Forum - Pic-des-Larmes, la cinquième damnation.
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Furya | 24/10/10 11:36
C'est étrange comme tout est calme à chaque fois...
Il y a toujours ce temps qui se fige, les feuilles qui frémissent et la faune qui disparaît. Les volets se ferment, les chandelles sont soufflées afin de supprimer les indices dans les chaumines. Les mères bercent les mioches qui hoquètent d'avoir trop pleuré, en même temps, elle prie pour que l'âme de leur époux soit sauvée. Il en sera toujours ainsi quand le prédateur approche. Mais c'est toujours trop tard, car il marche déjà sur son territoire...
A la manière d'un enfant, le roi guerrier cache son visage dans les jambes de sa Reine. Ses caresses sont exquises le long de sa nuque, il ne tremble plus quand ses doigts si experts s'attardent sur les estafilades qui zèbrent son dos. Ce moment est si privilégié qu'il en savoure chaque instant complétement ivre d'une joie qu'il ne peut expliquer. La Dame de la Source est trop douce avec lui alors qu'il n'a été qu'un vil égoïste. Cette pensée lacère son coeur qu'elle lui a laissé, et dans les ombres des cuisses, il sent la chaleur des larmes mouiller son visage maculé de sang. Il n'est pas assez digne pour qu'elle le veuille...
Lassée, elle se lève sans prendre garde à l'homme agenouillé à ses côtés. Il en souffre davantage car la honte le torture. Le roi déchu ne devrait pas avoir cet honneur pourtant dans sa générosité sans limite, elle le lui offre. A la faveur des lampadaires de la salle des bains, son torse est luisant de sueur entre les filets rougissants de vie qui ont eu l'indélicatesse de souiller la Maîtresse des Ombres. Entre la fine fente de ses yeux meurtris, il peut encore la voir et ses lèvres éclatées en tremblent de bonheur.
La chaîne se tire brusquement à son cou. Furya ne daigne pas se retourner pour que son esclave suive la marche à sa mesure. Le roi déchu laisse échapper une plainte lorsque son corps brisé force une tentative de mouvement. Il a essayé de le faire au même moment pour ne pas l'indisposer, mais ses muscles refusaient de répondre à sa volonté. Impassible, elle attend en fixant les vapeurs parfumées qui ondulent au-dessus d'une eau chaude parsemée de pétales noirs. Pour échapper à son regard, les servantes épargnées s'éclipsent plus furtivement que des spectres. Lorsque le roi guerrier d'Ombre-sur-Dune est enfin à ses côtés, elle lui sourit avec un charme qui le subjugue de ténèbres et c'est bien plus terrible que son air naturel dénué d'humanité. Mais rapidement, il chute dans des abysses de perditions quand elle le libère de son emprise. La note métallique s'attarde dans l'atmosphère ouateuse lorsque le lien tombe sur la pierre, puis le son léger de la robe est un froufroutement qui l'enchante de frustrations. Il baisse soudain la tête quand elle lui offre trop de sa sombre beauté. Il a bien appris...
Telle une naïade des vices, elle pénètre alors dans les ondes subtiles, se lovant dans les trames pour remonter le fil délicat d'une rencontre. Son esprit ondoie dans les brumes qui s'enroulent pudiquement autour d'elle. Elle les dégage avec douceur et flotte plus en avant pour glisser sur la bise. Elle perçoit enfin le Seigneur des Nuées dans sa sombre aura, elle s'approche un peu plus de façon délicate. Sa voix s'immisce dans les perceptions de Noir-feu d'une façon insaisissable mais tellement présente. Elle s'échappe et s'approche de façon malicieuse comme le ferait une galante qui s'épanche en confidence :
-Très cher, allons cueillir au vent le plaisir de quelques instants, des Monts Hurlants nous danserons tels les amants de la Mort qui scellera leur sort...
Les mots s'enroulent dans l'éther. A cette invitation occulte qui retentit comme le tonnerre, les princes ténébreux se lèvent lentement de leur trône maudit. Il suffit de quelques pas pour que se déploient leurs membranes obscures. Leurs traits humains se transforment en une gueule terrifiante percée par un feu ravageur entretenu par leurs prunelles infernales. Ils ont hâte d'offrir à un de leur frère une autre cité, une autre pierre pour la fondation de leur souveraine. Dans un fracas de tous les diables, dans chacune des cités déjà damnées, ils percent les enceintes d'âmes tourmentées qui hurlent leur règne à venir. Et de leur esprit connecté, ils montrent au premier Dragon Noir le chemin des réjouissances.
Aussitôt dans les contrées de l'est, un bourdonnement remplit l'air d'une menace létale. Un brouillard ténébreux avance à toute vitesse sur le Pic-des-Larmes. Les agglomérats vaporeux se détachent pour composer des silhouettes spectrales muées par un farouche commandement. Leurs gueules sont un trou béant de noirceur qui aspire les moindres bribes de vie. En moins de temps que la réalité ne le permet, elles forment déjà un anneau ténébreux autour de la cité. Les derniers fuyards pris dans leur filet se désagrègent comme fumée au vent. Maintenant, plus personne ne partira sans que la reine ne l'autorise...
La panique s'installe, le cor retentit dans les tréfonds de la cité naine, les galeries s'enflamment au rythme des boulets trempés dans la poix. Dehors sur les vertigineux et larges chemins de ronde, les catapultes sont aussi tendues que les hommes prêts au combat. Leurs haches attendent les ordres pour pourfendre des ennemis dont ils ne soupçonnent pas la consistance. Tout se fige, les nerfs sont malmenés et déjà certains mentales craquent tant l'attente est longue.
Le Pic-des-Larmes n'aura jamais été si bien baptisé. Cette cité montagneuse qui accroche les nuages pourra suinter de toutes les peines du monde pour les glacer éternellement.
La dernière baguette d'or est glissée avec précision dans ses cheveux préparés pour la visite. Elle sert l'ultime boucle de sa combinaison en écailles qui luit de lueurs malsaines. Il est temps d'honorer tout ce monde qui les attend. Et puis, elle déteste arriver en retard. Dans l'encadrement de la porte, un prince ténébreux patiente. Derrière elle, un hurlement déchire une gorge lorsqu'elle s'éloigne pour le rejoindre, il n'en fallait pas tant pour lui souhaiter bonne chance...
Noir-feu | 24/10/10 19:50
En un lieu ignoré de tous, ou presque, le Seigneur d'Obsidienne oeuvre, façonnant dans les feux les plus ardents la matérialisation de quelque dessein encore imperceptible. Il la sent approcher, la Sombre Reine, bien avant qu'elle ne soit en mesure de lui parler, rien ni personne ne peut atteindre cet endroit sans qu'il ne l'ait permis. Les protections sont bien au-delà de la matière, tissées de Néant elles prennent leur source dans les confins de Num, par-delà la Porte d'Ivoire. Il faudrait devenir Néant, pour les tromper, et cela même signerait la perte de qui s'y risquerait. Il achève l'étape cruciale de sa danse en quelques gestes à la rapidité effarante, plonge la matière enflammée dans une cuve remplie d'un liquide écarlate, puis la dépose avec précaution sur l'enclume de métal sombre qui jouxte la gueule vociférante des feux terrestres. Son oeil critique examine brièvement le résultat, puis ses lèvres se relèvent en un sourire d'obscure satisfaction. Enfin, il ouvre les portes de son esprit, laissant Furya y pénétrer légèrement. Sa réponse ébranle les trames à la manière d'un coup de tonnerre bien trop proche, entourant la Reine d'une toile de vibrations complexes qui se dissipe à peine perçue.
-Je perçois la Voie. En leur coeur même je viendrai, de leur plus grande source de fierté je jaillirai pour leur faire goûter l'amertume de leur folie, chère Reine.
Sans plus attendre, il plonge dans la gueule béante d'où sourd le sang de la terre, se mêlant aux flots de lave, obscure flamme qui parcourt la masse ignée à la vitesse d'un carreau d'arbalète.
Au plus profond de leur cité souterraine, les artisans nains s'affairent, équipant de lourdes plaques de mithril les derniers soldats, ouvrant pour une fois les portes de leurs entrepôts pleins à craquer. Au centre des forges, le Maître Forgeron donne à la volée quelques directives à ses aides, qui attisent le brasier de toutes leurs forces au moyen d'immenses soufflets de peau.
-Maître...pourrons-nous l'arrêter? Elle...elle a déjà pris quatre cités...
-Ha ha!!! Sois tranquille, mon jeune apprenti! Elle n'est pas née, celle qui franchira nos portes! Voilà longtemps que nous préparons tel jour, nos plus puissantes runes la repousseront, nos alliages les plus purs briseront l'avance des Ténèbres comme la digue rompt les vagues! Allons, hardi! Allons puiser dans le feu du monde quelques forces qui lui feront regretter son enfer!
Rassérénés par les paroles du sage, les jeunes nains manoeuvrent avec une ardeur renouvelée les lourds soufflets, les flammes s'élèvent, de plus en plus brûlantes, de plus en plus lumineuses, aveuglantes. Le Maître Forgeron entame une litanie dans sa langue rocailleuse, invoquant les esprits de la terre et du feu, les exhortant à se joindre à la bataille qui s'annonce.
Remontant à toute allure un large conduit magmatique, le Dragon Noir ressent cet appel, qui lui tire un rire grondant. Sa voix tonne au travers des feux, répondant au forgeron:
-Ta demande a été entendue, nous participerons à ce combat!
Le visage du Nain s'illumine de bonheur extatique, il tombe à genoux pour remercier les Forces de répondre à sa demande, remarque sans vraiment y prêter attention que le sol tremble légèrement. Quelques secondes de silence, tous les nains se joignent à leur maître en cette prière fervente, puis...
La forge explose dans un fracas apocalyptique, projetant des milliers de tisons brûlants dans la salle, au premier rang, le Maître forgeron s'enflamme comme une brindille, hurlant de terreur. Les projectiles incandescents percutent les nains, se fichant avec une indescriptible violence dans leurs chairs qui s'embrasent instantanément. Les rares qui sont épargnés par la pluie létale étouffent brutalement dans l'infernale chaleur, s'enflamment à leur tour dans un bref concert de cris de douleur terrorisée. L'atmosphère s'emplit d'une odeur de chair carbonisée, les fumées nauséabondes tourbillonnent en noires volutes écoeurantes autour de la sombre silhouette au regard de braise qui se tient sur les décombres de la forge anéantie. Un rire sismique s'échappe de la gueule bardée de crocs, une patte griffue du diamètre d'un tronc d'arbre balaye le sol gravé, y traçant de profonds sillons.
Le cercle de protection le plus puissant de la cité vient d'être rompu, et partout dans la cité naine, les guerriers se figent, sentant en leur coeur que l'espoir vient de s'éteindre...
Furya | 26/10/10 18:31
Les nuées sont percées par la fulgurance des dragons noirs à jaillir de leurs masses vaporeuses. La nuit s'est comme invitée avec cette venue impromptue, car de leurs ailes sombres, ils tirent le linceul ténébreux destiné à la cité qui agonise. D'ailleurs, pour l'occasion, la ville naine a revêtu une couleur rouge flamme qui n'est point l'apanage de l'orgueil à être si flamboyante, elle est juste désespérément fatale. En son sein, les ordres fusent et les cris désorganisés du combat jaillissent des gorges combattives. Les catapultes projettent des boulets incandescents vers les créatures de malheurs qui happent les formations militaires d'un coup de gueule. Parfois les guerriers nains ne ressemblent qu'à des escarbilles tombant des vertigineuses enceintes. Mais souvent, ce sont des corps encore gesticulants qui rejoignent les pics rocheux avides de les briser. Les pantins sont cassés et cela chagrine Furya de voir des jouets s'abîmer si bêtement.
En contre-bas, La Noire a les mains derrière le dos, la tête levée vers les cieux afin d'admirer le merveilleux carnage qui prend des allures de feux d'artifices. Elle glisse de quelques pas sur le côté pour éviter le boulet enflammé qui soulève des gerbes d'étincelles et de pierre. Un rictus tord ses lèvres quand la poussière retombe en fine pluie sur sa tenue impeccable. Puisque c'est ainsi qu'ils l'accueillent, le temps est donné pour gravir les centaines de marches flirtant avec le vide. Derrière elle, les Chuchoteurs grouillent en nébuleuses opaques tant ils sont excités par la tâche qu'ils vont devoir inspirer. Pourtant la folie s'est déjà invitée au coeur du Pic-des-Larmes qui en tremble de terreur. La Dame de la Source sent la terre frémir dans ses entrailles car les runes sont invoquées pour tenter de sauver ce qu'il reste. Cette sensation magique qui chatouille son échine lui donne envie de rire. Toute son hilarité s'exprime cependant par son geste mesuré à dégager une baguette d'or pour diriger une musique qui l'apaise. Puis soudain, tout implose ! La magie naine a été brisée par le Maître du Néant. Alors le temps s'arrête avec les battements d'espoir qui s'étouffent dans d'horribles désarrois.
A l'extérieur, l'engeance des démons se resserre derrière le sillage de leur Reine qui prend le temps qu'il lui plaît pour son avancée tout en fluidité. L'effort ne soulève pas sa poitrine par un essoufflement incongru, en revanche, le coeur des vivants cherchent à sortir des poitrails tant ils se sentent concernés par les tourments à venir. Malencontreusement, le cor est sonné une nouvelle fois après qu'un oeil inconscient ait remarqué cette silhouette si envoutante qui gravit tranquillement les escaliers menant aux majestueuses portes de la cité. Finalement, le héraut lâche son instrument et tombe à genoux pour tenter de sauver sa vie. A partir de maintenant, il doit juste se concentrer à figer son regard dans la pierre luisante du sang des siens. Telles ont été les instructions des gradés qui n'ont pas voulu leur dire ce qui c'était passé dans les autres cités. Alors comme lui, bon nombre de soldats se réfugient dans la sagesse d'une décision qui leur aurait parue insensée, ils se réconfortent en disant qu'ils obéissent aux ordres de dernier recours. Les plus téméraires abattent leurs compagnons qui ont ployés l'échine d'un coup de hache, rageurs de voir cette traitrise souillant le peuple nain, furieux d'avoir échoués comme les autres, puis ils finissent par se suicider plutôt que de vendre leur âme au diable. Mais aussitôt, les Chapardeurs apparaissent pour s'en repaître en volant leur entièreté, ils les déchirent pour mieux savourer ces âmes pleines d'idéaux avant que La Faucheuse ne viennent réclamer son lot de morts.
De ces arrangements, Furya s'en contrefiche bien que parfois, elle aime les regarder pour se distraire. Pour elle, l'Oeuvre n'est pas terminée et dans sa volonté silencieuse, les six princes ténébreux piquent vers elle pour ne redevenir que des hommes au physique puissant. Les deux dragons sans couronne se mettent à sa gauche et à sa droite. Leurs regards sont encore hantés par la pure sauvagerie qu'ils ont pu déchaîner. Un imperceptible sourire effleure les lèvres de la Noire quand elle se dit que les femmes pensent que leur beauté est à se damner.
Comme cela a sans doute été écrit, la porte de la cinquième cité s'ouvre et révèle peu à peu la fière silhouette de Noir-feu. Alors tous se ploient sous le respect que les deux êtres inspirent une fois réunis. Leurs deux auras s'étirent et s'entrechoquent tandis qu'ils se dévisagent longuement en percevant des trames connus d'eux seuls. Furya diminue la distance l'éloignant de lui et dans cette harmonie complice, Noir-feu, lui présente son bras afin de la guider vers la salle du trône du Pic-des-Larmes afin que La Marque soit apposée...
Edité par Furya le 26/10/10 à 18:35
