Forum - [Certadhil III] La cohorte Delta
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Kei Kishimoto | 31/10/10 11:40
Constance lève le bras bien au-dessus de sa tête et le laisse redescendre en visant attentivement la lame rougie qu'elle tient avec une énorme pince de l'autre main. Au contact du marteau, des étincelles jaillissent de part et d'autre de l'enclume mais elle ne s'en aperçoit pas et continue à cogner méthodiquement. Dans son dos, son apprenti actionne l'énorme soufflet pour entretenir le feu qui flambe dans la grande cheminée. De la vapeur stagne au ras des poutres, noyant l'intérieur de la forge d'une humidité qui colle à la peau. Essoufflée, Constance cesse de frapper la lame, prend un seau et verse de l'eau sur le métal rougeoyant. De la vapeur d'eau s'évapore aussitôt en sifflant. La jeune femme observe son travail puis d'un air satisfait saisit le long poignard qu'elle est en train de fabriquer et le plonge dans le feu. Du bruit dans la ruelle lui fait lever la tête : trois passants se sont arrêtés devant la forge et la contemple en discutant à voix basse. Constance a l'habitude : ce n'est pas courant de voir une femme maréchal ferrant en action, d'autant plus qu'elle a chaud, que sa chemise lui colle à la peau et ne dissimule sans doute pas grand-chose de ses formes... Elle sent la sueur couler le long de sa colonne vertébrale, dans son cou et ses cheveux roux attachés par un ruban vert pendent dans son dos. Son pantalon de cuir renforce cette impression de chaleur et elle n'a qu'une hâte, c'est de s'en extraire pour se plonger dans un bon bain chaud avec un parchemin à lire à la lueur de sa chandelle, mais ça, ce sera pour plus tard, là il faut absolument qu'elle finisse cette commande pour ce soir. Elle jette un coup d'oeil au sablier : c'est bon ! D'un geste sûr, elle retire la lame rougeoyante et après l'avoir de nouveau posée sur l'enclume, elle se remet à la marteler avec vigueur.
Ça fait de longues années que la Rousse comme on la surnomme, tient la forge d'Aerendir, et personne ne s'en offusque. A la mort de son père, la jeune femme, fille unique, n'a pas hésité une seule seconde : elle avait vécu toute son enfance à courir dans les ruelles de la Cité, elle en connaissait tous les membres, elle s'y sentait bien, il n'était donc pas question de partir étudier dans la Cité mère ou de s'enrôler comme mercenaire en partance pour les combats sauvages qui animent les continents aux alentours. Non, pas question. Elle a fait ce que lui dictait son coeur, elle a repris la forge familiale d'une main de fer, à l'étonnement mais aussi au soulagement des habitants qui voyaient ainsi d'un bon oeil se perpétrer la tradition. Et puis, une cité comme Aerendir sans forge, ne serait pas une Cité, n'est-ce pas ?
Constance souffle : c'est terminé, il ne lui reste plus qu'à passer à la ciselure et à l'ornement des deux poignards à la lame torsadée que lui a commandés Dame Keï. Elle tend le marteau au petit Jeannot, son apprenti, saisit son ouvrage et se dirige vers la table du fond où le garçon a allumé un chandelier à six bougies pour que sa patronne puisse bien voir ce qu'elle fait. Une fois installée, le monde perd sa consistance et elle se plonge dans ce qu'elle préfère : la ciselure.. Avec des gestes d'orfèvre, elle se met à décorer le manche de chaque poignard, leur donnant une apparence unique au monde... Le temps passe. Lorsqu'elle a terminé, le jour est tombé sur la Cité. Dame Keï peut maintenant passer, le travail est fini, et bien fini : deux longs couteaux à la lame finement torsadée l'attendent dans leur étui en cuir repoussé. Constance espère que ces armes lui apporteront la réputation après laquelle elle court depuis un moment. Elle se lève, appelle Jeannot et lui donne toutes les recommandations qu'il faut pour récupérer la somme exacte et délivrer la facture si la Vagabonde passe ce soir, puis elle dénoue son lourd tablier, détache ses cheveux roux qui tombent en cascade sur ses épaules et d'une démarche pleine de lassitude, grimpe dans son petit appartement juste au-dessus de la forge. Demain sera une journée tout aussi fatigante qu'aujourd'hui : le seigneur Vormonta lui amène ses étalons de guerre à ferrer et Dame Linaewen doit passer la voir pour lui commander deux dagues. Mais à chaque jour suffit sa peine et Constance n'a plus qu'une hâte, se retrouver chez elle, bien au chaud dans sa chambre et ne plus penser au travail. Elle n'ira pas boire une pinte à la taverne ce soir, elle se sent trop fatiguée.
Comme c'est agréable ! Dehors la nuit est complètement tombée et une obscurité sinistre a envahi les rues de la Cité. Mais dans la petite chambre règne une atmosphère chaude et confortable. Constance a rempli la baignoire avec de l'eau très chaude : un système astucieux de tuyaux fait circuler l'eau dans la paroi derrière la cheminée de la forge et la délivre à température idéale à l'étage supérieur, ce qui constitue un luxe inappréciable dans la Cité ! La jeune femme se prélasse dans son bain sans penser à rien. Son esprit vagabonde, elle écoute les bruits ténus de la rue sans les entendre, elle baigne dans une lassitude bienfaitrice. Soudain un sifflement nait brusquement dans ses oreilles. Elle se redresse, brusquement inquiète..
- Non, se dit-elle, pas ce soir, pas maintenant ....
Pourtant elle sait qu'elle ne va pas pouvoir résister à l'Appel...
Kei Kishimoto | 31/10/10 11:42
Elle se lève brusquement, les deux mains plaquées sur ses oreilles. De l'eau jaillit de la baignoire et arrose le plancher de bois tout autour mais elle ne voit déjà plus rien : le sifflement s'intensifie et occulte toutes ses pensées. Son corps est déjà en train de se transformer : sa peau s'assombrit, ses muscles s'épaississent et sa silhouette devient plus svelte, plus élancée. En quelques secondes l'atmosphère de la petite chambre au-dessus de la forge devient aussi brûlante que dans la cheminée où se consument les dernières bûches de la journée puis tout revient à la normale. Constance a laissé place à un être bien plus fort, une femme à la silhouette longiligne et élancée, à la peau mate et au regard acéré. Ses cheveux roux ont pris une teinte carrément rouge et lorsqu'un mince sourire éclaire son visage, deux canines effilées apparaissent brièvement dans le reflet du miroir qui lui fait face. Avec des gestes précis, elle enfile un pantalon de cuir noir, une paire de bottes de la même couleur, ajuste sur sa poitrine un maillot également noir qui comprime difficilement les muscles de ses bras, elle attache ses cheveux dans son dos et fixe deux longs poignards à ses avant-bras. Elle se déplace dans la pièce avec parcimonie, chacun de ses gestes est précis, tranchant comme la lame d'un rasoir. Elle jette un dernier regard au miroir et deux lueurs rouges s'allument dans ses yeux étrécis. Jugeant qu'elle est fin prête, elle sort, referme soigneusement la porte et se glisse dans la nuit.
Le contact se fait très vite : alors qu'elle court vers son objectif, elle sent tout autour d'elle ses congénères qui se connectent à son esprit. En quelques secondes, elle intègre sa meute et se relie aux quatorze autres avec lesquels elle forme la cohorte Delta. Ses foulées s'allongent progressivement, elle court les bras collés le long du corps sans pratiquement respirer. Aerendir est déjà loin derrière elle lorsque l'objectif se dessine dans la nuit : les murailles de la Cité apparaissent déjà entre deux nuages. Elle sait qu'ils sont pratiquement invisibles des sentinelles, leur déplacement se fait dans un nuage de noirceur qui les dissimulent parfaitement. Arrivées au pied des murs, les ombres s'arrêtent. Avec une parfaite coordination, des grappins sont lancés et aussitôt Constance grimpe en direction des créneaux. Elle jaillit en tête, s'aplatit sur le chemin de ronde et attend le signal. Puis tout s'enchaine : elle se jette sur le premier garde qui passe à portée de ses crocs : l'homme, assez petit mais trapu, n'a pas le temps d'esquisse le moindre geste de défense ! Deux crocs effilés se plantent dans sa gorge tandis qu'une masse sombre se colle à lui dans une étreinte mortelle. Son sang gicle et en quelques instants la vampire sent une énergie nouvelle se répandre en elle tandis que les fluides du pauvre homme l'inondent. Le cadavre touche à peine les pierres rondes et lisses du chemin de garde que Constance a déjà filé. Elle fait irruption dans la salle de garde avec deux congénères : le massacre est total, le sang jaillit, des membres sont arrachés tandis qu'une tête vole dans les airs, les cris de souffrance montent dans l'obscurité, la mort est au rendez-vous. Les vampires n'ont plus besoin de se nourrir, ils sont gorgés de sang, plein d'une vitalité extraordinaire qui décuple leurs réflexes et leur vitesse d'exécution. La Cité passe très vite aux mains de la cohorte Delta. Le sablier n'a pas le temps de se vider trois fois que tout est joué : les femmes, les enfants, les hommes sont tous exterminés sans exception. Il faut maintenant passer au nettoyage : les corps mutilés sont rapidement rassemblés et tout est prêt lorsque le Messager arrive. Il entre dans la cour principale sur le dos d'un étalon noir comme la nuit. Sans dire un mot, il passe devant les ombres qui sont toutes immobiles, figées par la puissance démoniaque qui jaillit du Messager et inonde leurs esprits, et va s'immobiliser en face du tas de victimes. Le silence retombe brutalement sur la place. Comme un robot, la Rousse fait quelques pas qui l'amènent devant les naseaux du cheval du Messager. Elle s'incline avec déférence et dit d'une voix grave :
- Seigneur Messager, c'est terminé, le travail est fait. Quels sont vos ordres ?
Le Messager reste silencieux puis il répond d'une voix douce mais redoutable :
- Vous avez fait le décompte des races ?
- Oui Monseigneur...
- Parfait. Alors maintenant disparaissez jusqu'au prochain appel, reprenez votre aspect normal. On se retrouve bientôt.
Constance s'incline de nouveau puis fait demi-tour et regagne son groupe. Dans un ordre parfait, la cohorte Delta disparait dans la nuit, chacun de ses membres regagnant la réalité qu'il s'est patiemment construit pour duper son entourage et s'intégrer dans la société sans éveiller le moindre soupçon. La forgeronne d'Aerendir est dans les premières à revenir dans ce monde qui lui est si cher.
Edité par Kei Kishimoto le 31/10/10 à 11:42
