Forum - [Certadhil III] Mélancolie
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Reinmar | 05/11/10 16:59
L'amoncellement de bruits divers (composés d'un crac, d'un cri, d'un second cri, d'un rire nerveux, d'un chvrouf, d'un vlam suivis de multiples petits vlams, de cris de colère et de soulagement) correspondit avec un léger décalage dans le temps à l'amoncellement de caisses qui avait failli mettre un terme prématuré à l'entreprise de Reinmar. Dans la nervosité des préparatifs, les ingénieurs avaient dû confondre leur travail habituel de sabotage et le travail exceptionnel de déménagement massif de ses troupes et de grutage du matériel. Mais était-ce simplement le résultat du fait que Reinmar avait un entourage de bras cassés, ou cet accident était-il dû à une quelconque malveillance ?
Depuis l'appel de ce lambeau de prophète, Reinmar n'avait finalement pas trop suivi les diverses rumeurs, les appels au combat, ou les évènements sinistres qui s'étaient déclarés sur Daifen. Ce n'était que récemment qu'il avait décidé de prendre une part plus active, et de ne pas oublier son voeu de croisade.
Le vieux nain regarda avec amertume les débris des caisses qui, dans leur chute synthétique, avaient mélangé hardiment hydromel, estampes elfiques et parchemins. Une partie de sa bibliothèque venait de prendre à tout jamais une odeur vinaigrée. Enfin, si l'on pouvait vraiment garder ses parchemins dont l'encre s'enfuyait pour gorger la terre d'hydromel alternativement bleuté, noireté et rougi. Hélas pour les néologismes...
Voeu de croisade contre le Mal ? Reinmar savait cependant que ce n'était qu'un prétexte. Sa croisade était celle contre la mélancolie qui ne le quittait pas. À quoi avait donc servi sa vie sur Daifen ? De qui avait-il connu l'amour sincère ? Ses seuls trésors réels en ce monde avaient été deux filles, une adoptive qui était partie au loin, et une autre, dont il avait perdu la trace. Retrouverait-il sur Certadhil sa Flamenca, la fille de sa chair ? Ou n'y trouverait-il que la mort ou l'Ennui ?
Comme l'entreprise certadhilienne risquait d'être longue, on avait dû prévoir pour les longues lunes d'hiver des quantités astronomiques d'hydromel, de parchemins usés ou de matériel neuf pour l'oeuvre poétique que Reinmar créerait peut-être. On avait dû embaucher en masse de la compagnie féminine pour entretenir la ferveur des soldats nains.
L'acier nain allait à nouveau couler au pied du château de Reinmar. Comment l'appellerait-il ? La Glanzburg, voilà qui ne sonnait pas trop mal. Reinmar devait encore regarder un peu attentivement sa carte pour savoir où il comptait débarquer et lancer rapidement la construction de sa citadelle. Cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas entraîné de soldats nains que cela lui donnerait une nouvelle jeunesse que de commander à des frères de race, et pas à des races étrangères...
Du haut de son donjon de la Hagenauer Wartburg, contemplant l'océan, là où sous peu allait voguer la flotte du Minnesänger, Reinmar eut une vision qui ne pouvait être due à l'alcool, ou à la folie, comme il aurait pu le croire en d'autres cas. Deviendrait-il un prophète avec l'âge ? Ou était-ce une vision logique, évidente et terrible ?
Il vit la souffrance, la grande mort, et la dévastation sans nom. Il crut voir des armées alliées s'entretuer sans raison. Il entendit des cris démoniaques et vit des ombres inconnues s'élever puis s'abattre.
Toute cette vision lui apparaissait à l'horizon, dans ces nuages au crépuscule, bien loin des terres de la Wartburg. Il ferma les yeux, et, pour se rassurer, murmura ces vers nouveaux
"Nous verrons bien d'espoir ou bien de la rancoeur
Au terme du combat, qui sortira vainqueur"
