Forum - Orgueil et Prisonniers
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Kyrio | 03/05/11 22:32
Il est des jours où tout semble aller pour le mieux. Ces jours-là, on aurait presque envie d'être optimiste.
Quelques dizaines de toises au-dessus de Biznessdhil, Hubert Zerc se congratulait. Il venait de recevoir les dernières nouvelles de Certadhil, qui lui semblaient pour le moins positives ; c'était une publicité énorme, en réalité. Jamais les Arbalètes Trébuchantes Catapultées n'avaient participé à un conflit d'une telle ampleur, et l'homme ne regrettait pas d'avoir contacté le seigneur Gzor voici de nombreuses lunes. Sa propre satisfaction aurait pu lui suffire, mais il était soucieux de rappeler l'importance de son rôle dans l'anéantissement des troupes du Chaos. Il saisit donc sa plume et écrivit.
Hubert ZERC - Arbalètes Trébuchantes Catapultées - Z.A. Biznessdhil - Daifen
Seigneur Gzor
La-citadelle-qui-n'est-pas-loin-des-ru ines-du-Sans-Nom
Certadhil la Maudite
Biznessdhil, lune 1045.
Sujet : Victoire.
Monseigneur,
Il n'alla pas plus loin. Fallait-il entretenir son client des problèmes que rencontraient son entreprise ? Il y réfléchissait depuis plusieurs jours et la solution lui semblait toute trouvée. Mais il en avait assez entendu sur le caractère de Gzor pour redouter les conséquences de ce qu'il s'apprêtait à faire.
Il était fatigué. La vie d'homme de financier était loin d'être facile, en particulier lorsqu'on devait choisir entre ses intérêts et sa réputation. Zerc soupira, relut ses notes, les chiffres issus de son partenariat avec le chef de guerre, et finit par reprendre l'écriture.
« Nous verrons bien. »
Je tiens, au nom de mon entreprise toute entière, vous féliciter pour votre victoire sur le Mal. Nous ne sommes pas sans savoir à quel point vous fûtes essentiel à la défaite de ces maudites engeances, aussi nous sommes très heureux d'avoir pu être votre fournisseur durant ces douloureuses et innombrables lunes.
Néanmoins, depuis l'ouverture des Cercles Maudits, nous sommes soumis à des demandes de plus en plus nombreuses. L'efficacité de nos produits a, grâce à vous, fait parler d'elle et, pour garantir cette même qualité à nos prochains clients, nous avons dû nous résoudre à vous annoncer la fin du contrat conclu avec vous peu avant la défaite du Sans-nom. Nos ouvriers pourront ainsi s'acquitter du travail colossal qui les attend.
Comme précisé dans les clauses additionnelles du document signé à la lune 1022, toute résiliation de l'accord commercial implique le paiement immédiat des charges ajournables. Nous vous prions donc de régler dans les prochains jours les frais de livraison indiqués dans le document ci-joint.
En vous remerciant pour votre confiance, veuillez agréer, Seigneur Gzor, l'expression de mes ouvriers licenciés.
Hubert ZERC
Président-Directeur Général des A.T.C.
Le président reposa sa plume en soupirant. Il avait encore des doutes sur ce qui allait réellement se passer, mais il était soulagé d'avoir achevé sa lettre. Au mois n'aurait-il plus à se questionner sur les mots à choisir. Il avait sans doute été un peu direct, mais que voulons-nous : c'était un homme d'affaires, et voir un directeur rédiger lui-même ce genre de lettre devenait rare sur Daifen.
Hubert Zerc quitta son siège pour rejoindre sa fenêtre, la plus haute de tout le continent. Le soleil baissait déjà à l'horizon, et les nuages au loin semblaient fuir Biznessdhil. Il n'aurait su dire pourquoi, mais il avait l'impression que quelque chose allait sortir de ces formes lointaines.
Quelque chose de plus dangereux qu'une lettre du service consommateurs.
( HRP : Ce texte est la suite d'Offre commerciale [Lien HTTP] , rédigé par Gzor et moi-même. Je viens de me rendre compte que cela fait deux fois que Zerc se lève pour aller à la fenêtre en fin de récit )
Edité par Kyrio le 04/05/11 à 15:19
Gzor | 04/05/11 16:37
La missive était arrivée au petit matin. C'était un de ces jours où la terre semblait pleurer l'âme des disparus.
Gzor, ayant terminé la lecture, jeta un regard noir au pigeon blanc qui, peint aux couleurs des Arbalètes Trébuchantes Catapultées, roucoulait, l'oeil vide. Une tentative d'écrabouillement ratée fit s'envoler le volatile vers des horizons meilleurs. Aussitôt, un Ktulu vint se poster à l'endroit que l'ovipare à plumes avait quitté, et fixa son maître d'un regard torve.
Ce dernier tenta de reprendre son calme. Les ATC fournissaient environ la moitié des catapultes que Gzor faisait construire chaque lune, le reste étant assuré par des artisans et d'autres fabriques. Ce retrait de contrat, ce véritable affront de la part d'un pantouflard de biznessman pas fichu de mener quelques ploucs en guerre ! C'était la chose de trop, qui touchait directement une puissance militaire déjà endommagée par le départ des partenaires commerciaux et la nouvelle orientation économique autarcique prise par le seigneur.
Il n'allait pas laisser cela se faire. Tout du moins, cela n'allait certainement pas rester impuni.
Se levant, il sortit de son cabinet de travail. Il devait voir Alkhor, son chef-espion.
Il avait une petite idée en tête...
Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !
Kärel | 04/05/11 18:42
Ha, quel caractère de cochon, on dirait... un cochon
[HRP : Joli texte ! ]
Edité par Kärel le 04/05/11 à 18:42
Roxar Le Guerrier | 05/05/11 10:46
Tsss ... même pas capable de tenir la longueur ces ATC. Faudra que je me rappelle de ne pas faire appel à eux. Sur les cercles, on a trop besoin d'armement pour se permettre ce genre de cessation !
(HRP : J'attends avec hâte la réaction )
Roxar, humble guerrier nain.
Un guerrier sans seigneur ne sert à rien, mais un seigneur sans guerrier ?
Gzor | 10/05/11 07:43
Les trois passagers enveloppés de noir sautèrent dans l'eau, et trainèrent la barque sur la grève.
L'un d'eux avait de l'eau jusqu'aux genoux. C'était un de ces êtres qui, dans cet accoutrement, étaient d'une discrétion redoutable. Le soleil, qui se reflétait sur l'onde boueuse, révéla un instant une fraction de son épiderme : une longue cicatrice à l'endroit où devait se situer sa joue gauche. La peau du visage fin aux yeux alertes était verte.
Ces quelques indices ne laissaient aucune place au doute : il s'agissait d'un nerlk.
Ses camarades, quant à eux, étaient beaucoup plus trapus et corpulents. Ils offraient au regard une pilosité faciale importante, dont le chef-d'oeuvre était une barbe de type standard.
Ces deux nains - vous l'auriez deviné. [Non ? Ah. Tant pis.] - Bref, ces deux nains portaient tous deux de lourd sacs sur leur dos ; ils semblaient accorder la plus grande attention à leur transport.
Après avoir ramassé les affaires traînant sur le plancher de l'embarcation, ils l'abandonnèrent. En face d'eux, la ligne continue des falaises, qu'ils n'avaient eu de cesse de longer depuis leur arrivée près de la terre ferme, était brisée par un éboulement.
S'avançant, ils entreprirent de l'escalader. La pente, bien que rude et ponctuée d'énormes rocs écorchant les chaussures, était préférable au mur de roche.
Au bout d'une pénible demi-heure d'efforts, le petit groupe fut au sommet de la falaise.
«- N'empêche, quelle merde, cette craie ! lâcha un nain qui, guidé par l'instinct irrépressible de ses ancêtres, s'était retenu de vomir durant toute la grimpette.
- Sur Certadhil, au moins, on creuse de la vraie pierre ! Du grès basaltique, sur toute une montagne, c'est tout de même pas de la... »
Il fut stoppé net par un regard foudroyant de son supérieur qui, portant son index à ses lèvres, lui intima le silence le plus total. D'une séquence de gestes des deux mains, il lui signifia que la mission entrait dans une phase critique.
Il enchaîna en désignant du doigt une série de constructions imposantes, à deux cent mètres. Il s'agissait de leur objectif.
En superposant ses deux mains de manière saugrenue, il leur ordonna d'adopter la formation n°15-76 qui, comme son nom l'indique, consiste en un simple triangle.
Ils appliquèrent la consigne avec diligence, et avancèrent vers les fabriques des Arbalètes Trébuchantes Catapultées ; elles étaient, à ce moment même, en pleine effervescence, du fait de la récente intensification des commandes.
Le chemin menant au complexe était en terre. L'entrée était gardée par quelques gardes.
Ils se camouflèrent à la va-vite derrière des caisses de bois.
Au loin, la cloche de la pose de midi sonna. Il était temps d'agir.
Le nerlk dégaina sans un bruit deux couteaux de lancer. Les nains, quant à eux, mirent en joue les factionnaires avec des minis-arbalètes.
Leurs regards se croisèrent. Le peau-verte donna le signal.
Les gardes, occupés à somnoler, appuyés sur leur lance, entendirent un bruit de projectile fendant l'air. Ils se réveillèrent, mais trop tard : en à peine quelques secondes, ils étaient à terre, la gorge traversée par un quelconque objet tranchant.
Une fois s'être assuré que leurs cibles ne bougeaient plus, les assassins sortirent de leur cachette. S'avançant vers les cadavres, ils s'arrêtèrent et les contemplèrent un instant.
«- Joli lancer, Alkhor, commenta un des nains.
- Merci, répondit le nerlk. Ne perdons pas de temps, nous risquons d'être découverts d'une minute à l'autre.»
Le passage était désormais libre ; ils pénétrèrent sans encombres dans le complexe des Arbalètes Trébuchantes Catapultées.
L'endroit était moins impressionnant que d'autres centres industriels qui leur avaient été donné à voir : autour d'une tour d'environ vingt-cinq toises de hauteur, faite d'une matière bleue translucide reflétant la lumière du soleil, et dotée à sa base de dépendances de couleur gris-blanc, se pressaient des entrepôts et ateliers de style plus moyennâgeux, aux murs faits d'un matériau ocre. Des repérages avaient désigné le lieu où devait aboutir leur mission.
Après avoir parcouru le plus discrètement possible les ruelles, ils arrivèrent en vue de leur objectif : un bâtiment de trois étages, d'une longueur moyenne, doté de petites fenêtres carrées disposées de façon régulière le long de murs de pierre.
La porte de fer, verrouillée, fut facilement crochetée. Elle s'ouvrit en grinçant.
Les intrus passèrent la tête dans l'entrebâillement et jetèrent un coup d'oeil. L'endroit était, selon toutes probabilités, gardé.
«- Je vais faire diversion, souffla Alkhor aux deux ingénieurs. Une fois qu'ils seront à mes trousses, faites ce que vous avez à faire. »
S'élançant dans la pièce avec le moins de discrétion possible, il jeta quelques regards. C'était un entrepôt : des catapultes déjà montées, ainsi que des caisses de bois renfermant des kits d'armement balistique et des arbalètes, prenaient une bonne partie de l'espace.
Il n'eut pas vraiment le temps de s'attarder plus. Un éclat de voix jaillit à sa droite. Se retournant , il aperçut trois vigiles accourant dans sa direction. Il fit tout d'abord mine de se mettre en garde, puis, pressé par l'urgence, se précipita - volontairement - in extremis vers une sortie repérée quelques minutes auparavant.
Ne se doutant pas du piège, ses poursuivants s'engouffrèrent à sa poursuite, laissant le champ libre aux nains.
Le souffle haletant, il aperçut les gardes sortir du bâtiment. Ne réfléchissant pas plus que cela, il fonça droit devant lui, remontant une allée de terre battue, alors que les cris des hommes parvenaient à ses oreilles pointues.
Il se concentra sur ce qu'il devait faire : s'éloigner le plus possible. Les saboteurs nains devaient dores et déjà être en train d'assembler les deux hémisphères, soigneusement transportés sur leur dos dans des sacs rembourrés. Une fois la sphère complète, des transvasements se produiraient, conduisant à une gigantesque explosion.
Soudain, devant lui, lui coupant la retraite, un petit escadron d'hommes en armes surgit d'un angle. Un mauvais réflexe le fit se retourner. Il était cerné.
Il se précipita sur une porte. Elle était verrouillée.
Il fit volte-face, au pied du mur. Les soldats, désormais à quelques mètres, se jetèrent sur lui.
C'est alors qu'une déflagration assourdissante se produisit. Tournant la tête sur le côté, Alkhor eut le temps d'admirer, alors qu'un souffle chaud l'atteignait, une gigantesque boule de feu orangée s'élançant du bâtiment, pendant que des flammes ardentes sortaient des fenêtres et formaient un panache de fumées noires montant vers un ciel gris, réduisant en cendres l'orgueil des Arbalètes Trébuchantes Catapultées.
Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !
Edité par Gzor le 10/05/11 à 19:42
Kyrio | 04/06/11 20:01
La secousse avait animé la tour pendant plusieurs secondes. Le président reprenait ses esprits. Il avait basculé son fauteuil et posé ses pieds sur la table quand la pièce s'était mise à vibrer, et sa position n'était pas idéale puisqu'elle lui avait permis de s'écraser sur le parquet.
Le financier martela le dispositif installé sur son bureau, qui permettait de communiquer entre les différents lieux de la tour ; il espérait pouvoir contacter son assistant, qui devait savoir la cause de ce séisme. L'appareil ne fonctionnait pas. Il se précipita vers la porte qu'il ouvrit violemment, manquant de l'arracher de ses gonds, et hurla :
- Palandier ! Qu'est-ce qu'il se passe en bas ?!
Mais le fait de résider plusieurs étages au-dessus des autres bureaux, de sorte de ne point être dérangé, révélait à présent tout son désavantage. Hubert Zerc fit volte-face, contourna son pupitre et passa sa tête au travers de la fenêtre. Il ne constata rien d'anormal, mais son orientation au sud l'empêchait de voir ce qui se passait au niveau des ateliers. Les quelques entrepôts visibles étaient toujours déserts à ce moment de la journée ; les employés s'empressaient d'aller déjeuner dès le retentissement de la cloche. Cela dit, tout n'était peut-être pas si inintéressant de ce côté : une fumée noire s'élevait à gauche de la tour, et une forte odeur de cendres et de bois brûlé commençait à atteindre le sommet de l'édifice.
Zerc fut pris de panique. Si la tour était en feu, c'étaient non seulement l'entreprise de toute une vie qui disparaissait, mais aussi certainement lui-même : lorsque l'on siégeait aussi haut, il était difficile de descendre l'escalier avant que le bâtiment s'effondre. Les colères de notre ami pouvaient parfois prendre des proportions démesurées, mais il avait toujours voulu être un homme calme, dont on admire la fermeté et l'habileté : il avait appris à maîtriser ces emportements indésirables. La situation mit fin à des années de self-control.
- Palandier ! Ramenez vos miches, bordel !
Devant le silence de la cage d'escalier, Hubert Zerc décida de s'en remettre à lui-même, et de punir les marches en les descendant à toute allure. Son affolement l'amena très vite au rez-de chaussée, et il constata rapidement que l'incendie ne se situait pas dans la tour, mais dans les ateliers : il se rua vers l'origine du désastre, qu'il apercevait au milieu du complexe, laissant une secrétaire abandonner le début de sa phrase. Une foule semblait déjà se réunir autour du bâtiment détruit.
Palandier, déjà sur les lieux, rejoignit son supérieur à quelques mètres de l'édifice. Deux ouvriers tenaient derrière lui un homme à la peau vert sombre, qui semblait avoir perdu la motivation même de se débattre. Un Nain était assis à côté des ruines, se lamentant de la destruction de si belles machines.
- Nous avons de la chance, il n'y a eu aucune victime, remarqua Palandier.
- De la chance ? Tout un entrepôt détruit, des dizaines d'armes et de plans réduits en cendres ! Qu'est-ce qui a pu se passer ?!
- Des ingénieurs nains, dit gravement l'assistant. Ils sont morts dans l'explosion, ajouta-t-il devant le regard interrogateur du financier. Mais les gardes ont intercepté ce Nelrk.
Le prisonnier haussa un sourcil. Zerc s'approcha de lui, de plus en plus furieux. Il n'était pas en plein milieu d'un conflit diplomatique de premier ordre ! Qui avait bien pu vouloir l'attaquer ? La concurrence ? L'étonnement le retenait encore de faire exploser sa fureur.
- Qui vous a envoyé ? lança-t-il au verdâtre, moins poliment qu'il ne l'aurait souhaité.
Sa question demeura sans réponse. Un garde interpella le président et lui désigna un bout de papier.
- Le type portait ça sur lui. « Mission accomplie, bâtiment ATC détruit. Alkhor. ».
- Il était sûr de lui, au moins, pour écrire ça avant même de l'avoir fait, commenta un second vigile.
- Mais cela nous donne son nom, conclut Hubert en rejoignant l'espion démasqué. Je réitère ma question, reprit-il en s'y adressant : qui vous a demandé de faire sauter mes fabriques ?
- Allez au diable, souffla Alkhor, provoquant chez son ennemi une amplification colérique, et l'ingestion d'un cachet d'aspirine.
- Monsieur le Président... commença Palandier.
- Qu'y a-t-il ?
- Je pense que nous ne tarderons pas à connaître notre ennemi.
Le fonctionnaire désignait une forme longiligne apparue au loin, et qui se rapprochait dangereusement. Un silence angoissé s'installa dans l'assistance, jusqu'à ce qu'un ouvrier nain, qui avait autrefois combattu comme chasseur de géants, pousse une exclamation stupéfaite. L'engin vindicatif battait un pavillon qui lui était familier.
Celui de Gzor.
Gzor | 14/06/11 12:05
Le gigantesque engin de la M&W Corp s'approchait rapidement du sol. Il parvint à se placer en vol stationnaire au-dessus de l'avenue partant de l'entrepôt en ruines, juste en face de Zerc et du petit attroupement, qui grossissait au fur et à mesure que des ouvriers sidérés par l'aéronef s'approchaient. L'immense enveloppe avait grand-peine à rentrer dans l'espace entre les bâtiments, mais seule la nacelle se trouvait en-dessous des toits, alors que l'ovoïde en toile, lui, était bien au-dessus des charpentes. Le géant des airs, impressionnante merveille de technique, se rapprocha du sol, déclenchant le déplacement de masses de poussières accentuant encore le côté épique de cette arrivée en trombe.
Dans un horrible grincement, quatre vrilles sortirent des coins du parallélépipède métallique, et s'enfoncèrent dans le sol, à une bonne toise de profondeur. Les solides cordes les reliant à l'engin semblèrent se raccourcir, alors qu'au moyen d'un complexe système de roues et de poulies on réduisait la distance au sol. Le dirigeable, dont le ventre de fer touchait presque la terre granuleuse et jaune, était désormais stabilisé.
Aussitôt, sur la pointe de la nacelle, une porte verticale s'ouvrit et s'abattit avec violence sur la terre, soulevant un petit nuage de poussière. Des pas se firent entendre sur le métal, et devant les yeux étonnés de Zerc, Palandier, des gardes et des ouvriers, et celui, narquois mais dissimulé par les humains, d'Alkhor, les visiteurs sortirent.
Entouré de six Élémentaires d'Éther de grande taille placés symétriquement entre sa droite et sa gauche, Gzor, les yeux rouges semblant flamboyer, la démarche assurée, le regard menaçant, l'allure arrogante et déterminée, posa pied sur le sol de Biznessdhil.
«- C'est terminé, Zerc ! »
La voix grave perça le silence lourd qui s'était installé. Le changeforme fixait le petit comité d'accueil : devant lui se tenait ce qu'il savait être Hubert Zerc, Président Directeur-Général des Arbalètres Trébuchantes Catapultées. À côté de lui se trouvait un humain qui avait toutes les chances d'être son assistant. Enfin, quatre gardes, les lances à la main, présentées de manière visible, comme s'il s'était agi d'un accueil diplomatique normal, formaient un mur derrière les deux individus ; il ne pouvait pas voir ce qui siégeait derrière. Un attroupement compact d'ouvriers nains curieux commençait à se former.
Gzor, faisant quelques pas dans leur direction, suivi à une distance raisonnable par son escorte, pointa un index accusateur vers les humains, qui semblaient peu à peu se reprendre.
«- Vous croyiez avoir eu le dernier mot, en mettant fin à nos relations commerciales ! Sachez que ce que je viens de faire, je suis tout à fait capable de le refaire. Votre minable entreprise n'est rien face à ma puissance ! L'auriez-vous oublié lorsque le message que je vous ai envoyé, énonçant clairement les menaces de représailles, est resté sans réponse ? Et puis,... »
Zerc fronça un instant les sourcils, tentant tant bien que mal de se maîtriser et d'éviter d'envoyer un quelconque objet valser dans la direction du beau-parleur, ce qui provoqua l'ingestion brutale d'une demi-douzaine de cachets d'aspirines, tendus par un garde consciencieux dont la main faillit être broyée. Palandier, quant à lui, cherchant dans sa mémoire, ne trouva aucun souvenir du courrier que le seigneur prétendait avoir envoyé. Il conclut à une erreur administrative, ou à une bourde de la secrétaire... Toujours la même, décidément.
Le flot de paroles continues, malgré l'emphase maléfique du polymorphe, semblait lui rentrer par une oreille et ressortir par une autre. Il se demanda vite comment il faisait pour ne pas s'endormir, et attribua cette prouesse à une habitude des palabres, souvent ennuyeuses, des négociations commerciales.
Il se souvint soudain d'un petit manuel qu'il avait eu entre les mains il y a de cela de nombreuses lunes, quelque chose comme Manuel de survie en milieu diplomatique tendu, et détaillait plusieurs situations de crises, et les manières d'y réagir.
Quelques-uns de ces chapitres lui revinrent en mémoire... Échapper à un lingot pestiféré, c'était pas ça... Savoir persuader les interlocuteurs de lâcher le morceau... Mmh, d'après ses souvenirs, les conseils prodigués n'étaient pas utiles...
Ah, peut-être ceci... Réagir face à une tirade de méchant...
La page lui revint en mémoire. Et il y avait marqué...
Patientez, si vous voulez survivre....
Zut.
Quoiqu'il en était, le changeforme avait l'air d'une humeur massacrante, et continuait à débiter un flot de paroles qui, au vu de l'expression de son visage, semblaient être porteuses des pires menaces. Avec difficulté, l'assistant du Président, sortant de la brume de ses réflexions, tenta de retrouver le fil de la conversation.
«- ... de même, sachez qu'une importante part de mes forces a débarqué sur ce dhil, et ils n'attendent que mon ordre pour foncer sur vos fabriques. »
L'annonce fit l'effet d'une bombe. L'ex-chasseur de géant se dit qu'il n'aimerait pas trop se faire massacrer par un de ses anciens camarades, alors que la foule poussait une exclamation de surprise et de frayeur mêlées.
«- Voici donc : soit vous reprenez immédiatement les livraisons, au rythme que Certadhil vous imposera, et vous placez sous la tutelle de mon royaume, soit vous serez annihilé tel l'insecte que vous êtes. »
L'envahisseur polymorphique croisa les bras, un air de triomphateur aux lèvres.
Zerc eut un petit sourire ; la situation était gravissime, mais les cachets avaient sur lui un effet calmant.
«- Oh, oh, minute, commença-t-il, souriant légèrement. Il y a un petit détail que vous semblez avoir négligé. »
L'assistance, ou du moins la partie proche de l'assistance qui put entendre ces quelques mots au milieu d'un vacarme certain, retint son souffle.
«- Nous avons votre espion ! »
«- QUOI ??? »
Un petit sourire satisfait ornait désormais le visage d'un Président des ATC content du chamboulement faisant voler en éclat le plan de son adversaire, alors que les gardes s'écartaient et, le saisissant, exhibèrent un Alkhor ligoté aux mains et aux pieds, et fermement maintenu en place.
«- Désolé. », balbutia le nerlk devant le regard sévère de son supérieur.
Ce dernier, le visage fermé, le regarda dans les yeux. L'espion détourna les yeux, honteux ; il venait sans doute de descendre d'un bon cran dans l'estime de son maître.
Le PDG des ATC, l'air triomphant, reprenait de la verve. Il pointa un index démonstratif vers le ciel, les yeux brillant de l'excitation de la négociation ; il venait visiblement de détruire les certitudes de son adversaire.
«- Donc, vous retirez vos troupes, vous arrêtez cette mascarade et vous partez - loin -, sinon, on ne tue votre espion - ou plutôt, notre otage -, qui restera ici en garantie de bonne foi ! »
Le polymorphe plissa les yeux, et eut un sourire en coin. Le calcul était roublard, la malchance au rendez-vous, et le pantouflard biznessman venait de faire s'écrouler son beau plan comme un château de cartes. Ce dernier, quant à lui, se découvrait un côté pragmatique et cynique : les circonstances l'exigeaient, mais Palandier lui-même avait semblé être surpris lorsque son supérieur avait énoncé que les ATC garderaient Alkhor prisonnier.
«- Et si j'attaque ?, tenta Gzor.
- On l'exécute.
- Cela ne vous sauvera pas d'une mort certaine.
- Nous pourrons évacuer.
- Je n'en serai pas si sûr, à votre place... »
Hubert, tel le soufflé, retomba, l'élan d'éloquence brisé. C'était stupide, en effet, le port allait sans doute être leur première cible.
«- Si vous nous détruisez, vous ne pourrez plus rien tirer de nous...
- Peu importe, répliqua le changeforme, avec une mauvaise foi crevant les yeux.
- ... et nos autres clients risquent de se venger. Et ils sont nombreux. »
Le seigneur réfléchit à cette dernière assertion, qui était loin d'être fausse. Il n'aurait vraiment aucun intérêt à se mettre ainsi à l'écart du point de vue diplomatique, surtout pour une telle histoire, si dérisoire en comparaison.
La situation était désormais bloquée ; chaque parti avait avancé tous ses arguments, et chacun était menacé de de destruction s'il mettait ses menaces à exécution ; de même, s'il renonçait, il perdait une part de lui-même.
Soudain, un vacarme se fit entendre au-dessus de leur têtes. Levant les yeux, les spectateur purent voir tomber comme des masses deux petites furies se battant avec énergie.
Les deux créatures tombèrent sur le sol poussiéreux avec un bruit mat. On peut enfin distinguer les deux lutteurs acharnés.
D'un côté, il y avait un pigeon gris, roucoulant de fureur, les plumes poussiéreuses, alors que d'autres se désolidarisaient de l'épiderme du fait de la violence du combat. Malgré ces dommages, le volatile, à coups de becs, donnait du fil à retordre à son adversaire.
Un Ktulu. La créature tentaculaire était toujours une surprise, mais les divers correspondants de Gzor s'étaient plus ou moins habitués à ces entités qui, bien qu'étranges et obtenues d'une manière qu'on osait à peine chuchoter dans les couloirs, n'étaient agressives que si leur maître leur en avait donné l'ordre. Le spécimen présent était sans doute à l'origine de l'attaque, et il se battait bien : ses tentacules fouettaient l'air, tandis que ses pattes agiles griffaient l'oiseau urbain.
Le polymorphe semblait regarder cette diversion avec un oeil amusé. Se reprenant, curieux de voir le message que la créature devait porter, il mit fin au combat.
« Laisse-le. »
À ces mots, le Ktulu se détourna du volatile, qui, épuisé - au même titre que son adversaire -, s'effondra au sol, battant des ailes dans le vide, affalé sur le ventre..
Le céphalopode déploya ses ailes et se plaça en vol, au niveau de son maître. Le roucouleur, quant à lui, se traîna vers Hubert Zerc, qui le recueillit dans ses mains.
Avec une coordination involontaire, les deux dirigeants ouvrirent les messages leur étant destiné, et ce, en même temps.
Cinq bonnes minutes de flottement s'écoulèrent, durant lesquelles les yeux de Zerc et de Gzor, s'ignorant mutuellement, semblèrent lire et relire les missives, alors que la foule se demandait ce qui se passait.
Ils relevèrent ensemble la tête.
«- Vous semblez soudain bien soucieux. », releva le changeforme, un sourire aux lèvres.
L'homme d'affaires montra le message à son assistant, qui siffla d'étonnement, les yeux exorbités.
Hubert regarda Gzor.
«- En effet. »
Devant le regard insistant, il se dit que son adversaire était sans doute déjà au courant ; il était inutile de lui cacher l'affaire.
«- Les gardiens du port de mon entreprise me signalent qu'une importante flotte, battant une trentaine de pavillons divers et variés, se dirige vers le continent...
- .. et mon armée me signale que des éclaireurs ont repéré des vaisseaux débarquant soldats et ouvriers sur les plages et les criques. Des groupes se sont déjà enfoncés dans les terres. »
Cet évènement impromptu changeait radicalement la donne.
Zerc craignait avant tout pour la sécurité de la Zone d'Activité Biznessdhilienne. Sa petite force de sécurité n'allait certainement pas faire le poids dans la guerre se préparant sur le dhil, qui était resté de si longues années paisible. Une organisation telle que la sienne n'allait pas passer inaperçue, et il avait suffisamment de problèmes sans gérer, en supplément, de complexes relations diplomatiques. Il savait parfaitement qu'il aurait rapidement des ennemis, tous les non-nains, en fait.
De l'autre côté, les forces de Gzor n'était pas préparées à supporter une guerre de durée ; elles étaient ici pour ce qui était censé être une expédition brève et peu éprouvante. De plus, la flotte de transport était vulnérable, et la missive mentionnait également des combats forcés avec quelques navires, qui avaient été coulés, non sans peine. L'armée s'était regroupée, en ordre de départ ; ils avaient pris la décision d'éviter tout contact avec les arrivants. Bien sûr, à ce stade, il pourrait encore s'abattre avec violence sur eux, mais c'eût été imprudent ; la nouvelle se serait vite répandue, et son statut dans les guerres futures aurait été gravement menacé.
Le changeforme sourit. Il savait tout à fait ce dont Zerc avait peur, et ce dont il avait besoin ; il allait pouvoir habilement renverser la situation.
«- Zerc, j'ai une offre à vous soumettre. C'est à prendre ou à laisser. »
Le biznessman leva un sourcil.
«- Laquelle ?
- Je suis disposé à laisser cinq cent de mes chasseurs de géants, ainsi que trente catapultes et leurs balistaires, sur ces terres, pour la protection de vos installations. Ces troupes seront dirigées par un intendant, et porteront votre drapeau. En échange, vous me rendez mon espion, et vous reprenez le contrat que je vous transmettrai.
- Mais...
- Si vous refusez, je m'en vais, comme je suis venu. Si jamais, au cours de cette mission de protection, vous manquez à une seule de vos obligations, je me réserve le droit de mettre fin à cet accord. Ai-je été assez clair ? »
L'homme d'affaires, déconcerté, examina mentalement la proposition - assez innatendue - de son ex-adversaire. Il n'avait, à vrai dire, ni le temps, ni les ressources, ni l'envie, ni même les capacités de management suffisantes pour lever une armée. Ce n'était pas sa guerre, et il avait par Gzor une aide qui lui éviterait, vu l'importance des forces qu'il engageait, de se voir annihiler par un seigneur à l'épée facile.
Le changeforme prit un air sombre, bien qu'enchanté de la déroute qui semblait régner dans l'esprit de son interlocuteur.
«- Je vous donne une heure pour me faire parvenir votre décision. Au-delà, je considérai que vous avez exprimé un refus, et mes forces se retireront de cette terre, vous laissant... à la merci des prédateurs. »
Un léger sourire en coin orna furtivement son visage. Tournant les talons, il s'enfonça dans son engin d'acier et de toile, escorté par sa garde d'éther. La porte de métal se referma sur ses pas, laissant dans l'expectative Hubert Zerc, Palandier et l'ensemble des Arbalètes Trébuchantes Catapultées.
Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !
Edité par Gzor le 14/06/11 à 19:37
Miltiade | 14/06/11 20:22
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Ayez pitié de mon ennemi, car je n'en ai aucune !
Roxar | 14/06/11 22:40
Humm ... pas crédible Gzor qui hésite à attaquer pour sauver un espion ...
Sinon, ça reste très agréable à lire
Roxar, humble guerrier nain
Edité par Roxar le 14/06/11 à 22:41
Gzor | 15/06/11 11:00
Eh, c'est mon chef-espion, tout de même
Et puis, c'était aussi pour avoir mes catapultes.
Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !
Edité par Gzor le 15/06/11 à 11:57