaire, de plus en plus rapidement, de plus en plus vicieusement. Sans même qu'elle s'en aperçoive, elle commença à utiliser les forces présentes dans la salle, comprenant que sa place, son équilibre exact, dépendait de tout ce qui l'entourait. Elle utilisa le trône comme bouclier, les murs comme points d'appui, l'éclat des fresques flamboyantes pour aveugler ou se dissimuler un bref instant, chaque parcelle du lieu se joignait à sa danse, la servait ou la desservait, mais ne pouvait plus être ignorée. D'un geste sans appel, irradiant de toute l'autorité de l'être sans âge qu'il était dans une certaine perception, Ombre-Lune mit enfin un terme au duel, reprenant forme humanoïde avant de s'asseoir sur son trône comme si rien ne s'était passé. Il sourit aimablement à la jeune dragonne, qui reprit elle aussi sa forme humaine tout en restant sur ses gardes, les leçons avaient gravé au fer rouge dans son âme la nécessité de toujours être prête au pire.
-Je suis fier de toi, ma Nièce. Les temps vont bientôt se rejoindre, il ne serait pas sage de les brider plus longtemps. Il est temps que tu ailles mettre à l'épreuve ce que tu as appris ici.
-Combien...combien de temps s'est écoulé?
-Cela dépend du point de vue, le temps n'est pas linéaire, il est le reflet de la perception que nous en avons. Disons qu'une semaine environ s'est écoulée hors d'ici. A l'intérieur...treize années, bien que notre "combat" ait duré en lui-même quelque chose comme l'équivalent de trois cent lunes.
-Trois cent lunes?! C'est...impossible!
-Le temps n'est pas ce qu'il semble être, dans les Trames des Dragons. Un humain vit quelques décennies, le temps est pour lui une chose pressée et ennemie, il le conçoit en général comme un adversaire contre lequel il ne peut guère lutter, et de ce fait le subit. Nous, Dragons, traversons les âges, notre perception de la durée est autre, elle est modulable, en quelque sorte, parce que le temps ne nous touche pas directement, il n'atteint que ce qui nous entoure. Et ce qui nous entoure ne nous atteint que si nous le désirons. Tu apprendras cela...avec le temps. Vas te reposer, tu en as besoin, toute Dragonne que tu sois devenue. Demain, les portes du Krak s'ouvriront, et les routes de l'avenir se déploieront à tes pieds. Ne tolère aucune domination, ne cède jamais à quelque menace que ce soit. Mène ta Danse selon tes rêves, écoute ce que ton coeur te dicte, et sois digne de tes ancêtres!
A l'aube, le jour même de ses seize ans, l'enfant devenue Dragonne quitta le Krak familial après quelques mots échangés avec son oncle. Une guerre l'attendait, elle la mènerait sans faiblir quelle qu'en soit la fin.
Edité par Ombre-lune le 16/11/12 à 15:52
Coton Tige | 16/11/12 16:05
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Tige, déboucheur d'oreilles officiel
Membre d'Aerendir
Je vais jusqu'où je suis. Je n'y suis pas encore.
Neige II | 16/11/12 21:04
très bon rp
hâte de voir eragonnes sur le champ de bataille
Neige II ,Prince De La Couronne Des Spliffs Sacrés De Gitanie
Roxar | 16/11/12 21:49
Captivant ... j'ai commencé à lire en me disant que je le lirai en plusieurs fois mais je n'ai pas pu m'arrêter avant la fin ... ça fait plaisir de lire la suite de l'histoire des Noirs.
Roxar, humble guerrier nain
Au jour du jugement, la plume du diplomate pèsera aussi lourd que l'épée du guerrier
Tala | 16/11/12 22:16
(Un plaisir de retrouver les contes des Dragons. Belle naissance, Eragonnes
)
Badliberty | 17/11/12 11:38
Magnifique! Vivement Ordra VII pour la voir en action.
Badliberty,
Capitaine Navalis,
Maître des Krakens,
Porte-parole des 11ème rugissants
Deude | 17/11/12 12:27
En tout cas sa a un nom d'elfes!
Deude seigneur nain des têtes d'enclume et de la CEN
Edité par Deude le 17/11/12 à 12:27
Ombre-lune | 17/11/12 12:32
Une Dragonne Noire, Messire Deude.
Vous savez, le même genre de créature sombre et teigneuse que celle qui massacre votre clan depuis quelques temps...
(Merci pour les commentaires!)
Edité par Ombre-lune le 17/11/12 à 12:33
Deude | 17/11/12 16:40
Vous avez le bonjour de Walrik
Deude seigneur nain des têtes d'enclume et de la CEN
Gzor | 17/11/12 16:41
(Ombre, en fait, c'est Super-Nanny, version dragonnique
Magnifique, sinon, bravo
)
Une nouvelle dragonne, dites-vous ?
*replonge immédiatement dans ses plans*
Gzor.
La plume implacable des Parques inflexibles
Régit mon existence de ses lettres de sang.