Forum - Désirs assassins.
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Shadee | 27/05/11 20:23
Suite de: Caprices [Lien HTTP]
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Les mains du guerrier agrippèrent farouchement mes épaules et j'entendis son souffle rauque racler les derniers restes de vie contre mon oreille. Peu à peu, l'extrême rigidité due à la douleur disparut pour n'être qu'un corps mou cherchant mon soutien. D'un pas, je me débarrassai du fardeau. Ma lame dégoutta de sang sous la pluie battante qui formait des mares pourpres autour des cadavres de mon peuple. Je venais de tuer les miens et je me sentis incroyablement satisfait. L'éclat de mon regard témoigna du plaisir que j'avais à savourer la nourriture de mon orgueil. Yumen avait aussi ce masque de vainqueur plaqué sur son visage encore déformé par la rage. Qu'il est bon d'avoir un complice, un conseiller prêt à se sacrifier pour votre gloire !
La menace contre Shadee a été anéantie. La Reine m'a déçu. Ses hommes n'auraient jamais pu être à la hauteur de ce travail. Ou, était-ce mon talent qui dépassait la raison ? J'étais rongé par la volonté de réussir, et j'obtenais tout ce que je désirais. Aucun mur, aucune femme n'ont résisté à mes assauts. Pourtant, cette fois, une ombre pernicieuse torturait mon assurance. Je crois même que c'est ce qu'on nomme la peur d'échouer. Ce sentiment incongru décuplait mes forces sans qu'elles arrivassent à l'abattre. Quelque chose de moqueur chahutait ma lucidité pour la retrancher dans mes sombres colères. Peut-être étais-je fou de la vouloir à tout prix, cette maudite ? Pourquoi elle ? Quel mal m'a pris depuis ce jour où je me suis noyé dans ses yeux impérieux ? À ses pensées, la fureur silencieuse me porta en selle. Je crachai sur les corps abandonnés à leur sort de pitance. Seuls les cieux les pleuraient en ce jour gris. Yumen mit également le pied à l'étrier sans le moindre commentaire. Les mots étaient inutiles pour comprendre que nous n'allions pas nous abaisser à leur offrir une sépulture à ces traitres. Et puis à quoi bon les cacher ? Personne ne saura que leur Prince les a assassinés pour gagner une étrange bataille contre son peuple.
Le fort du Régent n'était plus qu'à quelques lieues. Sans perdre des secondes précieuses dans la funeste clairière qui a servi de campement provisoire aux elfes d'Olwë, nous nous lançâmes au galop. Les chevaux écumaient sous l'effort égoïste que nous leur demandâmes. La pluie avait quelque chose d'agressif. Ses gouttes cinglantes donnaient presque une sensation de griffure. Je me rappelle avoir imaginé que c'était cette bâtarde qui se jouait de moi durant cette course. Peut-être savait-elle ce que je lui réservais, et que son côté félin s'exprimait à travers ses griffes célestes. Elle représentait un défi capable de m'anéantir et cela me grisait au plus haut point. Beaucoup trop de jours s'étaient écoulés depuis notre première rencontre. Si elle m'avait oublié, ce n'était pas mon cas. Comment aurais-je pu ? Elle est la Fille des Éléments. L'air que je respire, le feu qui embrase mes veines quand mon esprit redessine son souvenir, les eaux bouillonnantes de mon désir, et cette terre trop vaste qui permet qu'elle m'échappe. Tout me faisait penser à elle.
Le Fort accroché au Mont d'Or était perdu dans les nuées. Habituellement, les marchands grouillaient à la naissance de la route. Mais le mauvais temps avait fait fuir les plus endurcis, même les catins ne racolaient pas. Les âmes cupides étaient calfeutrées dans des abris modestes. Le seul signe de vie venait des roulottes qui filtraient les lumières falotes des lampes à huile.
- Nous y sommes presque, Yumen. Le Régent sera surpris de nous accueillir.
- Et surtout honoré de recevoir Votre Grâce.
Mon rire fut étouffé par les sifflements du vent. Mon conseiller avait toujours le mot pour plaire à mon égo. Malgré la pluie, mes épaules ne se voutèrent pas. Au contraire, bien droit dans ma selle, je fixais le chemin pavé qui commençait à être avalé par les nuages bas.
- N'oublie pas, nous ne devons en aucun cas démonter une quelconque sorte d'empressement au sujet qui nous amène.
Yumen resta silencieux. Je crus qu'il approuvait mes paroles, mais sa voix lointaine de réflexion m'attira à l'observer.
- Ne devrions-nous pas révéler ce qui se trame au maître-espion ?
- Non !
Mon refus se fit entendre plus fort que je ne l'aurais souhaité. La surprise se lisait d'ailleurs dans l'expression de Yumen. Rapidement, il adopta son attitude froide et impassible.
- À votre guise, mon Prince. Pensez-vous qu'ils soient encore là, ou arrivés ?
Je sentis l'agacement poindre dans mes tripes. Je n'en avais aucune idée. Cette fois, je ne laissai pas mon tempérament prendre le dessus.
- Nous le verrons bien assez tôt. Nous avons besoin de repos et surtout le Régent pourra nous apprendre tout ce que nous désirons. Shadee et Gyok d'Ayres sont obligés de passer par ici s'ils veulent franchir la frontière pour rejoindre Olwë.
- Et s'ils ont déjà quittés le Fort...
- C'est impossible! J'ai envoyé un coursier il y a plusieurs semaines de cela afin d'ordonner au Régent de les retenir jusqu'à notre venue.
- Je l'ignorais...
J'entendis la vexation, mais je ne fis rien pour me justifier et encore moins pour l'effacer. Je suis le donneur d'ordres, je n'ai pas de comptes à rendre. De plus, j'avais agi en secret, Yumen ne devait pas être au courant lorsque j'avais pris cette décision. Le silence s'installa sans que je ne fasse rien pour le briser. Deux silhouettes armées abandonnèrent la protection des guérites et le rompa pour nous. La vue aurait pu être admirable si nous n'étions pas entourés de ce lourd brouillard qui cherchait à nous tremper jusqu'aux os.
- Déclinez votre identité et la raison de votre venue.
Un mince sourire fendit mon visage lorsque je répondis à la sentinelle. Je n'avais pas besoin de rabattre ma capuche pour faciliter son observation. Je savais qu'elle s'exécuterait sur-le-champ.
- Mon brave, voici le Conseiller Yumen et je suis le Prince Seypher. Ouvrez les portes.
Xüne Syphonn | 27/05/11 21:25
Tala | 28/05/11 10:10
Garalanus | 28/05/11 11:39
Shadee | 28/05/11 16:30
Larme De Fée | 02/06/11 01:15
Je sens qu'on va être bons amis, avec le beau-frère...
Mais quelles familles!!!
(Magnifique, c'est le mot!)
Brume Hociehän | 02/06/11 15:31
Il arrive sur la Grande Place et capte les dernières paroles, sans faire le lien, de la silhouette familière concentrée à écouter un conteur. Il se poste derrière Larme, les bras croisés, le regard ombrageux, prenant son plus beau timbre de stentor:
- Évidemment que nous allons être bons amis ! J'ai déjà passé l'épreuve de votre incessant bavardage, et malgré tout, je suis encore prêt à vous supporter !
Dans un éclat de rire accompagné d'une bourrade, il entraîne Larme boire la chope de l'amitié.
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Shadee | 19/06/11 16:34
La grisaille du jour obombrait la salle déjà grise des pierres en granit. L'espace était orné du strict minimum si bien que le feu dans l'âtre paraissait même décoratif dans la demi-nudité de la pièce. Cependant, l'éclat orangé n'avait rien de chaleureux, le fond de l'air restait froid et humide. Appuyé nonchalamment au chambranle d'une étroite fenêtre, j'adoptais à la fois une attitude indifférente, mais non moins menaçante. Yumen ne changeait pas, toujours impassible, presque hiératique dans le large fauteuil. Ses yeux caves balayaient la scène à la manière d'un rapace ne perdant aucun détail.
- Comment l'expliquez-vous ?
Le regard noir du Régent me fuya pour chercher un vain une échappatoire. Son allure soignée de spadassin devint presque grotesque tant sa gêne était évidente. Ma simple question ressemblait à une taillade dans son assurance. Mes lèvres se tordirent de mécontentement, et cela ne lui échappa pas. Pour l'aider à reprendre une prestance, je me tournai vers le panorama étréci par les parois en pierre, les mains réunies derrière le dos. Je ne vis rien d'autre que la partie d'un bastion noyé dans le brouillard. Comme par magie, il put composer une réponse. Ce serait donc le genre d'homme à se sentir plus fort quand un dos est offert, ce genre d'homme certainement capable de manigancer une félonie. Du reste n'y avait-il pas des rumeurs sur son compte qui laissaient entendre qu'il profitait d'une économie souterraine. Son poste à la frontière lui permettait certains avantages qui pouvaient couvrir son train de vie égrillard et flambeur. Jusque-là, je fermai les yeux sur ses activités tant que son travail n'en souffrait pas. Un furtif sourire accompagna le vif déroulement de mes pensées, je devrai réfléchir davantage à ce que je ferai de lui. Je l'avais nommé, je pouvais tout reprendre. Pour le moment, je préférai lui donner la liberté de terminer son intervention. D'ailleurs, j'avais perdu le fil de sa piètre argumentation, je m'en fichai royalement.
-...et qui plus est, il n'est pas un prisonnier, mais l'espion de votre roi. Je suis le Régent du Fort, et sauf mon respect, mon rôle n'est pas de mener une filature et encore moins de le garder retenu ici contre sa volonté.
Quand je lui fis face, il avait de nouveau son maintien plein de défi, sa main nonchalamment posée sur le pommeau de son épée suivant sa jambe cuissardée de cuir noir. Sa barbe courte taillée en pointe s'accordait parfaitement à son expression nouvellement piquante et triomphante. Le lustre de ses cheveux bruns tirés et réunis en tresse guerrière luisait à la faveur des flammes. Au bout de celle-ci, quelques macabres trophées de ses duels cliquetaient lorsqu'il se dirigea vers un fauteuil près de Yumen. L'impertinent allait-il s'assoir sans que je ne lui en donnasse pas la permission ?
- Comment osez-vous proférer de telles choses ? vociférai-je soudain.
L'effet escompté dépassa mes attentes. Il se figea et il cilla. Le dos raide du coup fouet verbal qu'il venait de recevoir, il s'inclina avec la rare humilité qu'il possédait
- Je vous prie de recevoir mes excuses, votre grâce. Ce n'est pas ce que je désirai dire. Je croyais que vous...
« - Ne vous permettez surtout pas de penser à ma place ! Je ne vous ai jamais ordonné d'espionner Gyok d'Ayres et encore moins de le faire prisonnier. C'est un acte de traitrise. Ce brave a fait beaucoup plus que vous pour notre peuple. » Mon ton se fit plus doucereux alors que mon regard ne devint qu'une fente suspicieuse. « Et comment se fait-il que j'aie pu ouïr votre outrecuidance à mon propos ? C'est presque si vous me jugiez coupable de quelques manigances obscures qui me forceraient à tenir en laisse le Maître-espion le plus brillant d'Olwë ! Savez-vous ce qu'il peut vous en coûter ?»
Je pris plaisir à le voir blêmir, sa gorge serrée trahit une déglutition pénible au mouvement de sa pomme d'Adam. Je l'avais au creux de mes mains, je pouvais le broyer ou bien en faire un pion à ma cause. Je ne savais encore... Je n'avais le droit à aucun faux pas. Je lui jetai un coup d'oeil rogue tout en faisant signe à un serviteur de me donner une coupe de vieux vin. L'homme en service se pressa de satisfaire mon désir. Je n'étais d'ailleurs pas mécontent qu'une autre oreille puisse entendre cet échange. Les commérages iront bon train, et en ma faveur. À présent, c'en était assez, d'un geste je le congédiai alors que le Régent se défendit d'une parole hésitante :
- Jamais, Noble Prince, je n'ai nourri de telles idées. Je dis simplement qu'il est surprenant que vous m'ordonniez de retenir le célèbre espion et la charmante dame qui l'accompagne.
Elle était donc là. Si près.
Yumen décroisa lentement ses doigts pour poser ses bras sur les accoudoirs. D'un ton égal presque distant, il offrit ses premiers mots pour venir à ma rescousse, masquant ainsi mon trouble :
- À votre niveau, Régent Ulien, vous n'êtes pas censé discuter les ordres. Votre devoir est de surveiller la frontière avec vos propres garnisons, vos droits s'arrêtent ici. Notre Prince vous a demandé de faire votre travail, il n'a pas requis vos compétences pour chercher une raison à celui-ci.
Je ne laissai pas voir le soulagement que je ressentis aux propos de mon conseiller. J'eus le temps de me recomposer une attitude adéquate. Je devais être l'image même de la menace planante et non pas celle d'un seigneur épris. Le Régent devait comprendre avec qui il jouait dans ce que n'avait rien d'un de ces jeux de hasard auxquels il s'adonnait. Mes mots devinrent lénifiants alors que je souffrais de ne pas le questionner sur la présence de Shadee, ceci afin de ne pas me trahir :
« - Je vous accorde quelques petits avantages, cher Régent. » Je lui offris un doux sourire presque paternel rapidement éteint lorsque je savourai une gorgée de vin avant de reprendre : « vous ne pensiez tout de même pas que je n'étais pas au courant de vos affaires personnelles... » Sa main se serra sur la garde de son épée, je fus astucieux pour ne pas le relever d'un regard trop insistant. « Je suis bon avec vous, vous êtes ici seulement parce que je l'ai voulu. Que feriez-vous en ce moment si tel n'était pas le cas ? Vous ne seriez sans doute qu'un hobereau endetté sans le moindre attrait. Disons que, pour cette fois, je vous épargne un opprobre. Être honnis n'a jamais rien d'agréable, n'est-il pas ? »
Il resta muet, la tête légèrement inclinée en signe de soumission totale ou à la manière d'un morveux enfin dressé et pris en faute. À cet instant, un soldat fit brusquement son entrée. Sa cape dégoulinait de pluie, la boue avait marqué jusqu'à son visage tiré. Sa course avait dû être rapide. Nous le dévisageâmes tous avec stupeur. Quand il se rendit compte que le Régent n'était pas seul, je lus une certaine frayeur nourrie par ma présence. Néanmoins, il délivra son message :
- Mes seigneurs, une petite dizaine d'hommes a été tuée à quatre lieues plus à l'Ouest. Ce sont des elfes d'olwë, apparemment en mission. Nous avons trouvé ceci.
Le Régent marmotta quelque chose. Peut-être priait-il pour que j'épargne son honneur ou même sa vie. Le soldat hésita et finalement dépassa son supérieur pour me remettre une lettre de créance tachée de sang coagulé. Grâce à cela, je n'eus pas besoin de la réclamer, de plus, mon autorité écrasait celle du Régent.
- En avez-vous pris connaissance, mon brave ? demandai-je en retenant douloureusement mon empressement. La chance me souriait.
- Non, mon Prince.
- Bien, disposez - sans attendre pour que le militaire puisse entendre mes propos, mon attention se planta sur le Régent : édifiant ! À cause de votre négligence et de vos trafics, des conflits d'intérêts de mercenaires ont lieu à la frontière ! Je devrais vous condamner à la mort, très cher...
Yumen sourit en coin. Il apprécia la façon dont la situation se retournait. Le messager providentiel tressaillit avant qu'il ne quittât la salle. L'affaire était réglée et sera étouffée. Avec un ton presque badin alors que je jetai la lettre de mission au feu, je m'adressai à notre hôte pris de sueurs froides :
- Ce sera tout pour aujourd'hui, vous en avez trop fait ou pas assez. Préparez-moi un repas digne de ma visite pour demain soir. Il me semble qu'il y a une dame ici... Mettez-y des fleurs et des lumières, faites venir des musiciens afin que la soirée ne ressemble pas à une veillée mortuaire. Et achetez-lui une robe pour l'occasion. J'aimerais qu'elle soit mon invitée, ce qui est un honneur pour elle.
Gzor | 20/07/11 12:38
(Waow, je viens de lire tout le cycle, et c'est ex-cel-lent !
J'vais en prendre de la graine, tiens )
Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !