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Caporal | 28/01/11 18:03

Une fine bruine tombait du ciel gris dont les épais nuages cachaient totalement le soleil. La ziggourat se dressait, sombre et austère, au centre de la prairie couleur d'ébène. Cette même prairie que l'on disait maudite et dans laquelle, de mémoire d'homme, jamais une plante n'avait poussé. La terre, noire et pourtant argileuse, se changeait en une boue épaisse et compacte pour peu quelle soit arrosée. La pluie incessante des derniers jours avait donc rendu le terrain impraticable.

Pourtant, près de mille hommes se tenaient face à l'édifice. En armures, la main au glaive et les doigts serrés sur les sangles de leurs pavois, ils attendaient, la mine triste, tremblants sous cette bruine qui les trempait jusqu'aux os. Par moments quelques chuchotements faisaient échos aux grommellements et aux râles. Dans les rangs, les dieux en prenaient pour leur grade d'avoir rendu les circonstances si détestables.

Ils étaient la garnison Prima, créée quatre siècles auparavant dans l'unique but de monter la garde devant la ziggourat. Jadis un petit contingent étranger y avait pénétré pour combattre un nécromancien qui gagnait trop en puissance et menaçait la prospérité de plusieurs royaumes voisins. Nul n'était ressortit et les plus folles rumeurs étaient depuis devenues légendes. La plaine morte était la cicatrice du combat que le temple avait abrité, c'est en tout cas ce que les prophètes clamaient haut et fort depuis plusieurs générations, tout comme ils annonçaient la venu d'une sombre puissance née de la ziggourat.

Ni amie, ni ennemie, cette puissance était prophétisée comme indépendante et assez puissante pour raser des armées entières et faire sombrer des royaumes dans la tourmente. Les prophètes aiment l'exagération, mais ils tombent rarement en accord. Or cette prophétie faisait l'unanimité depuis plusieurs siècles et ne cessait de se faire plus précise. La date fatidique approchait à grands pas, se faisait imminente. Ces derniers temps, certains prophètes trouvaient la mort durant leurs divinations, ce qui avait poussé les puissants à réarmer la garnison Prima et à gonfler ses effectifs. Faute de s'assurer la main mise sur cette mystérieuse puissance, ils préféraient la détruire.

Petit à petit, sournoisement, un martellement se fit entendre. Provenant de partout et de nulle part à la fois, il commença à emplir l'atmosphère, à prendre de la puissance. Tout d'abord aussi discret qu'un murmure, il se fit de plus en plus audible au fil des secondes, régulier dans son rythme comme dans son amplification. Tous purent rapidement l'entendre. Les regards des membres de la garnison se posèrent alors sur la ziggourat, source apparente du phénomène. Les doigts se crispèrent sur les sangles des boucliers et quelques glaives furent tirés au clair. Le silence reprit sa place, la bruine elle-même n'osait plus tomber.

Et la porte de la ziggourat, solidement murée quatre siècles plus tôt, explosa dans un vacarme tonitruant, projetant ses débris sur les soldats massés en contrebas.

(1/3)

Edité par Caporal le 28/01/11 à 18:04

Larme De Fée | 28/01/11 18:17

Mais...mais...ça sort de partout! On ne saura bientôt plus où aller se planquer!:'(

(Excellent, sinon!:))

Larme

Miltiade | 29/01/11 15:21

Vivement la 2ème partie :D

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Ayez pitié de mon ennemi, car je n'en ai aucune !

Edité par Miltiade le 29/01/11 à 15:22

Kärel | 29/01/11 18:42

Tué par des débris de portes, ça doit être vachement prestigieux une fois inscrit sur la pierre tombale :o

[HRP : bonne continuation :) ]

Cordialement,

Haut Conseil de la Deuxième Mère.

Caporal | 30/01/11 17:00

L'entrée de la ziggourat baignait encore dans un nuage de poussière lorsqu'une silhouette en émergea. C'était un homme, de taille visiblement commune. Il était enchâssé dans une lourde armure de plate sombre de laquelle pendait par endroit quelque cotte de maille. Un heaume orné de deux cornes de bélier cachait son visage et depuis ses épaules pendait une lourde cape de fourrure grise. Simple dans sa décoration et clairement ancienne, l'armure n'en était pas moins coûteuse et bien entretenue. Un imposant écu noir orné d'une tête de loup grise pendait au bras gauche de l'inconnu.

Arrivé au bord du troisième degré de la ziggourat, la silhouette s'arrêta et observa durant quelques minutes la garnison postée en contrebas. Minutes qui parurent des heures aux soldats. Il prit finalement la parole, d'une voix rauque et graveleuse.

« Mon nom est Caporal, je suis l'actuel commandant de la Milice. Nos intentions ne sont pas belliqueuses. Toutefois, vous êtes en travers de notre chemin, et quiconque nous fait obstacle le paie de sa vie. Vous êtes nombreux, mais vous n'avez aucune chance. Ecartez-vous et il n'y aura aucun heurt.

Les soldats se jetèrent des regards surpris. Leur commandement fit rapidement passer l'ordre de se tenir prêts à charger. Il ne fallait pas laisser les soldats trop réfléchir dans ces moments, ils auraient pu songer à sauver leurs peaux. La voix de Caporal retentit de nouveau.

« C'est aux soldats que je m'adresse. C'est vous qui portez les armes, pas ceux qui vous commandent. Si vous refusez le combat, ils ne pourront vous forcer à nous affronter.

Un vent d'indécision balaya la garnison, le commandement réagit promptement en termes d'honneur, de devoir, mais surtout en menaçant de faire exécuter tous ceux qui fuiraient le combat. Ce dernier argument fut le plus convaincant.

Caporal détacha de sa ceinture une masse d'arme hérissée d'épaisses pointes et en pointa l'état-major de la garnison, posté au loin. Le commandant, son second, le musicien, et une garde de six vétérans, tous à cheval.

« Vous envoyez vos hommes à la mort en toute conscience. Mais ce souvenir ne vous harcèlera pas longtemps. Avant même la fin de cette bataille, ils vous auront démembrés.

Sur ces mots il entama la descente de la ziggourat, le bruit de martellement reprit et son origine apparu dans l'encadrement de la porte. Deux colonnes de guerriers en sortaient, marchants au pas, tous portants des armures et écus semblables à ceux de Caporal. Seules les différenciaient leurs épées bâtardes. La troupe ne comptait qu'une cinquantaine de guerriers, ce qui fit sourire le commandement de la garnison et quelques soldats. Sourires qui s'effacèrent lorsque les guerriers en question, après avoir dépassé Caporal dans l'escalier de la ziggourat, attinrent le seuil de l'édifice et adoptèrent une formation en pointe de lance quasi parfaite, sans pour autant qu'aucun ordre n'ai été émis, ni aucun regard échangé. C'était là des vétérans de plusieurs guerres, à n'en pas douter. Epées au clair et écus fermement tenus devant eux, ils étaient prêts à semer là mort dans les rangs ennemis. Caporal pénétra enfin dans la formation et pris place en son centre exact. La masse sombre de guerriers, aussi restreints que soient ses effectifs, semblait inébranlable.

Le cor de la garnison retentit et une nuée de flèches s'éleva des dernières lignes. Les guerriers de la Milice levèrent leurs écus au ciel comme un seul homme, se protégeant mutuellement des projectiles. Six vagues de flèches se brisèrent sur les boucliers noirs, sans faire de victime. Le cor retentit à nouveau, par deux fois. Dans les cris et la précipitation des soldats de la garnison, l'assaut débuta.

Les premières lignes se brisèrent violemment sur la formation de la Milice qui ne céda pas un pouce de terrain. Alors que la garnison aurait du littéralement noyer l'ennemi sous le nombre, elle semblait au contraire subir son propre assaut, les premières lignes disparaissant sous l'avancée des suivantes. L'état-major décida rapidement de se rapprocher pour observer le combat et comprendre pourquoi cette Milice semblait si bien résister. Arrivés à faible distance, ils purent voir leurs soldats se faire littéralement moissonner par les lames des guerriers. Collés les uns aux autres, ceux-là offraient une défense impénétrable et faisaient danser leurs épées sans jamais se gêner. Ils se protégeaient les uns les autres, se jouant du faible angle de vision que leurs heaumes semblaient leur offrir. Il suffisait que l'un d'eux voit un soldat devenir menaçant pour qu'un autre guerrier le pourfende, parfois sans même poser son regard sur lui. Par moments la ligne de défense s'ouvrait, laissant pénétrer au sein de la formation une groupe conséquent de soldats, Caporal et les autres guerriers situés à l'intérieur du fer de lance s'occupaient alors de les occire rapidement pour accueillir les suivants. Les morts de la garnison étaient ensuite rejetés à l'extérieur de la formation, handicapant les soldats et créant un rempart de chair entre la Milice et la garnison.

Au sein de l'état-major, on tombait des nues.
« Une telle coordination... Je n'ai jamais vu ça. Ils se batte comme un seul homme.
- Justement, c'est trop. Un contingent n'aurait pas assez d'un siècle de combat pour se forger une telle cohésion. Il y a forcément une magie là-dessous.
- Commandant, si vous me permettez, nous livrons bataille sur seulement deux de leurs flancs, et justement ceux qu'ils nous ont eux-mêmes donné. Peut-être devriez-vous tenter de les prendre à revers, tant qu'on a assez d'hommes pour le faire.
- Bien vu capitaine. Musicien, sonnez l'ordre.

Le cor retentit à nouveau, des cris se firent entendre au sein de la garnison. Les sergents ont toujours du mal à se faire obéir des soldats lorsqu'ils commencent à fuir le combat. Toutefois, la garnison commença à déborder la formation de la Milice pour la prendre à revers, la forçant à former un dernier carré.

C'est alors que les morts reprirent vie.

(2/3)

Kärel | 30/01/11 21:26

"C'est de la folie.... - De la folie ? Nous sommes la Miliiiiiiice !!!"

[HRP : Excusez-moi :D très captivant, vivement la suite !]

Edité par Kärel le 30/01/11 à 21:26

Caporal | 05/02/11 13:09

Les dernières lignes de la garnison commençaient à s'entre-tuer. Les soldats mirent un certain temps à comprendre que les cadavres de leurs frères d'arme avaient été ramenés à la vie et gardés en retrait de leur propre formation pour les prendre en traître. La panique s'empara de ces hommes qui n'avaient visiblement jamais affronté telle magie. Beaucoup cherchèrent à fuir le champ de bataille, mais les goules les pourchassaient. L'état-major avait beau beugler des ordres et le musicien s'époumoner sur son cor, rien n'y faisait, la débâcle était totale et les soldats ne cherchaient même plus à se défendre. Ils courraient en tous sens tels des animaux apeurés.

Certains se jetèrent sur l'état-major, tentant de désarçonner les cavaliers pour voler leurs montures et fuir plus rapidement. La rixe qui en suivit permit à un groupe de goules de les rejoindre pour tailler tout le groupe en pièces, les vétérans et les commandants n'offrirent finalement pas beaucoup plus de résistances que les premiers trouffions, ceux-là même qui s'étaient vu jetés sur les boucliers miliciens.

Pris en étau entre la Milice et le groupe de goule, les quelques soldats restants jetèrent leurs armes et s'agenouillèrent, la tête basse, implorant la clémence de leurs adversaires. Mais il n'y eu ni clémence, ni pitié. Tous furent sommairement achevés. Le calme et le silence retomba sur la plaine. Tout comme les goules qui semblèrent mourir une seconde fois.

Soudainement inanimés, elles retombèrent au sol, mêlant leurs corps aux cadavres des soldats de la garnison. Seules deux restèrent debout, elles tenaient fermement le musicien de la garnison et l'amenèrent à Caporal, autour de qui les guerriers de la Milice restaient massés, silencieux.

Arrivées au groupe, elles confirent le prisonnier à un guerrier qui le fit s'agenouiller devant Caporal, ses deux gantelets posés sur ses épaules, le privant de tout espoir de fuite. Le silence de la scène ne fut troublé que par le bruit sourd des deux goules s'écroulant à leur tour. Le musicien, âgé de seize ans tout au plus, n'osait lever les yeux sur Caporal, qui ne prit la parole qu'au bout d'une interminable minute :

« Musicien. Dis-nous, depuis quand cette porte était-elle murée ?

Le jeune homme, tremblant de tous ses membres, ne réussit à articuler qu'après plusieurs tentatives.

- Au... Au moins quatre siècles... Monsieur.

- Pourquoi l'avoir murée ?

- Elle est maudite. Je... Je crois qu'on voulait s'assurer que rien de maléfique n'en sortirait...

- Quitte à y emmuré ceux qui étaient venus vous libérer de votre oppresseur.

- Mes excuses, mais je ne sais pas de quoi vous parlez.

- Il est vrai que tu n'as pas connu ces temps. »

Un lourd silence s'imposa, mettant encore plus mal à l'aise le jeune prisonnier. Des cinquante guerriers en lourde armure autour de lui, aucun son, aucun bruit ne se faisait entendre. Pas même leurs souffles. Ils étaient immobiles, tous les regards étant braqués sur le musicien. Caporal rompit une fois de plus le silence :

« Nous te laissons la vie. Tu n'es qu'un gamin, et nous avons besoin de toi. Tu vas t'en repartir auprès des tiens, mais sur ton chemin, à tous ceux que tu croiseras, tu diras que la Milice est de retour.

Tu leur diras que nous ne vous voulons aucun mal, pas plus que nous ne venons piller vos récoltes, ou violer vos femmes. Tu leur diras que l'histoire ne se répète pas forcément. Tu leur diras que nous avons juste une voie à suivre, et quiconque cherchera à nous faire obstacle subira le sort qu'à subit ta garnison. Et alors tu leurs diras ce que tu as vu ici, ce qu'il s'est passé. Tu leur diras comment la Milice éradique ses ennemis.

Ceux qui se souviennent de nous te diront que ce n'est pas la Milice. Alors tu leur tiendras tête, tu leur parleras du loup, notre symbole, tu leur parleras de notre cohésion, tu leur rappelleras mon nom et tu leur diras que c'est moi qui commande la Milice désormais. Puis tu leur diras qu'en quatre siècles, beaucoup de choses changent.

Mais dis leur bien les risques qu'ils encourent s'ils cherchent à nous barrer la route. Car nous ne connaissons nulle pitié et ne faisons pas de prisonniers. As-tu bien compris ?

- O...Oui, mais, les royaumes alliés... Vous n'irez pas loin. Ils vont lever une armée contre vous. Ici c'était une simple garnison, il n'y avait pas grand monde. Mais les armées qu'ils ont levées pour les dernières guerres comptaient cent fois plus d'hommes. Quelle que soit votre magie vous ne pourrez venir à bout de toutes leurs légions. Vous serez noyés sous le nombre. Vous allez...

Le guerrier qui retenait le prisonnier le saisit par les cheveux et lui releva violemment la tête, le forçant à regarder Caporal. Celui-ci retira son heaume, laissant apparaître un visage maigre, aux traits tirés, ne teint pâle et les yeux sombre, de lourdes cernes se dessinaient sous ses orbites. Ses cheveux, gris étaient coupés courts, à la manière qu'on certaines armées. Malgré tous ces signes de vieillesse, son visage était celui d'un homme jeune, tout juste trentenaire.

- Gamin, nous nous foutons de ce que tes « royaumes alliés » mettront sur notre route, nous le détruirons. Tu as devant toi les cinquante derniers membres de la Milice, mais au-delà de ça, nous sommes innombrables. Je suis innombrable. Maintenant, vas. Avant que nous ne décidions qu'un messager est inutile.

Le musicien fut violemment jeté hors du groupe par le guerrier qui le retenait et prit aussitôt ses jambes à son cou, tandis que derrière lui Caporal remettait son heaume et que la Milice changeait de formation en silence, se préparant pour une longue marche forcée.

(3/3)

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