Forum - [Certadhil III] Pensées en vrac

Ildrina | 01/02/11 21:42

Je regarde les terres brûlées qui s'étendent autour de ce qui me tient lieu de royaume. Un simple camp d'où chaque jour sortent des dizaines de jeunes elfes, qui sans le savoir, vivent leurs derniers instants. Mes généraux depuis quelques lunes importent nos recrues depuis d'autres continents car les populations locales ont été exterminées par les massacres consécutifs. Triste situation. Debout à la lisière de ma cité, je regarde ces terres brûlées.

Je soupire. Voilà deux nuits que je ne dors pas. Ma santé en inquiète plus d'un, mais je sais que je me porte bien. Pour dire vrai, je connais le problème. Un triste rire s'échappe entre mes lèvres et se perd dans un vaste désert. Il me manque la solution. J'ai fait un choix, certes, ai-je fait le bon ? Probablement, je n'en saurai jamais rien. Je ne peux que me contenter d'attendre chaque nuit, allongée dans mon lit, que les heures passent. Les yeux ouverts, l'esprit torturé je continue à vivre.

Quand je repense à ce qui m'a amené ici... Je descends quelques marches, on m'escorte et je rentre. Je ne parle à personne, personne ne voudrait savoir ce que contiennent mes pensées. Elles empestent le doute et la crainte. La curiosité s'est évanouie. L'envie d'aventure s'est désagrégée. Tout ce qui reste de moi c'est cette mission que je me suis fixée : je te protègerai quoiqu'il arrive. Je dois me rendre à l'évidence. Malgré tous les arguments que je me force à comprendre, malgré toutes mes convictions, ce que je fais je ne le fais que pour une seule personne.

Assise à ma table, je relis toutes les lettres que j'ai reçues récemment. Je ne sais pas si l'Innominé dit vrai. Je suis condamnée à rester dans l'ignorance. Il a touché une corde sensible lorsqu'il a remarqué les carnages perpétrés sur ce continent. Qui a frappé le premier ? Le doute me ronge et mes doigts s'agitent d'un mouvement régulier qui me stresse. Je tapote simplement sur ce bureau et me mordille la lèvre inférieure avec application. Finalement, qui parmi mes prétendus alliés cherche la paix ? Pourquoi se lèvent-ils contre un ennemi dont ils ne savent rien. J'ai lu les vieilles histoires. J'ai entendu les légendes, mais pourquoi se dresser et envoyer à la mort des milliers et des milliers d'hommes chaque lune ? Ces combats m'écoeurent.

Je change d'avis un instant. Ces combats me rassurent autant qu'ils m'écoeurent. Quel bonheur ce serait de retourner dans un monde où tout serait connu, que rien ne viendrait perturber. C'est l'inconnu qui me terrifie, j'en ai pris conscience il y a des lunes de cela. Mes yeux se posent sur l'une de ses lettres. Il m'explique tout. Cette religion, sa venue sur ce continent, tout. Je me lève et marche jusqu'à la fenêtre. Ai-je une seule raison de le croire ? A nouveau je change d'avis. Ai-je une seule raison de me fier aux autres ? Rien. J'aurai besoin de quelque chose de sûr à quoi me raccrocher alors que tout s'effondre.

Je respire du mieux possible. Je me calme. Tout ce que je dois faire, c'est protéger Bart. Pour cela, je dois me préserver moi-même. Je ne sais plus ce qu'il représente pour moi. Des centaines de lunes se sont écoulées depuis les temps heureux et nous ne nous sommes qu'entrevus depuis, mais il est à mes yeux la seule personne en qui je puis avoir entièrement confiance. Peu importe que lui doute de moi...

Avec un dernier soupire, je me glisse sous mes draps, seule. J'ai pris ma décision il y a deux jours, et depuis je ne dors plus. J'avale, comme à mon habitude cette infâme mixture que je paie à prix d'or. Si je ne le faisais pas, je mourrai certainement. Peut-être possède-t-on sur ces terres de mort un remède définitif à ma triste maladie, c'est là une question égoïste sur laquelle je n'ai pas le temps de me pencher.
Je me répète ma décision une dernière fois dans ma tête. Elle heurte les parois de mon crâne pour former ces quelques mots : peu importe à qui il faudra mentir, je le protègerai. Je digère ces quelques mots qui me font m'engager dans tant de changements. Tant de problèmes que je ne dors plus.