Forum - Dans les Ténèbres... Les lier
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Xüne Syphonn | 24/02/11 12:55
(Ce rp à été rédigé à quatre mains. )
Lune 1005
Xüne enrageait de ne pouvoir combattre. Son compagnon dut l'entraîner de force pour la contraindre à se réfugier sur les hauteurs surmontant la forteresse du Rat. Ils ne mirent que quelques instants à se mettre à l'abri. De là ils virent les forces ennemies anéantir les leurs, impuissants, le coeur empli de frustration, d'un sentiment d'échec pesant. Rageuse, Xüne les téléporta à leur camp, devant lequel ils se figèrent, glacés.
Les troupes du Chaos avaient mis un point d'honneur, d'après la vision de Xüne, à détruire sa tente ainsi que l'effigie de son Dieu. Il ne restait que des vestiges charbonneux de ce qui avait été leur demeure durant quelques lunes. Elle sentit son tatouage rougir sur son front, témoin de cette scène impardonnable.
La colère l'envahit brutalement, irrépressible, brutale, haineuse. Etait-ce la sienne ou bien venait-elle de plus haut ? Elle n'aurait su le dire, c'était un sentiment confus mais tellement fort qu'il en était douloureux, et sous son assaut elle vacilla, sachant qu'il n'y avait aucun survivant et qu'eux-mêmes devaient s'en aller, laissant au Sans-Nom et à ses sbires le loisir de prendre Certadhil. Elle contemplait les décombres de son campement lorsque sa vision se troubla. Machinalement elle porta la main à ses yeux, les frottant légèrement, essayant de remédier au trouble qui l'envahissait. Son autre main se trouvait dans celle de Noir-Feu, mais bientôt elle ne sentit plus le doux contact rassurant de sa peau. Pas plus qu'elle ne s'aperçut que son ouïe faiblissait, que son corps s'affaissait au pied de son compagnon.
Noir-Feu tenta de la retenir mais elle s'effondra lourdement sur le sol, inanimée.
*****
Je te convoque maintenant toi ma vestale
Je suis le seul et l'unique
Par delà tous les univers magiques
Prosternes toi devant moi en une ferveur totale
Laisses toi glisser dans ma vie éthérée
Ne lutte pas contre mon appel
Reviens en mon sein abandonne le mortel
Ecoute et suis ma douce mélopée
Tes actes ne sont qu'une trahison
Jamais on ne quitte mon service
Sans en subir les sévices
De mon sang nait le poison
A présent entend mon ordre et endure le sort
Si tu ne veux pas rencontrer la mort.
****
Il fait nuit, il fait noir. Aucun son, aucune odeur. Je dois me relever, mais suis-je allongée ? Je ne sens plus mon corps. Je voudrais ouvrir les yeux mais les ténèbres sont toujours là. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Pourquoi ne puis-je parler ? Pourquoi aucun son ne sort de ma bouche ? Pourtant j'appelle mais personne n'entend ma voix, pas même moi.
Où suis-je ? Mon corps ne me répond pas. Je voudrais toucher mon visage mais mes bras ne bougent pas. Je me sens pourtant si légère, tellement libre. J'ai conscience pourtant, conscience de tout, comment est-ce possible ? Je dois savoir ce qui se passe. Je n'ai pas mal, je ne souffre pas, je ne ressens rien. Je ne sais pas ce qui s'est passé. Où étais-je avant ? Et avant, qu'était-ce ? Je ne me souviens de rien.
Et soudain une lueur fut. Je m'aperçus alors qu'il ne restait rien de mon corps. J'avais conscience de n'être qu'une âme errante parmi tant d'autres. Mon Dieu m'avait appelé je n'avais pas pu refuser. J'avais été déchue. Moi, la vestale de Yog, je n'étais plus rien. Je ne savais pas pourquoi je me trouvais là. Qu'avais-je pu faire, ou ne pas faire, pour être ici convoquée devant le Tout. On ne se trouvait jamais ici par hasard.
Avais-je péri sur les Terres de Daifen ? Il ne me semblait pas. Avais-je trahi sa confiance ? Je n'en avais pas conscience. Mais si tel était le cas, alors ce que j'allais désormais subir serait bien pire que les pires tourments que les humains imaginent lorsqu'ils pensent aux enfers.
Puis, alors que j'errais dans ce néant une forme vaporeuse apparut sous les traits d'un homme. Je ne comprenais pas, j'avais été appelé ici par Yog, que faisait-il ici ? Est-ce à lui que je devais rendre compte ?
- Tu as échoué Xüne. Tu as baissé les bras et échoué. Certadhil sera désormais une faute que tu devras porter tel un fardeau. Si le Sans-Nom gagne cette terre, alors il pourra répandre le Néant sur toutes les autres. Et si le Néant s'épanche, alors il en sera fini de nous, de nous tous.
- Mais je n'étais pas seule à perdre.
- Pour Lui tu es la seule. Les autres ne l'intéressent pas, toi seule porte la marque de Yog.
- Je... Je n'ai aucune excuse.
- Cela fait déjà bien longtemps que tu suis ta propre voie, que tu t'éloignes de celle qu'il a choisie pour toi. Il t'a donné un de ses fils pour époux, tu l'as renié.
- C'est lui qui m'a renié, c'est lui qui est parti, qui m'a abandonné qui a abandonné ses enfants, sa famille.
- Tu l'as humilié, tu l'as trompé, tu as donné ton corps à un autre que lui, sans aucune honte, sans aucun embarras. Sans te cacher, tu as vécu avec un autre, à la vue et au su de tous. Tu as traîné son nom, sa renommée, son honneur dans la fange et dans la boue.
- J'ai payé pour cela. Il m'a torturée durant des lunes, défigurée, violée, enchaînée, il a fait de moi une partie de ce que je suis aujourd'hui. Mais désormais mon destin et ma vie sont ailleurs, et surtout sans lui.
- Quand bien même, tu te devais à lui.
- Non ! Je me dois à Yog, pas à ses représentants, qu'ils soient mortels ou non, qu'ils se nomment Morrdred ou pas.
- Ne sois pas si vindicative, tu manques d'humilité, c'est une autre de tes fautes. Et cette faute ne sera pas impunie. Désormais tu as choisi de suivre un dragon. As-tu seulement demandé à Yog sa permission ? Non, tu as décidé que cela n'influerait pas sur ton service. C'est ce que tu as oublié. Tu as omis beaucoup trop de choses Xüne. Mais, pour une raison que j'ignore, Yog à décidé de te laisser faire, à une seule condition.
- Laquelle ?
- Tu dois te présenter devant les portes de Num la Pétrifiée. Elle seule désormais pourra décider de ton sort. Si tu échoues encore une fois, alors il en sera fini de toi. Plus de Xüne, plus de Vampire, rien, le Néant pour ce que tu étais.
- Je le sais, Noir-Feu m'a prévenu.
- Non, il t'a dit que pour partager sa vie tu devais en passer par là. Moi je te dis que si tu veux vivre, tu n'as plus d'autres choix. Tu ne peux pas éternellement suivre tes envies. Tu te dois à Yog. Et pour que tu n'oublies pas cela, si tu passes les portes de Num, lorsque tu retrouveras ton corps tu auras une nouvelle marque de Yog, sur ta nuque.
- ...
- Nous saurons te faire tenir tes engagements. Tu n'as plus le droit à l'erreur.
- Je n'en ferais plus.
- Nous ne demandons rien. Aucune promesse. La sanction sera instantanée si jamais le besoin en est. Il voit tout, tu le sais bien.
- Oui, je le sais, je ne me suis jamais cachée. J'ai toujours fait ce que je désirais tout en sachant qu'il me voyait faire. Je sais que je ne suis pas une simple servante, que j'ai un rang à tenir. Je sais que...
- Ho ! Toi aussi tu as senti n'est ce pas ?
- Noir-Feu ?! Les limbes ? Ce n'est pas possible ! Avons-nous été tués ?
- Non, bien sur que non. Toi tu as été appelée, lui... il suit sa voie.
- Il ne faut pas qu'il y aille, il n'en reviendrait pas.
- C'est certain. Mais tu n'y peux rien.
- Bien sur que si !! Si je suis ce que je pense être, une forme éthérée de mon âme aux confins du Néant, à la porte des limbes, alors je peux. Je peux toujours !!
- Toujours aussi sûre de toi, n'est ce pas ?
- C'est pour cette raison que je suis la seule vestale représentant Yog sur ces Terres. Je veux aller à la porte des Limbes !!
Tout à coup le décor changea, la forme vaporeuse n'était plus là, je ne voyais qu'une porte, La porte, et devant elle je ne distinguais qu'une âme, la sienne. Je savais qu'il ne pouvait pas m'entendre, tout ce que je pouvais faire c'était tenter de l'atteindre, de lui dire de ne pas continuer dans cette voie. J'eus l'impression qu'il tournait la tête, que ma flèche avait atteint sa cible, je ne sais pourquoi mais je me sentis soulagée. C'est alors que je vis devant moi apparaitre une autre porte. Une porte que je n'avais vue qu'une seule fois, dans un esprit, son esprit. Une porte qui voulait dire que d'ici peu j'allais vivre, ou mourir.
A nouveau les ténèbres. Et puis ce sentiment diffus d'effroi et de terreur. Ici, d'ailleurs peut-on parler d'un ici, quand il n'y a rien ? Il y a le vide, un vide absolu, ni haut ni bas, ni droite ni gauche, le Néant seulement, épuré, dénudé. Puis doucement ses yeux s'habituant à leur nouvel univers, Xüne entrevoit une route. Celle-ci est constituée d'une espèce de pierre sombre, luisante, menant certainement quelque part mais sans aucun but à l'horizon. Est-ce seulement l'horizon ?
Elle décide de suivre cette voie, de toute façon, a-t-elle le choix ? Elle n'en voit qu'une et ne sait absolument pas où elle doit aller. Néanmoins, elle sent qu'une forte attraction s'exerce sur elle et qu'elle se doit d'y répondre. Elle doit aller là où la mènent ces pierres. Elle se met donc en route, lentement. Le sentiment qui l'a saisie lorsqu'elle s'est retrouvée ici, dans ce Néant ne la quitte plus, il s'amplifie même. La Peur, doucement, s'insinue en elle. Parfois le désir de rebrousser chemin se fait plus fort, impératif, mais elle se garde bien d'y céder.
Depuis combien de temps marche-t-elle ? Elle n'est pourtant pas fatiguée. Lorsqu'elle se retourne, elle à l'impression de ne pas avoir avancé, d'être au même endroit que lorsqu'elle est arrivée. La tristesse fait son apparition, ainsi que le doute. Et si elle échouait ? Et si elle mourait ? Qu'adviendrait-il de ses enfants ? Et Noir-Feu, que deviendrait-il ? Trouverait-il une autre femme à aimer ? Elle imagine déjà la douleur des ses enfants d'avoir perdu leur mère, l'immense douleur de son Eternel d'avoir perdu à jamais celle qui ne faisait qu'un avec son âme. Puis elle se reprend, pensant à tous les instants précieux qu'elle doit encore vivre avec Noir-feu, pensant à tous ceux qui sont déjà passés.
Alors qu'elle se croit perdue dans l'immensité du Néant, elle aperçoit tout à coup une immensité devant elle. Une citadelle incroyablement démesurée se dresse devant elle. Comment ne l'a-t-elle pas vue plus tôt ? Par quel prodige cette cité est-elle apparue devant ses yeux ? Aucune fondation n'est visible, cette cité ne repose sur rien, elle se trouve là...au milieu du Néant, au coeur de nulle part. De cette forteresse, Xüne ne voit que des murs. Il n'existe aucune porte, aucune fenêtre, aucune ouverture. Elle sait qu'elle se trouve désormais devant Num la Pétrifiée, pressent que la fin de son voyage est proche. Elle décide d'attendre. Elle ne sait pas comment entrer dans la forteresse. Elle sait juste qu'elle devait venir ici, que son destin se trouve devant elle.
Le Temps ici n'a aucune consistance. Xüne a l'impression de se trouver là depuis des centaines, des milliers de lunes. Et rien ne s'est produit. Rien du tout. Le désespoir s'empare doucement d'elle. Il l'entoure, l'enlace, puis s'insinue en elle pour se fondre avec sa volonté d'être ici. Puis la colère prend le dessus, elle doit la faire sortir. Alors elle hurle, un cri rageur, mêlant ire et désespoir.
Edité par Xüne Syphonn le 24/02/11 à 13:59
Noir-feu | 24/02/11 13:01
Num. La cité piège, l'ultime rempart dressé en un temps oublié pour séparer des adversaires déments, embrasés par une haine sans mesure, engagés dans un combat sans espoir de victoire, un combat ne menant ses protagonistes qu'à la plus entière damnation. Vaincus, les nécromants se sont dissouts dans le temps, dans le néant, non sans avoir porté un dernier coup au descendant de leur ennemi. Un coup si effroyable qu'il n'était de guérison envisageable, un coup qui avait brisé l'essence même des Dragons Noirs, les laissant en vie, certes, mais une vie d'éternelle souffrance, de remords amers, une existence de damnés, qu'ils ne savoureraient plus, mais subiraient à jamais.
Devenue inutile, la Pétrifiée s'est oubliée, non dissipée, mais en latence, comme un de ces objets souvenir dont on n'a plus l'usage, mais qui n'en demeure pas moins sur une étagère poussiéreuse, attendant de se rappeler au souvenir de son propriétaire. Le temps avait passé, le souvenir avait repris vigueur, et s'était manifesté à nouveau, dans un dessein inconnu des vivants, des dieux eux-mêmes, peut-être. La Pétrifiée ne relâchait jamais ses proies, et de toutes, son Seigneur était le plus enchaîné. Il avait repris place sur le trône maudit, et accompli ce qui était écrit, jusqu'au dernier point du dernier chapitre. Il avait ouvert les portes de Num, toutes les portes. Et de chacune une voie s'était déroulée, tissant une sorte de toile qui n'était pas sans rappeler le dessin des racines d'un arbre cosmique, chacune cherchant à puiser sa manne dans le terreau fertile du monde. Et la manne nécessaire à la Pétrifiée était abondante, âmes en peine et maudits en tout genre, les vivants semblaient se précipiter à leur perte éperdument, en une foule chaque jour un peu plus vaste. Num s'en gavait à outrance, et son Seigneur avec elle.
Dominant le Néant de toute sa puissance grandissante, il le scrute, attendant une heure improbable depuis l'aube des temps, prêt à l'attendre dix éternités encore s'il en était besoin. Tôt ou tard viendra le moment de sa libération, il n'en doute pas car Num a accompli sa tâche, et cette pensée lui arrache un rire sinistre qui résonne longuement dans les innombrables ruelles enchevêtrées de la cité.
Ils sont cinq, cinq gardiens de pierre, colossaux survivants d'un groupe de sept, et chacun d'eux veille sur les âmes qui s'engouffrent en hurlant par les huis grands ouverts, s'assurant que seules des proies pénètrent dans leur demeure, tâche inutile au demeurant, qui serait assez dément pour s'infiltrer en tel lieu ? En leurs esprits de suie, une image s'est gravée, une image qui pour eux n'est rien, rien que le reflet des désirs de leur maître. Et les désirs de leur Seigneur sont pour eux des ordres absolus, leur loyauté est inflexible et redoutable, ils n'existent que par lui, pour lui, dénués d'existence propre depuis trop de millénaires pour en avoir gardé un souvenir, ils veillent en son nom. Immobiles et latents, leurs regards de ténèbres s'ouvrent soudain, se posant sur une silhouette précise, qui observe avec inquiétude la cité, hurle son désespoir. Aussitôt, leurs esprits se joignent, comparent cette image à celle imposée par leur maître, puis l'avertissent d'une pensée presque exultante :
Elle est aux portes, Seigneur.
Toute la cité frémit à cette annonce, délogeant des nuages d'une poussière ancestrale qui la pare d'un voile lugubre. Sur le trône, le Seigneur de Num tourne lentement son insondable regard en direction de la porte indiquée, se lève avec une majesté d'outre-tombe. Sa voix tonne dans la Pétrifiée, l'ébranlant jusque dans ses profondeurs abyssales.
-Enfin ! Guidez-la. Guidez-la jusqu'à moi, Gardiens ! Et que résonne le Glas maudit, sonnez la fin des âges pétrifiés !
C'est alors qu'apparait une silhouette, une gigantesque statue s'approche de Xüne, qui recule de quelques pas. Le colosse est noir comme de la suie et de lui s'échappent des relents de férocité, de maléfice. La vestale de Yog perçoit que cette statue est la quintessence de la cruauté, et c'est un domaine qu'elle connaît mieux que personne. Et puis, curieusement, la statue lui tend la main, lui intimant l'ordre de la prendre. A contre coeur, elle dépose sa main sur celle de la statue et ferme les yeux, ne voulant voir ce qui va se produire.
Noir-feu | 24/02/11 13:02
Le Gardien entraîne Xüne dans les rues assombries de la Pétrifiée, des râles ténus exprimant une souffrance indicible parsèment chaque pas, issus de milliers d'âmes enchaînées à la damnée depuis un temps oublié. Le trajet semble se dérouler hors du temps, assez long pour éroder l'âme la plus vaillante, trop court pour surmonter l'horreur du lieu, de ces gémissements omniprésents qui rappellent trop clairement la nature de la Pétrifiée, maudite d'entre les maudites. Et soudain, abrupte et inattendue, elle est là. Une esplanade pentagonale, immense, effroyable d'austérité après les encorbellements saturés de statues qui enlaidissent le reste de la cité. La vision des silhouettes pétrifiées glace l'âme jusque dans ses plus intimes profondeurs, on devrait être heureux de ne plus sentir leurs regards vides posés sur soi, heureux d'échapper à leur paradoxale attention maléfique. Mais il n'en est rien, la visiteuse réalise qu'au moins, il y avait quelque chose qui rappelait la vie, alors que là...sensation de chute, presque, irréaliste et aberrante, dénuée de direction, le coeur de Num est voilé d'une brume poussiéreuse, qui capte le regard aussi sûrement qu'une flamme dans l'obscurité, le troublant, le rendant inutile, douloureux même, on voudrait être aveugle, sombrer miséricordieusement dans un sommeil sans rêves ni cauchemars. Mais Num ignore la pitié, maudite et avide, elle dévoile alors, au pire instant, celui qu'elle dévore lentement, patiemment, son ultime gardien, sa proie jalousement savourée, rongée couche après couche depuis d'impensables éons, avidement suçotée, un peu comme on le ferait du noyau d'un fruit gorgé de saveurs.
"Sonne le Glas oublié, d'un temps révolu et mort-né, tremble la Pétrifiée, de son destin annoncé."
Le son macabre emplit brutalement le vide, en sature insoutenablement l'intégralité, broyant tout ce qui Est, soucieux peut-être de rendre au Néant son essence d'inexistence. Un coup, puis un autre, et un autre encore, jusqu'à ce que sept aient été frappés, sept déchaînements sonores pour fissurer jusqu'à sa dernière bribe de volonté la téméraire prêtresse de Yog, elle qui a cru pouvoir dérober à la Pétrifiée son Seigneur jalousé. Debout devant le symbole de son règne, ce trône damné et jamais souhaité, il fixe Xüne, et le poids de son regard est celui du destin inéluctable, il ne signifie que la fin, dépourvu de la moindre flamme il brûle pourtant comme un fer porté au rouge. Un pas, puis un autre, et un autre encore, jusqu'à ce que les sept degrés de l'estrade effroyable aient été descendus, le Seigneur de Num, nimbé d'un tourbillon d'éclats tranchants de rêves brisés s'approche, d'Elle. Sa voix s'élève, emplie de menace latente, méprisante, rauque et amère comme un poison.
-Comment oses-tu prétendre à une place à mes côtés, toi qui porte la marque d'une divinité honnie ? Tu voudrais régner sur moi alors que tu sers un autre ? Tu voudrais que je rampe devant sa volonté quand il te veut, tel un chien soumis ? Regarde-moi, femme !
Comme deux ailes éclatantes de noirceur, les éclats qui le dissimulent s'écartent, révélant dans toute sa ténébreuse splendeur le Seigneur de Num. Son corps n'a rien d'humain, intégralement recouvert d'écailles d'obsidienne rutilantes et acérées, son visage est une gueule écumante, faciès oscillant entre dragon et démon, bardé de crocs luisants, surmonté d'une couronne spectrale ornée de trois gemmes d'un noir si intense qu'il semble en absorber la moindre lumière, le moindre espoir. Ses mains sont puissantes, terminées par de longues griffes prédatrices légèrement recourbées, d'aspect si tranchant que le regard s'y coupe. Emplis d'une implacable sauvagerie, embrasés de rage et de fierté indomptable, ses yeux se rivent à ceux de Xüne.
-Comment oses-tu croire que je me soumettrais à qui que ce soit, Xüne ? Comment peux-tu imaginer un seul instant que je tolère qu'un autre pose la main sur toi, qu'il soit dieu ou mortel ? Je ne partage pas, prêtresse de Yog !
Edité par Noir-feu le 24/02/11 à 13:05
Xüne Syphonn | 24/02/11 13:04
Les pires tourments, les plus affreuses sensations s'emparent de Xüne alors qu'elle avance dans la Cité de Num. Les cris de peur, de haine, de désespoir, de frayeur et d'horreur résonnent à ses oreilles jusqu'à ce qu'un Glas retentisse. Et à chaque fois qu'il sonne c'est un espoir ténu qui s'anéanti un peu plus jusqu'à disparaitre presque complètement de son corps. C'est alors qu'elle se retrouve devant Le Seigneur de Num, Entité sépulcrale et venimeuse. Ce qu'elle entend lui glace le sang, ce qu'elle voit empli son coeur d'une peur quasi insurmontable. Et lorsqu'Il prend la parole, elle se retrouve figée, muette, dénuée de toute envie de prolonger son calvaire. Alors qu'il en termine avec son monologue, une vague de courage la saisit. Avec une volonté qu'elle n'aurait crue possible, elle se redresse de toute sa stature et fixe le Seigneur de ses yeux de jais.
- J'ose le prétendre car je sais que ma place est à tes côtés. Je ne suis pas soumise comme tu l'affirmes, je suis née avec Lui, il est en moi, et même toi tu n'y peux rien.
Elle s'avance d'un pas et désigne le Roi Noir d'un doigt rageur.
- Toi en revanche tu es soumis ! Soumis à cette cité comme aucun autre ne l'a jamais été. Si le Néant s'épanche de part les Mondes alors plus rien ne sera. Et toi, tout Seigneur du Néant que tu es, tu ne seras pas plus. Tu ne règneras sur rien, puisque rien n'existera plus. Ton existence aura alors été vaine !
Elle s'avance à nouveau et reprend.
- Nous sommes les deux parties d'une âme immortelle et puissante. Nous le savons tous deux. Tu as besoin de moi pour te détacher d'Elle ! Tu n'as pas à partager puisque je ne lui appartiens pas. Tu n'as pas à te soumettre puisque tu ne m'appartiens pas. Nous devons seulement.... Nous aimer.
Au milieu de ce Néant, elle a trouvé la force de nommer les choses.
Les paroles de Xüne plongent Noir-Feu dans une étrange réflexion, il dévisage cette insensée qui lui tient tête, durant quelques secondes qui paraissent une éternité. Puis un rictus moqueur dévoile plus largement ses crocs inquiétants :
- Etre ? Aimer ? Oh...tu crois donc que ces...mots...ont un sens, ici ? Regarde mieux...regarde autour de toi.
Sans quitter le Dragon des yeux, elle balaye d'un geste ce qui l'entoure.
- Ho oui je vois ! Rien ! Ici il n'y a rien d'autre que le vide. Tu règnes sur des morts, sur la peur et la terreur, sur les ténèbres. Elles sont si profondément ancrées en toi que tu en oublies l'essentiel. C'est ici que ces mots prennent tout leur sens, ici, dans cette Cité qui est devenue pour toi une compagne. C'est, à ce jour, ta seule et unique femme !
Un éclat de rire mauvais secoue l'être, qui fixe plus intensément encore la vestale de Yog.
- Elle m'est fidèle, présente à chaque âge, à chaque battement de coeur. Quelle femme pourrait en dire autant? Effrayées et brisées par la simple vision de la splendeur de Num, toutes ont renoncé. Comme tu le ferais, Xüne. Et je devrais t'offrir la possibilité de me tromper? Allons...
Xüne sourit :
- Ne présage pas de ce que je ferais ou pas, moi-même je l'ignore. Quant à te tromper... tu n'as besoin de personne pour cela. Tu te trompes toi-même, tu t'abuses et cela te plait de vivre ainsi. Oui c'est vrai elle t'est fidèle, mais elle a tué plus sûrement qu'aucune autre. Combien de tes femmes sont mortes dis-moi ? Combien de femmes a-t-elle tuée pour te garder près d'elle ? Quand bien même Elliona s'est donné la mort, c'est à cause d'Elle. Est-ce cela l'amour ? Sais tu seulement ce qu'est l'amour ?
Le Dragon gronde sourdement, menaçant, avance d'un pas lent, la rage luisant au fond des yeux:
- Silence! Silence, femme! Qui es-tu pour me faire la leçon? Toi qui as trahi le père de tes enfants avec un maudit barde efféminé? Toi qui as brisé mon Frère Stormbringer, jouant avec son coeur comme si c'était une sucrerie pour accomplir tes sombres desseins! Amour, dis-tu? Qu'en sais-tu toi-même?
Xüne ne recula pas devant l'avancée du Dragon, pas plus qu'elle ne baissa les yeux devant sa rage. Elle poursuivi d'une voix calme et posée.
- Ais-je osé prétendre que je suis parfaite ? Ais-je osé dire que j'avais toujours été fidèle ? Me suis-je cachée de mes méfaits et de mes actes ? Tu m'as acceptée telle que je suis, avec mon passé, avec mes fautes. Je t'ai accepté comme tu es. Et aujourd'hui, je suis devant toi, je vois ton âme telle qu'elle est. Je n'ai pas fait demi-tour, je n'ai pas rebroussé chemin. J'ai eu maintes occasions de le faire, je m'en suis gardé. Combien d'autres femmes avant moi ont fait ce que je fais maintenant ?!
- Trois. Une est morte. Une a sombré dans l'infini silence. Et la troisième...me méprise plus que le dernier soudard. Elles sont venues, Xüne, et lentement le Néant a rongé leur coeur, lentement le dégoût a envahi leurs âmes, chacune a cédé, à sa manière. Pourquoi t'obstiner ? Que veux-tu, au juste ? Num est un piège. Ton Dieu cruel t'aurait-il envoyé ici à la mort ? Une mort infiniment lente, comme il semble les aimer?
Xüne tressaille à l'évocation de Yog. Elle sait ce qui l'attend si le Seigneur Noir la rejette, si Num la rejette. Malgré cela elle s'obstine :
- C'est exact, Yog m'a envoyé ici. Peut-être pour mourir, peut-être pour vivre. Je ne sais pas. J'aurais pu refuser, et j'aurais péri sur le champ. Mais j'ai accepté. Pourquoi ? Parce que je te veux, Toi. A mes côtés jusqu'à la fin des temps. Parce que je n'ai jamais été aussi certaine de suivre la bonne voie. Parce que je t'offre mon Amour, mon sang et ma vie.
Edité par Xüne Syphonn le 24/02/11 à 13:10
Noir-feu | 24/02/11 13:15
Le Seigneur de Num se fige, laisse son regard parcourir la place maudite, s'arrête un instant sur le trône damné, puis revient se poser sur Xüne, indéchiffrable.
-Vraiment?
Lentement, il désigne le trône d'une main griffue.
-Alors...prends place. Si tes intentions sont autres, si ce n'est pas un vrai et pur amour qui t'a amené ici...tu cesseras d'exister. Et ton dieu n'y pourra rien...
Xüne fixe Noir-feu d'un regard tendre :
-Oui, vraiment.
Elle regarde le trône que le Dragon lui désigne, et d'un pas assuré elle s'avance. Devant ce trône maudit elle s'arrête, se retourne. Elle voudrait lui crier son amour mais s'en garde. D'un geste empli de grâce elle s'installe sur le Trône et toise son Eternel.
La cité entière semble vaciller, soudain moins consistante, des bâtiments s'élèvent de fines brumes qui se dissipent dans le vide, le Dragon fixe d'un air stupéfait Xüne, ne pouvant croire qu'elle demeure après ce geste. Miroir de la Pétrifiée, il vacille, tandis qu'un trouble profond envahit son regard. Il secoue la tête pour reprendre ses esprits, tandis que sa forme reprend un aspect humain sans qu'il en ait conscience. Dans un état second, ses yeux rivés à ceux de Xüne, il s'approche d'elle, gravissant les degrés de pierre qui s'estompent. Tendant une main ouverte, il murmure:
-Tu... vraiment venue...alors c'est... la fin... La fin de Num...et...l'aube...
La respiration de Xüne se fait courte et rapide alors qu'elle s'installe sur le siège royal de la Cité de Num. Son espoir renaît lorsqu'elle voit les murs de la Cité s'ébranler. Enfin, elle voit Noir-Feu renaître tel le phoenix. Elle se lève lorsqu'il s'approche et prend la main qu'il lui tend :
- Oui je suis venue. C'est la fin de Num mais une renaissance pour nous, une nouvelle vie.
Un sourire hésitant nait sur le visage de Noir-Feu lorsque Xüne saisit sa main, il la serre doucement, comme pour s'assurer de sa réalité, puis laisse son regard glisser sur la cité qui se délie en volutes fantomatiques. Il fixe à nouveau Xüne, une vague d'émotions le submergeant irrésistiblement, tremblant de tous ses membres. Infiniment lentement, comme s'il craignait de rompre une illusion, il l'attire à lui, frôle son visage d'une main timide, en dessinant les contours somptueux d'un geste presque apeuré. Sa voix n'est qu'un souffle quand il lui demande:
-Alors...si une nouvelle vie s'annonce...je souhaite être tien. Veux-tu...veux-tu être ma femme, Xüne?
Xüne s'approche de Noir-feu, serrant sa main dans la sienne. Lorsque le Dragon touche sa joue, un sourire s'épanouit sur son visage. Et c'est sans aucune hésitation qu'elle répond à sa demande :
-Oui. Oui, je veux être ta femme.
Un éclat flamboyant traverse son regard, qui vire du noir absolu à la plus insoutenable clarté, ses épaules se redressent comme libérées d'un fardeau colossal, et d'un geste cette fois dépourvu d'hésitation, mais empreint d'un respect et d'un amour immense, il étreint son aimée pour un baiser, si sincère qu'il semble être le premier. A l'instant où leurs lèvres se joignent, un fracas dantesque retentit dans le Néant. Num se brise, s'effondre sur elle-même comme un sortilège maléfique qui se rompt, brutalement.
Xüne observe la métamorphose de Noir-Feu. Elle sait que désormais il est libre. Libre de choisir sa voie. Le maléfice qui tenait cette Cité debout s'est brisé comme un fétu de paille lorsque leurs lèvres se sont jointes. Xüne regarde Noir-Feu, l'embrasse tendrement et murmure :
-Et maintenant ?
-Maintenant...ferme les yeux, mon Amour.
Amélie De Bois Doré | 24/02/11 15:17
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Amélie de Bois Doré
Si j'ai perdu la Foi en l'Unique, je garde Foi en mes pouvoirs.
Et si mon âme est perdue, mon corps est disponible...
Lancwen de Sigil | 24/02/11 18:30
*note le nouveau sur la loooongue liste des maris, amants, pretendant**
Edité par Lancwen de Sigil le 24/02/11 à 18:30
Gzor | 25/02/11 15:41
Tout simplement magnifiquement bien conté. Bravo.
Gzor.
Iä, Iä, Cthulhu fhtagn ! Ph'nglui mglw'nfah Cthulhu R'lyeh wgah'nagl fhtagn!
Alyssa Anthâar | 25/02/11 16:09
Papa est en position foetale au milieu du salon là. Désormais il sait qu'il ne te récupèrera pas, ça lui fait un choc !
Mais bon, un petit tour sur Fluocadhil et il redeviendra aussi normal qu'il peut l'être, t'inquiète pas
Xüne Syphonn | 25/02/11 16:18
Ho je ne m'inquiète pas, aussi sur qu'il peut renaître de ses cendres, il sait aussi retomber sur ses pattes.
Shadee | 26/02/11 09:54
L'amour destructeur et ses mystères...
( agréable lecture, bravo à vous deux )