Forum - Minaudhil, archive. Le contrat.
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Farang Brisevent | 12/01/12 14:46
Ecrit par Bontenmaru et Farang, au cours de Minaudhil, qui vit notre victoire avec dame Barbie Turique. Car ce fut un plaisir de jouer avec lui, et de partager ce rp en même temps que nous "diplomatisions".
Minaudhil, une nuit nuageuse.
Après avoir pris connaissance de l'offre de son allié, Bontenmaru respira sept fois, et sa décision fut prise. Un pacte de sang ne saurait être paraphé à des lieues de distance. Bien que ses connaissances en nécromancie soient ténues, il était évident que les aspects surnaturels liés à un tel pacte nécessitaient la présence de ceux qui y souscrivent. Aussi fut il décidé que Bontenmaru se rendrait chez le sieur Farang séance tenante, avec pour seul escorte un écuyer et un homme de lettre chargé de prendre note des détails de l'alliance de sang.
Bien qu'il eut revêtu son armure d'apparat, nul ornement n'aurait pu cacher la difformité du seigneur Bontenmaru. Jadis fier seigneur nain, un mal inconnu l'avait rongé durant plusieurs centaines de lunes, le tenant éloigné des préoccupations guerrières qui étaient jadis son lot quotidien. Désormais, son corps mutilé interdisait toute comparaison avec aucune des races connues, et ses sujets auraient été bien en peine de qualifier leur maitre de nain ou bien d'humain.
Mais quelles que fussent les souffrances passées, Bontenmaru était de retour, et un allié tout aussi impitoyable l'attendait pour sceller une alliance.
Arrivé à quelques encablures de la nef du sieur Farang, Bontenmaru envoya son écuyer l'annoncer auprès du seigneur Brisevent, et attendit qu'on le mène sur la passerelle de l'Orchydée Argentée.
Farang fut appelé sur le pont par son bosco. Il regarda par dessus le bastingage et vit apparaître les trois personnages sur la cote. Le campement traversé, ils arrivèrent sur le quai ou était amarré le batiment. D'un froncement de sourcils, le capitaine ordonna que l'on abaisse la passerelle. Zakat s'exécuta, sous le regard torve de Voralim, qui se grattait l'oreille avec son pied, plus indifférent a la scène qu'a l'arrivée d'étrangers. Lad et Ariel, les deux autres pendus, se dirigèrent vers les visiteurs, comme deux ambassadeurs officiels, bien qu'ils n'avaient pour eux que la grace d'une peau plus blanche que la robe d'une pucelle. S'inclinant respectueusement, ils convièrent le seigneur Bontenmaru a suivre leur maitre dans sa propre cabine.
Le Non-mort alla s'assoir sur son fauteuil chéri. L'équivalent, au velour bleuté, fut présenté au Sire difforme, mais visiblement, aucun n'était prévu pour les sbires des uns ou des autres. Il regarda son interlocuteur, longuement, son sourire éternel figé dans une attente paisible. Il tapota de ses longs doigts aux ongles longs le bois d'ébène d son bureau. Une fois. Deux fois. Voralim hurla derrière la porte que l'on venait de refermer. L'obscurité aurait pu être complète, si le chandelier ne supportait pas encore le poids des bougies. On y avait rajouté deux autres, plus par mesure d'hospitalité que pour le besoin même de Farang.
"Messire Bontenmaru, je vous imaginais plus grand."
Il eut un petit rire aigu.
"Non, réellement, je vous imaginais grand, svelte, jeune et entreprenant. J'avais tord, sauf pour le dernier point. Votre apparence me régale. Non pas que je l'apprécie plus qu'une autre, non, mais je peux vous rendre, a force de travail, une apparence plus décente. Je suis doué pour... transformer... les gens.
Mais si vous êtes venus ici... C'est sans doute pour discuter de ma dernière proposition. Et si vous êtes la, c'est pour le signer, sans avoir eu vent des conditions. C'est téméraire. Intéressant. J'apprécie cela. Voila..."
Sa voix s'arréta dans un chevrotement un peu ridicule. Lad lui apporta un texte déjà rempli, un poignard d'acier, a la garde simple et sans fioriture, mais a la lame éfilée, et une fiole de sang noir. Il tendit le document a son interlocuteur, reprenant a son intention.
"Voila le contrat. Si vous le souhaitez, ce poignard coupera votre chair comme une motte de beurre. Pour ma part, il désigna du menton la fiole , il me reste peu de sang dans les veines. Mon pauvre coeur ne bat plus, c'est certain. L'avantage, c'est que je ne peux mourir, apparemment. L'inconvénient, c'est que mes fluides ne coulent plus. Et ce n'est pas très agréable de devoir se faire pomper du sang afin de pouvoir, entre autre, signer quelques paperasses. Donc, je me garde habituellement une fiole. J'espère que ca ne vous dérangera point, n'est ce pas ? "
Sur le contrat était inscrit, d'une écriture gracieuse, les conditions de l'accord.
Les deux partis, le Sire Bontenmaru, et le capitaine Farang Brisevent, reconnaissent que l'accord sera valable a partir de la première goute de sang versée de la part des deux protagonistes.
Les deux partis se lient pour une durée éternelle, jusqu'a ce que la mort de l'un deux les sépare. L'accord comprend une non agression a durée indéterminée, un soutien obligatoire et inconditionnel en cas de projet offensif, et une aide compensatoire en cas d'assaut ennemi sur l'un ou l'autre des partis.
Si l'un ou l'autre des partis venait a rompre ses engagements, il devrait faire don de son âme jusqu'à ce que son homologue décide de la lui rendre.
Un espace suivait, suffisant pour y rajouter des clauses additionnelles.
"J'ai pensé au principal, mon ami. Cela vous convient il ? "
Bontenmaru suivit les sbires de son hôte sans un mot. Non pas par goût du silence sépulcral qui régnait en ces lieux, mais car il doutait de la capacité des séides du sieur Farang à entretenir une conversation, fût-elle sommaire.
Son visage disgracieux, couturé de cicatrices et des séquelles laissés par diverses tentatives de combattre le mal qui l'avait rongé, l'aidait à cacher le malaise qu'il ressentait face aux pendus.
Une fois en présence de son allié, Bontenmaru compris qu'il ne s'était pas trompé. Celui-ci semblait tout aussi impitoyable que lui, et ne s'embarasserait sans doute pas de morale lorsqu'il s'agirait de passer par l'épée leurs ennemies par contrées entières.
A l'idée du sieur Farang d'user de nécromancie pour rapiécer son corps meurtri, Bontenmaru esquissa un sourire, avec pour seul résultat une grimace sordide.
Puis son interlocuteur énonça les termes du contrat qui allait les lier. Bien qu'il n'eut aucune connaissance sur la magie en général et encore moins sur la nécromancie en particulier, Bontenmaru sentait que parchemins et poignards, sous leur apparence anodines, renfermaient une puissance terrifiante.
Alors que le seigneur Farang énonçait les clauses du contrat, le scribe de Bontenmaru chancela puis s'effondra sur le sol.
Tandis que le lettré gisait sur le sol, enroulé dans sa toge comme dans un linceul, et que l'écuyer lutait de toute sa volonté pour ne pas l'imiter, Bontenmaru pris la parole. Visiblement, les déboires de ses suivants ne l'affectait pas outre mesure.
« Messire Farang, il me semble que pour se faire une idée nette de la situation, le plus sage soit de la contempler de ses yeux.
Aussi me voici face à vous, car une fois lancée, la flèche ne retourne pas dans la main de l'archer.
De même, une fois la décision de signer un tel pacte avec vous, seule une rencontre avec vous me permet de juger de la pertinence de ce choix. »
Après avoir contemplé le poignard quelques instants, Bontenmaru s'en saisi d'une main ferme, ne laissant pas l'intensité de l'évènement le submerger. Avant de signer de son sang, Bontenmaru demanda à son futur allié une dernière précision.
« Il est bien entendu qu'un tel pacte ne saurait être rompu qu'à la mort de l'une des deux parties. Outre les questions relatives à ce que la mort représente pour vous, et sur lesquelles je ne m'étendrais pas, cela inclut que la conquête de ce continent ne rendra pas pour autant nul notre pacte.
Comprenez que cette clause est pour moi tout à fait primordiale, car un allié fiable est un bien précieux. Mais cela ne suffit pas, il faut à cette allié de solides compétences diplomatiques confinant parfois à la roublardise. Vous comprendrez que l'équilibre de ces deux qualités est une sorte d'alchimie bien rare, dont vous semblez être l'un des rares tenants.
Ainsi, si cette précision vous agrée, nous serons alliés pour de bon, au fil des conquêtes. »
Sur ces mots, Bontenmaru appliqua délicatement le fil du poignard sur son avant bras. Farang n'avait pas menti, la lame s'enfonça d'un pouce dans l'avant bras du seigneur. Après qu'une tache d'un sang rouge vif se soit formé au bas du parchemin, Bontenmaru arracha un pan de son habit et l'enroula autour de son bras blessé sous l'oeil livide de son écuyer. La tache de sang brunissait à vue d'oeil, ou l'imagination de Bontenmaru lui jouait des tours, ou le parchemin semblait animé d'une vie propre et buvait littéralement le sang qu'il venait d'y déverser. S'arrachant à ces étranges pensées, il tendit le contrat de son bras valide au sieur Farang, attendant que ce dernier use de sa fiole pour parapher à son tour l'accord qui les lierait.
Le petit macaque vint piailler sur les genoux de son maitre. Mais il n'adressa aucun grognement a Bontenmaru, non, au contraire. Il le regarda un temps, presque avec compassion; un sourire se dessina sur ses levres craquelées, il agita la tête, en signe de bienvenue. L'étranger faisait maintenant parti de l'équipage... Farang caressa son familier, lui gratant son crane pelé avec une sorte de tendresse. Puis, il entreprit d'ouvrir la petite fiole. Une odeur rance, de pourriture, de mort, s'en échappa. Il se saisit a son tour de la dague, et y trempa la pointe. Quelques goutes d'un sang noirâtre, à demi-coagulé, y adhérèrent immédiatement. Il contempla un instant l'arme qu'il tenait de ses doigts fins, l'approcha de son visage. Son souffle s'arrêta, l'espace d'une minute. Comme s'il se décidait enfin, il dessina lentement sur le parchemin un F, puis un B, se contraignant a replonger la lame dans le flacon, comme il aurait avec une plume dans un simple encrier. Une fois le document parafé, il regarda fixement son homologue. L'atmosphère était étouffante, même pour un mort vivant. Il desserra le col de sa chemise, s'impatientant de la suite.
"Cela va venir..."
Le singe avait filé sous la table. Farang se rejeta contre le dossier de son fauteuil. Il soupira, surpris. Il connaissait ce qui arriverait, bien qu'il n'en ait jamais fait l'experience. Son visage se crispa. Un flot de souvenirs, de pensées, brisa ses barrières mentales, un raz de marée submergeait les digues spirituelles qu'il avait lui même élevées. Donner, et recevoir... Il comprenait mieux les incantations du sortilège. Ce dernier créait un pont entre deux individus consentants, une chaîne, les liant jusqu'a ce que l'esprit rejoigne le néant. Il sentait une présence sous son crâne, une vision furtive, encore embrumée, désorientée, qui tentait de se ménager une place dans un fatras d'idées ne lui appartenant pas. La tête lui tournait. Son âme hurlait. C'était douloureux, immensément douloureux. Il agrippa le bureau cherchant a reprendre le contrôle. Il récita mentalement un mantra de concentration. L'une de ces petites phrases qui, répétées en boucle, aident a asservir sa propre essence, pour mieux lui imposer ses vues. Il soufla a nouveau, retrouvant un semblant de lucidité. D'un souffle, il put adresser a son homologue un encouragement.
"Nous serons frères. Nul autre que moi ne te connaitra mieux. Les ténèbres s'étendront, et je serais a tes cotés. "
Alors que Farang apposait son nom au traité d'alliance, Bontenmaru le regardait avec fascination. Totalement indifférent au sang qui imbibait maintenant son bandage sommaire et ruisselait le long de son avant bras, ses yeux ne quittaient pas la fiole de son vis à vis. Il était difficile de croire que son contenu puisse être du sang, tant son aspect différait de ce que Bontenmaru avait l'habitude de voir.
Lorsque Farang eu reposé le poignard, et que tout fut resté immobile quelques instants, Bontenmaru fut parcouru d'un frisson. En une fraction de seconde, tout ce qui l'entourait lui parut menaçant. Avec pour seuls soutiens un vieillard évanoui et un écuyer chancelant, l'apparent malaise de son homologue se communiquait à Bontenmaru avec une intensité décuplée. D'ailleurs, l'étrange substance avec laquelle son allié avait paraphé le document lui semblait à présent très étrange. N'avait elle pas l'odeur d'un poison mortel ? Et pourquoi le compagnon simiesque du sieur Farang, jusqu'ici si familier avait il subitement disparu. Ces pensées se bousculaient dans la tête du seigneur téméraire, lorsqu'un silence froid s'installa en lui.
L'éternité sembla se refermer sur Bontenmaru, un froid glacial figea son squelette, tandis que son souffle s'arrêtait.
Toute notion de temps semblait avoir disparu, tandis que sa vie lui revenait confusément en mémoire, des souvenirs qui ne lui appartenaient pas se mêlaient aux siens, formant une scène improbable dont la folie semblait être la seule issue. Son regard se voila, la dernière image qu'il perçu fut le visage du sieur Farang. Alors que ce dernier lui avait paru imperturbable durant leur rencontre, il présentait maintenant un rictus inquiétant, mêlant douleur et surprise.
Alors que le tumulte de son esprit commençait à s'apaiser, l'encouragement de son ami tira Bontenmaru vers la réalité. En ouvrant les yeux, il constata que ce n'était pas seulement leur passé que les deux seigneurs avaient échangés. Leur présent était désormais inextricablement lié, comme si une part de leur âme avait été échangée durant la conclusion de l'alliance de sang.
Alors qu'il parcourait des yeux la cabine de son allié, elle lui parut transfigurée. Il pouvait désormais voir au delà de la simple matérialité des objets qui l'entouraient.
Le fauteuil d'apparat de son homologue était nimbé des désirs et des projets insensés fomentés par ses précédents occupants.
Le corps sans vie du suivant de Farang, Voralim, n'apparaissait plus comme un pantin mécanique animé par quelque sordide maléfice. Les réminiscence des sentiments qu'il avait inspiré semblaient danser sur sa peau décrépie. Il semblait à Bontenmaru que chaque être, chaque objet qui l'entourait, exhalait son passé, offrant au regard de la non-vie un spectacle déroutant.
S'arrachant à sa fascination, Bontenmaru senti la vie revenir en lui. Son appétit d'or et de pillage, un temps masqué par sa transformation, revint avec force dans son esprit. S'il n'était plus tout à fait le même, il n'avait pas non plus totalement changé, et les affaires courantes nécessitaient son attention.
Avec un rictus qui se voulait un sourire amical, Bontenmaru s'adressa à son allié de sang.
« Mmm... tout cela était fascinant.
Mais cela ne change rien à notre arrangement initial. Pour vous les âmes, pour moi les pièces sonnantes et trébuchantes. »
Sur ces quelques mots maladroits, par lesquels il tentait de cacher son trouble, Bontenmaru s'apprêta à prendre congé, conscient qu'il ne serait plus jamais seul. Même lorsque la mort l'emporterait, il ne ferait que rejoindre son sinistre allié pour une éternité de conquêtes.
Edité par Farang Brisevent le 12/01/12 à 14:54
Ombre-lune | 12/01/12 15:45
Superbement inquiétant!
Et...rappelez-moi d'établir personnellement le contrat si nous venions à nous rencontrer.
Farang Brisevent | 13/01/12 14:13
Kärel | 13/01/12 18:49
Et bien, il y a des seigneurs dont les écrits forgent une renommée plus terrifiante et mystérieuse que ne le feraient mille conquêtes (bon, disons plutôt une bonne dizaine). J'espère juste que vos troupes ne sont pas aussi efficaces que votre plume, je n'apprécie que peu de voir les âmes de mes sujets volées
[HRP : Joli le récit, j'apprécie tout particulièrement l'ambiance !]
Cordialement,
Kärel.
Montre-moi ton multivitaminé, je te dirai qui tu es.
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Edité par Kärel le 13/01/12 à 18:49
Roxar | 13/01/12 21:02
(Sympa, un peu de mal à digéré le pavé mais ça vaut le coup )
Roxar, humble guerrier nain