Forum - Tous les matins du Monde sont sans retour. [Pascal Quignard]
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Vormonta | 15/10/10 17:48
En quittant le Cercle, il descendit les marches de l'escalier une à une, il voulait que cela se passe rapidement. Devant les portes, une partie de la Garde de Pendel Haven effectuait une haie d'honneur pour son départ, il avait souvent été à leur tête lors des conquêtes, des hommes dotés d'un courage sans limite. Il les estimait énormément. Il s'arrêta pour rendre les Honneurs.
« Soldats de ma vieille Garde, je vous fais mes adieux. Depuis 200 lunes, je vous ai trouvés constamment sur le chemin de l'honneur et de la gloire. Dans ces derniers temps, comme dans ceux de notre prospérité, vous n'avez cessé d'être des modèles de bravoure et de fidélité. Avec des hommes tels que vous, notre cause n'est pas perdue. Vous mes amis, continuez de servir le Cercle des Initiés, son bonheur était mon unique pensée; il sera toujours l'objet de mes voeux. Adieu mes amis, je voudrais tous vous presser sur mon coeur; que j'embrasse au moins votre drapeau ! »
Après avoir serré dans ses bras le capitaine de la garde et embrassé le drapeau, il reprend.
« Adieu encore une fois, mes vieux compagnons ! Que ce dernier baiser passe dans vos coeurs ! »
Il monta dans son carrosse, puis prit la direction du port. Il embarqua à bord du trois mâts et resta seul à l'avant de ce dernier, tout près de la figure de proue, représentant les armoiries d'Erin. Le visage et les mains violacés par le vent glacial des premiers frimas de l'hiver, il regardait vers l'horizon sans poser les yeux sur un point fixe, hagard, il paraissait tourmenté sans l'être toutefois, un comportement que ses hommes n'avaient pas l'habitude de voir. A part le chant des goélands et des vagues qui claquaient sur le bois de la coque du vaisseau, le silence régnait en maître au sein de l'équipage. A bord de son navire, il avait emporté l'essentiel, juste l'essentiel. Ses effets personnels, deux trois parchemins, et une vieille bannière ternie et abîmée. Il tenait beaucoup à cette dernière, il l'avait à plusieurs reprises plantée sur les plus hauts sommets de Daifen, avec fierté, avec bravoure. Le temps semblait s'écouler à toute allure dans son esprit. Il repensait à toutes ces séances au Conseil, aux amis chers, partis depuis sous d'autres cieux, aux amis restés par obligation, aux amis tombés au champ d'Honneur, pour un lopin de terre, pour l'argent, pour la Gloire, par habitude. Personne n'osait le troubler, pensif il l'était souvent, mais son état semblait s'aggraver au fur à mesure que la frégate s'éloignait des rives et du port. La fièvre l'avait gagné, ses gestes mal assurés trahissaient une fébrilité inconnue de lui-même. Allait-il sombrer dans une folie douce, qui use l'esprit à petit feu, sans que la victime ne s'en aperçoive ? Aucune réponse à donner. Le silence, juste le silence comme solution face à la tristesse. Le rivage n'était désormais qu'un vague trait lointain, fils du ciel et de la mer, invisible, imperceptible. Les tourments intérieurs se lisaient à présent sur les lignes de son visage, cerné et blême. Il réussit à se maintenir debout en s'appuyant sur les manilles des voiles. Il trouva la force d'appeler Aurel.
« - Oui sire.
- Cap sur Aerendir, je trouverai le repos seulement sur cette île paradisiaque, auprès de Linaewen.
- Bien sire. »
Les ordres fusèrent de toute part, Vormonta s'installa sur le pont en observant la scène.
Edité par Vormonta le 15/10/10 à 18:00
