Forum - { Certadhil III } Sereg Rinn

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Shadee | 07/04/11 00:43

( écrit avec Larme de Fée)

Il est étonnant comme le temps se ralentit lorsque le combat approche. Les mouvements sont précis, rapides et pourtant ils paraissent si lents comme si chaque seconde devenait précieuse. C'est la vie qui s'écoule dans les veines d'une fatalité difficile à déjouer. L'instinct s'accroche aux moindres instants dans l'espoir vain d'endiguer le torrent de violence qui va bientôt déferler. Le clapotis des armes est la mélodie de cet océan de sensations. Dans les prunelles, une eau trouble sommeille encore, elles sont froides et perçantes comme la mort qui doit se battre avec eux. Mais cette triste alliée n'est en rien loyale, et déjà dans les rangs, on repousse la pensée de son baiser glacé qui figera les corps dans son éternel royaume. Pour s'en sortir, il faudra la séduire par des forces décuplées ou la faire fuir avec les feux de la vie.

L'ultime boucle est serrée, les gants ajustés. Le dernier geste de Shadee enroule sa chevelure en un chignon soigneusement bloqué pour ne laisser aucune prise malheureuse. Larme à ses côtés, tout aussi silencieux, fixe ses armes. Leurs regards se croisent avec une intensité qu'une étreinte ne pourrait égaler, un léger sourire nourrit le mystère de leur visage. La flamme vacille sur la bobèche larmoyante de cire, elle hoquette au trépas, soufflée par la brise mourante qui s'immisce dans la pièce. Le couple rejoint sans un mot les ombres nocturnes. À leurs apparitions, des milliers de rugissements montent vers les cieux pour servir le tonnerre d'une rage purificatrice qui ne demande qu'à s'exprimer. Les vagues de vaillance déferlent, puissantes, des dragons glissent dans leurs courants tandis que les grands cornus se postent en défense. À présent, l'horizon est leur ancrage, tous les sens aux aguets, ils attendent que La Meute vienne provoquer le combat aux portes du bastion primotaure.

A la faveur d'une lune rousse à peine voilée par des filaments rougeoyants, la marée de fauves myrilliens protégés par l'éclat ambré d'une armure singulière avance vers une fin certaine. Leur gueule est également couverte en partie, où une pointe, aux promesses empoisonnées, transpercera les démons qui échapperaient à leurs crocs. Dans une fluidité inquiétante, les loups ouvrent la marche en tant qu'éclaireurs, humant les relents néfastes du territoire maudit. Les ténèbres se sont réunies dans les montagnes de Tla Dsul qui tachent le monde d'une noirceur malsaine. Déjà, les soupirs méphitiques des damnés poissent le vent. À l'ouest et à l'est, Larme et Shadee perçoivent les forces de l'Alliance qui réduisent le moment de la première offensive contre la Meute. Dans un silence redoutable, les troupes myrilliennnes ralentissent jusqu'à l'immobilité totale. La respiration est calme quand l'attention pensive se rive vers la vénéneuse cité. Larme, d'une main douce, serre l'épaule de sa compagne. De son contact tendre, il lui offre l'énergie de sa présence, il fortifie sa volonté d'en finir. Elle pose la sienne par-dessus et la presse sereinement, puis se tourne vers lui à son interrogation :

- Es-tu prête ?

- Je le suis depuis que je suis venue sur cette île, Amour.

Elle efface un pli imaginaire sur son vêtement souple qui la fond dans l'obscurité en une seconde peau. Elle n'a pris aucune protection, tout comme Larme, car ces dernières pourraient entraver leurs mouvements. L'idée paraît folle, pourtant ils vont infiltrer la cité de La Meute pour atteindre le Sereg Rinn...

Une dernière fois, Larme consulte le croquis d'accès que lui a remis son père, soupirant imperceptiblement en se disant que les lieux doivent avoir bien changé après l'occupation des forces du Chaos. Néanmoins, la porte n'a pu être déplacée, et il espère que certains éléments permettront de se repérer malgré tout. La question qui le taraude touche plutôt à la manière dont cet accès sera défendu, il est certain que la Meute doit veiller farouchement sur ce lieu qui représente pour elle une source non négligeable de pouvoir. Autre point crucial, il faudra que les armées du Noir soient à pied d'oeuvre à l'instant où ils arriveront devant le Sereg Rinn. Si elles ne parvenaient pas à rejoindre les limbes et à dégager les alentours de la porte...Larme préfère ne pas s'attarder sur cette hypothèse qui lui glace le sang, d'autant plus qu'il se doute bien qu'ils n'auront pas une deuxième chance de sitôt. Il sait que l'assaut sur la Meute coûtera extrêmement cher à l'alliance, il sait aussi qu'il leur faudra plusieurs lunes pour reconstituer une armée capable d'inquiéter leurs ennemis, et que ces derniers riposteront probablement avec la dernière sauvagerie à l'attaque qui se prépare. Combien seront encore présents pour poursuivre la bataille? Larme grimace discrètement, puis replie le plan et le glisse dans une poche de son vêtement avant d'embrasser avec une passion un peu anxieuse sa compagne.

-Bien...ne tardons plus, si nous voulons avoir une chance d'arriver à temps.

Lyra Méfinnlath | 07/04/11 15:26

Avançant à la noirceur d'une lune à peine voilée, les eluros de Lyra avançaient sans faire de bruit ou de tapage. C'était rare pour des orcs d'être silencieux, mais ce soir, tous savaient que leur maitresse était celle qui dirigerait les dragons noirs du haut du ciel et aucun d'eux ne voulait finir dans le ventre d'une de ces créatures. La peur que leur inspirait Lyra était plus grande que la mort qui se présentait devant eux, car la mort, c'était probablement ce qu'ils allaient rencontrer et il était prêt à cela.

Lyra arrêta ses troupes aux côtés de celle de Shadee et de Larme. Elle devait être en première ligne pour mener la bataille. Quoi qu'il en soit, elle devait finaliser les points importants avec Shadee, Larmee, Gzor et de Karel. Elle devait tuer le maximum d'ennemis et en même temps gagner le plus de temps qu'elle le pouvait. Elle ne dirigerait pas tout le monde seul, car les autres seigneurs et dames seraient au sol, a mouvoir du meilleur de leur capacité les troupes, séparément, mais aussi en groupe. C'était cela les forces du bien, une unité divisible, mais unifiable aussi. Elle, elle ne s'occuperait que des troupes volantes.

-Balaris, tu es responsable des éluros. Quoi qu'il en soit, tu dois obéissance à n'importe quel seigneur ici. Vous savez ce que vous avez à faire, mais je ne veux pas de perte d'un seigneur et tu te dois de survivre. Tu connais ta mission, comme les autres, alors accomplis la du meilleur de ta capacité.

-Oui dame Lyra! Je ferai de mon mieux!

-Je le sais, c'est pour sa que c'est toi qui diriges ici. Je serai là-haut, avec les derniers noirs qui restent.

Puis, elle s'éloigna pour aller à la rencontre de Shadee et de Larme, déjà réunis. Elle arriva à leur côté et les regarda à tour de rôle.

-Vous avez la mission la plus risquez, cependant je vous achèterai un maximum de temps, ne lui laissant aucun répit. Quoi qu'il en soit, ne disparaissez pas. Donc si c'est trop dangereux et impossible, abandonner la mission. Cela ne vaut pas la peine de mourir pour refermer le Sereg Rinn. Nous trouverons une autre solution, mais selon moi, c'est la seule chance d'infiltration que nous avons. Je compte sur vous.

Larme, si le besoin est, tu seras capable de me rejoindre par le sang. Retrouve-toi dans les problèmes et appelle-moi, je viendrai a foutant le bordel, parait que je suis douée pour cela :).

Puis, elle serra son frère dans ses bras puis, elle recula et attendit a savoir ce qui en était.

Lyra Méfinnlath

Larme De Fée | 07/04/11 20:34

-Nous n'abandonnerons pas. Nous devons réussir, Soeur. Prends garde à toi!

Une étreinte, brève, mais qui en dit plus que le plus long discours. Tentant tant bien que mal de cacher sa nervosité, Larme vérifie une dernière fois que ses armes soient bien arrimées, que nulle partie brillante ne vienne les trahir au moment crucial. Un léger rictus se dessine sur ses lèvres quand il frôle la garde noire de son épée, conçue dans le brasier insoutenable de la forge de son père. Aucune décoration hormis une pointe d'obsidienne en guise de pommeau, pas un gramme de matière inutile, l'arme est si profilée qu'elle n'émet aucun son en tissant ses mortelles arabesques dans les airs, si affutée qu'une cotte de maille se déchire comme du tissu sous sa caresse. Le jeune Dragon remercie en silence l'Aîné pour ce cadeau princier, conscient qu'il n'existe en tout et pour tout que trois armes entièrement forgées par son peuple sur ce monde. En silence, il prie pour ne pas avoir à s'en servir, rien ne peut leur arriver de pire que de se faire repérer cette nuit, un piège létal se refermerait aussitôt sur eux, il n'en doute pas une seconde. Folie que de s'engager dans la citadelle maudite férocement défendue, mais quel autre choix?

Un regard vers les cieux, Larme admire un instant la pureté de la voûte céleste, s'emplit de cette vision de splendeur infinie. Il murmure pour lui-même:

-J'espère vous revoir, étoiles.

Puis il se tourne vers ses comparses, le regard dur, froid, le temps n'est plus aux émotions, le jeune homme les chasse impitoyablement. Cette nuit, ils vont danser avec la mort.

Edité par Larme De Fée le 07/04/11 à 20:35

Kärel | 07/04/11 22:30

Au loin, des bruits de sabots résonnent dans l'ombre. Fonçant sous le ciel opaque, les quatre cavaliers rejoignent à toute allure l'armée de l'Alliance, prête à affronter les redoutables forces de la Meute et à en subir les conséquences. L'un des membres du groupe s'écrie, essoufflé :

« Armée droit devant ! On les a rattrapés !
- Excellent ! Gardez la cadence, encore quelques galops et on y est !

Les troupes du Bien sont maintenant clairement visibles. La marée noire, symbole suprême de l'entente des races daifeniennes, grouillante de vie, reniflant la bravoure et la haine, plus que la crainte, à des centaines de mètre, défie du regard la citadelle maléfique qui semble jouir d'un plaisir malsain à la vue de toute cette nourriture. L'air pourrait s'embraser que ça n'étonnerait qu'à moitié les cavaliers qui scrutent les rangs à la recherche de l'armée primotaure.

- Par là, sir ! Ici !
- Bien joué Maeg' !

Quelques dizaines de mètre derrière les troupes de la fille des éléments, Kärel descend de sa monture, pressé. Pratiquement invisible dans sa tunique noire, il vérifie que les couteaux et fumigènes qu'il a soigneusement placés sont bien dissimulés, il tâte sa ceinture à la recherche de ses lames et termine les préparatifs qu'il a du laisser inachevés lorsqu'il s'est empressé de rejoindre les troupes de l'Alliance. Son royaume a été rasé, ses combattants presque entièrement exterminés, mais il n'a pas dit son dernier mot. Du moins l'espère-t-il... car la quête désespérée dans laquelle il s'est engagé n'est rien de moins que la plus suicidaire de sa courte vie d'homme.

- Bien, il est temps de nous séparer. Je crois que tout est prêt...
- Vous avez l'amulette ?
- L'amu ...?

D'un réflexe, il porte la main à son cou. Pendant une seconde, il a cru avoir omis d'emmener sa seule chance de survie. La frayeur se dissipe lorsqu'il agrippe la chaîne du médaillon, qu'il parcourt jusqu'à trouver la clé de la porte vers Myrilla, dans un soupir de soulagement. Lentement, il baisse les yeux, admire ce petit bijou de magie et, d'un geste tremblant puis assuré, la remet dans les mains de son compagnon.

- Garde-la, et fais en bon usage.
- Vous ne voulez pas prendre ce risque, n'est-ce pas ?
- Tu l'as vu comme moi. Cette terre est un havre de paix, un véritable paradis naturel. Je refuse qu'un endroit aussi merveilleux devienne la proie de créatures cauchemardesques.
- Sage décision. Je la garderai précieusement, comme souvenir...

Les larmes commençaient à monter dans les yeux de l'elfe. Il se rappelait l'incident sur Ezaldhil, lorsqu'il avait cru son maître définitivement parti. La pensée de la perte d'un être si cher lui était presque insurmontable.

- Allons, un peu de courage ! Il n'est pas impossible que je m'en sorte vivant. Entier, je ne dis pas, mais en vie... bah, au pire, tu l'accrocheras au-dessus de mon portrait.
- Il existe des portraits de vous ?
- Euh... non. Enfin bref, je te fais confiance pour prendre la relève si je ne reviens pas. Harken est doué, mais il est trop militaire. Et... oh, je suis pas doué pour ces choses là.

Dans un geste rude emprunt de virilité, les deux amis s'agrippent, torse contre torse et tempe contre tempe, tels deux frères devant l'inévitable séparation. Cela ne prend que quelques secondes, mais c'est suffisant.

- Il est temps. Prends bien soin de toi, Maeg' !
- Merci... tâchez de faire de même.

Maeglin regarde, immobile, son souverain partir vers le front. Le vent claque dans sa chevelure d'argent, sa main crispée étreint le si précieux médaillon. D'un mouvement ferme, il relève la tête et fixe l'horizon, le regard déterminé. Il remarque qu'étonnamment, le bretteur l'a appelé par son prénom. Cela lui décoche un sourire. Il ravale ses larmes. Il lui a dit de ne pas pleurer. Il ne pleurera pas.

Edité par Kärel le 07/04/11 à 22:30

Lyra Méfinnlath | 08/04/11 04:37

Les derniers mots avant la mission avaient été échangés avec son frère. Il était maintenant temps pour lui de partir faire sa mission et elle espérait que tout se passerait bien, autant pour Larme que pour ses compagnons. Elle leva les yeux au ciel, regardant un instant la voute céleste, priant silencieusement à un dieu quelconque pour que son frère revienne vivant.

Puis, elle ferma les yeux et réfléchit quelques secondes. Le temps filait et il n'était plus question de perdre sa concentration sur cela. Elle était ici pour quelque chose, mené quelques dragons à la guerre et ouvrir les hostilités. Elle sera la première sur le champ de bataille et la dernière à en partir. Telle était sa mission. S'approchant de nouveau de ses troupes, elle leur adressa une dernière fois la parole :

-ce soir, c'est un grand soir. Une nuit dont tout guerrier attend avec impatience. Vous combattrez le coeur léger, sachant ce qui vous attend. Je ne vous mentirai pas, probablement aucun de tout les hommes, elfes, orcs et autres soldats et créatures s'apprêtant à se lancer sur les murailles de l'ennemi reviendra chez lui vivant. La mort, cette faucheuse de vie, vous attend avec impatience pour vous amener dans votre autre vie! Sachez que vous êtes ici pour le bien! Vous êtes ici pour empêcher le monde de sombrer dans les ténèbres éternelles! Vous êtes tous le bastion de ce qui reste de juste et de libre! Vous êtes des guerriers qui vont vous sacrifier pour qu'une majorité vive! Vous ne serez jamais oubliez, comme tous les autres ayant foulé cette terre. Ce soir, mes amis, c'est la fin de ce que l'on connait ou le début d'une nouvelle ère de prospérité et de vie!

C'est tout ce que ses soldats avaient besoin d'entendre. Ils étaient des orcs et ils en étaient fiers. Mourir sur un champ de bataille était la meilleure mort dont ils pouvaient rêver. C'était maintenant à la demi-elfe de prendre sa place aux côtés des siens. Elle s'avança lentement, laissant sa peau se couvrir d'écailles noires. Puis, lentement, des ailes apparurent sur son dos. Elle changea de forme, pour devenir un petit dragonnet noir en apparence. Il ne restait plus qu'à gagner du poids et de la grandeur pour être fin prêt. En tout, l'opération ne dura que deux minutes. Elle avait appris à se métamorphoser rapidement, pour ne pas être prise au dépourvu. Puis, d'un battement d'ailes, elle s'éleva dans les airs.

Lyra prit de l'altitude, rejoignant les autres dragons déjà présents. L'ouverture de la guerre leur revenait, à elle et ses comparses. Un cri bestial s'échappa de sa gueule et ce fut le moment fatidique. Les dragons s'élancèrent vers l'avant, survolant la muraille, ils s'attaquèrent aux sentinelles. Les quelques troupes postées sur la muraille furent réduites a néant, mais les portes s'ouvrirent, laissant sortirent des hordes et des hordes de démons et autres monstres.

Derrière elle, un cor sonna, puis un autre. Ce fut bientôt un concert de sons provenant de partout à travers la plaine que l'on attendit. Chacune des bannières se mit en marche et des troupes galvanisées, ayant la mort dans les yeux s'avancèrent. Le carnage commençait et allait s'éterniser longtemps. Lyra s'arrangea pour que les dragons brulent à l'opposé du point d'entrée de ses compagnons, détournant au maximum l'attention de la Meute et de ses créatures maléfiques.

Lyra Méfinnlath

Gzor | 08/04/11 21:03

Les phalanges franchissent la porte. Le même ballet qu'il y a plusieurs lunes se répète. Les armées coalisées, après s'être, comme toujours, regroupées devant le royaume de Gzor, avancent vers leur destin.
Du haut des murailles, les défenseurs admirent la taille de ce qui a de bonne chances d'être l'une des plus grandes forces de frappe jamais levées par des mortels. Ils resteront ici, cette fois. Une incursion de la Meute dans les mines du sud à la lune précédente avaient forcé leur seigneur à suivre un instinct de survie primaire.
Leur seigneur...
Gzor ne se trouvait pas avec ses troupes.

Ses pas résonnaient dans le palais de pierre. Il était presque indifférent au vacarme du dehors, indifférent même à cette première attaque.
L'objet qu'il tenait glissa entre ses doigts. Il se pencha, le ramassa, le regarda amèrement.
L'amulette qui menait au portail conduisant au légendaire monde natal des primotaures. Myrilla. Un havre de paix, lieu paradisiaque.
Mais les pensées de Gzor n'étaient point calmées par ces images rassurantes. Tout juste se disait-il que cette terre pourrait lui servir de porte de sortie.

Lentement, comme si chacune de ses enjambées le rapprochait de sa fin, il s'avança vers un coffre. Avec lenteur et précaution, il l'ouvrit.
À l'intérieur, différents outils coupants et petites bouteilles poussiéreuses contenant des liquide colorés semblaient attendre le changeforme.
Il choisit un ou deux poignards, quelques fioles qu'il fourra dans un sac. Cela n'était pas vraiment son fort, mais cela pouvait s'avérer nécessaire.
Il se redressa, se mit à palper le mur, cherchant un mécanisme. Après quelques tâtonnements, ce dernier s'enclencha.
Sur le côté du mur, une alcôve s'ouvrit. Gzor se posta devant, regardant avec amertume ce qui y siégeait.

Une armure noire prenait une bonne partie de l'espace. Luisante, faite d'une matière sombre, opale ou obsidienne, elle était sortie d'une longue torpeur la lune précédente, lorsqu'il avait fallu défendre la cité.
À côté, une tenue plus ample, faite d'un matériau composite, était pliée. Elle était animée de petits reflets, et possédait en quelques endroits des renforcements de cuir et de métal. Le tout était d'un noir de jais, bien que possédant sous une certaine lumière une couleur opale.
Le changeforme enfila cet accoutrement, parfait pour la mission qu'il avait à faire. Presque distraitement, il remplit les emplacements prévus pour divers poignards, objets et poisons.
Puis, avec une sorte de respect, il sortit de l'alcôve une ceinture, à laquelle était accrochée, logée dans son fourreau cerclé de bronze, une épée. Fruit du travail des meilleurs artisans nains, elle était assez légère, équilibrée. C'était sans aucun doute la meilleure arme que Gzor puisse rêver avoir.
Le changeforme, après l'avoir accroché à sa tenue, la tira du fourreau. L'arme glissa sans un bruit, l'étui étant rembourré de coton huilant naturellement la lame. La garde en métal était incrustée d'une opale noire en son bout, et recouverte de cuir sombre.
Gzor effectua quelques passes puis, satisfait, rangea l'arme dans son logement.

Une horloge naine sonna. Le timbre de la cloche, sourd, semblait sonner le glas. De quoi ? Il ne le savait pas. Tout juste se contenta-t-il de fermer les yeux, tentant de retrouver son calme.
«- Sire, dit une voix venue de derrière, il est l'heure. »
Le polymorphe se retourna. Derrière lui, Hadras, son chef des gardes et ami, le regardait.
«- Je sais, Hadras, dit la changeforme, la mine grave. Si je venais à ne pas revenir...
- Je reprendrai le royaume en main. », dit l'épéiste en souriant tristement.
Gzor le dévisagea. Cet homme était un guerrier accompli, et Certadhil lui avait fait vivre des situations abominables, mais pourtant, jamais il n'avait autant laissé transparaître ses sentiments.
Le métamorphe s'avança vers son chef des gardes. Ses yeux rouges fixèrent l'humain avec détermination. Il lui posa la main sur l'épaule, qui était recouverte d'une épaisse cuirasse.
«- Soit fort, Hadras. Les lunes qui s'annoncent seront difficiles. Il est hors de question que tu te laisse emporter par tes sentiments. »
L'épéiste hocha tristement la tête.

Gzor se détourna de son ami. Un flot bouillonnant de pensées obstruaient son cerveau. Il devait faire le vide.
Respirant lentement, il se concentra sur l'endroit où il devait retrouver ses compagnons et alliés.
Quelque part au nord des monts Tla'Dsul...
Puis, dans un flash, il disparut.

Gzor.

Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 09/04/11 à 10:10

Shadee | 09/04/11 14:19

Tous ont répondu présents. Seuls les orcs du clan N'digo et les forces neutres de la famille Anthâar ne vivront pas l'enfer. Les multiples bannières flottent fièrement dans ce vent qui transporte les plaintes et les jappements excités de La Meute. Les soldats de l'Alliance restent immobiles quand la terre tremble des hurlements qui percent ses entrailles. Sous les gantelets, les jointures des doigts blanchissent autour des armes tenues comme le mince fil de leur vie. Les gorges sont sèches et serrées par le noeud de feu qui brûle dans chaque poitrine. Les fauves ne peuvent retenir leur impatience qu'ils expriment par des va-et-vient incessants jusqu'à ce qu'ils soient libérés par le Cor de Myrilla.

Tous savent que la mort les attend. Lorsqu'on a conscience de cela, la peur laisse la place à une douce folie meurtrière. Les instincts les plus primaires reprennent le dessus. Plus aucun sentiment ne peut régner sur les coeurs qui tambourinent un rythme guerrier. Aveuglés par le sang qui pulse dans leurs veines tels des torrents de haine, les soldats trancheront les chairs oeil pour oeil. La terre sera rouge pour faire honneur à cette pleine lune déjà abreuvée de vie tant elle est pourpre. Sous le linceul de sa lueur spectrale, les regards sont braqués vers les monts Tsa Dul qui s'embrasent d'un éclat infernal provenant des multiples tours de garde. À ce signal, la plaie suppurante de l'île maudite libère les chiens des enfers. Ils surgissent des souterrains par millier et ruent vers les insensés. Les sons puissants des cors résonnent de toute part. Les ordres sont hurlés. Les combattants s'époumonent de fureur en s'élançant dans un fracas démentiel.

Shadee suit la course de ses complices qui s'élancent furtivement vers la citadelle de Drakanzar. Comme leurs fidèles soldats, ils sont contraints de se frayer un passage à travers le chaos qui s'est invité à la bataille. Des lames d'air fendent les démons qui ont repéré le quatuor aux mouvements étranges. Shadee se saisit de sa dague par mesure de prudence, prête à lacérer les créatures qui l'approcheraient de trop près. Malgré la discrétion de l'élément invoqué, l'alerte est donnée. Une attention infiniment malsaine d'un seigneur des limbes louvoie vers les intrépides. Il a ressenti au plus profond de lui que ses affidés ont succombé sous les coups d'une arme différente. Alors que le chemin semblait enfin dégagé, une dizaine de démons mineurs surgit des ombres au commandement de leur maître. Dos à dos, Larme, Gzor, Kärel, et Shadee attendent le moment de frapper. Muée par une farouche colère, la demi-elfe tremble de céder à ses dons. Elle doit résister, sinon toute la mission sera anéantie par sa faute. Elle vit un autre combat intérieur. Il lui coûte dans la douleur de retenir la fureur des éléments qui cherchent à s'en mêler dès qu'elle est en danger. Elle serre fortement sa dague pour se préparer à l'inévitable. Ils doivent se débarrasser de cet obstacle sans effusion de cris, sans que le feu purifie la lutte. Au pas de trop du seigneur des limbes, Larme danse une valse mortelle et affreusement efficace en compagnie du bretteur à la lame affûtée. Les corps tombent lourdement sans le moindre son. Instinctivement, Shadee enfonce son arme aux endroits vitaux qui offrent des spasmes d'agonie à la créature s'étant jetée sur elle. Les démons ne sont plus que des cadavres inoffensifs, mais elle ressent l'infâme caresse du seigneur des limbes qui tentent d'user de son pouvoir pour les ployer avec de pernicieuses tortures mentales. Ce souvenir est marqué au fer rouge dans l'esprit de Shadee. Son instinct lui ordonne de libérer l'air qui se concentre pour se transformer en un véritable étau invisible. Elle pourrait le broyer d'une simple pensée, au lieu de cela, elle détourne les yeux lorsque Gzor met un terme à l'existence maléfique.

Les muscles tendus à l'extrême, le quatuor souillé par le sang se dévisage avec la surprise que tout ce soit passé si vite. Les regards pourpres de Kärel et Gzor s'attardent ensuite sur les arrières afin de débusquer d'autres assaillants tandis que Larme et Shadee s'agenouillent près du seigneur des limbes. Elle glisse sa main dans une poche de sa combinaison dans laquelle se trouve une écaille du dragon noir. Elle espère que celle-ci puisse la relier aux sens de Noir-feu pour qu'il sache que le mouvement est en branle et agisse efficacement de son côté. En guise de message, elle la plonge dans le torse éventré de l'affidé du chaos. Au creux de sa paume, elle a l'impression que l'écaille palpite en réponse, mais elle n'a guère le temps de s'y intéresser que Kärel la repousse brutalement. Surprise par le choc, elle aperçoit le bretteur qui pourfend une fillette. Sous l'agonie, l'achéri abandonne son allure innocente lorsqu'elle écume de rage. Un autre coup d'épée de Gzor fait sauter la tête du démon comme une vulgaire balle qui achève sa course aux pieds de la fille des éléments. Le souffle coupé par l'horreur, Shadee saisit la main de Larme pour se redresser en lui adressant un fugace sourire rassurant. Sans perdre une seconde, elle reprend l'écaille dans les humeurs du trépassé. La bataille a dérivé, maintenant autour d'eux, c'est le vide qui règne. La nuit devient leur complice quand les vertigineux murs de Drakanzar les accueillent dans le sombre défi de pouvoir les franchir...

Celimbrimbor | 09/04/11 14:23

On l'appelait Drazankhar de mon temps, mais j'imagine que telle remarque ne serait que de l'aigreur d'un vieux croûton.
Bon courage.

La Demeure Franche : [Lien HTTP]

Shadee | 09/04/11 14:39

Oh oui... c'est toujours le cas, c'est juste que les traducteurs myrilliens s'adaptent mal :o :p

La Meute | 10/04/11 13:15

Des milliers. Des dizaines de milliers. Fenrir laisse éclater sa joie morbide en interminable hurlement à glacer les sangs, se léchant les babines dans une grimace écoeurante de gourmandise dépravée. Elfes, Nains, Orcs, Humains, Morts-vivants, Primotaures, tous les peuples se sont rassemblés pour connaître leur trépas et le Loup-garou se jure de leur offrir une fin atroce à la mesure de leur saveur suave dont il se délecte par avance. Cette nuit, les monts Tla'dsul ne seront plus qu'un immense charnier putride, et rien ne saurait mieux contenter le chef de meute. Son rire se répand dans les montagnes en longues vagues sonores, atroce ressac de pure cruauté maligne, repris par les hordes de garous affamés, avides d'un festin gargantuesque dont ils se languissent depuis tant de lunes. Les délicates Achéris chantonnent de petites comptines aux paroles viciées, promettant aux fous qui s'avancent mille tortures délicieuses, imaginant avec des yeux brillants de convoitise comment elles vont se gaver d'âmes insoutenablement pures, extirper de tous ces jolis corps bardés d'acier l'essence vitale pour s'en nourrir, enfin! Froids et silencieux, des centaines de Seigneurs des Limbes examinent les plaines. Leurs regards effroyables, véritables puits de damnation, témoignent de leur plaisir, ils imaginent déjà toutes ces vermines ployées sous leur joug infernal, les Limbes seront leur dernière demeure pour une éternité de souffrance et de servitude. Pas un n'en réchappera.

Loin des montagnes, une petite troupe s'éloigne, discrète et silencieuse. Elle va dévorer de l'elfe cette nuit, Fenrir a ordonné la chute d'une créature nommée Fanfan. Le Garou hait les elfes, bien sûr il exècre le monde entier, mais plus que tout il abhorre les dryades, ces satanées bestioles qui empêchent ses chiens-garous de se gaver en toute impunité. Saleté d'elfes, ridicules bouffons dans leurs collants bariolés, leur pureté le révulse, mièvres et puant la sainteté, c'en est presque trop infâme pour qu'on puisse y plonger les crocs sans dégoût. Qu'importe, les démons se chargeront de corrompre leurs âmes avant que leurs chairs ne nourrissent la Meute.

Sur une haute tour de la citadelle maléfique, une ombre à peine visible dans l'obscurité guette les cieux, se tendant soudain pour mieux percevoir le lointain. Elle grogne sourdement, ricane, lugubre crissement qui pourfend les airs comme une note désagréable. Rapidement, elle se faufile dans la bâtisse, s'approche prudemment de Fenrir, lui souffle avec satisfaction:

-Des Dragons se sont joints aux insectes, Maître. Quatre Dragons, dont une Noire.

Le Garou gronde avec mépris, examinant les airs brièvement.

-Ils crèveront comme les autres, ces charognes écailleuses qui nous ont trahi. Surveille-les, envoie les élémentaires d'éther voler leur feu quand ils attaqueront. Cela fera plaisir à la maudite garce des éléments de savoir que ses créations seront la cause de leur perte, en attendant que je plonge mes crocs dans sa petite gorge soyeuse.

L'ombre s'incline, soumise, puis se précipite pour accomplir la volonté du chef de meute. Il avait fallu du temps pour enchaîner à la volonté du Chaos ces élémentaires complexes, mais les Seigneurs des Limbes avaient trouvé le moyen de souiller leur essence, de briser leur volonté. Un seul était parvenu à demeurer pur, il croupissait encore dans les bas-fonds de la cité, soumis chaque nuit à des tortures raffinées qui finiraient bien par avoir raison de lui. Aux ordres de l'entité brumeuse, les créatures d'éther acquiescent silencieusement, quittent les profondeurs obscures de la forteresse pour se porter à la rencontre des Dragons, leurs yeux ont changé, ils reflètent maintenant une cruauté épurée qui s'appliquera à subtiliser l'arme principale des cracheurs de feu.

Fenrir scrute la plaine, les défenses prêtes à encaisser le choc de titans qui ne saurait tarder, un rictus satisfait dévoile ses crocs luisants. Ricanant, il gagne en quelques bonds puissants l'une des entrées des souterrains gigantesques qui tissent dans les profondeurs de Certadhil une effarante toile d'araignée, parcourt à toute allure le dédale qui protège de ses innombrables méandres piégés le centre de son pouvoir, le Cercle de Sang, nommé aussi Sereg Rinn. La porte se trouve sous la tour principale de la citadelle végétale issue des ruines de Drazankhar, dans une immense salle pourvue d'une unique issue, gardée par une légion de soixante-six des plus puissants Loups-garous. Le cercle irradie de toutes ses ténèbres, activé à son intensité maximum pour permettre le passage de la horde de serviteurs du Chaos qui attend dans les limbes le signal de la curée. Fenrir rugit de plaisir en voyant que tout est prêt, qu'importent les pertes que ses laquais subiront cette nuit, ils seront aussitôt remplacés par de nouvelles cohortes de damnés, les légions du Chaos sont innombrables. Les soixante-six gardiens du précieux Sereg Rinn se placent en arc de cercle devant la porte au signe de leur Maître, prêts à canaliser le pouvoir des ténèbres pour accueillir les renforts. Le chef de meute se place au centre de l'arc, face au cercle argenté, il entame la lente litanie qui appellera des limbes les hordes infernales.

Edité par La Meute le 10/04/11 à 13:16

Gzor | 10/04/11 13:47

Oh non, pas des dizaines de milliers. Ils étaient environ deux cent milles sur le champ de bataille.
Ça fiche la trouille, hein ? :D

Gzor.

Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Lyra Méfinnlath | 20/04/11 02:06

Le combat venait de commencer et déjà les troupes du mal réagissaient. La jeune demi-elfe aperçut le mouvement venant dans sa direction et celle des dragons noirs. Bien entendu, il fallait s'y attendre, les élémentaires d'éther étaient lancés dans la bataille pour arrêter les lézards géants. Quoi qu'il en soit, Lyra avait prévu le coup. Elle savait ce que cela voulait dire de devoir à combattre ces élémentaires. Ils étaient à Shadee avant tout et ils capturaient les éléments. Elle avait donc modifié son alimentation pour que son feu soit plutôt acide, ce qui les empêchait de tout capturer. Certes l'élément feu était perdu, mais il n'avait guère le temps d'en faire un cas, brulant et fondant sous l'impact de l'acide. Malheureusement, les autres dragons avaient refusé le régime de cette dernière. Elle était donc seule.

Plus bas, au sol et à la porte qui était ouverte, un autre combat faisait rage. Les démons tuaient et se faisaient tuer, revenant toujours à la charge, ainsi que les troupes de la coalition. C'était un de ses combats épiques, un de ceux qui n'arrivent qu'une fois de temps en temps. Encore une fois, le bien contre le mal se frottait l'un contre l'autre sur un champ de bataille qui devenait graduellement un vrai charnier. Le sang coulait, les membres pendouillaient et trainaient par terre, des têtes étaient décapitées, tout cela dans une cruauté sans égal. L'odeur putride de la mort s'élevait déjà et cela ne faisait que commencer. Plus il y avait des morts, plus les démons se réjouissaient, trouvant jouissance et énergie dans le carnage qu'ils créaient.

Pour Lyra, c'était un combat plus qu'important. Elle devait permettre à la troupe de Larme de pénétrer subtilement à l'intérieur. Volant toujours au-dessus des remparts et créant un carnage de son feu acide, elle dirigea les 3 dragons dans une direction et plongea vers le haut de la muraille. À quelques mètres du sommet, elle se métamorphosa de nouveau, reprenant son apparence elfe, mais gardant son armure d'écailles. Les griffes et les crocs étaient aussi en surplus. Elle chargea tout sur son chemin, libérant les hauteurs du mur. Mais ils y en avaient beaucoup. Lentement, elle fut contrée et elle se retrouva à reculer. Il lui restait cependant un tour.

Elle se mit à incanter en drow, un tétragramme maléfique apparaissant sur son front. Au côté de ce symbole apparurent deux cornes de démons, signe de son héritage. Puis, derrière elle apparut un portail d'où sortit un imp. Voyant la situation de sa maitresse, il réagit :

-Besoin d'aide maitresse?

-Ouvre un second portail a coté de mes chers Eluros, maintenant!

Cela ne prit que quelques secondes et une vingtaine d'Eluros apparurent derrière leur maitresse, sachant ce qu'ils devaient faire, ils chargèrent. Lyra, pour sa part recula et disparut dans les ombres, laissant son apparence de noire l'aider. Elle se faufila plus loin et arriva à un endroit peut garder. Quelques déplacements subtils, 3-4 têtes en moins plus tard, le mur se retrouva à découvert. Le temps était compté et elle le savait. Elle se mit à l'abri des regards et sortit une corde de son sac. Elle l'attacha au merlon de la muraille et lança la corde au pied de cette dernière, là où devrait se trouver le groupe de Shadee. Puis, s'assurant que personne ne se trouvait aux alentours, et repartie d'où elle venait...

Lyra Méfinnlath

Noir-feu | 27/06/11 00:10

Quoi de plus simple, en apparence, que de fermer une porte? L'ouvrir, parfois.

Lune 1040 de Daifen, premier plan des enfers

Nous avons tracé une route sanglante dans les hordes démoniaques, jalonné chacun de nos pas de cadavres, frères ou ennemis entremêlés dans une lugubre promiscuité qui nous révulse. Nous sommes êtres des ténèbres, nous sommes, raconte-t'on lors de tardives veillées, le Mal. Et pourtant nous ne nous sentons en rien proches de ces créatures que nous affrontons depuis maintenant de trop nombreux jours, issues d'une source maudite avec laquelle nous n'avons aucun lien: le Sereg Rinn. Le temps manque pour les réflexions philosophiques, éviter, contrer, frapper, éviter encore, encaisser un coup vicieux dans les tibias, saletés de diablotins, voir mon frère de droite tomber, la tête aux trois-quarts détachée de son corps, maudits Seigneurs des limbes. Survivre, encore un instant. Juste un petit instant. Cette pensée m'amuserait, de coutume, nous sommes morts, et pourtant nous ne pouvons nous empêcher de nous sentir vivants, d'exister. Mais si une part de mon esprit divague sous l'effet de la colossale fatigue qui hante tout mon être, se laissant aller à une dangereuse torpeur née d'une trompeuse habitude, la majeure partie reste encore concentrée sur la tâche cruciale consistant à demeurer le plus intact possible dans les secondes à venir. Nous entourons notre Seigneur, qui se contente maintenant d'avancer d'un pas très lent vers un but dont nous ne percevons rien, le protégeant et tentant de lui ouvrir un passage dans la marée d'adversaires qui semble ne jamais devoir faiblir. Je ne peux plus me servir de mon bras gauche, et je boîte sérieusement, ayant reçu un méchant coup de dague dans le mollet. Mes bras sont de plomb, mon arme pèse une centaine de quintaux au moins, je titube. Je me nomme Sylaïs, j'appartiens à l'invincible légion d'Ivoire, et je vois arriver le coup qui me tuera une deuxième fois.

Le Démon exulte, retirant sa lame dentelée du crâne du vampire, passe une langue bifide gourmande et satisfaite sur le tranchant de sa lame recouverte de matière cérébrale, s'étonne de voir une pointe jaillir de sa poitrine, fixe d'un regard de totale incompréhension son meurtrier, se dit que le monde est quand même bien injuste avant de rendre son âme maudite à qui de droit. Le vampire victorieux retire son arme, se redresse juste à temps pour recevoir la charge d'un loup-garou de plein fouet, meurt la gorge arrachée en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Et la danse macabre se poursuit, interminable, tendue vers un quelque part n'existant peut-être que dans l'imagination du Noir, qui toujours avance de son pas au rythme inébranlable, entouré d'une troupe de plus en plus réduite de combattants épuisés.

Peut-on encore donner le nom de « légion » à un groupe d'une douzaine de vampires assez blêmes pour effrayer même leurs pairs, tous plus ou moins grièvement blessés et les membres tremblants ? C'est tout ce qui reste de la fière élite des armées Dragonniques, alors qu'ils parviennent enfin à l'huis gigantesque et grand ouvert menant au deuxième plan infernal. Les survivants de la légion d'Ivoire comprennent en voyant la garde qui les attend que c'est la fin de leur route, tous fixent un instant leur maître, qui leur rend un regard grave, profitant d'un espace dégagé pour immobiliser le groupe.

-Nous devons passer. Cette porte, puis celle menant au troisième niveau de ces plans. Alors nous pourrons atteindre les plans du Chaos, et tenter de fermer le Sereg Rinn depuis sa source. Il n'y a nul retour en arrière possible, vous le savez. L'heure est venue pour vous, non pas de succomber, mais de révéler l'Art Dragonnique que je vous ai enseigné. Vous avez survécu là où tous les autres ont péri. Vous êtes la quintessence de la Légion d'Ivoire, c'est pour un instant comme celui-ci que cette unité a été créée, pour un tel moment que vous existez. Maintenant, compagnons, puisez votre second souffle, et renvoyons au néant ces bâtards infernaux !

Un rugissement accompagne ces paroles alors que la petite troupe se jette dans les rangs serrés des serviteurs du Chaos, fendant avec une brutalité inouïe les premières lignes de la défense. Treize combattants, les plus chanceux ou les meilleurs, qu'importe, dans une unité parfaite ils dansent leur ultime valse, semblant atteints par une grâce inconnue qui leur permet de survivre là où tout s'arrête, anges déchus semant la mort comme graines dans le vent, inatteignables et magnifiques dans cette chorégraphie des ombres. Incrédule, l'ennemi recule en désordre devant la furie des insensés qui se frayent une tranchée dans le chaos grouillant et caquetant maintenant de terreur. Effroyables instants, masse de corps qui se pressent, trop serrés pour pouvoir jouer d'une escrime élégante, infâme boucherie où tous les coups sont permis, nécessaires, même. Et ils passent. Véritable flèche dirigée toute entière vers sa cible, le groupe parvient de manière incompréhensible à atteindre la porte suivante sans subir de pertes, la franchissent avec célérité, atteignant enfin le plan qui les mènera, ils l'espèrent, à leur destination finale. Un mot qui résonne bien lugubrement dans leurs esprits survoltés alors qu'ils passent dans ce redouté troisième plan infernal, dont on dit qu'il abrite les plus terrifiantes créatures damnées.

A peine passée la porte, le combat change de nature, les esprits des envahisseurs sont assaillis de sortilèges et maléfices de toutes natures lancés par une kyrielle de Seigneurs des Limbes qui se sont judicieusement placés hors d'atteinte des furieux, séparés d'eux par une véritable armée pressée de trucider les envahisseurs mis à mal par l'attaque psychique. Comme s'ils se débattaient dans un liquide visqueux, les vampires survivants tentent de leur mieux de repousser la meute hurlante, jetant leurs dernières forces dans ce combat qui ne peut qu'être le dernier. Mais le Noir éclate d'un rire sauvage, dévastant les rangs de piétaille comme s'il s'agissait d'épis de blé bien mûrs sous la faux du cultivateur, son espadon trace des paraboles létales qui ont vite fait de dégager ses derniers hommes, les cohortes damnées reculent avec une prudence nouvelle, cherchant d'un regard inquiet leurs maîtres qui se concertent houleusement sur la conduite à tenir. Mais le temps est cette fois en faveur des « visiteurs », quelques secondes leur suffisent pour s'extirper de la masse infernale, ils se précipitent vers le lieu censé mener au seuil du Chaos, vite poursuivis par diverses entités malveillantes mais un peu hésitantes qui ne parviennent pas à faire main basse sur les insensés, lancés dans une course folle aux gestes d'une fluidité surprenante.
Comment sont-ils parvenus jusque là ? Mystère, geste insensée qui ne laisse que six survivants rompus de la terrible légion d'Ivoire, et leur Seigneur qui contemple froidement le Chaos béant de tout son désordre dans les tréfonds des enfers, se hissant en rampant hors de son non-monde par ce qu'il convient d'appeler une faille, voire une fracture, plutôt qu'une porte. Se pencher sur ce vide qui ne l'est pas, sur cet espace indéfini qui s'ordonne et se désordonne d'un même mouvement absurde, c'est risquer la plus noire folie, c'est perdre pied, vaciller, chuter...un cri, interminable. La main du Dragon retient de justesse un deuxième vampire qui titube, scrute vivement les alentours brumeux étonnamment déserts, si l'on excepte la force qui « jaillit » de la faille. Il fait signe aux cinq vétérans de s'écarter du précipice, examine chaque pouce de terrain, humant les airs nauséabonds le visage de plus en plus sombre. Sourdement, il gronde :

-Vous ne sentez pas quelque chose ? Je veux dire, en dehors de la puanteur ambiante ?

Les vampires hument plus attentivement les airs, nerveux, l'un d'eux murmure :

-ça pue le chien mouillé...

-Le chien mouillé...mouais, ça sent le garArggl !

La pointe effilée d'un carreau d'arbalète jaillit comme au ralentit de la cuirasse du vampire, provoquant un vif mouvement de ses compagnons qui scrutent les volutes putrides avec anxiété, ne distinguant aucun adversaire. Un rire sinistre et guttural retentit dans le silence cotonneux, un deuxième vampire tombe, atteint à la tête. A nouveau ce rire, d'une autre direction. Un carreau file vers la troisième cible, se fait dévier d'un revers de lame époustouflant par son destinataire, qui murmure, inquiet :

-J'en éviterai pas dix des comme ça...

-C'est un putain de piège ! Répond sur le même ton son comparse le plus proche.

-Sans blague...

Edité par Noir-feu le 27/06/11 à 00:10

Noir-feu | 10/07/11 18:19

Lune 1041 de Daifen, Porte du Chaos.

Seul. A nouveau, ou encore, qu'importe. Le regard de feu du Seigneur des Noirs contemple brièvement les corps des derniers représentants de la terrible légion d'Ivoire, les empennages écarlates qui dépassent de leurs chairs, puis se pose sur les entités infernales qui se dessinent maintenant plus nettement dans la brume en train de se dissiper. Seigneurs des Limbes, accompagnés de leurs laquais et démons inférieurs, Garous hirsutes aux yeux luisant d'une malsaine convoitise alors qu'ils dévorent déjà leur proie en pensée, entourés de miteux cabots serviles et gémissants, tous semblent attendre quelque chose, ou quelqu'un.

Lentement, ils s'écartent sans quitter le Dragon des yeux, rendus prudents malgré leur folie par les ravages effroyables exercés par le sombre reptile. Immobile, il attend. Sans trop savoir quoi, la mort, la fin, la vie, un début, une voie dans les ténèbres, peut-être. Ses pensées sont tournées vers d'autres trames, d'autres temps, ni meilleurs ni pires, simplement autres. Des temps où la vie avait une certaine valeur, des temps ou les mondes bruissaient de magie, de rires et de légendes. Il songe futilement qu'en ces temps qui s'estompent, l'honneur signifiait quelque chose, l'amitié était une valeur forte, mais de tout cela, il ne reste que cendres, poussières de passé qui se mêlent à l'imagination pour mieux resplendir dans les souvenirs de moins en moins nets des anciens. Ses lèvres se courbent en un sourire froid alors qu'apparaît l'être attendu par les infernaux, si prévisibles, si arrogants dans leurs certitudes d'un autre âge, elles aussi. Oui, autrefois...autrefois ils auraient eu une chance. Du temps ou le Dragon était encore un peu humain, soumis parfois à ses désirs, à ses pulsions, mais ce temps là est échu aussi, et le Noir n'a plus rien à perdre, ni à gagner.

Il reconnait d'un seul aperçu la créature somptueuse qui s'avance, succube en majesté, prédatrice redoutable pour qui a le coeur brisé, elle qui sait exploiter mieux que personne les états d'âmes assombris des esseulés. Elle est de haute taille, presque aussi grande que lui, sa longue chevelure de jais cascade sur ses épaules dénudées, le long de son dos, épouse avec un érotisme calculé la chute de ses reins. Son regard est un puits de mystère, de nature à troubler n'importe quel homme, à l'ensorceler sans la moindre chance d'y échapper. La succube pose ce regard sur le Dragon, persuadée déjà que l'envoûtement ronge la détermination de l'insensé venu les défier en leur propre cénacle, elle lui offre un sourire enjôleur, repousse avec désinvolture une mèche rebelle de ses cheveux, susurre d'une voix suave:

-Pourquoi extermines-tu mes serviteurs, beau guerrier? Viens plutôt à moi, je saurai te montrer un autre visage de notre monde, je saurai te faire aimer notre terre si propice à l'assouvissement de tes plus secrets désirs...viens...viens et aime moi...

Le Dragon jette un rapide et discret coup d'oeil à la faille béante, cette porte menant au Chaos, puis retourne un sourire qui se veut troublé à la créature, avance d'un pas en tendant une main vers elle.

-Belle Dame, eussé-je su que ces créatures étaient serviteurs d'une aussi troublante déesse que vous l'êtes, les choses auraient certes été différentes...approchez, j'ai quelques peines à me défaire de l'attirance de cette faille... un baiser saura me rassurer...

La succube avance à son tour, jubilant intérieurement du succès de sa manoeuvre, elle prend avec une feinte timidité la main offerte, fait mine de résister un peu alors que le Dragon l'attire doucement à lui, plonge son regard ensorcelant dans le sien et...hurle de terreur alors que d'une rotation vive comme l'éclair le Dragon la projette dans la faille maudite.

Désemparés par l'échec cuisant de leur arme secrète, les infernaux hésitent une seconde sur la conduite à tenir, plus vif que les autres, un Garou bondit sur le Dragon en hurlant sa haine, s'empale sur l'espadon sanglant qui s'est relevé à toute allure, se débat pour échapper à la froide morsure de la lame runique qui le projette lui-aussi dans la plaie béante menant au Chaos. Son hurlement retentit durant ce qui semble une éternité, repris par une centaine de gueules affamées qui se précipitent en vrac sur le combattant solitaire, voué c'est certain à prompte perte. L'espadon décrit une furieuse arabesque létale qui prive de tête quelques garous trop proches, son porteur s'accroupit vivement pour éviter un autre loup qui jappe de frayeur en réalisant qu'il n'y aura aucun sol pour sa réception, dessine un arc de cercle à hauteur de genoux, mouvement qui tranche pattes et jambes sans même freiner sa course folle. Les Seigneurs des Limbes se reculent un peu, laissant les téméraires Garous occuper le maudit pendant qu'ils entament une litanie rocailleuse destinée à enchaîner d'un sortilège le fou qui dévaste leurs rangs. Les chiens se reculent peureusement tandis que les plus puissants des loups-garous se ruent à l'assaut, tentant de submerger par leur nombre le Dragon. Quelques gerbes de sang épais, têtes qui roulent, membres tranchés net, un rire moqueur et Noir-Feu se jette à son tour dans le précipice sans fond qui marque l'entrée des plans du Chaos, prêt enfin à user de tout son pouvoir pour plier les trames maudites à ses desseins, prêt à tenter de fermer de l'intérieur ce que d'aucuns appellent le Sereg Rinn. Un rictus moqueur tord ses lèvres alors qu'il songe que, si les combattants de Certadhil ne sont pas parvenus de leur côté à rejoindre le cercle de sang, il restera à jamais dans cet «univers» peu accueillant...

Edité par Noir-feu le 11/07/11 à 01:56

Kärel | 12/07/11 23:57

[HRP : écrit avec quelques rajouts/modifications/corrections orthographiques de Gzor et Shadee :D ]

Un troisième geste fait signe à Gzor de grimper à son tour. Testant la résistance de la corde par prudence, il s'engage à la suite de Larme et Shadee sur l'imposant mur d'enceinte. Le bretteur lui ignorait de tels talents d'escalade, pense-t-il ironiquement. Seul resté à terre, Kärel scrute les alentours, prêt à transpercer un quelconque larbin du Chaos un peu trop curieux. Au loin, la bataille fait rage, les deux armées antonymes s'entrechoquent et se percent sans relâche, une ultime et sanglante fois après quarante-huit lunes d'innombrables massacres. Pourtant, la fureur des combattants est telle que leurs cris sont parfaitement perceptibles par la petite troupe, comme s'ils étaient tout proches... l'épéiste jette un bref regard sur le haut de la muraille puis s'agrippe au cordage, tandis que ses compagnons le hissent.

Sur le chemin de ronde, la résistance ne se fait que peu sentir. Et pour cause, Lyra a fait un travail efficace, et propre de surcroît. Une poignée de main de Gzor tire enfin Kärel au dessus du créneau. À quelques mètres de là, la lame dragonnique de l'héritier du Noir tranche sans peine les résidents d'une tour reliée à la courtine. Derrière lui, la fille des éléments reste aux aguets, concentrée. Kärel voit bien que quelque chose la tracasse, ses écarts durant les derniers affrontements le montrent. À chacun ses propres combats, se dit-il... tant qu'elle ne compromet pas la réussite de la mission. Malheureusement, cela semble plutôt être son propre cas pour l'instant, car une Ombre postée sur les fortifications vient de les apercevoir, et semble ameuter ses camarades.

Pendant que les deux amants nettoient le poste de garde pour atteindre une deuxième porte, leurs collègues retiennent les sentinelles de l'autre côté de la pièce ; bientôt, toutes gisent sur le sol de pierre. Shadee profite d'un moment de répit pour leur souffler qu'elle a trouvé une petite trappe située sous le tapis de la table centrale. Gzor se met immédiatement à sa recherche après avoir déposé la corde ayant servi à l'ascension, et ne tarde pas à tirer sur une poignée de fer rouillé, dévoilant un puits qui semble sans fond. Un accès aux galeries... sans doute même inconnu de la plupart des gardiens pour ne pas être employé en ce moment même. Une occasion inespérée de disparaître. Une fumée épaisse se dégage des deux fumigènes sortis des replis de la tunique du bretteur, aveuglant la deuxième vague de gardes qui se mettent à s'entre-déchirer, espérant faire mouche sur les indésirables. Sans un bruit, les quatre compères profitent de la cécité de leurs adversaires pour se glisser dans l'ouverture.

Par chance, quelques barreaux de fers parsèment les murs terreux du boyau, permettant à la petite équipe une descente sans chutes de plusieurs dizaines de mètres, centaines peut-être. L'odeur d'excrément, d'urine, de terre et de sueur mêlés est insupportable, et se renforce au fur et à mesure de leur progression.

"Combien de temps avant qu'ils ne nous rattrapent ? questionne le changeforme, la botte sur la tête du bretteur.
- L'effet d'un fumigène dure une minute, un petit peu plus dans un espace aussi confiné. Après cela, il faut juste espérer qu'ils ignorent l'existence de ce passage, répond le spadassin dont le regard nocturne déniche sans peine les prises. Et fais gaffe avec tes pieds.
- J'ai accroché et jeté la corde par la meurtrière sur l'extérieur de la citadelle avant de fermer la trappe, lance Larme. Cela devrait suffire pour les lancer sur une mauvaise piste, s'ils ne sont pas trop futés.
- Belle initiative, reprend Gzor. Ces imbéciles n'y verront que du feu.
- Je sens un courant d'air, les interrompt Shadee.
- Il y a une galerie creusée dans les parois du boyau quelques mètres plus bas. On doit être proche du sol. Voici notre porte de sortie, termine Kärel."

Les uns après les autres, les infiltrés pénètrent dans une des nombreuses voies d'aération des souterrains chaotiques, assez larges tout de même pour accueillir un Seigneur des Limbes. Des grognements inquiétants résonnent jusqu'à leurs tympans, mais cela ne les effraie plus. Par précaution, le changeforme prend, après avoir fait stopper ses camarades, la forme hirsute d'un loup-garou. Prudemment, ils avancent, éclairés de temps à autre par l'éclat inquiétant de l'astre lunaire, dont les rayons profitent des ouvertures sur les tunnels de la Meute pour se faufiler à l'intérieur des couloirs aux mille dangers...

Edité par Kärel le 13/07/11 à 00:02

Gzor | 16/07/11 11:18

Le petit groupe progressait dans l'inquiétante obscurité des tunnels. Organisés selon une formation en flèche, le bretteur étant en tête, ils avançaient avec rapidité et discrétion. Les yeux de Kärel et du changeforme lycanthrope fouillaient l'obscurité alors qu'une pente douce les emmenait dans les profondeurs des tunnels, et que la lumière des astres jumeaux se faufilait plus difficilement dans les galeries. Ils pénétraient dans le royaume de l'obscurité.
Soudain, derrière eux, un cri se fit entendre, répercuté l'écho brisé par un bruit mat. Se stoppant, levant impérieusement le bras pour intimer à ses camarades de l'imiter, Larme, visiblement aux aguets, écouta un instant les paroles que susurraient les sombres galeries.
De faibles sons provenaient de là d'où ils avaient débouché dans la galerie ; l'oreille surentraînée du Dragon avait reconnu de faibles chuchotements, ainsi que le bruit sec d'une marche sur le métal. Gzor, reniflant avec circonspection l'air, tendant l'oreille, rompit le silence d'un grognement.
«- Ce sont les gardes du chemin de ronde. Les fumigènes ont cessé leur effet. Je ne sais comment, mais ils ont réussi à trouver par où nous nous sommes échappés. »
La gueule garnie d'épaisses dents se referma. Quelques regards échangés plus tard, tous tirèrent l'épée du fourreau. Formant une ligne, ils attendaient de pied ferme.

Bientôt, de nombreuses silhouettes firent leur apparition. Dans le noir, les seigneurs doués de nyctalopie purent distinguer les silhouettes de guerriers humains, ainsi que les contours imprécis des ténébreuses Ombres.
«- Combien y en a-t-il ? demanda Shadee.
- Une petite vingtaine, fit Kärel en déglutissant. Si vous voulez, j'ai encore quelques fumigènes.
- Trop tard, le retraite nous est coupée. », répliqua la fille des Éléments, qui venait de se retourner après avoir entendu un bruit suspect.
Derrière eux, discrètement et insidieusement, approchait une troupe. Gzor fit volte-face, et un grognement sortit de sa gueule.
«- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Larme.
- Ce sont des achéris... il me semble en distinguer cinq. Chers camarades, nous sommes pris au piège.
- C'est dommage, je croyais qu'on nous laisserait nous échauffer. », fit Kärel, une pointe d'ironie dans la voix.
Les groupes d'assaillants étaient à équidistance des seigneurs, à environ une dizaine de toises chacun.
«- Je savais bien que le peu de résistance qu'on nous a opposé en haut était suspect, soupira la demi-elfe.
- Larme, avons-nous la possibilité d'utiliser le feu ? demanda timidement Kärel, dont la prudence naturelle commençait à poindre.
- Écoutez, je ne sais absolument rien de l'environnement, mais si je l'utilise, il y a de fortes chances pour qu'on ait un très méchant effet retour... ou une asphyxie, lente et douloureuse.
- Et merde, jura le changeforme. Et... vous ne pouvez pas adopter la forme de dragon, sans cracher du feu ?
- Ne comptez pas sur moi pour ça, répliqua abruptement le guerrier. Je suis assez habile à l'épée pour m'en passer, vous connaissez mon géniteur, il me semble.
- D'accord, d'accord... », fit Gzor, las.
Leurs adversaires se rapprochaient prudemment, mais semblaient parfaitement coordonnés.

«- On s'occupe de qui en premier ? demanda le bretteur.
- Répartissons-nous les tâches... toi et Larme, vous allez pourfendre les achéris. Shadee et moi, nous nous occupons des autres pignoufs, répondit Gzor, visiblement en intense réflexion.
- Allez mourir, répliqua sèchement Larme. Je ne me sépare pas de Shadee.
- Mais... mais...
- Il n'y a pas de "mais" qui tienne. Vous allez avec Kärel vous occuper du groupe de défenseurs, et nous, on se charge des achéris. »
Gzor ouvrit la bouche en signe de protestation, mais aucun son n'en sortit. Se résignant, il suivit le bretteur, qui déjà l'entraînait vers leurs adversaires.
Le Dragon jeta un rapide coup d'oeil à sa compagne, qui lui sourit faiblement, légèrement inquiète.
«- À nous de jouer, Amour. »

La lame de Kärel fut la première à taillader la chair. Gzor connaissait l'habileté de son compagnon dans le maniement de Freyja, son katana rouge glacé, mais c'était toujours une surprise de voir le bretteur en action, parant comme pas un, donnant des coups à des endroits savamment calculés, faisant volte-face, entamant une danse dangereusement mortelle avec ses multiples rivaux, et gardant malgré tout un léger sourire aux lèvres, comme si tout ceci n'était qu'une gigantesque blague. Le changeforme savait bien qu'il n'en était rien, et qu'il prenait ce combat tout à fait au sérieux. En passant, il remarqua avec étonnement que la tunique noire de son ami était à peine tachée par les effusions d'hémoglobines, alors que, déjà, il avait vaincu quatre ou cinq adversaires.
Il n'avait pas vraiment le temps de s'attarder plus. Profitant du relâchement de l'attention du groupe, due à l'attaque du bretteur, il chargea les Ombres.
Le choc lui coupa le souffle, alors qu'agitant les pattes et refermant sauvagement une gueule garnie de crocs tranchants comme des couteaux, il raflait déjà plusieurs entités brumeuses. Déjà, sous ses pattes gisaient deux cadavres de guerriers. Il saignait légèrement au flanc droit, sans doute à cause d'un coup d'épée habile, mais cela ne le faisait pas trop souffrir.
Ayant transpercé l'amas de combattants, il se retourna pour leur faire face. La deuxième charge fut moins efficace que la première, mais resta dévastatrice. Plusieurs Ombres se volatilisèrent, vaincues. La moitié de leurs adversaires étaient déjà mortellements blessés ou tués, et le reste doutait sérieusement.
Gzor sentit une douleur dans la cuisse. Se retournant, il vit un guerrier humain, qui venait visiblement de planter son épée dans la chair du loup-garou. Le changeforme grogna, et, voyant la face terrifiée du soldat, rugit puissamment avant d'envoyer d'un sauvage coup de patte sa tête valdinguer à bonne distance.

Larme et Shadee avançaient rapidement vers les achéris, dont les apparences juvéniles ne firent pas trembler les deux amants, habitués à ce stratagème roublard qui avait, hélas, trop souvent fonctionné sur d'autres.
Shadee ferma les yeux, semblant réunir la puissance dévastatrice des Éléments.
Et ne vit pas à temps le piège.
Une trappe dissimulée s'ouvrit, juste sous ses pieds. En un instant, elle se retrouva précipitée dans un boyau terreux d'une longueur indéfinissable, alors qu'elle émettait un long et aigu cri de détresse, qui alla en s'affaiblissant au fur et à mesure de sa chute.
«- AAAAAAAAAAAAAAAAAaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa aaaaaaaaaaaaaaaaah.... »
Larme fit en un instant volte-face, oubliant totalement les entités limbiques, se précipitant vers le funeste orifice, mais trop tard ; la sournoise ouverture s'était refermée.
«- Non.... Non... Noooooooooooooooooooooon !!!! »
Tapant désespérément des poings sur la paroi, il se releva, et regarda les achéris qui, mises en confiance par cet événement qui leur retirait un adversaire, accéléraient leurs morbides mélopées.
Des écailles recouvrirent son corps, et des griffes sortirent de ses mains, alors que ses yeux brûlaient d'une lueur enragée. La fureur bouillonnait dans ses veines lorsque, levant sa lame au-dessus de sa tête, il décapita d'un unique coup rageur trois des filles du Chaos.

Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 16/07/11 à 12:47

Lyra Méfinnlath | 19/07/11 01:28

Il n'en fallut pas plus. Lyra était de retour dans le combat, voyant le nombre de ses troupes s'amoindrir, elle avait repris sa place où elle serait le plus utile. Les dragons noirs étaient tombés et il ne restait qu'elle et Larme ici. Elle combattait avec ses griffes et ses crocs, réduisant le nombre d'ennemis qui revenait toujours en surnombre. Elle avait été blessée, mais ce n'était pas mortel et pas assez pour la ralentir. Les odeurs pestilentielles des morts s'élevaient autant d'un côté du champ de bataille que de l'autre.

Le nombre de morts qui augmentait a chaque seconde qui passait n'aidait a rien la vision macabre se déroulant devant les yeux des survivants. L'on en était encore à se demander si cela inspirait la peur ou une fureur et un courage hors du commun. La plupart des vivants savaient bien qu'il s'agissait de leur dernière bataille, mais cela importait que si peu. C'était la même chose dans la tête à la jeune demi-elfe. Toute sa famille était morte en combattant et s'il lui arrivait la même fatalité, elle en serait que fière. Elle avançait, imperturbable, au milieu des corps décapités et mutilés, sentant le sang lui couler sur le corps, sachant bien qu'elle pataugeait de celui de ses amis, de ses alliés. Elle voyait des morts se relever des deux côtés et continuer de se battre, dans une danse machiavélique et désordonnée. Puis elle le sentit.

Une douleur dans ses veines, une souffrance de vie. Un message clair lui parcourant le corps tel un éclair d'énergie la frappant intérieurement. Et elle sut. Oh que oui, elle le sut. Son frère venait de voir ce qu'il aimait le plus lui glisser entre les mains, et cela le blessa au plus haut point. Un appel, de dragon a dragon, de frère a soeur. Elle répondit de la seule façon possible. Elle se transforma instinctivement, se laissant envahir par ce que Larme ressentait. Malheureusement pour ceux qui l'entouraient, Lyra avait toujours été noire en elle. Le coté drow, le don démoniaque et le sang de noir l'avaient fait pencher vers le mal et elle avait toujours résisté et repoussé cela. Mais cette fois, ce n'était pas elle qui avait le dessus, mais ses sentiments, ou plutôt celui d'un dragon en furie.

Ne faisant fit de rien, elle avança rapidement vers son frère, dessinant derrière elle une trainée de bouillie sanguinolente, autant alliée qu'ennemi. Il était a présent impossible pour elle de différencier le bien du mal, une seule chose lui importait, rejoindre cet autre dragon qui souffrait et qui était en colère. Et, malencontreusement pour tout le monde, elle y arriverait, dans un carnage inconsidéré. Elle plongea donc sous terre et rampa, à travers la terre souillée par le mal, vers son objectif.

Elle finit par émerger et ce qui restait de créatures maléfiques furent réduit en cendre, les flammes de la dragonne illuminant l'endroit où le combat faisait rage. Elle ne distinguait pas ses amis de ses ennemis et la possibilité de les bruler était bien présente.

Lyra Méfinnlath

Shadee | 06/08/11 19:25

Le choc a chassé l'air de ses poumons, Shadee reste étendue de longues secondes dans le noir, étudiant les parcelles douloureuses de son corps pour ne faire aucun geste malheureux. Le sol est froid, dur, c'est de la pierre. Le coeur est fortifié, ce souvenir surgit sans pitié ; la voici non loin du Sereg Rinn. Seule. Un rire sec la secoue lorsqu'elle pense à sa stupidité, elle n'est même pas capable de surveiller ses propres pieds ; quelle superbe combattante ! Elle ahane en se redressant quand elle est certaine qu'aucun os ne s'est brisé dans sa chair, elle respire profondément afin de ralentir son sang qui percute ses tempes comme le marteau une enclume. Sa tête ressemble à une vaste caverne qui aurait emprisonné un vent hurlant où des grognements lointains s'y mêlent. Pour autant, tout ne devient pas plus clair. Les bras tendus vers le vide, nulle paroi enténébrée ne l'accueille pour suivre un fil d'Ariane. Elle ordonne rapidement ses idées pour isoler une solution dans les entrailles de la vénéneuse cité. Engloutie comme elle fut, il lui est impossible de rejoindre ses compagnons par cette voie, il lui est également interdit de rester à attendre son salut qui ne viendra sans doute que d'elle-même. Elle a donc besoin de voir ; une boule glacée d'angoisse se niche dans son ventre alors qu'une flamme de poing repousse les ombres denses, son autre main tient fermement la garde de sa dague.

Des crocs agressifs se jettent aussitôt sur elle, un loup-garou s'est engouffré par l'unique accès, attiré par le long cri de l'agile sotte ; elle évite tout juste le claquement sinistre qui allait broyer sa gorge, et plante dans le même mouvement sa lame dans le flanc de la bête. Déjà, elle s'échappe en filant aussi vite que le vent tout droit vers la gueule du loup. La lumière danse devant elle et précède sa fuite. Il a toujours aimé les joies cynégétiques et ses grognements sont un véritable gémissement de plaisir. La folie du sang efface le souvenir de sa propre blessure qui poisse sa fourrure, il exulte d'autant plus que la petite fouine se précipite vers sa mort. Un jappement excité lui fait forcer l'allure. Avant il voudrait juste savourer sa délicieuse chair, ou mieux la livrer au Mestre Garou pour recevoir les honneurs.

Shadee s'arrête soudain, l'horreur devant elle. Sur ses arrières, elle entend la course du chien des enfers se rapprocher, sans réfléchir, un geyser de flammes envahit la galerie de pierre ; le hurlement d'agonie anéantit toutes ses chances de passer inaperçue. Soixante-dix paires d'yeux infiniment pervers et malsains de seigneurs limbes se posent sur elle, un rugissement de rage interrompt la litanie occulte de Fenrir au centre du cercle argenté, face à la Porte du Chaos. Il dénude ses crocs luisants certainement dans une sorte de sourire. L'inconsciente a cru qu'elle arriverait à être l'obstacle à sa réussite, le Sans-Nom lui avait dit qu'elle était impertinente... Il aboie un ordre qui déchaîne les délicieuses tortures mentales de ses serviteurs ; Shadee s'effondre instantanément non sans avoir répliqué par une déferlante de feu, le sol se dérobe sous leurs pieds et forme des mains gigantesques qui broient les créatures comme de vulgaires pantins de bois. À travers les éléments en furie qui répondent à l'ultime commandement, chaque mort s'imprègne en elle, la traverse, puis s'échappe vers les enfers familiers ; chaque fin est comme un coup de poignard qui lui inflige une douleur blanche, insupportable. Même dans le trépas, les seigneurs des Limbes se réjouissent de la tourmenter insidieusement pour obéir à leur mentor. Sa vision se trouble. Son esprit veut se réfugier dans l'inconscience apaisante. Avant d'y succomber, Shadee perçoit le cercle argenté souillé de sang, les morceaux de corps saigneux ou les cadavres encore rongés par les flammes, et Fenrir, baveux de rage, qui s'approche. Plus rien. La torpeur salvatrice la libère pour un temps trop court aux horreurs.

L'haleine fétide glisse sur la joue. La langue de Fenrir parcourt lentement la gorge de Shadee, il joue de ses crocs sur la peau tendre, et enfin sa truffe massive souffle les cheveux qui voilent en partie le visage pâle et perlé de sueur. Elle est entravée, sur une plaque de métal basculé à la verticale, les membres écartés prêts à être écartelés par des chaînes reliées à quatre loups-garous équipés d'un harnais. La douleur ne la quitte plus. Elle entend les sons sans vraiment les enregistrer tant les tortures occultes veulent l'anéantir dans son essence même. Au sol, un cercle de sang couvert de symboles runiques vise à réduire son lien avec les éléments. Shadee ressent les puissances premières, paniquées, qui la cherchent, sans savoir où abattre leur fureur pour lui venir en aide. Elle est comme invisible au monde, et cela la terrifie.

« - Enfin, vous vous éveillez, belle au bois. Êtes-vous à votre aise, garce de feu ? » Un bruit de gorge rocailleux imite le rire moqueur « Savez-vous que je vais vous crever, putain des éléments ? Avant ce plaisir..., je veux que vous regardiez ce que vous êtes venu voir, l'armée qui va éventrer les vôtres. Croyez-vous que vos matous et vos petits chiens d'armes suffiront ? » Il s'assoit, enroule sa queue sur ses pattes pour mimer une attitude noble. « Et voyez ce que ma poupée a trouvé en faisant sa curieuse. » Une achéri rejoint son Mestre garou en sautillant gaiement et fait jouer une écaille du dragon à la lueur des torches. « Il y a donc un plan, n'est-ce pas ? Qui est donc avec vous, ma chérie, pour jouer ainsi sa vie ? »

L'effroi la saisit aussitôt et réveille ses sens endoloris. Les seigneurs des limbes resserrent leurs prises, un rictus mauvais sur leur visage séraphique. Elle parvient à articuler après avoir ravalé un cri de douleur. « Je suis venue, seule. Ce n'est qu'un porte-bonheur que vous avez, sac à puces. Un cabot voit un joujou en toute chose, cela ne m'étonne pas de vous. »
La gueule de Fenrir claque à un cheveu de son cou ; déjà figée, Shadee n'esquisse aucun mouvement et reste autant de marbre quand le museau vicieux l'étudie. « Nous nous amuserons après tous les deux, je vous le promets. Présentement, le temps est à autre chose... » Il se tourne majestueusement vers le Sereg Rinn et entonne l'infâme appel pour attirer les damnés à le rejoindre...

Edité par Shadee le 06/08/11 à 19:32

Larme De Fée | 24/08/11 23:31

Fureur. Haine. Absolues. Qui jaillissent de Larme à la manière de trombes de forces incontrôlables, s'épanchant en toutes directions, sans plus de retenue. Il n'a pas conscience que cette rage démente se communique à sa Soeur, encore moins qu'elle franchit les obstacles de la vénéneuse cité du Chaos pour se précipiter dans le Sereg Rinn, happée par le Chaos vers un but dont il n'a pas idée. Son regard est devenu d'un noir de suie, mat et macabre, et il n'a plus qu'un désir, brûlant et irrépressible : anéantir tout ce qui tentera de l'empêcher de rejoindre sa compagne. Les Achéris sont les premières à faire les frais de la rage du Dragon, Kärel et Gzor se reculent prudemment, ce dernier se permettant un petit sourire satisfait devant la tournure prise par les événements, il ne lui déplaît pas que l'attention des serviteurs du Chaos soit focalisée sur autrui. Le couloir devient fournaise infernale, ce qui n'empêche pas les affidés chaotiques de se ruer à l'attaque malgré les flammes qui rongent parfois déjà leurs réceptacles de chair. Le Dragon n'en a cure, oubliée la discrétion, oublié le fait qu'ils sont maintenant trois insensés seuls en plein coeur de l'antre maudite de leurs ennemis innombrables, qui jaillissent maintenant de plus en plus nombreux de partout, menaçant de submerger par leur seule masse les malheureux. Kärel accomplit des prouesses à la pointe de sa lame, qui semble animée d'une vie propre. Gzor use de toute sa malice pour broyer, calciner, écharper tout ce qui le menace, mais cela ne saurait suffire, pas ici.

Une troupe de loups-garous qui se ruait à l'assaut s'enflamme comme un vieux parchemin bien sec, un rugissement colérique répond soudain à ceux que Larme pousse sans répit depuis la disparition de son aimée, provoquant un flottement dans les troupes maudites. Lyra ! Enfin, la Soeur et le Frère se retrouvent, pour la première fois de leurs existences ils combattent côte à côte sous leur forme Dragonnique. Et les ravages sont effroyables, les murs se fissurent sous les coups de boutoirs qu'ils infligent en y encastrant bon nombre d'ennemis dépassés par la puissance conjuguée des deux Noirs qui ouvrent une véritable tranchée vers les tréfonds de l'oeuvre maléfique, suivis par un Gzor très satisfait et un Kärel inquiet qui use habilement de son épée pour achever les quelques mourants que les Dragons laissent dans leur sillage.

* * *

Il est dit, dans les annexes oubliées des « Chroniques anciennes des adeptes d'Elladyl », que le Néant constitue une sorte de sphère, noyau imperceptible et invisible de tout ce qui, à cette période discutable que beaucoup nomment par défaut l'aube des temps, engendra les premières manifestations de ce qui serait : le Chaos. Le Chaos entourerait à la manière de la chair d'un fruit ce noyau de Néant, il aurait, dans des circonstances non élucidées, donné naissance à la matière, et de cette matière serait issue, bien plus tard, la vie. Ainsi, l'ensemble formerait une espèce de sphère constituée de trois couches plus ou moins distinctes selon les âges, les événements voire les êtres. Toujours selon ces textes, les plans dits « infernaux » se situeraient à la frontière du Chaos et de ce que nous nommerons par commodité l'univers, nommé aussi par certains multivers. A vrai dire, cette conception ne répond pas à une vérité, les études des adeptes d'Elladyl semblant indiquer que, pour peu que la conviction soit suffisante, cet ensemble se modèlerait selon les croyances et l'imagination de toute vie suffisamment complexe pour envisager ce type de réflexion. De même, les passages entre ces couches, ou toute autre représentation de ces choses, seraient fluctuants, se créant ou se dissipant selon les pensées des êtres, ce qui rendit fou bon nombre de savants cartographes pétris de la conviction qu'il était possible d'en dessiner une carte. Quoi qu'il en soit, c'est cette représentation en trois sphères qui prévaut dans l'enseignement dispensé par les adeptes d'Elladyl, et nous pouvons dès lors affirmer que, pour eux, cela a valeur de réalité, et autant de substance que pourrait en avoir une bonne chopine de bière pour un Nain assoiffé.

C'est sur ces annexes que se basa Noir-Feu, alors Maître de la confrérie d'Elladyl de par la volonté de son mentor Til-Bora, pour étudier les Trois Noires. Rappelons que la plus complète description qui en fut jamais donnée les définit comme trois entités runiques infiniment voraces et douées de conscience propre, déterminées à engloutir ou anéantir les mondes et les vies en usant d'un « porteur » dont elles manipulent ou sacrifient sans vergogne l'existence pour parvenir à leurs buts destructeurs. Lors d'un périlleux voyage qui le mena à cet instant mal déterminé connu sous le nom d'aube des temps, Noir-Feu parvint à « dompter » ces trois entités, les modifiant à l'instant même de leur création pour en faire des forces contrôlables. Tout au long du retour au présent, il veilla à ce qu'elles ne puissent lui échapper, renforçant son contrôle sur elles en tissant autour une sorte de filet de trames et de runes au fil des âges. De même, il modifia imperceptiblement certains événements du passé, agissant avec autant de prudence qu'il était possible de façon à ne pas altérer de manière visible la trame du présent qu'il devait regagner. Il parvint également au cours de cette aventure à définir précisément quelle était la nature véritable des Trois Noires. Devenu prudent avec l'âge, il n'en laissa jamais rien paraître, évita soigneusement d'en faire usage excepté en de très rares occasions, et encore n'utilisa-t'il qu'une infime portion de leur puissance, peu désireux de fissurer la trame même des mondes par un déchaînement de pouvoir prenant sa source dans l'instant même de création de l'univers. Cela explicité au lecteur, nous pouvons maintenant entamer la part suivante de ce récit avec quelque espoir qu'il comprenne un peu le pourquoi du comment, et si notre espoir se voyait exaucé, nous serions reconnaissants au sagace personnage de bien vouloir nous éclairer de sa sagesse, car nous reconnaissons humblement être restés perplexes à l'observation des événements que voici :

Quelque part, difficilement descriptible autrement puisque nous voilà soudain plongés dans les aberrantes circonvolutions Chaotiques, voyez la quadrature du cercle pour illustration, une Succube chute en hurlant, suivie d'assez près par un Loup-Garou également bruyant, tous deux suivis à quelque distance par un silencieux guerrier qui s'efforce malgré la tourmente insensée qui occulte toute vision en ces lieux peu recommandables, de ne pas perdre de vue les deux premiers. Enfin, la première surtout (Ndlr : Il semblerait, après éclaircissements demandés au susmentionné guerrier, qu'elle fût plus agréable à regarder que le Garou). Voilà donc nos trois compères qui chutent. Longuement. Cela ne perturbe pas Noir-Feu, qui dans tous les cas devra attendre la très hypothétique arrivée des « forces du bien » devant le Sereg Rinn avant de pouvoir agir. Autant donc profiter du voyage pour bien observer une Succube, être peu fréquent de par les mondes habituellement parcourus. Et puis, pour ce qu'il en sait, le temps pourrait aussi bien s'écouler à l'envers ici. Pensée qui lui tire un sourire amusé, il se voit rajeunir de quelques centaines de lunes, sale coup pour fermer le Sereg Rinn s'il venait à se retrouver Dragon Vert à peine pubère ! Et donc, le temps s'écoule. Dans un sens ou dans l'autre, du moins on peut le supposer. Et notre Dragon de se perdre dans la contemplation scientifique de la créature aux alléchantes mensurations qui chute. Mais soudain ! Oui, soudain ! Car vous ne pensiez tout de même pas que nous allions vous perdre en de si interminables élucubrations oiseuses et inutiles que jamais vous ne parveniez à savoir de quoi cette aventure retournait, à la manière de certains conteurs follement épris de leurs propre verbe qui tracent des phrases si longues et si alambiquées -demandez à la rousse si vous ne comprenez pas ce terme, non, pas la succube, elle n'est pas rousse, l'autre rousse, celle qui l'est vraiment- que même un cachalot champion d'apnée parmi les siens aurait eu du mal à débiter d'un seul trait, faute du souffle adéquat ? Et bien non ! Nous ne sommes pas de cette race de conteurs, ne vous en déplaise, même si nous prenons parfois plaisir à taquiner la baleine comme d'autres le goujon, espérant voir le bouchon plonger vers d'abyssales profondeurs encore inexplorées, car nous avons toute confiance en les êtres pour creuser plus bas encore si d'aventure le fond du fond venait à être atteint. Soudain, donc :

Une onde de rage frappe le Dragon Noir, qui tourne un regard glacial vers la direction d'où provient cette vague colérique et se permet un discret sourire satisfait, le Sereg Rinn vient de lui être indiqué. Sans plus attendre, il se dirige vivement vers la source de cette rage, tressaillant malgré lui quand il sent une deuxième vague colérique l'atteindre, plus sombre que la première. Il les sent liées, sans cerner le lien, aussi plonge-t'il vivement son esprit dans les rares trames encore perceptibles en ce lieu pour tenter de comprendre ce qui se passe sur Certadhil, frémissant légèrement en sentant l'aura de danger qui entoure Lyra et Larme, qu'il perçoit unis dans une même danse. Une sourde inquiétude gagne son coeur, malgré son esprit qui lui souffle que c'est une opportunité à ne pas manquer, la possibilité enfin manifestée de déployer toute la puissance des Trois Noires sans en perdre totalement la maîtrise. Quelques instants plus tard, le Dragon Noir lancé comme un météore dans le Chaos rugit de douleur, portant une main à son coeur, à cet emplacement soigneusement dissimulé où il manque une écaille. Il gronde de colère, frémissant de tout son corps alors qu'il la dompte sans complaisance, il a assez tanné son fils pour ne pas se permettre d'y céder, puis accélère encore, sentant la menace mortelle qui pèse sur celle qu'il a juré, par le don de cette écaille, de protéger en n'importe quelles circonstances. Et l'urgence le taraude douloureusement, il sent que ce n'est plus qu'une question de secondes, et les souvenirs de ses échecs passés fusent en son âme alors qu'une angoisse profonde s'empare de lui. Empli d'une rage glaciale, il puise dans les tréfonds de son pouvoir pour distordre le temps, déployant les Trois Noires dans les trames temporelles pour s'assurer une certaine stabilité, franchit à la manière d'une sombre comète brûlante les ultimes circonvolutions chaotiques qui le séparent de l'huis maudit. Il l'aperçoit enfin, ce sinistre cercle aux reflets sanglants en train de s'ouvrir sinistrement pour laisser passer l'effroyable et colossale armée Chaotique. Elle attend dans une cacophonie assourdissante le signal, le funeste appel qui signera la fin de toute vie sur Certadhil, nulle armée, si puissante soit-elle, ne saurait se mesurer à ces terrifiantes et innombrables légions des abysses, somptueuses dans leur horreur macabre. Quelques instants encore, quelques tout petits instants et il sera trop tard, tous les morts, tous les sacrifices héroïques n'auront servi à rien. Et l'appel tant appréhendé retentit alors que la Porte de Sang achève de béer de toute sa taille, mille trompes de guerre retentissent dans les plans du Chaos, ébranlant jusqu'à son désordre, son repris par des infinités de créatures hurlantes qui se pressent de toutes leurs jambes, pattes, appendices, à la curée. Noir-Feu se retient de se lancer de toute sa puissance dans la masse, conscient qu'il ne représenterait au mieux qu'une goutte d'eau dans l'océan, son regard tente de percer la matière argentée qui compose le passage, et son coeur manque un battement de stupeur : Elle ! Enchaînée à quatre loups-garous prêts à déchirer son corps, le Dragon rugit de désespoir de la voir exposée telle une victime destinée à quelque sombre sacrifice, réalisant aussitôt après que ceux qui devaient agir de l'autre côté de la Porte sont en train d'échouer, près, si près du but!

Edité par Larme De Fée le 05/09/11 à 03:18

Kärel | 26/10/11 14:06

[HRP : Ecrit avec quelques modifications de Gzor pour les interventions de son personnage. Merci une nouvelle fois à lui et à Shadee pour les corrections orthographiques :) ]

Dans ce qu'il reste des galeries arpentées par les fous combattants, la glaciale atmosphère d'angoisse planante a laissé place à l'ardente fournaise des feux reptiliens. Une rage insatiable déchire de ses griffes l'envahisseur chaotique devenu proie et charpie. C'est un terrain de chasse, et le couple fraternel cherche des pantins à désarticuler dans une soif de vengeance et d'hémoglobine dont les spectateurs désespèrent de voir la fin. Et pourtant, inéluctablement, elle approche, précédée d'un désespoir sans cesse grandissant dans le coeur des guerriers encore doués de raison, et suivie d'une Mort dont le dû ne cesse d'augmenter.

"Je la sens me souffler sur la nuque... murmure Kärel.
- Ça, c'est moi, ricane le changeforme. N'empêche, cette disparition... quelle déveine ! poursuit-il ironiquement, ne se souciant point de savoir si ces paroles cruelles atteignent les tympans des reptiles cracheurs de feu. Et ce combat...
- Le dénouement sera ô combien moins réjouissant ! Derrière toi !

Dans un mouvement économe de tout geste superflu, Gzor étale la matière grise du Laquais sur le mur terreux du boyau.

- Ne dis pas merci, surtout.
- Je l'avais senti approcher, grogne le loup-garou.
- Tu rediras ça à la Faucheuse une fois qu'elle t'aura happée, soupire l'épéiste.
- Tais-toi, et avance. Je ne veux pas perdre de vue nos compagnons, leur travail est vraiment remarquable..." termine l'arpenteur de plans, un rictus non dissimulé dévoilant ses poignards d'émail sur le coin de la joue.

Suivant à la trace les deux Dragons, une distance indispensable de sécurité les séparant, les deux compagnons n'ont d'autres choix que d'achever les créatures agonisantes dont le couloir aux parois défoncées est parsemé. Jetant des oeillades partout où cela se peut, ils cherchent en vain un croisement, une galerie secondaire, ou même une seconde trappe. La Fille des éléments leur a été enlevée, sa recherche est passée à l'état de priorité tant que le Sereg Rinn n'a pas été atteint. De plus, c'est elle qui possède l'écaille... malheureusement, sa disparition a entraîné une suite de réactions en chaîne qui semblent pousser les intrus plus profond, toujours plus profond dans les entrailles de la citadelle aux mille boyaux... et cela n'est que pure perte de temps. Déjà les Noirs semblent faiblir, tandis que l'ennemi réapparaît toujours plus nombreux. Fouets barbelés et griffes lycanthropes commencent à les atteindre, sans grands effets certes, mais le fait est là : à cette allure, le Chaos aura le dernier mot sur ces hérétiques insensés. Et cela, les seigneurs aux pupilles écarlates le sentent.

"Et merde... Gzor, il faut trouver une solution, et vite !
Un vent glacial lui répond, tandis qu'un frisson lui parcourt l'échine. Empreint d'une soudaine panique, le spadassin se retourne, pris de sueurs froides.
- ... Gzor ?!"

Rien. Un cimetière de cadavres calcinés, c'est tout ce qui s'étend devant le bretteur seul à présent. Son camarade a disparu. Pourquoi ? Il n'ose y penser. Il n'y avait personne derrière eux, il l'aurait senti. Gzor encore plus. Kärel reste immobile, ses mains crispées commencent à trembler, sa respiration s'accélère tandis que l'avancée rapide des deux Noirs laisse un répit au silence qui reprend progressivement sa place. Son regard vacillant scrute chaque coin, chaque cachette, chaque parcelle de terre plus ombrageuse que les autres. Mais il ne voit rien, rien que les restes carbonisés des larbins de la Meute qui le laissent sans compagnie face à une boule de peur grandissante lui nouant l'estomac. Sa respiration ralentit. Une seule question demeure à cet instant précis : c'est l'évidence même, mais il refuse d'y penser. Aurait-il pu ? Non... mais il ne le connaît que trop bien. Cela ne peut en être autrement. Ô méprisable instinct de survie ! Affligeante certitude et à la fois si prévisible et redouté constat, que de savoir que le changeforme s'est fait fait la malle ! Fallait-il vraiment attendre de lui une participation loyale et sans faille ? Utopique espoir de la part d'un ami qui se voilait la face. Faut-il en pleurer ? Il semble qu'après mûre réflexion, la réponse soit non. Mais elle ne tarde pas à se faire sentir pour autant.

"Le fils de putain ! Entubé d'opportuniste ! Qu'il crève là où il est ! Fuis donc, carcasse de squig !"

Le bretteur jette son épée à terre dans un excès de colère. Il la ramasse bien vite lorsqu'il aperçoit au loin une troupe de Seigneurs des Limbes dont l'avancée est facilitée par l'agrandissement irrégulier des couloirs creusés par Larme et Lyra. Dans un déballement de jurons tels que l'on n'en entend peu, il s'élance à la poursuite de ce qu'il reste de ses compagnons, ne sachant que trop bien ce qui résulterait d'une confrontation directe avec ces messagers des enfers.

Une centaine de toises plus loin, le carnage continue, dans une bruyante monotonie d'éviscération atrocement brutale. Deux Loups-Garous probablement plus fous que braves se jettent sur une dragonne qui les souffle en tas de cendres sur leurs congénères, écrasés bien assez vite par une patte écailleuse contre la paroi qui commence à s'effriter dangereusement. Soudain, un hurlement insolite. Atteint on ne sait comment au flanc par un Seigneur des Limbes désormais éparpillé dans la galerie, Larme ressent pour la première fois depuis la disparition de Shadee une douleur purement physique. Envahi par l'effroi de se sentir vulnérable, il noie sa crainte sous une fureur redoublée, accompagnée de sa chère soeur à peu près aussi inconsciente que lui. Dans une violence synchronisée, ils pulvérisent trois Ombres sur le mur de pierre et d'humus. La puissance du coup est telle que la paroi gauche du couloir s'effondre, donnant sur un deuxième tunnel éclairé on ne sait comment par l'astre lunaire. Mais ils n'en ont que faire, aussi les deux reptiles persistent-ils toujours à s'enfoncer encore plus profondément sous la croûte terrestre, teintant de sang et de braise un sol bien trop foulé par la vermine chaotique.

Un petit groupe de Seigneurs des Limbes, visiblement alertés par le vacarme qu'a provoqué la percée du mur, ne tarde pas à pénétrer dans la galerie ravagée. Un frisson d'anxiété leur parcourt le dos, lorsque devant leurs blanches pupilles pourtant accoutumées aux scènes de massacre se dévoile l'effroyable charnier. C'est à ce moment-là que débarque Kärel, courant pour rattraper ses deux compagnons. Son coeur s'arrête à l'instant même où sa vision discerne, à travers les cheveux et la sueur qui coule sur ses paupières, les contours des bourreaux chaotiques. Il stoppe net sa course, balayant d'un revers de manche les gouttes lui voilant ses yeux. Ces derniers s'écarquillent. Devant lui, la personnification du supplice psychologique le fixe d'un regard malsain mêlant avidité, cruauté et sadisme. Derrière lui, d'autres jongleurs de cauchemar approchent, il les entend. Il se rend alors compte que, malgré ses efforts, les choses sont allées bien trop vite.

... Déjà ?

C'est impossible. Pas maintenant. Pas ici ! Il pourrait percer, mais l'espoir lui manque. Alors que le monde semble soudain s'effondrer, il remarque le creux dans la paroi. Il estime brièvement la situation : ils ne sont que six à lui barrer la route. A en juger par la cadence et la résonance des pas, sept autres ne tarderont pas à les rejoindre : le temps ne lui fera pas de cadeaux. Le seigneur tâte rapidement les recoins de sa tunique : naturellement, il n'en a pas utilisé beaucoup, il lui en reste donc un certain stock. Quant aux couteaux, ils n'ont pas bougé d'un poil. Il ravale sa salive, il est grand temps de saisir la seule chance que le ciel pourrait bien vouloir lui offrir. Car désormais, il ne reste plus qu'un seul et unique objectif, englobant tout, unifiant tout, prévalant sur tout : survivre.

Maintenant !

Dès qu'il perçoit la première tentative du Seigneur des Limbes de pénétrer son esprit, le combattant jette un fumigène dans la direction de son assaillant. Le fouet barbelé d'un de ses compères alertés déchire l'enveloppe de tissu et répand dans le couloir la fumée noire. Invisible derrière le premier projectile, un couteau s'encastre dans l'une des failles de l'armure du premier ange déchu et pénètre son bras, le forçant à lâcher son arme. Sans attendre, Kärel plonge dans le brouillard renforcé d'un deuxième fumigène, assuré d'être avantagé par sa vision nocturne, certes loin d'être aussi efficace que dans une pénombre naturelle, mais qui représente néanmoins un atout majeur dans cette ultime tentative. Esquivant sans aucun problème trois assauts aveugles, il entaille deux gorges de son katana déjà rouge, puis tranche une main de fer gantée qui tente de le prendre au cou, parant chaque attaque avec l'énergie du désespoir. Pour certains, cela est une danse. Une danse mortelle. Mais pour le bretteur, c'est plus que cela : c'est le chant sans soupirs d'une lame soigneusement maîtrisée, une mélodie de coups toujours renouvelée, sans cesse réadaptée grâce à la solide concentration d'un artiste expérimenté dont le secret réside dans l'improvisation. Là où l'on pourrait penser discerner une chorégraphie maintes fois répétée se trouve en fait une panoplie de notes rarement précalculées qui s'enchaînent et s'harmonisent dans les besoins imprévisibles d'un combat de chaque seconde. Au final, une poésie létale forgée dans l'art éphémère qu'est l'affrontement à mort, calligraphiée en lettres de sang sur les douces feuilles d'une haine qui perdurera jusqu'à ce que l'antique beauté des champs de bataille décide de laisser se perdre ces requiem sanglotants dans une place que tant de musiciens maudits leur auraient désirés : les légendes. Car, là où certains y voient l'exécution d'une danse élaborée par un artiste pointilleux, là où d'autres y voient la démonstration d'un esprit impulsif et novateur, la majorité voit un massacre de ce que l'existence leur a laissé de plus beau : l'opportunité de vivre.

Mais toute cette métaphore capillo-filée (*) ô combien émouvante ne suffit pas à ces persistants gradés des enfers pour qu'ils décident d'aller hurler à la muse tels de fous romantiques éperdus. Bien au contraire, ces derniers semblent même avoir un penchant pour la vengeance organisée. Rien de nouveau donc, puisque ces opposants du bel art, loin d'être stupides, décident de former un cercle autour de la fumée qui les aveugle. Pour Kärel, c'est le signal du départ : il est temps de prendre la fuite. Alors qu'un désespoir grandissant l'envahit au fur et à mesure que ses adversaires quadrillent de leurs pensées la zone brumeuse de plus en plus restreinte, il s'élance dans la galerie voisine, lâchant un dernier fumigène vers ses agresseurs. Mais il est trop tard : les bourreaux ont les yeux fixés sur son esprit. Le spadassin sent bien que quelque chose les empêche de pénétrer plus profondément encore et de le mettre à genoux dans un cri de supplications, mais il ne sait pas quoi. A vrai dire, cela lui importe peu : le plus grand obstacle est passé, il voit les parois s'éclaircir au fur et à mesure de sa remontée vers la surface qu'il espère proche. Quelques créatures croisées sur le chemin n'ont pas le temps de le sentir arriver qu'un couteau ou une lame leur ôte la vie. Ca y est, enfin, la voilà, la tant escomptée sortie ! Percevant les grognements des gardes, le seigneur jette ses derniers fumigènes et use de ses derniers couteaux pour se débarrasser de tout témoin direct ou éventuel poursuivant. Un nuage de fumée le dissimule jusqu'à ce qu'il pénètre dans la citadelle chaotique, dans laquelle il se perd, fuyant loin du regard obsédant des Seigneurs des Limbes qui tentent de tenir alors qu'ils ont perdu sa trace voilà plus d'une minute quelque part dans la seconde galerie. Finalement, ils abandonnent, incapables de continuer avec tant de distance les séparant de leur victime. Ils ne savent pas qu'il a rejoint la surface, mais cela leur est égal : au vu du tas de cadavres dans les souterrains, plusieurs puissants guerriers daifeniens ont pénétré la forteresse, et le maître doit en être averti.

De son côté, Kärel s'effondre dans le creux formé par les lianes d'une gigantesque plante verdâtre. Son esprit n'a pas tenu, et il se retrouve maintenant à la merci du désespoir et de l'accablement. Des larmes coulent par dizaines sur son visage tâché de cendres et de liquide pourpre tandis qu'il énonce encore et encore les différents malheurs que la fatalité lui a destinés. C'en est trop ! Comment ne pas pleurer sur tant de vies sacrifiées ? Comment ne pas cracher sur ce perpétuel affrontement entre deux forces qui ne persistent qu'à détruire ? Il sent bien qu'il manque cruellement de capacité de jugement et de discernement, mais à quoi cela lui servirait-il donc ? Son seul et unique but consiste désormais à nourrir son abattement pour creuser toujours plus dans le chagrin qui définit maintenant son être et son âme écrasée sous l'affliction. Ses combats, ses choix, ses découvertes, ses amis, ses expériences... sa vie même... tout cela baigne à présent dans une absurdité totale qu'il ne cherche plus à définir. Noyé dans la triste vision désenchantée d'un monde condamné à périr dans un cercle perpétuel de douleur et de haine, quelqu'un parviendra-t-il à lui faire retrouver raison ? Sûrement, quelque part, au loin dans les tréfonds de son être, l'espère-t-il plus que quiconque...

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* : "Métaphore capillo-filée" est en fait la contraction de "métaphore filée capillo-tractée". Non, l'auteur ici n'a pas cherché à faire un jeu de mots qu'il qualifierait lui-même de douteux. Ça ne lui ressemblerait pas... absolument pas (ahem). Par contre il serait tout à fait capable de vous dire que ça fait toujours classe et savant de mettre des notes en fin de texte :o

Edité par Kärel le 26/10/11 à 14:39

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