Forum - Victoire ?

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Gzor | 05/04/11 21:51

Le dirigeable nain avait quitté le royaume depuis maintenant deux heures environ. Les nuages noirs s'amoncelant au-dessus du lourd engin formaient une gangue épaisse voilant le soleil, faisant ressembler le jour à la nuit la plus obscure.
À bord, Gzor, assis sur son fauteuil, supervisait les opérations de vol. L'engin volant avait quitté le royaume de Gzor avec plusieurs heures de retard sur l'armée du Bien.
Celle-ci s'étalait en contrebas. Elle était gigantesque. Plusieurs dizaines de milliers d'hommes. Grande, sublime, suprême espoir des peuples de Daifen, le fer par lequel le sang des sacrifiés allait enfin être vengé. Tel un rouleau compresseur, sûre de sa victoire, elle se dirigeait droit vers le centre des terres maléfiques, la demeure assiégée depuis maintenant des lunes par les forces coalisées : la citadelle du Sans-Nom et de Gretaine. L'épicentre du Mal.
L'altitude du dirigeable, faible, permettait d'apercevoir presque au cas par cas les soldats. Toutes les races étaient présentes, sous treize étendards différents.
Au loin, une forme vague se dessinait, telle une silhouette massive et menaçante. La citadelle semi-végétale jusqu'ici inviolée semblait les attendre.

L'armée continua d'avancer, puis, parvenue à une distance suffisante des hautes et imposantes murailles, se stoppa, et se mit en ordre de bataille.
En face, la citadelle du Sans-Nom était étrangement calme.
Le dirigeable s'avança dans le no man's land séparant les deux forces en présence, qui semblaient se toiser avec méfiance et mépris.
L'engin s'approchait dangereusement des fortifications. Tous les postes étaient en alerte, le protections avaient été abaissées. Pas un seul souffle ne se faisait entendre : tous guettaient la réaction des défenseurs.
Des rangs du Bien, chacun observait la merveille gzorienne. Les regards étaient braqués sur cet espion qui, bien que peu discret, devait s'approcher au plus près des défenses et, le cas échéant, engager le combat.

Seuls les grincements du métal et des cordages venaient rompre le silence ambiant. Anxieux, les observateurs scrutaient les murailles, qu'ils surplombaient désormais, à l'aide de longues-vues.
Mais seul le silence, un calme angoissant, répondait à leurs yeux terrifiés.
Soudain, une forme surgit de la pénombre. Puis une autre. Puis une autre. Un cri jaillit de leurs gorges, un cri glaçant le sang dans les veines.
«- Des harpies ! », cria un homme posté aux emplacements de tir et dont la voix était emplie de terreur.
Les créatures démoniaques, après avoir dépassé le dirigeable et être montées comme des flèches, firent un tête-à-queue et descendirent en piqué, droit sur l'objet volant ovoïde.
«- Virez de bord ! Engagez le combat ! » cria Gzor à ses opérateurs terrifiés, qui s'en allèrent porter la nouvelle aux postes de défense.
Le dirigeable commença à bifurquer en direction de l'armée du Bien et se mit à avancer, lentement. Trop lentement . Les harpies décrivaient des cercles autour de l'engin, cherchant un point faible à exploiter.
Un opérateur attira l'attention de Gzor.
«- Seigneur, regardez ! »
Le changeforme leva la tête et regarda la citadelle du Sans-Nom, que pointait du doigt l'officier.
Des dizaines de créatures ailées s'élançaient dans les airs depuis les murailles et fondaient sur la plaine dans un impressionnant ballet. Les portes s'ouvrirent, et l'armée chaotique, précédée par les redoutables légions infernales de l'air, fondit sur les coalisés.
Les soldats du Bien, galvanisés par leurs chefs, poussèrent une grande clameur, et se ruèrent au combat.

Gzor.

Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 05/04/11 à 22:13

Miltiade | 06/04/11 01:34

On attend la suite ! :D

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Ayez pitié de mon ennemi, car je n'en ai aucune !

Edité par Miltiade le 06/04/11 à 01:34

Cl3m3nt-49i | 17/04/11 17:44

Avec impatience, j'attends la suite :)

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Je vis par l'épée, je mourrai par l'épée.

Romulus | 18/04/11 13:36

excellent!

Gzor | 16/06/11 16:37

En bas, dans la plaine souillée depuis des lunes par le sang des mortels, le combat faisait rage depuis plusieurs heures, et l'issue, bien qu'espérée, était encore incertaine. La terre ruisselait de sang, et les cadavres piétinés par les combattants dérobait à la vue le sol maudit. Le Chaos subissait de lourdes pertes, et les attaques des phalanges humaines et naines réussissaient, çà et là, à percer la masse compacte des entités des Limbes qui, submergées par le nombre, se repliaient parfois, et mourraient souvent, non sans avoir emporté quelques âmes avec elles.
Dans le ciel, autour du dirigeable ballotté par les vents, les harpies harcelaient les légions de l'Air et, combattant à cinq contre un, les empêchaient de mener leurs raids sanglants sur les arrières du front. À ces positions, un peu en retrait, les catapultes naines, engins de destruction sans pareil, bombardaient de leurs lourds rocs les faibles spectres, les écrasant, alors que d'autres frappaient des achéris extirpant les âmes des naïfs paladins et des vampires inflexibles, et, rebondissant, brisaient les charrettes des ankous qui, plus ou moins chargées de vaincus destinés à l'enfer, se brisaient lamentablement, ensevelissant leurs conducteurs sous des monceaux de bois.
Les archers criblaient de flèches l'escorte canine des meurtriers loups-garous, repoussés par les lances des phalanges de vampires et assaillis de toutes parts par les lions de Myrilla, dans une mêlée sauvage que ces derniers, dans le sang, les rugissements et la sueur, remportaient souvent, au prix d'un nombre important de morts et d'infirmes. À peine vainqueurs, ils devaient faire face aux milliers de chiens-garous qui parcouraient le champ de bataille, se jetant sur les combattants et les achevant d'un coup de patte ou d'une morsure bestiale. Les trolls, ogres et autres eluros leurs tenaient souvent tête, les balayant d'un coup de massue ou d'épée grossière, avant d'être surpris par les létaux seigneurs des limbes, terrifiants engins de mort qui, bien que comptant parmi les cibles principales, tuaient avec une facilité terrifiante, avant de sombrer eux-mêmes dans le néant.
La mort était partout, l'enfer n'avait jamais semblé être aussi proche. Cependant, dans le dirigeable gzorien, chacun retenait son souffle. La situation était bien différente de celle qu'ils avaient connue en tant de lunes de massacres et d'assauts suicidaires ; imperceptiblement, le vent avait l'air de tourner en leur faveur, et la victoire semblait lentement et vaguement devenir une issue possible.

Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 16/06/11 à 16:50

Kärel | 16/06/11 17:24

Souvenirs, souvenirs... enfin, je dis cela, mais je n'étais pas présent :o

[HRP : Les descriptions des unités sont très bonnes, l'immersion n'en est que renforcée ;) ]

Edité par Kärel le 16/06/11 à 17:24

Lancwen de Sigil | 16/06/11 18:42

Très bonnes descriptions, ca fait frémir. Une suite?

Miltiade | 16/06/11 21:24

Superbe on attend la fin.

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Ayez pitié de mon ennemi, car je n'en ai aucune !

Gzor | 19/06/11 22:03

«- Ils se replient ! Ils se replient ! »
Après sept longues heures passées à observer l'acharnement des combats, Hadras, l'oeil cloqué sur une des nombreuses longues-vues garnissant le ballon dirigeable, poussa ce cri.
Aussitôt, Gzor accouru et, saisissant un instrument semblable, scruta la plaine et les murailles.
Son chef des gardes avait vu juste. Les portes de la citadelle était ouvertes, et les quelques forces maléfiques restantes se précipitaient à l'intérieur, talonnées par une charge des combattants du Bien qui, malgré des frictions avec l'arrière-garde chaotique, composée de seigneurs des Limbes exsangues, et une pluie de maléfices et objets contondants - qui s'était, depuis le début de la bataille, réduite mais pas stoppée - lancés des murs jouxtant la colossale porte, était d'une rapidité et d'une beauté époustouflante.
De partout, alors que les cors emplissaient la plaine de leurs sonorités veloutées, une clameur montait des rangs des soldats.

Soudain, alors que personne ne s'y attendait, une gigantesque fracas se fit entendre. Tournant la tête vers l'origine du bruit, combattants, généraux et seigneurs aperçurent la cause du vacarme.
Un pan entier des épaisses murailles de la citadelle, sur le flanc ouest, venait, sous les assauts répétés des sortilèges, des sabotages plus ou moins réussis et du bombardement balistique incessant dont il était, depuis près d'une heure, la cible, de s'effondrer sur lui-même ; fragilisée à sa base, ne pouvant plus davantage supporter le poids de la masse rocheuse au-dessus de lui, et ce, malgré le cimentage extérieur apporté par les plantes noires grimpant le long de ses pierres, cette muraille recouvrait désormais de roche les hostiles alentours, qui, au nombre d'un petit millier dans la zone touchée, furent décimés par l'éboulement massif. Les lianes grimpantes produisirent un bruit atroce de déchirement lorsqu'elles tombèrent avec leur support ou furent tranchées par les chutes de monceaux aiguisés. D'autres, au contraire, tinrent, et, ne pouvant se résoudre à se rompre, se séparèrent des bases de pierre sur lesquelles elles reposaient, produisant ainsi un enchevêtrement aérien de plantes tissant un réseau végétal entre deux pans de murs endommagés. L'effondrement produisit un lourd nuage de poussière grise qui, poussé par un vent septentrional, s'en alla obscurcir le théâtre des combats et une partie des ruelles de l'ancienne citadelle de Drazankhar, alors que les deux armées, tant bien que mal rassemblées et escaladant à l'aveuglette les tas de pierre s'étant formés à l'emplacement des ex-murs, allaient à la rencontre l'une de l'autre.

«- Dégainez ! Les archers, prêts à tirer, couvrez notre approche ! Dispersez-vous, distance réglementaire ! »
Au milieu de la poussière, des gravats et des cadavres, la première ligne, formée de chasseurs de géants, de paladins vétérans, d'elfes à l'arc et d'arbalétriers nains, avançait prudemment. Leur commandant humain, épée au poing, scrutait l'opacité de l'environnement.
Au travers du rideau diffus de poussière, il aperçut une silhouette. Puis deux.
Une flèche partit, touchant une de ces ombres. Une forme hirsute sauta sur un homme, qui fut renversé et sauvé de justesse par un tir de sang-froid d'un arbalétrier.
Des cris surgirent, des ordres plus ou moins étouffés par la distance retentirent. Le long de ce nouveau front, inédit et capital, un combat féroce s'engageait.

Edité par Gzor le 19/06/11 à 22:04

Miltiade | 20/06/11 00:19

La suite, la suite :)

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Ayez pitié de mon ennemi, car je n'en ai aucune !

Roxar | 20/06/11 12:26

Y'en a qui chaume pas :o, j'adore ! :)

Roxar, humble guerrier nain

Gzor | 22/06/11 22:02

Sur le tas de débris de plusieurs toises de haut, au milieu des rocs affûtés et des traîtresses crevasses, le combat durait depuis une bonne demi-heure. Les daifenniens tenaient bon ; une ligne d'archers, postée au sommet, repoussait les assauts des hordes de chiens-garous tentant, eux, de remonter vers cette position et de rejeter le Bien en-dehors de la citadelle, dont il était sur le seuil. De l'autre côté, des vagues de paladins, avantagés par le semblant de pente, tenaient l'endroit dans de sanglants corps-à-corps, et, par intermittence, tentaient des percées, qui, mal préparées, se heurtaient à une ligne létale, compacte, de seigneurs des limbes, qui donnaient froidement la mort.
Les loups tentaient d'escalader le monticule, accompagnés de démons mineurs, mais les archers, redoutables d'efficacité, les repoussaient systématiquement. Par intermittence, la Chaos arrivait à enfoncer cette ligne, mais il n'avait plus affaire à un groupe fragile de trois rangs, mais bel et bien à une armée compacte et organisée, qui, en dehors de les repousser si un ou deux démons franchissaient cette ligne, mettait à exécution un plan des plus étranges.
Quelques toises à l'arrière de cette ligne de combats, couverts par les arbalétriers nains, des elfes, accompagnés de koalas, s'étaient fixé pour but d'atteindre le chemin de ronde des deux pans de murs laissés en place par l'effondrement. Partant des branches pendant au sol, ils gagnaient un réseau dense et complexe de plantes grimpantes épaisses et noueuses, qui formaient un véritable quadrillage aérien au-dessus des têtes des combattants. Montant le long des lianes, se balançant, sautant ou empruntant des ponts vivants de koalas, ils atteignirent le chemin de ronde. Ils auraient été aussitôt repoussés si le ciel ne leur avait pas porté son aide.
Crevant les nuages, des hordes de harpies faisaient le tour des murailles, voilant de leurs ombres les combattants, frappant là où elles le jugeaient opportun. Harcelant les achéris postées sur les murs, elles permettaient, malgré de lourdes pertes, au elfes de prendre pied sur les fortifications.
Lentement, cette bataille dans la bataille tournait à l'avantage des daifeniens. Le Chaos peinait à reprendre son souffle, et, à chaque combat, s'affaiblissait davantage.
Soudain retentit le coup de grâce. Jusqu'alors épars sur le champ de bataille, des hordes de milliers de lions myrilliens se rassemblèrent et, fendant les rangs déjà amassés devant l'ouverture, sautant par-dessus la ligne d'archers, déferlèrent en une gigantesque vague fauve sur la masse des défenseurs du Chaos. Ceux-ci, tout d'abord apeurés malgré les exhortations et les menaces de leurs chefs de meute, reculèrent légèrement, puis, face au torrent sauvage dans lequel se jetaient également humains et nains, leur recul prudent se mua en recul pur et simple, atteignant l'extrême frontière de la déroute par sa rapidité.

Les lions myrilliens, passés cette charge héroïque, furent décimés par une résistance relative, mais ferme et puissante, d'une arrière-garde improvisée qui, bien que mourant sous le nombre, donnait de sa personne, et cela tant et si bien que l'avancée du Bien fut ralentie quelque peu, alors que le Chaos se réorganisait.
Alors que les daifenniens se répandaient dans les rues envahies par le plantes noires, des combats de rue féroces s'engageaient. Les phalanges de nains et d'humains, lents et méthodiques, se heurtaient aux sauvages loups-garous et aux hordes de chiens, épaulés par des seigneurs des limbes et des achéris. Aidés par les lions de Myrilla, l'Alliance envahissait les contreforts de la forteresse, et ce, malgré un lourd tribut payé à chaque mètre conquis. Les harpies fondaient toujours du ciel dans des pluies mortelles, et les fortifications de la première enceinte, désormais sous contrôle, étaient le point de tir des archers et autres nains à arbalète, dont les projectiles semaient la mort. Le combat restait incertain, mais un nouvel élément vint changer la donne.
Alors que quasiment personne ne s'y attendait, des rochers vinrent s'écraser par grappes sur les combattants du Chaos. Les catapultes naines s'étaient rapprochées, et livraient à la citadelle leur lot de morts et de destructions. Les tirs, imprécis, touchaient parfois des escadrilles volantes, ou encore des troupes alliées, alors que certaines faisaient, de leur côté, s'effondrer des bâtiments sur des combattants des deux camps.
La confusion la plus totale régnait, au milieu des embuscades, des traquenards, des méprises et des ordres criés dans un environnement inconnu, quand soudain, un son grave se répandit le champ de bataille et fit résonner les cages thoraciques des soldats.
Le cor de repli de la citadelle sonnait. Les entités limbiques stoppèrent presque immédiatement leur carnage et, avec une organisation surprenante, se replièrent à l'intérieur de la seconde enceinte. Alors que les chiens-garous suivaient, par instinct, leurs maîtres dans leur fuite, les seigneurs des limbes appelèrent les démons mineurs épars, qui formèrent, en colonnes compactes, une arrière-garde qui, bien que décimée, couvrit la retraite. Lorsque les daifenniens s'engouffrant à la poursuite des fuyard arrivèrent aux portes, elles étaient hermétiquement closes.

Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Brume Hociehän | 22/06/11 23:13

* n'a pas le souvenir d'avoir vu les boules de poils partir au front, mais prend tout de même un air fier de grand frère *

Heureusement que les koalas étaient là, ils se font marcher dessus et ils ne bronchent même pas :o :D

Gzor | 24/06/11 16:07

«- Survolez leurs positions à très basse altitude. » ordonna Gzor, qui avait suivi la formidable charge depuis le ciel, équipé d'un longue-vue des plus utiles.
Hadras s'apprêta à objecter, mais un messager fut plus rapide que lui. Prenant une échelle de fer, il s'engouffra dans l'enveloppe, et se dirigea droit vers le poste de contrôle de la salle des machines, qui était, de fait, une vague table de commande, rouillée et grinçante, devant laquelle un ingénieur, indifférent à la chaleur, à la lumière et au bruit, dormait.
«- Chef ! »
Le nain à la barbe blanche ne réagit pas.
«- Chef, il y a urgence, là ! », continua l'humain en râlant un tantinet.
Son avachi supérieur ne bougea pas d'un iota.
Il eut soudain une idée.
Se penchant à l'oreille de son interlocuteur muet, il prépara longuement son effet, et lui glissa dans le creux de l'oreille l'Ultime Sentence, le retentissement des trompettes de l'Apocalypse, le signe funeste de la Fin des Temps, le glas de la grande Horloge Cosmique.

«- Chef, le dirigeable brûle. »
D'un bond, le nain fut debout. Renversant une cruche sur le sol, il retombât maladroitement par terre et, se relevant avec une vivacité surprenante, fonça droit sur le messager, qui, ne perdant en rien son sang-froid, le souleva en l'air.
«- Au feu ! Au feu !, beuglait l'ingénieur, si brusquement réveillé, dont les jambes battaient l'air sans aucune utilité, offrant un spectacle ridicule autant que risible.
- Chef, c'est bon, il n'y a rien, c'était juste pour vous réveiller. »
L'élève reposa le maître par terre. Ce dernier lui envoya de suite un formidable uppercut dans le nez.
«- Ah mais za vait mal, budain !
- On peut même plus rêver tranquille, damned.
- Fef, on est 'ans une badaille, alors bon...
- Pas faux. Mais ne t'avise pas de recommencer.
- 'aggord. Euh... 'ous z'auriez bas un mouzoir ?
- Non. Pourquoi tu m'as fait ça ?
- Fef, Gvor veut qu'on fafe défendre l'envin en baze aldidude.
- Tu pouvais pas le dire plus tôt ? »
D'un geste rapide marqué par l'entraînement, l'ingénieur appuya sur quelques boutons crasseux, tout en maudissant l'insalubrité de cette salle des machines.
Quelques instants plus tard, un sifflement se fit entendre : les opérateurs avaient reçu le signal, et relâchaient de la pression sur les hélices verticales, tout en augmentant celle sur les pales descendante et en mettant en place divers accessoires, faisant ainsi descendre le dirigeable.
À ce même moment, Gzor, qui commençait légèrement à s'impatienter, ressentit une légère secousse ; c'était le signe que son ordre était appliqué.
Le dirigeable piquait doucement du nez. Juste devant lui, derrière la surface transparente de la baie vitrée, la citadelle du Sans-Nom, éloignée d'environ quart de lieue à vol de Ktulu, se rapprochait.

«- Euh... fef, il vaudrait beut-être...
- Je sais, mais il y a un problème... ces crétins ne répondent pas... »
De fait, il avait beau appuyer sur le bouton, aucun bruit de remue-ménage, aucun signe significatif n'indiquait que sa directive avait été reçue.
«- Y a un beu urvenfe, là... »
En effet, après avoir descendu en léger piqué de nez pendant quelques minutes, l'engin fonçait désormais droit sur le côté est de la dernière enceinte de la citadelle chaotique, qui se rapprochait dangereusement dans le viseur.
«- Raaaah, gu'est-ze-gu'on va vaire ?
- Attends, laisse-moi réfléchir..., répliqua l'ingénieur, agité, semblant faire un gigantesque effort de réflexion et de concentration.
- Et moi, gu'ez-ge ze vais ?
- Mais vas les prévenir, damned ! C'est pas un peu ta fonction, petit malin ?
- Ah, bas vaux. Mais z'aurai prévéré...
- VAS-Y ! », hurla littéralement le nain, excédé.
Alors que son élève détalait comme un lapin, il prit la lourde décision de donner un ordre émanant de sa personne. Le coeur lourd, il prévint l'arrière du dirigeable de la nécessité de déployer les parachutes afin de repousser l'échéance.

«- Euh... les gars, faut y aller.
- Ouais, c'est bon, on est prêt. »
Emmitouflés comme des pingouins, huit nains, alignés en ligne de quatre, faisaient face à leur chef.
«- On a pas beaucoup de temps, alors...
- Ouais, ouais, on sait, c'est bon.», le coupa un barbu casqué, cagoulé et muni de lunettes protectrices.
Le petit groupe s'ébranla. Ouvrant une porte donnant sur une passerelle extérieure métallique de deux niveaux, il fut immédiatement battu par un vent violent, cinglant et assourdissant.
Quelques gestes de leur supérieur suffirent au groupe pour se diviser en quatre binômes. Avec une coordination surprenante, deux d'entre eux grimpèrent au pas de charge un escalier étroit, menant à un second niveau ; leurs quatre camarades allèrent à droite et à gauche de la passerelle, et attendirent que les opérateurs du deuxième étage se répartissent de la sorte. Une fois arrivés aux extrémités, ils se plaçaient devant une espèce de grand morceau de tissu replié sur lui-même et maintenu par un filet, lui-même retenu par deux mousquetons à des boucles solidement ancrées sur la paroi.
«- C'est bon ? » hurla un des nains s'occupant du parachute inférieur droit.
Son compère, lui tapotant l'épaule, lui rappela qu'il était impossible de l'entendre. Levant les yeux, il déploya son pouce vers le haut, et s'assura que tout le monde le regardait.
Puis, il l'abaissa.
Aussitôt, tous saisirent leurs mousquetons respectifs. Ils le relâchèrent immédiatement, et se jetèrent à terre.
Bien leur en pris. Les anneaux, désormais libre, filèrent immédiatement en arrière, fusant de la surface du dirigeable, alors que dans leur sillage, une gigantesque et instable forme rouge jaillissait des filets.
Quelques instants après, en lieu et place des quatre masses imprécises, se tenaient autant de pyramides de tissus qui, prises dans le vent et retenues à la paroi par un savant dispositif de cordes, commencèrent doucement à faire ralentir l'engin, opposant leur force de traction à celle des moteurs.

«- Non mais qu'est-ce qu'ils foutent, putain ! »
Sur la passerelle, Gzor regardait, totalement impuissant, la citadelle se rapprocher. Elle prenait déjà une bonne partie, si ce n'était la totalité, de l'espace de la baie vitrée située dans son champ de vision.
«- Mais qu'ils se sortent les doigts du cul, nom d'un chien ! Je vois ma maison, d'ici ! », phrase qui n'avait aucun sens car, plus haut, une longue-vue aurait également permis cette prouesse, et d'ailleurs, Gzor avait bien une maison, enfin, un chez-soi, mais pas dans la région, ce qui fait que du coup, s'il la voyait, il devait vraiment être très très haut... ce qui casse la métaphore. Mais disons qu'il distinguait les soldats les uns des autres, ce qui en disait long déjà sur leur altitude.
Un choc violent l'éjecta de son fauteuil, et l'envoya planer un ou deux petits mètres devant. Se relevant, conscient d'avoir été ridicule, il regarda autour de lui, et constata que tout le monde avait subi la secousse.
«- C'était quoi, ça ?
- Sire, ils ont déployé les parachutes arrières...
- Ah, les fumiers ! Agir sans m'avoir consulté ! Je...
- Sire, ils nous font gagner du temps. »
Gzor regarda le scribe avec des yeux ronds. Le pire, c'était qu'il disait vrai.
Maugréant légèrement, il se rassit sur le fauteuil de commandement.

«- C'est l'histoire d'un loup-garou qui rentre dans un café. Et plouf. »
Sur la terrasse dudit café, deux squelettes éclatèrent de rire ; indifférents au vacarme régnant dans l'enceinte inférieure, ils profitaient du calme des rues désertes, jouant aux osselets avec leurs phalanges, buvant un bon bol de sangria mêlé à de l'hémoglobine et à de l'huile pour les articulations.
Soudain, l'un d'entre aux aperçut une forme ronde dans le ciel, qui, il y a encore quelques minutes, était plus haute et plus petite.
«- Al, c'est quoi ce truc ?
- Quel truc ?
- Ça, répondit son compère en désignant l'étrange objet.
- Ah ! C'est un des engins bizarres des daifenniens, il paraît qu'ils l'envoient à chaque bataille.
- Et c'est quoi ?
- On sait pas, on sait juste qu'il plane autour de nous, et qu'il résiste aux flèches.
- Ah. »
Se disant que ce n'était pas la peine de s'en préoccuper plus, ils retournèrent à leur partie d'osselets, qu'Al était en train de gagner à plates coutures... si je puis m'exprimer ainsi.

Le messager, dont les pas résonnaient sur le sol métallique de la salle des machines, fonçait vers la commande des moteurs verticaux. Dans sa course, il reversa quelques personnes, en éjecta d'autres d'un escalier trop étroit, et se vautra majestueusement par deux fois.
C'est ainsi qu'il arriva, essoufflé, au but de son périple miniature. Aussitôt, agitant les bras et gesticulant comme pas deux, il accourut vers des opérateurs nonchalamment avachis sur le sol ou une unique chaise, et cria :
«- Vaides prendre de l'aldidude au diriveagle ! Vide ! »
Les nains le regardèrent tout d'abord avec stupeur, puis incompréhension, puis moquerie. Au final, ils éclatèrent d'un rire sonore.
Alors que les mécaniciens se roulaient par terre, euphoriques, le pauvre messager, se disant que c'était maintenant ou jamais, aperçut une rangée de clochettes alignées sur une étagère. Il eut un éclair de génie, sur quelque chose que tout le monde savait, sauf lui.
C'était ainsi que les ordres se transmettaient... chaque cloche correspondait à une action, et chaque cloche était mise en mouvement par des ficelles reliées aux boutons !
Celle correspondant à l'action "Faire monter le dirigeable" devait être bloquée...
Sans se poser plus de questions, il se jeta sur l'armoire...

«- Dites... il faudrait pas évacuer ? »
Dans la nacelle, Hadras commençait légèrement à paniquer, et se heurtait à la sérénité nonchalante de Gzor qui, quoiqu'il arrivait, en ressortirait : il fermait régulièrement les yeux, semblant se concentrer, et sa téléportation avait toute les chances de fonctionner.
Devant eux, la citadelle chaotique avait déjà dépassé les limites de leur champ de vision. Ils pouvaient distinguer les fenêtres des bâtiments, et les silhouettes des soldats.
«- Avez-vous la moindre idée du temps qu'il nous reste avant l'impact, seigneur ?
- Bah, un peu plus d'une minute, répondit le changeforme, avec une désinvolture désopilante.
- Oui, allons-y, une minute, ce n'est rien du tout, après tout, on va juste un tout petit peu s'écraser, et juste un tout petit peu mourir, mais...
- Prenez donc cette fichue amulette, et fermez-la, Hadras. », répliqua un Gzor exaspéré en lui tendant le talisman de Myrilla et coupant court aux jérémiades de son chef des gardes.

En bas, les dryades voletaient, appliquant les sorts de soins aux nécessiteux ; leurs homologues chaotiques, les bakus, faisaient de même, dans un autre registre. On déplaçait les corps d'armée, on réorganisait l'assaut, et à certains endroits, on se battait déjà pour résister aux projectiles pleuvant de la deuxième enceinte.
C'est au milieu de ce raffut que deux humains, levant les yeux vers l'est, vers les nuages surplombant la plaine, aperçurent, traînant quatre gigantesques parachutes déployés, le gros ballon dirigeable, dont des vétérans estropiés leur avaient parlé, arriver à grande vitesse. Droit sur eux. Il était encore assez loin, son ombre était à mi-chemin de la citadelle et des montagnes. Mais il était rapide...

«- Al, sérieusement, faudrait pas...
- Arrête avec ça, tu saoule ! Concentre-toi sur ton jeu !
- Oui, mais bon, là, j'ai plus rien...
- Ce qu'il faudrait, tu vois, c'est un truc qui nous remue, qui nous sorte de l'ordinaire. Là, aujourd'hui, c'est calme. »

... et se vautra en beauté.
Se relevant, déjà relativement endolori par ses chutes multiples et la correction de son supérieur, le messager passa frénétiquement en revue les clochettes.
Moteur pale ascendante droite antérieure ... Moteur pale descendante gauche centrale... Moteur pale descendante postérieure gauche...
Pressé, il en heurta une.
À sa grande surprise, elle ne tinta pas, et resta figée. Il en testa d'autres, avec le même résultat.
Elles étaient toutes bloquées.
«- Merde...», lâcha-t-il entre ses dents.

«- Non, sérieusement, ça marche ?
- Pensez à aller à Myrilla, et vous y serez. C'est aussi simple que cela, mais ne vous faites pas la malle tout de suite. J'y pense, on a des systèmes de protection de la nacelle ?
- Non.
- Ah. Tant pis. »

À une quarantaine de toises de hauteur, le dirigeable était sur le point de passer la limite de la première enceinte.
«- TOUT LE MONDE À TERRE !!!! », hurla un lieutenant.
Certains s'exécutèrent, alors que le bruit des moteurs et des pales commençait à être audible.

Le messager, dont le cerveau bouillonnait littéralement d'un raisonnement intense, remarqua soudain un garde, un dormeur, avachi sur un levier.
Le levier de blocage de l'armoire...
Se précipitant sur lui, bousculant et réveillant brusquement le dérangeant pionçeur empestant l'alcool, il tira sur ce qu'il espérait être la solution.
Aussitôt, des cloches carillonnèrent, et l'équipe de nains, enfin avertie, se dirigea à son poste.
Rapidement, mais lentement, trop lentement aux yeux de l'humain, ils mirent aveuglément en route les moteurs correspondant aux carillons qui tintaient.
«- Merde ! » cria soudain l'un d'eux.

Sur la passerelle, Gzor, regardant la citadelle, s'aperçut d'un phénomène étrange.
«- Hadras, est-ce que vous voyez ce que je vois ? »
Le chef des gardes, plissant les yeux, hocha la tête.
«- Qu'est-ce que ça signifie ?
- Qu'on est peut-être dans la mouise. »
De fait, l'horizon n'était plus droit, et tendait à se rapprocher de plus en plus d'un statut perpendiculaire à celui du sol de la nacelle. Et rapidement.
Regardant Hadras, le changeforme s'aperçut que son général s'agrippait déjà à un meuble, alors que Gzor, lui, se sentait pressé sur le côté droit de son fauteuil...

Le dirigeable survola avec un vacarme assourdissant les murailles, et semblait se diriger droit sur la troisième ou la quatrième enceinte.
Certains soldats, le pointant du doigt, hurlèrent qu'il débutait une rotation sur sa longueur ; la nacelle n'était plus en bas, mais se rapprochait progressivement du côté tribord...

«- Euh... Al, je te dis qu'on ferait mieux d'y aller.
- Pourquoi ?
- Lève un peu les yeux de ton jeu, tu verras. »
Le squelette, abandonnant un instant ses pions, un pipe à la bouche et un chapeau sur la tête, regarda derrière lui, dans la direction que pointait son compère.
«- Je crois qu'il serait sage de quitter cet endroit en vitesse. », commenta le sceptique.
Les deux se levèrent, abandonnant leur table, alors que...

Les nains, s'affairant, rectifièrent dans une semi-panique l'erreur de leur camarade, alors que ce côté-ci de la salle des machines penchait mystérieusement.
D'autres cloches tintèrent. Ne se posant pas de questions, les opérateurs suivirent les consignes, changeant l'état des pales d'altitude en une dizaine de secondes de gestes précis et entraînés.

«- Hadras ?
- Quoi ?
- On dirait que l'engin se redresse.
- Ah, c'est pas faux.
- Hadras, vous ne savez sérieusement pas ce que signifie "se redresser" pour un aéronef ?
- Si, je m'en doute quand même...
- Bon. Par contre, de là à dire qu'on est tiré d'affaire... »

Sur le champ de bataille, alors que le dirigeable passait la seconde enceinte à une dizaine de toises d'altitude, chacun retint son souffle.

... BLAAAAAAAAAAAAAH !!!!!!
Sans même avoir eu le temps de se rendre compte de ce qui se passait, les deux squelettes furent démembrés par le choc, alors qu'autour d'eux, plusieurs bâtiments s'effondraient dans le chaos le plus total.

«- On va toucher ! »
Un scribe avait crié cette unique phrase, qui fut, avant même qu'elle ne soit terminée, couverte par le bruit du choc. La secousse fut violente, et l'engin fut immédiatement parcouru par de violentes vibrations.
Gzor, désormais quasi-accroché à son fauteuil, regarda en bas, alors qu'un crissement atroce lui déchirant les tympans se faisait entendre.
Il put vaguement apercevoir des gravats et des constructions défilant à grande vitesse. Ils venaient de s'écraser à plat sur la citadelle.

Le spectacle était indescriptible. Le dirigeable gzorien, ayant rétabli une assiette à peu près correcte, venait de toucher la seconde enceinte, et poursuivait sa course à l'intérieur, faisant s'écrouler des bâtiments entiers sur son passage, et provoquant un nuage de poussière grise. Les parachutes retombèrent lourdement au sol, où ils furent troués, déchirés, déchiquetés et rendus totalement inutiles. Le flanc bâbord, au contact du sol, était, bien que protégé par une couche de métal, rayé et écrasé.

Brusquement, le bruit cessa, alors que Gzor, sentant que la secousse s'affaiblissait rapidement, s'aperçut qu'ils redécollaient.
«- Je crois qu'on est tiré d'affaire...»
L'assiette se rétablit rapidement, et le changeforme, ainsi que l'ensemble de l'équipage, put enfin reprendre pied.
«- Je crois qu'on en a assez vu, dit le seigneur. Continuez ainsi, et faites passer l'engin en altitude moyenne. »

De fait, le dirigeable, après avoir dévasté une partie de l'aile nord de la citadelle, reprenait rapidement de l'altitude, le flanc rayé, voire littéralement troué.
«- C'est bon, on peut se relever ? J'ai des fourmis dans les pieds ! » cria une voix.

«- T'as vu ça, hein ? »
Devant le tableau de commande, face à son élève, le vieil ingénieur fanfaronnait.
«- C'est moi qui ai rétabli l'assiette et toute la situation ! Et c'est qui qui, même lorsque le dirigeable penchait, a défini rapidement un moyen efficace de remonter en altitude ? Eh oui, c'est bibi ! Alors, qu'est-ce que tu dis de ça ?
- Zai bal au dez. »

Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 03/07/11 à 22:23

Gzor | 13/07/11 17:51

La porte de la seconde enceinte céda avec fracas. Le bélier, ingénieux système protégé des pluies de sortilège et de projectiles par un épais bouclier, avait eu raison de la fortification. Déjà, les murailles autour étaient prises d'assaut par les harpies et des groupes grimpant le long d'échelles. La fin du combat était proche.
Impétueuse, la vague d'assaillants balaya toute résistance, et se répandit dans chaque interstice de terrain. La moindre petite toise neutre était l'objet d'âpres combats. Le Chaos faiblissait de manière visible, étouffait sous la masse, alors que les coeurs des daifenniens, exaltés par l'ivresse du combat, les poussaient vers la victoire.
Les essais désespérés du Sans-Nom pour contrer l'inévitable se soldaient par des échecs, magnifiés par les stratégies maintes fois répétées que les combattants mettaient en pratique avec un sang-froid rare. Plus de la moitié des contre-attaques étaient décimées avant même d'avoir atteint le stade du corps-à-corps, tant les nombreux tireurs faisaient preuve d'habileté. L'apothéose était proche, la revanche, près d'être enfin consommée.
Cette fois, les bakus n'étaient plus que d'une utilité mineure, au même titre que leur consoeurs bénéfiques, les dryades. Leurs sorts de soins, tirés d'une magie obscure, étaient épuisés ; si un soldat était gravement blessé, il avait toutes les chances de ne pas survivre. Les armées redoublaient de prudence.
L'odeur putride du sang, des entrailles déversées sur le sol et d'urine se faisait sentir, et les combats, partout dans la seconde enceinte, ne se faisaient pas sans pertes. Malgré tout, l'ivresse du combat bouillonnait en chacun, et tous avançaient, lentement, sûrement, contrant les attaques de flanc, les pluies de projectiles et les pernicieuses manipulations psychiques des terrifiants seigneurs des Limbes et des trompeuses achéris. Les démons mineurs s'en donnaient à coeur joie, avant d'être raflés par des combattants qui, ayant passé les combats de la première enceinte, formaient une élite aussi chanceuse qu'utile.
Les faibles chiens-garous payaient le prix fort : craintifs, peu forts, ils n'avaient d'avantage que le nombre et la futile hargne, et fondaient en vagues nombreuses sur les lignes de combattants, qui les criblaient de flèches autant qu'ils le pouvaient dans l'immédiat. Les lions de Myrilla fondaient sur les vagues d'assaut, perturbant les charges, surgissant des côtés et sautant du haut des toits. Parfois, ils engageaient des combats mortels avec les bestiaux loups-garous, qui, dans d'ultimes sursauts de malfaisance, emportaient chacun une dizaine d'adversaire dans les limbes, où ils seraient éternellement tourmentés.

Le chaos était total, et la résistance, malgré une ténacité certaine, perdait lentement en âpreté. Le chemin de ronde était lui aussi le théâtre de combats effroyablement sanglants, et sans l'aide des pluies de harpies, les longues échelles de bois garnies de combattants auraient été rejetées dans le vide. Uns à uns, les postes de garde étaient pris d'assaut, et malgré des pertes terrifiantes des assaillants, la résistance s'effondrait. Bientôt, la muraille fut contrôlée par les daifenniens.
À cette nouvelle, le moral déjà chancelant des forces chaotiques s'effondra ; lentement, dans leurs rangs passa le moment où l'on sait que la victoire n'est pas certaine, pour laisser place à celui où l'on est certain de d'inéluctabilité de la défaite. De partout, on observait des mouvements de replis vers la porte de la dernière enceinte, qui était déjà la cible d'assauts violents. Les dernières forces restant au Sans-Nom se replièrent, sous les flèches, talonnées par des adversaires galvanisés par cette retraite. Une arrière-garde éphémère fit échapper les fuyards au massacre.

Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 20/07/11 à 18:44

Le Sans-nom | 23/07/11 11:00

(Texte écrit par Gzor)

«- Ô, Maître, les hérétiques sur sur le point de franchir la dernière enceinte.
- Que toutes nos forces se replient autour de la Porte du Sang, mais qu'une petite partie couvrent notre retraite.
- Ô Grand Seigneur, les fidèles ne doivent-ils pas les prendre en tenaille le temps de...
- Ils sont trop éloignés, leur dernier rapport m'a informé qu'ils venaient de quitter le royaume de la Fondation. Ouvrez le Sereg Rinn.
- Vos désirs sont des ordres, puissant envoyé de l'Infini. »
Le Seigneur des Limbes, prince parmi ses comparses, s'incline profondément.

Le Sans-Nom, froid et impassible, contemple, un sourire aux lèvres, la déchéance des impies. Car de défaite, cette bataille n'a que l'apparence. Les infidèles ont subi des pertes effroyables, il le sent, tous leurs assauts respirent le désir de vengeance, alors que derrière leur avancée, ils laissent par dizaine de milliers leurs cadavres immondes souiller la vénéneuse citadelle.
Ils ne savent pas ce qui les attend. Déjà, du sud du continent remonte une menace telle qu'elle dépasse l'entendement, une masse bestiale, fruit de la Très Sainte Ire de son divin maître. Les infidèles auront à peine achevé d'enterrer leurs morts que déjà ils seront balayés, exterminés de la surface du continent, puis de Daifen tout entier. Les plans de l'Infini Seigneur étaient imparables, il le savait : cette déroute était programmée, et la victoire aura pour les impies le goût amer d'un fruit empoisonné.
Tournant sur ses talons, le grand lieutenant du Maître des Limbes avance vers le Cercle du Sang. Le gigantesque anneau de pierre, entouré par les hauts battants de bois ornées des inquiétantes têtes de démons dorées regardant les côtés de l'anneau avec un air menaçant, se dresse tel un monolithe au milieu de la sombre cathédrale.
Autour du Sereg Rinn, les Hauts Seigneurs des Limbes, au nombre de treize, psalmodient de sombres mélopées incantatoires. Chacun porte sur son front, dessiné avec le saint sang de leur Seigneur, l'Écarlate Triangle.
Les visages sont emprunts de piété, alors que, dehors, la bataille se fait plus âpre, ils le sentent dans leur coeur, et l'entendent par les bruits étouffés leur parvenant malgré l'épaisseur des lianes vénéneuses qui, partant du Cercle, enserrent la salle de leur bras innombrables. Néanmoins, en position de prière, mains jointes, ils implorent leur Sauveur de leur accorder la sainteté.
Soudain, la Très Sainte Porte, jusqu'ici inactive, miroite d'un étrange reflet. Des bords du Cercle, gravé de singuliers entrelacs, part une substance grisâtre qui, silencieusement, s'étend vers le centre de l'anneau de fer. Bientôt, le disque, jusqu'ici relativement clair, se fonce, alors que sa surface est parcourue de reflets laissant apercevoir, sous l'Horizon, une vive lueur.
À cette apparition, les genoux fléchissent, les têtes s'abaissent, alors que les Fidèles, à l'unisson, psalmodient leur repentance.
«- Ô, Très Infini Seigneur, que le multivers tremble et s'agenouille à ton nom. Nous ne sommes même pas digne de t'adresser nos prières, car nous avons failli. Aie pitié de nous, Seigneur. »
En un mouvement, tous se relèvent, contemplant la Porte du Chaos, les yeux brillants de ferveur.
La sorcière Olth ouvre la marche. D'un pas lent, presque absente, elle traverse le cercle de gardiens du Sereg Rinn, qui s'inclinent profondément sur son passage. L'héritière du redouté Kehan passe dans le plan des Limbes, sans autre bruit que celui produit par ses bottes sur le sol de pierre. À quelques mètres, d'un pas martial, les légions infernales, alignées en de nettes phalanges dont les soldats semblent être dirigés par une seule et même puissance, commencent à traverser l'Horizon. Malgré cela, d'autres cohortes se pressent à la porte de la salle, protégées des daifenniens par une arrière-garde ingrate qui ne tiendra pas plus de dix ou quinze minutes.
À un rythme effréné, sans une interruption, des dizaines de milliers de survivants de l'armée du Sans-Nom quittent Certadhil. La tête baissée, la nuque exposée, certains psalmodiant des prières, ils se préparent à leur retour dans leur plan d'origine où ils seront, pensent-ils, traités comme des lâches.
L'Innommable, resté durant tout ce temps au pied du Cercle, psalmodiant avec les Hauts Seigneurs des Limbes des paroles en d'obscurs langages, s'engouffre à son tour dans le Sereg Rinn. Un signe de sa main, et les treize anges déchus se regroupent et, se plaçant chacun d'un côté de leur maître, attendent ses ordres.
Le Sans-Nom, se retournant, entend des pas pressés sur le sol dallé. L'extérieur s'est, depuis quelques minutes, empli d'un lourd silence.
Soudain, juchée sur un majestueux fauve rugissant d'une taille impressionnante, dégageant une impression de vivacité et d'énergie malgré son calme apparent, une femme, haute et fière, surgit dans la salle vidée de ses occupants. Voyant les quatorze hauts gradés de l'Innominé Maître de l'Infini, elle stoppe l'animal et, retirant une capuche qui jusqu'ici masquait son visage, se dévoile.
La fille des Éléments.
Le Sans-Nom le voit, l'inquiétude perce dans son regard. Les treize Hauts Commandeurs du Chaos la fixent d'un air glacial et inquisitorial, rêvant de purger cette hérétique défiant l'autorité de leur Seigneur.
L'Innominé éclate d'un rire sardonique, qui résonne sur les murs de pierre recouverts de vénéneuses lianes. Puis, faisant volte-face, il plonge dans les profondeurs argentées, passant la porte, entouré des détenteurs du culte de l'Écarlate Triangle. Un cri surgit de derrière eux, alors que, après un bruit de porte se verrouillant, le passage se referme sur leurs pas.

Gzor | 23/07/11 11:03

La bataille était terminée. Les dernière troupes chaotiques avaient fui par leur maudite Porte, emportant avec eux le malheur et la désolation. Les plantes vénéneuses enserrant l'ancienne citadelle de Drazankahr commençaient à se dessécher, et dores et déjà certaines gisaient au sol, vaincues.
Les armées s'étaient regroupées dans la plaine, en bon ordre. Sur le champ de bataille, on pansait ses plaies et ensevelissait les morts. Des fosses béantes accueillaient cadavres et squelettes des daifenniens tombés et laissés, décomposés, à l'air libre sur des pals et autres instruments de souffrance. Les combats des vingt dernières lunes avaient prélevé un lourd et ô combien horrible tribut, qui, s'il serait effacé par le temps, resterait à jamais gravé dans les mémoires.
Les cadavres des entités des Limbes étaient, eux, laissés sur place, pourrissant à l'air libre.

Le soir tomba, puis ce fut le jour. Après une longue veillée, uns à uns, les bataillons entamèrent le retour vers leurs royaumes d'origine, où ils furent accueilli triomphalement. Le Sans-Nom et Gretaine étaient défaits, la guerre était terminée. La nuit fut, partout sur le continent, l'occasion de festivités qui, bien que quelque peu entachées par les pleurs des morts - car il n'était de personne vivante qui n'ait perdu un père, frère, fils ou ami - furent l'occasion de relâcher la pression accumulée durant les deux dernières années et demi, où chacun se savait à tout moment menacé d'être frappé par le malheur. Mais tout cela était fini, et demain verrait une ère de paix s'ouvrir sur Certadhil.

Du moins, le pensaient-ils...

Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 24/07/11 à 17:43

Gremmr | 24/07/11 18:43

Les deux garous humaient l'air vicié montant du champ de bataille. En contrebas, la plaine était encore marquée par les piétinements, et la délicieuse odeur de la boue imbibée de sang titillait leurs narines.
Aucune trace de vie n'était visible. La citadelle, bien qu'endommagée, était encore praticable, et il ne serait pas chose difficile de se faufiler jusqu'à son coeur.
C'était facile. Trop facile.
Sans un bruit, les sombres canidés se retournèrent et disparurent dans les sous-bois.

La forêt bruissait d'une étrange agitation. L'atmosphère était lourde, pesante, alors que de temps à autres des hurlements venaient perturber le silence de la nuit. Entre les arbres, on pouvait distinguer, innombrables, des silhouettes.
Réparties sur toute la forêt, leur concentration n'en était pas moins importante. À la lumière furtive d'une pleine lune aux accents macabres se faisait jour la nature des êtres, qui, non contents d'être tout, sauf sylvestres, auraient inspiré une crainte viscérale à un observateur saint d'esprit.
À la clarté obscure d'une nuit lumineuse, des bakus, chiens-garous, et autres seigneurs des Limbes et cohortes de démons étaient fugacement visibles entre les épais branchages ; les légions du Chaos semblaient s'être rassemblées, et menaient dans les bois une farandole digne d'une nuit de Sabbat.

Quelque part au centre du bois, une masse hirsute piétinait la terre meuble. Grognant, elle écarta violemment de son passage une créature, qui s'écrasa avec un bruit sourd sur un tronc d'arbre avant d'émettre un gémissement plaintif. Grimpant sur un tronc couché sur son passage, l'animal, se stoppant un instant, regarda la clairière dans laquelle il allait déboucher. Entièrement dénuée d'herbe, elle était défigurée par un large trou en son centre.
Le loup-garou avança hors du couvert des arbres. La lumière blafarde diffusée par l'astre lunaire révéla un corps puissant et musculeux d'environ deux toises de haut. Recouvert de poils gris sales et emmêlés, jonché de cicatrices, il supportait une tête dont la face inspirait la frayeur la plus instinctive. Les yeux respiraient la haine et la soif de sang, en une bestiale éloge des pires abominations, résumées en ces globes oculaires marrons fixant l'environnement d'un regard cruel. La truffe, noire, humait l'air d'une façon malsaine. Les oreilles, en perpétuel mouvement, étaient incroyablement pointues ; on les eût pris pour des poignards. La gueule, enfin, était garnies de dents acérées comme une lame dragonnique.
La bête pénétra dans l'orifice. Se mettant à quatre pattes, elle rampa, à plat ventre pendant quelques mètres, jusqu'à un point où la galerie, s'élargissant, dévoilait une chambre obscure. Doué de la nyctalopie propre à ceux de son espèce, le gigantesque canidé n'eut aucun mal à apercevoir, assis sur le sol, entouré d'ossements et autres morceaux sanguinolents, un loup-garou. Celui-ci le fixait profondément, et devait le dépasser de plusieurs pieds. Son ventre, couvert de traces de meurtrissures sous un poil d'un terrifiant noir sali , s'abaissait au fur en à mesure de sa respiration.

Baissant la tête, soumis, Gremmr se présenta en face de Fenrir.
«- Chef, commença-t-il d'une voix rauque, les espions nous signalent que la plaine est déserte. Les pourritures ont levé le camp. »
Un grognement s'éleva, puis une voix grave articula une réponse.
«- Il nous faut nous mettre en route. A-t-on la confirmation que nos - un petit rictus sortit de la gueule de l'animal- maîtres se sont enfuis ?
- Aucune trace de vie n'a été signalée, pas même un petit empalement rituel.
- C'est un indice probant. Ainsi, ils ont fini par faillir devant leur Seigneur.
- Faibles et asservis, agenouillés en de putrides prières, chef.
- Nous valons cent fois mieux qu'eux, et c'est par nous que ce monde sera asservi, dévoré par les griffes du Chaos, les griffes qui leur arracheront leurs petits coeurs. Leur crainte sera sans limite, et leur peur n'aura aucun nom.
- Que devons-nous faire, maintenant ?
- Établissons-nous à cet endroit. C'est une cachette parfaite. En une lune, la Meute aura bâti la meilleure des tanières. Nous déferlerons sur eux comme une seule et mortelle vague. Uto sera un bon choix pour commencer le carnage, continua le chef de Meute. Mais il nous faut réouvrir la Porte du Sang, et réinvestir cette maudite citadelle. Que notre territoire s'étende sur ces montagnes, et qu'aucun des ces bâtards ne puisse y pénétrer.
- Oui... souffla Gremmr.
- Mène une partie de nos forces dans les ruines. Réouvre le Sereg Rinn, et notre règne sera assuré. Profites-en pour terrasser le Duc, et tu auras toute mon attention pour l'ouverture de prochaine phase. »
Un sourire sadique se dessina sur la face du garou.
«- J'y mettrai tout mon plaisir, chef. Comptez sur moi. »
Gremmr, se retournant, introduisit le museau dans le boyau. En quelques mouvements de pattes, il avait disparu.

Dans la nuit, une bande sauvage dévala la pente raide menant à la plaine de la défaite. Nombreuse, bruyante, lancée à toute allure dans les sombres montagnes, elle se dirigeait droit sur la citadelle de Drazankhar.

Edité par Gremmr le 25/07/11 à 13:26

Gzor | 28/07/11 23:46

Le vent, montant de la plaine, sifflait dans les oreilles des deux nains.
«- Saloperie d'élément à la con, pesta l'un d'entre eux, qui, ayant retiré son casque pour aérer son abondante tignasse, se retrouvait exposé. Passe-moi une pinte de bière. »
Son camarade, lui aussi de très méchante humeur, saisit le récipient, et, ouvrant le tonneau placé, plus par flemme qu'autre chose, juste à côté de lui, délivra une généreuse rasade du breuvage ambré.
«- Il fait froid, et on s'fait chier, compléta-t-il avant d'avaler une longue gorgée d'alcool.
- Ah, ça fait du bien par où ça passe ! » commenta son coéquipier en se massant le ventre, alors que ses veines se réchauffaient un peu.
Il regarda l'horizon, et se dit qu'effectivement, il aurait dû refuser cette mutation, même en prenant en compte la paie.

Il était en effet, avec son camarade d'infortune, rencontré à l'embarquement des recrues pour la Maudite, quelque part à la frontière nord-ouest du royaume de Gzor, affecté à l'un des nombreux postes de guets sensés prévenir la cité en cas de mouvement ennemi majeur. Il ne savait en rien, car récemment arrivé, il sortait à peine de sa mine natale, si cette mission avait déjà eu à être accomplie.
Car force était de reconnaître que, tout de même, on se faisait beaucoup chier.
Trois lunes entière qu'il était affecté à ce poste, faisant des rondes avec onze autres nains fonctionnant par paire, sur cette tour de bois branlante dont il osait à peine regarder les pieds tant ils étaient éloignés du sommet où il se tenait - impression à prendre avec des pincettes, n'oublions pas qu'il s'agit d'un nain... pardon, d'un barbu irascible verticalement contrarié. Durant toute cette période, il n'avait rien fait d'autre que manger, dormir, envoyer quelques rapports dépourvus de sens rédigés dans l'unique but de tromper le temps, jouer aux dés, et faire quatre heures de surveillance par jour, à scruter un horizon aussi morne qu'un cimetière le lendemain d'une zombie-party.
Plissant les yeux et tentant de résister à ce fichu vent, toujours d'humeur massacrante malgré l'absorption rapide du liquide il y a encore quelques secondes intégralement contenu dans les chopes de bois qui gisaient, vide, sur la table bancale où se trouvaient également un jeu de dés à peu près aussi âgés que ce continent et une cage contenant un pigeon qui semblait être décédé tant il était immobile et maladif, les deux nains formulèrent quelques imprécations diverses sur leur poste, leur fichue idée de s'embarquer sur ce fichu dhil, les créatures du Chaos, la mère du changeforme - bien qu'on ignore s'il en a une, ou même s'il en eut une à une époque, mais passons, cette question ne nous regarde pas, et si je continue à écrire sur le sujet, je risque de retrouver mon chien sous la forme d'une bouille informe dans la boîte aux lettres - et bien d'autres futilités dont l'énumération serait inutile et fastidieuse - et qui plus est, cette phrase est déjà bien trop longue.

Donc, nos deux amis - quoique le fait que moi, narrateur, soit réellement leur ami, puisse faire l'objet d'un débat justifié, puisque je n'ai pas d'amis, que je suis par définition éphémère, et que je mourrai avec la fin de ce texte, bien content de vous avoir démontré mon incapacité à dire la moindre phrase sans faire des apartés inutiles. Mais passons - regardaient l'horizon, le regard vague et blasé, le moral dans les chaussettes et la tête dans l'arrière-train, assaillis par une fulgurante envie de s'abandonner au sommeil, appuyés sur leurs haches.

L'un d'eux, décidant malgré tout d'être fidèle au poste, et n'ayant surtout aucune envie d'être retrouvé endormi par la relève, saisit une longue-vue traînant par là, et commença à ausculter l'horizon.
Quelques minutes s'écoulèrent, dans un angoissant silence.
Soudain, l'oeil acéré par les nuits de veille inutiles accrocha quelque chose.
«- Gurd', regarde...»
Le nain décolla l'oculaire de son organe visuel, et tendit l'objet dans la direction de son camarade.
Aucune réaction.
Se retournant, il put voir que son compagnon, appuyé sur son arme de service, les yeux fermés, semblait s'être abandonné à sa paresse.
«- Gurd', cesse de dormir, bordel !, le houspilla l'éveillé, tout en le prenant par une épaule et le secouant comme un prunier.
- Hein, quoi... fit l'endormi en se réveillant de manière laborieuse et terriblement lente.
- Il y a un truc qui a bougé, là-bas.
- Où ça ? demanda l'autre en prenant l'instrument.
- Sur le flanc de la montagne, au nord-ouest. »
Cloquant son oeil contre le verre, le nain balaya la pente. Effectivement, des masses semblaient se mouvoir, mais il ne savait ce que...

Soudain, la pleine lune, perçant l'épais tapis de nuages ayant jusqu'ici caché à la vue des gardes l'Abomination, révéla dans toute sa gravité le terrifiant mouvement, qui, s'il était resté dans la rassurante obscurité, aurait assuré aux deux hommes, ainsi que, à plus long terme, à Certadhil et à Daifen tout entier, une bonne nuit de sommeil, réparatrice et rassurante, dans lequel les soucis pourraient s'évanouir dans l'agréable insouciance prodiguée par les bras de Morphée.
C'était désormais impossible. Le spectacle était bien trop abominable et lourd de conséquences pour que l'on puisse seulement le ranger dans un coin de sa tête...
Devant leurs yeux ébahis, car le phénomène était visible, avec une précision moindre, à l'oeil nu, les deux malchanceux gardes-frontaliers voyaient défiler une Horreur sans nom, signant par sa funeste apparition le début de la Fin.
Bien visibles à la blanche clarté de l'astre lunaire, de froids seigneurs des Limbes, entourés d'étranges bakus, de hargneux chiens-garous, de malsains démons mineurs, de bestiaux loups-garous et d'autres abominations venues des Enfers, se répandaient, telle une vague mortelle et inévitable, entre les arbres et les rochers, semblant converger vers un point unique. Des centaines, des milliers, des dizaines de milliers, ils écrasaient le paysage dévasté de Certadhil, promettant par leur seule présence les pires souffrances à ceux qui demeuraient, pour le moment, sereins, au-delà des montagnes maudites.
Les cohortes du Chaos étaient de retour. Ce ne pouvait être le Sans-Nom, c'était quelque chose de plus terrible encore...
Tout cela commencera aux monts Tla'dsul...
La vague semblait se diriger droit vers l'ouest, vers...
L'un des gardes poussa un cri.
«- Ils se dirigent vers la citadelle de Drazankhar... » murmura, reposant la longue-vue, le nain récemment réveillé.
Les deux camarades se regardèrent.
«- Sonne l'alarme, Gurd'. »
Acquiesçant, le garde détacha avec quelques gestes fébriles un olifant pendant à sa ceinture et, de toute la force de ses poumons, souffla dedans.

Dix minutes plus tard, bon gré mal gré, le visage inquiet, les douze soldats attendaient les ordres. Alignés, au garde-à-vous, ils regardaient, anxieux, leurs supérieur les inspecter.
Le vieux chasseur de géant avait, paraît-il, suivi les armées gzoriennes depuis le début de la guerre. C'était un vétéran, à l'oeil affûté, et malgré une barbe blanche des plus fournies et un visage quelque peu ridé, il restait un combattant remarquable.
«- Vous allez vous magner le fion, bande de paquets de merde !, commença-t-il, hurlant comme il en avait l'habitude. Vous allez me prévenir la cité, et les autres postes de garde, et vous allez doubler les rondes, et j'aime autant vous dire que vous avez intérêt que ça saute, sinon ça va barder pour votre matricule ! Est-ce que c'est clair ?!
- Chef, oui chef ! répondit à l'unisson l'unité, plus terrorisée qu'autre chose.
- Mon cul ! Je n'entends rien !
- CHEF, OUI CHEF !
- Alors allez-y, bande de têtards unijambistes pas foutus de dégommer un zombie les yeux bandés, et plus vite que ça ou je vous te fais gicler les yeux des orbites et je vous empaffe le crâne !
- CHEF, OUI CHEF !!! »
Dans la plus intègre panique, le groupe s'éparpilla dans la tour. Alors que quatre soldats veillaient au sommet de l'édifice, les autres, dans la plus grande précipitation, attachèrent des messages alarmistes à la patte de volatiles déglingués, qui s'envolèrent avec autant de grâce que des pachydernes vers les destinataires des missives.

Sur le toit, invisible, un Ktulu qui n'avait que cela à faire regardait l'agitation, l'air blasé. Puis, d'un battement d'ailes, il partit faire la course avec le pigeon désigné pour prévenir son maître.
C'était que des lunes dures s'annonçaient, et qu'on aurait pas forcément l'occasion de s'amuser pendant un bon bout de temps.

FIN ?

Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn !

Edité par Gzor le 01/09/11 à 15:23

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