Forum - Nãrasdhil : Tournons à droite.
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Celimbrimbor | 25/03/12 21:17
Ils avaient marché, alors, les deux p'tits salopiauds, et plus ou moins tout droit encore, sans vraiment se soucier de ce qui se trouvait devant eux. Ou derrière. Ou autour. Ou partout. En fait, c'est plutôt ce qui se trouvait dans leur environnement proche - on entend par environnement proche une aire grosso modo circulaire (définie ainsi par la méthode irréprochable dite du doigt mouillé) ayant pour rayon une petite moitié de multivers, dans les trente sept dimensions et demies (et demie parce qu'il manquait un bout de la trente huitième, malheureusement égaré) - qui se souciait d'eux, un peu à la manière dont le facteur se soucie de Rufus, chien tueur de postiers, troisième génération. Un vrai souci, en gros. Du genre qu'on aurait bien aimé éviter mais qui vous fonce dessus avec un sourire vachement pervers, avec plein de dents et un regard qui semble dire « T'inquiète pas, serre les dents, ferme les yeux et ça va bien se passer, tu vas voir » juste avant de faire des choses pas sympas à une partie charnue de votre anatomie.
En fait, pour bien comprendre la réaction de l'environnement face à ces deux êtres, il faut d'abord réussir à imaginer un organe oculaire bien précis. Une sorte d'oeil capable de voir à peu près tout, à peu près partout, à peu près au même moment et sur tous les spectres possibles. Qui irait au-delà de la vision pour y revenir par l'autre côté. Plusieurs fois. Pour être bien sûr de tout bien voir. Un oeil, en fait, comme celui de ce que, par faute de concept moins débile, nous appellerons le Tout. Eh bien, si le Tout tournait son regard - c'est une figure de style, bien entendu : le Tout tourne déjà son regard là-bas, attendu que, par définition, il voit littéralement tout - vers les zigotos, s'il faisait, l'espace d'une fraction de picoseconde autre chose que veiller sur le multivers, s'assurer que le Néant ne bouffât pas tout et n'importe quoi dans n'importe quel ordre, que le temps ne s'effilochât pas en avance, tailler le bout de gras avec la Mort, gérer avec une précision diabolique le niveau de tout un tas de bidules étranges mais nécessaire et, quand même, parce qu'on a beau être grand, admiré, vénéré sous divers noms un peu partout et omni-tout, on a quand même ses petits divertissements, expérimenter des trucs marrants sur des formes de vie toutes plus rigolotes les unes que les autre et qui exprimaient leur plein potentiel en passant de vie à trépas. Ou repas. Ça dépendait. Bref.
Le Tout, donc, s'il nous prêtait ses yeux un instant, verrait un spectacle des plus étranges, que les mots n'arriveront pas à rendre. Aussi nous tairons-nous. (1)
L'avantage, quand on était un Celim ou l'autre, c'était qu'on avait pas forcément besoin de regarder où on mettait les pieds. Eu égard, d'abord, à ce que je n'ai pas pu décrire plus haut. Ensuite, parce que, fatalement, on les mettrait au bon endroit, peu importe qu'on fût d'abord passé sur la tronche non-consentante de plusieurs trucs. Enfin, parce que quand le pied ne fait pas la déférence entre un brin d'herbe innocent et une supernova rageuse, on mettait soudain beaucoup de choses en perspectives. Aussi n'y prirent-ils pas garde, tout à leur discussion quand, au hasard d'une déclivité un peu rude du terrain - on appelle cela une falaise ou u à-pic, quand on veut passer pour quelqu'un avec du vocabulaire précis, mais laissons cela aux autres qui se reconnaîtront - ils échangèrent l'herbe grasse contre du vide. Des esprits chagrins - toujours les mêmes - diront qu'insensibles et égotiques comme ils sont, ils auraient pu passer au travers d'un volcan sans s'en apercevoir. On leur répondra simplement que, oui, il est vrai, mais qu'est-ce qu'on peut en avoir à cirer ?
Il n'en reste pas moins qu'à un moment, à force de marcher en tapant la bavette et accessoirement les oiseaux marins qui volaient trop bas, ils finirent par arriver quelque part. Nous tairons la localisation exact. Simplement, pour rester vague mais apporter ce degré de précision qui donne toujours l'impression d'être dans un monde vachement complexe alors qu'on a pas quitté sa chambre, on dira qu'ils arrivèrent aux portes de Joihkjbefliugyqsefblokqsoncdlymoi S'ohç'kajkesdchfuk Ipmujhkijbqof - oui, j'ai rajouté les voyelles au hasard ensuite - nom en Gpkn'khè'haletyut ancien, qu'on peut traduire, avec une petite licence poétique, par « Au fond et à droite de l'endroit où le soleil ne brille jamais que lors des visites médicales très poussées, soyez-en à jamais épargné. » J'avais dit. Poétique, la licence. Poétique.
Celimbrimbor et l'autre avait discuté pendant leur cheminement. C'est d'ailleurs pour cela qu'ils ne s'étaient pas bêtement transporté d'un tour distrait d'un point à un autre. Car la téléportation - en fait, le mécanisme de transport privilégié du Celim est à la fois beaucoup plus élégant et beaucoup plus complexe qu'une vulgaire téléportation. Plus élégant, parce qu'il s'agit simplement d'être partout en même temps et à un seul endroit à la fois. Plus complexe, parce qu'il faut quand même taper 'achement fort sur la tête du multivers pour qu'il ne s'aperçoive pas de la supercherie et que, comme pour l'histoire du point d'appui, faut un vachement gros bâton. [Nous ne le répéterons jamais assez, le multivers à la tête dure. Quoiqu'en ce moment...] - c'est bien, mais cela gâche tout le plaisir qu'on peut tirer du voyage en bonne compagnie : parler, évoquer le monde, le refaire, encore et encore. Sauf qu'il se produisit cet événement rarissime - surtout ici, à la vitesse du backstab - lors de trajets normaux, mais à la fréquence alarmante quand les voyageurs se connaissent. En effet, dès que les interlocuteurs atteignent un degré d'intimité passablement poussée, la conversation est déjà connue dans tous les plans d'existence, toutes les répliques et réponses parcourues par les deux et il n'y a plus de surprise. Résultat, le dialogue des deux zinzins, déjà pas fameux dans l'épisode précédent, tourna autour des répliques suivantes :
« 'Fait beau, hein ?
- Ouais. Et ça va toi ?
- Oh, bah, tu sais...
- Ouais, pas faux.
- Voilà.
- Ouais.
- La famille ?
- Ça va, ça va.
- La femme et la fille ?
- Bien sûr.
- Génial.
- Attends.
- Ouais ?
- La femme et la fille ?
- Ben ouais ?
- T'as une fille ?
- Bah ouais.
- Félicitations.
- Merci.
- De rien.
- Toi aussi, du coup.
- Précisément.
- Oh. Merde.
- Ouais.
- Ça devait arriver. C'est une boucle. Tout va bien. On a rien touché.
- Ch'ai pas, c'est à toi qu'c'est déjà arrivé, tout ça.
- Ouais, ouais, ouais, ouais, bon.
- Je rêve.
- Pourquoi ?
- Parce que tu paniques et je reste calme.
- En fait...
- Je sais. Mais t'as saisi l'idée. Ça devrait être l'inverse.
- Ouais, mais non. J'étais un peu assommé par la nouvelle.
- Tu m'étonnes.
- Et j'ai pas vu les fils noirs du destin se radiner comme des chiens.
- Du genre ?
- Du genre t'en as un qui t'attrape le pied, là.
- Eh ! On était pas en mer y'a une demie-heure ?
- Ouais, moi non plus ça m'avait pas inquiété.
- Bon. C'est pas tout ça, mais ça tire.
- Je sais. Allez, hop. Au boulot.
- OUOOORGLAAARGH ! » Poussèrent les deux êtres en même temps en réduisant le fils noir du destin en cendre. Et l'ensemble de l'île aussi. Bon, elle était pas bien grande, mais ça fait quand même une civilisation éteinte. (3)
Le Tout, légèrement amusé, changea le tableau de record des génocides, Celim : 1 - Multivers : Infini (+Infini) (+3) en : Celim : 1 - Multivers : Infini (+Infini) (+2). Puis il retourna à son boulot, parce que bon, lui, il est sérieux(5). Et si vous l'étiez un tant soit peu, vous ne seriez pas arrivé jusqu'ici.
(1) Mais non, allons, je plaisante.(2)
(2) En fait non. Flemme.
(3) Où l'on s'aperçoit que l'auteur est quand même un bon gros fumiste des familles, parce que ça fait plus que « quelques répliques ».
(5) Et que ses oeufs au plat vont pas se faire tout seul.
(6) Cherchez pas.
La Demeure Franche : [Lien HTTP]
Edité par Celimbrimbor le 25/03/12 à 21:18
Roxar Le Guerrier | 26/03/12 10:44
Roxar, humble guerrier nain.
Un guerrier sans seigneur ne sert à rien, mais un seigneur sans guerrier ?
Rat De Labo | 27/03/12 08:58
Le Rat, démon clanique et seigneur du cauchemar.
"La récompense des grands hommes, c'est que, longtemps après leur mort, on n'est pas bien sûr qu'ils soient morts."
Estré | 28/03/12 08:47
Tant de paragraphes pour expliquer que deux types font une chute (je sais, c'est très réducteur), je trouve ça tout simplement magique ! Merci Celim.
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Estré, fils de Pépé Narvalho
Sanaga | 28/05/12 03:03
Daifen avait ceci d'intéressant que chaque tranche de vie de chaque créature s'amoncelait dans une sorte de mémoire commune accessible à n'importe qui, y compris au premier reître venu, se fut-il nommé Kevin973 -le pauvre-. Et c'est en allant s'incruster innocemment au plus profond du sommeil de Sanaga que l'information lui parvint, l'air de rien. La Dragonne redressa sa carcasse pour fixer la parois de pierre d'un air chagrin.
Ainsi donc, je me serais fait un enfant dans mon propre dos?
Instant de silence frustratoire.
Évidemment, je suis toujours la dernière au courant.
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Sanaga
D'honneur n'a que le doigt.
Gzor | 02/08/12 16:56
Gzor.
La plume immémoriale des Parques inflexibles
Régit mon existence de ses lettres de sang,
Traçant, de par les temps, une voie d'Impossible,
Me menant vers l'Abîme, d'agonie gémissant.
Edité par Gzor le 02/08/12 à 16:56