Forum - [vers Certadhil] Mises en garde.

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Duc De L'uto | 11/12/10 15:41

L'horizon s'étendait enfin devant eux. Pendant longtemps, le Duc avait dû supporter la vue de ce port sale s'éloignant lentement, trop lentement... Désormais, alors que la nuit était totale, il ne voyait rien. Rien que l'océan et leur bateau, quelque part sur l'eau. Des hommes s'affairaient partout à tirer sur des cordes, à sortir les rames, à calculer des trajectoires et des forces venteuses. Au milieu de cette frénétique activité, les huit nains de la Garde Noire semblaient perdus. Ils n'étaient déjà pas très agiles sur terre, mais ce pont tanguant et glissant les rendait encore plus patauds. Néanmoins, les marins prenaient un soin tout particulier à les contourner et à les ignorer.
« Emmène-les dans la cale et occupe-leur l'esprit. Je les veux clair et prêts une fois à terre. »
Derrière lui, Abkatäer acquiesça et prit congé.
Le Duc aimait la nuit, et il aimait la mer. Aussi se sentait-il bien, sur le pont de ce navire. Il se promena autour de l'écoutille centrale, observant le vol des oiseaux. Bientôt, ils seraient trop loin de la côte pour en voir encore.
« Oooh, pardon m'seigneur ! »
Le bateau avait fait une légère embardée sur bâbord et un marin lui était tombé dessus. Un jeune mousse, sans doute l'assistant d'un matelot plus âgé.
« Ce n'est rien. » Grinça le Duc en forçant un sourire.
Il tendit sa grosse main gantée de cuir et surpassée d'une plaque de fer noir. Le gamin l'attrapa et se releva maladroitement, le sol étant encore instable.
« Merci m'sieur ! »
Le Duc attrapa le mousse à la ceinture et, l'empoignant de toutes ses forces, le projeta à la mer. Ce ne fut pas chose facile, le bastingage ayant été conçu à hauteur d'homme. Mais la légèreté du garçon et une légère inclinaison due à une vague avait aidés à la tâche. Le bruit des matelots et des vagues cachèrent le cri aigu de la chute. Le Duc replaça plus confortablement son gant droit et se retourna. Un vieil homme portant une corde enroulée le regardait, abasourdi.
« Je peux vous aider ? »
L'homme d'équipage baissa la tête et partit.

Abkatäer réapparut sur le pont.
« Je t'ai dis de leur occuper l'esprit, pas de les laisser livrés à eux-mêmes dans une cale instable.
-J'ai lancé une partie de Tong. Ils en ont pour un moment. »
Le Duc sourit. Il ne passait pas assez de temps avec ses hommes. Abkataër, lui, les connaissait mieux que leur propre mère.
« Vous comptez vraiment rester sur Certadhil avec huit soldats ?
-Ce ne sont pas de simples soldats.
-Je sais. Je m'entraîne avec eux tous les jours.
-Je vois ça. »
Un hématome d'un bleu profond large comme un poing se dessinait sur l'épaule nue de l'humain. Abkataër rit doucement.
« J'ai un peu... Accentué l'entraînement de ce matin. Pour les préparer.
-Tu as bien fais. Et pour en revenir à ta question, je ne sais pas encore. Tâchons d'observer le plus possible, avant d'envoyer quelqu'un quérir des renforts. »
Hochement de tête affirmatif.
« Vous voulez que je fasse quelque chose de spéciale pendant le voyage ?
-Oui. Envoi un pigeon sur le continent. Aux gentils.
-Pardon ?
-A l'alliance, à ceux qui se disent du bien. Je ne sais pas, il doit bien y avoir une sorte de coalition contre ces Maudits, non ? Bref, qu'ils reçoivent la mise en garde suivante : Méfiez vous d'Iryanna Ariennal. Envois plusieurs pigeons, soyons sûr qu'au moins une personne reçoive ce message... »

Shadee | 11/12/10 15:47

Dans la cabine, les lanternes se balançaient au gré du roulis, le vent marin s'y engouffrait en soulevant les cartographies déroulées. Agacée, la capitaine posa brutalement un sextant sur celles-ci, puis elle pivota son fauteuil sur lui-même dont l'unique pied était soudé au plancher. Son brûle-gueule dégageait une odeur ambrée et sa fumée lui faisait plisser ses yeux sombres aussi brillants que des saphirs. Elle observa un instant Shadee accoudée à la rambarde du mince balcon arrière. Avant de la rejoindre, elle se servit une large rasade de rhum dans un gobelet en argent. Un sourire ironique courbait les lèvres de la femme d'autorité. Elle n'était pas mécontente pour une fois de naviguer comme il se doit de naviguer. Quand Shadee recevait des invités au bord du galion, elle prenait soin à ne rien influencer au voyage. Parfois, le vent soufflait un peu plus fort afin de lui abréger plus rapidement son mal de mer. Encore ce soir, les yeux rivés vers l'obscur horizon, la fille des éléments respirait généreusement dans l'espoir de chasser son malaise.

- Alors, ça ne passe pas?
Une bouffée de tabac vint caresser les narines de Shadee qui s'en trouva plus nauséeuse. Néanmoins, elle ne se plaignit pas et répondit à l'évidence.
- Non...
- Et bien ! Vous allez certainement rigoler quand on abordera les Côtes de Certadhil !

Le ton de la capitaine avait une pointe d'excitation qui n'échappa pas à Shadee. Elle tourna de moitié son attention vers la femme. Décidément, le monde de la mer sculptait des personnalités intrépides et dures. Shadee lisait la bravade sur ce visage volontaire, le fait d'affronter les éléments pour rejoindre le port de Keanor sans encombre relevait du défi. Ce dont elle ne se doutait pas c'est que Shadee interviendrait si elle jugeait ce duel trop dangereux, tant pis pour la discrétion de son don. Soudain, la voix sèche de la capitaine la tira de ses pensées. Shadee prit sur elle pour ne pas être désagréable bien qu'elle voudrait seulement qu'on lui fiche la paix. Cela, la capitaine le percevait facilement, et Shadee la savait assez insolente et intelligente pour ne pas plier à ses sauts d'humeur, même si c'était elle qui lui offrait navire et argent.

- Quelque chose me turlupine, connaissez-vous ce Duc? Et puis avec ce qu'on raconte sur lui... Vous êtes absolument différents, si je puis me permettre.
- Oui, à travers quelques rumeurs, il se montre aussi parfois très grossier dans ses manières et sous-estime la gent féminine. À part cela, j'ai lu des choses sur lui, je sais ce qu'il en est. Il veut venir sur Certadhil qu'il y aille. Il verra que sa simple curiosité ne sera pas de tout repos et qu'il sera obligé de prendre les armes s'il désire sauver sa peau.
La capitaine laissa flotter un long silence. Elle but une gorgée de rhum sans ciller, puis s'appuya dos au garde-corps afin de faire à peu près face à son interlocutrice. Ses prunelles noires se plantèrent dans celles de Shadee.
- Sa présence ne passera pas inaperçue et vous serez jugée pour l'avoir aidé.

Shadee se contenta de hausser les épaules. Elle allait lui répondre quand elle attrapa subitement la manche de la capitaine en pointant du doigt les flots mouvementés. L'obscurité était telle que le corps disparut dans ses ténèbres. Pourtant, l'oeil aiguisé de la louve de mer le capta aussitôt.
- Un homme à la mer !
- Taisez-vous !
Coite de surprise, la capitaine ferma son clapet en aspirant une longue bouffée de tabac. Shadee la brusqua dans la cabine !
- Prenez une corde ! Pressez-vous ! Nous allons le remonter !

Shadee était heureuse de cette providence malheureuse pour le matelot. Elle se relia donc complètement aux flots, quelque part en elle, elle sentit un cocon de sérénité qu'elle diffusa dans l'élément de l'eau. La mer devint rapidement calme. La pointe de panique fut facilement ciblée. Alors un courant se forma afin de pousser le corps du rescapé vers l'arrière du navire. La capitaine jeta la corde et hurla sur son matelot pour qu'il l'attrape et y grimpe. Elle parlait toujours de cette façon à ses marins qui ne trouvaient rien à redire ce qui ne cessait de surprendre la fille des éléments habituée à la douceur pour s'exprimer.
Quand l'homme trempé jusqu'aux os fut en sécurité dans la cabine, il reçut une violente taloche derrière le crâne. Shadee ne s'interposa pas, son autorité ne concernait pas l'équipage. La capitaine s'adressa vertement au moussaillon qui se frottait la nuque.
- Qu'est-ce qu'il t'a pris, abruti? Comment peux-tu valdinguer par-dessus bord avec une mer aussi calme?
- Ce n'est pas moi... Capitaine...
- Alors c'est un poulpe géant ptet ! Par ta faute, Dame Shadee s'est dévoilée !
- Excusez-moi, dame, mais ce n'est pas moi... non... c'est le monsieur...

Shadee retint un autre coup de la capitaine qui allait chauffer la joue du mousse. Il disait la vérité et elle se doutait très bien de quel monsieur, il voulait parler. Elle chuchota quelques choses à la capitaine qui fut tout de suite emportée par un éclat de rire bruyant. Avec extravagance, la louve de mer congédia le jeune garçon, elle enfila ensuite un manteau pourpre et regagna l'air libre en compagnie de la demi-elfe qu'elle trouvait pour une fois intéressante.

Quelques minutes plus tard, l'équipage rassemblé sur le pont supérieur se divisa en une allée improvisée afin de laisser un passage au Duc et à ses hommes. La Capitaine souriait jusqu'aux oreilles, elle regretta de ne pas avoir pris son brûle-gueule, cela valait bien un petit plaisir en plus de ce qui allait se dire. Shadee, quant à elle, fixa longuement le Duc sans exprimer de colère ou de joie. Lorsqu'il fut à son niveau, elle se permit de le guider à bâbord du pont. Une chaloupe et deux paires de rames y étaient préparées.

« J'espère que vous appréciez le voyage et qu'il ne vous a rien manqué. » Elle désigna d'un geste gracieux la chaloupe. « Voici votre nouvelle embarcation pour vous et vos hommes. Le chemin sera sans doute long jusqu'au port de Kaenor. » Sans lâcher le regard du Duc, Shadee interpella sa complice. « Capitaine, auriez-vous la gentillesse d'indiquer cette direction? » D'un signe vague de la main, cette dernière montra l'Ouest puis croisa ses bras. Shadee observa un instant les flots puis fixa de nouveau Uto. « Je vous avertis tout de même qu'il y a des créatures suspectes dans les eaux tempétueuses des côtes de Certadhil. Bon courage, cher Duc ! Oh, j'allais oublier de vous préciser que vous trouverez le Sire Balain là-bas, il vous donnera la carte de l'île si vous ne vous êtes pas noyés entre-temps... »

Ceci dit, elle offrit un sourire de convenance puis se détourna pour vaquer à d'autres occupations. La capitaine la rejoignit et lui demanda « On leur donne ni vivres ni gourdes d'eau? »
- Non, ce duc apprendra à respecter la vie en commençant par la sienne quand il remarquera qu'elle est finalement précieuse...

Duc De L'uto | 11/12/10 15:59

Abkatäer jeta un regard au Duc, levant un sourcil de questionnement. Le Duc leva une main, incitant ainsi ses nains à ranger leurs marteaux. Abkatäer conserva cependant sa rapière, la posant sur son épaule, bien en vue
« Je savais que c'était une mauvaise idée...
-Silence. »
Le Duc laissa sa garde sur le pont et se rapprocha de Shadee et de sa capitaine. Il s'arrêta à deux pas des deux femmes, les regarda un moment sans mot dire, puis parla.
« Vous aviez promis de m'emmener. Avec décision de me mettre à l'eau, vous allez rompre votre parole, compromettant ainsi votre honneur et votre réputation, prendre un risque inconsidéré en me traitant de cette façon et risquer de perdre une force non négligeable pour les forces du Bien et donc pour ce respect pour la vie que vous semblez prôner. Est-ce là ce que vous désirez ? »
Il se tourna ensuite face à l'équipage.
« Je suis le Duc de l'Uto, bande de sous-merdes ! Et tant que je suis votre passager, vous avez tous à craindre de ne pas finir ce voyage entier ! Acceptez-le et tâchez de vous tenir loin de moi. »
De nouveau face à Shadee, il garda son expression de sombre contrariété.
« Vous compterez huit combattants, derrière moi. Nous étions neuf en arrivant. Mettez-moi à l'eau, et le nain manquant mettra le feu à tout ce qu'il trouvera. Et j'aime à recruter de dangereux pyromanes dans mes rangs. »

Shadee | 11/12/10 16:07

Shadee laissa dériver son observation sur la garde du Duc tandis que celui-ci défendait son bon droit à être à bord. Un sourire serein assura l'expression confiante qui brillait déjà dans son regard quand elle lui répondit avec un calme déroutant. « Très cher, vous n'utilisez que la menace. Vous avez attenté à la vie d'un homme de l'équipage, c'est comme me poignarder dans le dos. Ainsi vous ne me respectez pas. Je vous préviens également en toute amitié, si mince soit-elle, que si vous utilisez le feu contre ma sécurité, puisque je suis dans ce navire, cet élément se retourna contre vous. »
La capitaine ne put s'empêcher de ricaner. Une de ses mains caressait la poignée de son sabre en prévision d'une lutte plus amusante, l'autre était posée de façon arrogante contre sa hanche. Shadee ne prit par garde à sa complice douée pour la provocation tout en continuant de s'adresser à Uto: « J'aimerais ajouter qu'il est malvenu que vous utilisiez le mot "bien" accolé à celui de combattant en ce qui vous concerne pour Certadhil. Seule l'idée armée suffit à vous résumer. Nous nous comprenons, je pense... À présent, je vous saurais gré de bien vouloir présenter vos sincères excuses ou bien prenez cette chaloupe que je mets généreusement à votre disposition justement pour honorer ma parole et vous donner les moyens de rejoindre l'île. »

Pas un bruit ne planait sur le bord, seul, le navire grinçait légèrement sous la délicate houle en signe de vie. La tension était palpable, les hommes étaient prêts à se battre s'il fallait au moindre signe de leur chef. Shadee le savait, aussi, elle regarda impérieusement la capitaine qui n'attendait que de s'exprimer au fil de son sabre. Celle-ci fit une légère moue quand il comprit l'ordre silencieux de Shadee.

Duc De L'uto | 14/12/10 23:49

Le Duc observa Shadee, puis la chaloupe, puis Shadee, comme si aucune des deux propositions ne présentait un avantage particulier. Il s'apprêta à lâcher une autre ignominie quand une voix s'éleva des hauteurs. La vigie, loin de tout, n'avait pas du entendre les échos de la dispute, et ne s'inquiéta pas de rompre le silence qui s'était abattu sur le pont.
« Les Lames-Rochers sont en vue ! Cap à l'Ouest, Certadhil n'est plus qu'à deux jours de rames ! »
Comme un éveil brutal, le Duc sembla réaliser que ce voyage n'importait pas. Seule importait sa destination, l'Île. Toutes ces fadaises, cette Shadee, ce mousse chanceux... N'étaient rien en prévision de ce qui allait les attendre sur le continent.
Après un moment d'immobilité et de silence, le Duc hocha sombrement la tête.
« Je m'excuse. »
Il leva la main, et tous les nains derrière-lui se détendirent légèrement. Abkatäer reposa sa rapière pointe sur les planches et s'appuya à deux mains dessus, faisant bouger sa tête pour détendre les muscles de sa nuque, sans doute tirés par la tension.
« Shadee, ne faites rien à Ghött. C'est un pyromane de la pire espèce, un malade banni de plusieurs contrées, mais il est sous mon contrôle. Je le rappellerais aux bonnes manières pendant la durée restante de la traversée. »
Il jeta un regard empli de haine à l'intention de l'équipage proche, puis se dirigea vers sa cabine.

Edité par Duc De L'uto le 15/12/10 à 00:33

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