Forum - Musique, Maestro !
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Eigoel Nahb | 14/10/10 16:40
Il lui fallut quelques lunes de réflexion pour tenter ce qui allait être l'idée la plus stupide pour cerner le Don Noir. Ses tentatives de transformation n'avaient mené qu'à de nombreux maux de têtes et quelques irritations cutanées sous les arabesques bleues ornant son corps. Ce que ses semblables nommaient « les trames » lui parlaient de mieux en mieux. Bien qu'elle n'en ait pas encore comprit toutes les subtilités, elles lui envahirent l'âme, le corps. Ses sens s'affûtèrent. Daifen était plus bruyant, plus... vivant. Sa connaissance des éléments n'était rien comparée à ce qu'elle découvrait chaque jour. Le Coeur de la Terre battait, se gonflait, irriguait les fleuves de laves desquels elle s'étaient prise d'affection.
L'ex-humaine avait donné rendez-vous à un orchestre assez singulier. Les musiciens n'aspiraient qu'à leur art, s'enfermant des nuits entières dans de vieilles caves, arrachant de violentes valses à leurs crincrins, envoûtant les corps des danseurs venus les aduler jusqu'au levé du jour. Tous de noir vêtus, leurs fripes leur collant à la peau, les poignets étranglés de bracelets de forces bardés de pics métalliques ; le contour de leurs yeux ainsi que leurs lèvres étaient peintes en noir, le reste de leur visage disparaissant sous une épaisse couche blanche et grasse. Leur performance avait inspiré la nouvelle dragonne. Ce soir là, alors qu'elle les avait découvert, planqués sous la terre ; leur public était en transe. Les jeunes Daifenniens en sueur se démembraient, frappaient dans leurs mains et sur leurs camarades, se bousculaient, pleuraient, hurlaient avec leurs idoles. Si la musique pouvait avoir une telle influence sur tant d'égarés sans ambitions, pourquoi n'aurait-elle aucun impact sur elle ? En échange d'un bon paquet de pognon, la bande de troubadours avait accepté de la retrouver dans la clairière bordant son abri, à la tombée de la nuit, bien sûr...
...Ce qui ne les empêcha pas de se pointer avec deux heures de retard. « On accordait nos Armes » qu'ils avouèrent comme seule excuse. Eigoel eut bien envie d'accorder leurs tronches de puceaux.
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Lorsqu'enfin ils trouvèrent leur place, - Eh oui, ici l'herbe et trop molle, pis là la terre est trop humide - le groupe ébranla sans ménagement ses instruments. Plusieurs oiseaux de nuit désertèrent les arbres environnants. La Nahb agita les bras et les doigts pour se détendre. Ils l'avaient légèrement énervé. Ses pieds parallèles se mirent en phase avec le sol. Son énergie se concentra, son point d'équilibre se plaça tout naturellement entre ses jambes et s'enfonça... toujours plus profondément dans la glèbe. Le concert l'enveloppa aussi sûrement que sa concentration l'étreignait. Elle ferma les yeux. Les trames la transpercèrent, continuant leur route par delà les collines. Le Monde lui hurla aux oreilles. Un frisson l'envahit. Le vent se leva, voulant lui aussi profiter du spectacle, espiègle. Ses cheveux se soulevèrent sous sa volonté.
La guerrière rouvrit les yeux, ses prunelles passèrent du brun au noir d'obsidienne. Un sourire lui chaparda les lèvres. Un des jeunes fit une fausse note. Elle tourna sèchement le visage vers lui dans un grognement qu'elle ne sentit pas venir. Une intense sensation de liberté s'empara d'elle. La Dansa commença. Les bardes redoublèrent de violence dans leur art, excités par ce qui se déroulait sous leurs yeux.
Les cimes des feuillus s'agitèrent. Le ciel déjà noir ravala ses étoiles et devint lourd. La jeune femme se sentit pousser des ailes. Ses tatouages foncèrent, et se rejoignirent, pareille à des volutes d'encre se diluant dans l'eau. Son apparence s'altéra. Des tourbillons de fumée noire naquirent de son épiderme. Elle grandit. Dans un claquement sec, deux ailes veineuses, osseuses, et crochues à leurs extrémités s'étirèrent. Les écailles sculptèrent sa chair, durcirent ses traits, qui abandonnèrent toute trace humaine. A présent, la dragonne devait mesurer environs quarante-cinq pieds d'envergure, ailes tendues au dessus de ses faiseurs de notes. Le Noir de ses squames rivalisait avec les basaltes les plus sombres. Un observateur accompli remarquerait cependant quelques variantes reflétant d'anciens ornements céruléens.
Les pubères s'arrêtèrent de jouer, la bouche grande ouverte. L'un deux reprit ses esprits avant les autres et lança d'une voix changeante, le doigt pointé vers la dragonne :
« - C'est mortel !!!
Eigoel lui adressa un sourire malsain et gronda :
-Vous trouvez... ? »
De l'étonnement surexcité ils passèrent à la sueur froide. Dans un hurlement d'effroi, ils s'enfuirent dans bois. La Noire tenta bien de leur courir après, mais mal à l'aise dans ce nouveau corps, sa course n'engendra qu'un dandinement comique, déséquilibré par cette queue qui lui avait poussé en bas du dos. Ses ailes perturbèrent les vents. Elles remuèrent maladroitement, soulevant de la poussière au lieu de leur porteuse. L'écailleuse ne réussit qu'à bondir sur place et à déraciner un arbre. Les gamins étaient déjà loin. L'un d'eux y avait même laissé son luth...
Edité par Eigoel Nahb le 14/10/10 à 16:44
Noir-feu | 20/10/10 14:10


