Forum - {Certadhil III} Adieux.
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Shadee | 20/04/11 16:17
Après quatre années de lutte contre le chaos, nous avions réussi. Pourtant la joie laissa la place à une étrange sensation d'amertume. Est-ce que cela valait vraiment les milliers de morts ? Comment l'histoire se serait-elle écrite sans le sacrifice de ces vies ? Au fond de moi, une réponse égoïste résonna douloureusement alors que j'écoutais distraitement les différents généraux. Mais à la manière d'une lame, son écho glissa, froid, sur le revers de mon esprit. Et j'eus l'impression que les spectres se rapprochèrent déjà pour se régaler à l'avance de mon tourment silencieux. Pour leur échapper, mon regard fut irrésistiblement attiré vers la sortie de ce lieu confiné aux stratégies militaires. J'étais prisonnière de mes choix, dans ce piège, mon attention revint lentement vers la nuée de scribes attendant que je parafe des parchemins pour valider les ordres du jour. Ce fut la vague de trop qui me rappela soudain une absence mordante pour ce moment. Un léger sourire suffit pour m'excuser tandis qu'un courant de colère m'emporta loin des considérations de fin de conquête. Oui, c'était bien la colère qui m'habitait. Et je devais m'en libérer. Tout de suite.
J'étais aveugle à ce qui m'entourait. Je ne voyais pas les grands cornus s'affairer à effacer la cicatrice de notre campement. Je ne voyais pas les lions tacheter la plaine, je n'entendais pas les rares loups chanter leur rassemblement, ni même les quelques dragons tournoyer dans l'azur. Je laissais derrière moi les regards étonnés des guides aux abords des salles des runes. Ma fièvre saignait à chaque pas en gonflant le vent d'une plainte maudite pour couronner la funeste tragédie. Mon élan m'emporta dans les profondeurs du temple d'Inn-Halad. Les druides partirent d'eux-mêmes ou peut-être à cause d'un ordre. Je ne pourrai le dire tant l'unique chose qui m'importait était cette prison gardant dans son sortilège le corps intact de mon défunt époux.
-Dame Shadee, nous n'avons pas...
Une main invisible repoussa le druide, sa voix s'étouffa sous le grondement d'un mur de flammes en guise de porte pour m'isoler. Je savais ce qu'il allait m'annoncer, à cet instant, je ne désirai pas l'entendre. J'avais usé de menaces pour que les druides trouvent une solution afin que Certadhil ne soit pas le tombeau de Deadeye. Jamais je n'aurai mis en application ce que je leur avais promis... Après tout, cela était de sa faute! Mes poings se serrèrent tant que mes ongles meurtrirent la peau tendre de mes paumes. Il représentait mon échec le plus douloureux, la plaie qui ne se refermera pas vraiment, car il m'était interdit de lui donner les derniers honneurs à Myrilla. L'île voulait garder ce nouveau trésor malgré tous mes efforts pour le lui voler. Alors, je ne pus faire mieux que de désigner les élémentaires d'éther comme les gardiens de son repos.
Sous le joug mélancolique des souvenirs heureux qui se bousculèrent quand mes yeux s'attachèrent aux traits si vides de son sourire, ma colère s'éloigna doucement. Mais ce ne fut que pour mieux revenir, elle s'exprima avec violence avec l'air qui se chargea d'éclairs percutants le champ de force. Le bâtiment trembla, à l'extérieur, les cieux se parèrent de nuages. Il ne fallut pas longtemps pour que des voix parviennent à percer le rideau de feu dans l'espoir de me tempérer. Au lieu de ça, un autre coup partit plus déchaîné, ravageur. Il ne fit que se fondre dans l'étrange cristal à la manière d'un fugace frisson. Alors, je devins qu'un orage sombre, et mon âme s'effilochait dans la lumière fractionnée de mes foudres. Ballotée par ce vent furieux, ma gorge nouée libéra l'angoisse enroulée à mon cou avec un cri rageur dont le tonnerre se fit l'écho. Le temple de ma raison s'écroula lentement, la puissance des éléments me harcela et m'agita dans une houle d'affliction. Dans ce déferlement, quelques blocs de pierre s'écrasèrent au sol sans que ma folie en perçoive le danger. Plusieurs dalles se fissurèrent en zébrant un chemin hâtif vers la prison magique. Cela eut pour seul effet de rendre sa surface plus opaque comme si des fantômes soufflèrent une buée de soulagement.
D'un revers de main, j'effaçai des larmes inopportunes sur mes joues. Je ne savais pas si c'était la tristesse ou mon impuissance qui avait invité ces flots à répandre ma faiblesse de façon si visible. Je m'approchai lentement de la large estrade qui prenait l'allure d'un catafalque. Après ce déploiement de fureur, la douceur de mon geste qui porta ma main à se poser sur le champ de force me parut déplacée. Aussitôt, le froid me pénétra dans l'espoir vain de me figer, de tuer ma flamme, mais je ne cédai pas. Ce que je ne vis pas, c'est l'infime faille qui craquela le singulier cristal à sa base. Blottie contre ce passé si doux à mon coeur, ma deuxième main se plaqua sur la surface tandis que je considérai longuement Deadeye pour mon adieu.
Il est à jamais ce diamant qui a serti mon coeur. Et pourtant, nos souvenirs meurent doucement dans l'oubli, comme un murmure dans l'éternité...
Kärel | 21/04/11 20:08
Il est des choses dont on se serait passé. Mais la Maudite laisse des cicatrices...
Qu'il repose en paix.
[HRP : très beau et bien écrit. ]
Edité par Kärel le 21/04/11 à 20:08
Tala | 24/04/11 08:00
Au loin, un hurlement de loup se fait entendre, accompagnant le voile de tristesse de sa propre prière aux cieux....
~Tãla ~