Forum - Elle frappera trois fois...

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Furya | 06/10/10 20:41


- Elle arrive!

Le souverain repousse le lourd fauteuil en bois qui grince lugubrement contre le plancher. La lueur des multiples chandeliers tente de vaincre l'obscurité qui grignote des coins d'ombres. Le page se presse à barrer la porte, il regagne ensuite sa place aux côtés de son seigneur. Le vieil elfe ayant traversé les âges, reste silencieux. Ses yeux à la sagesse inépuisable se voilent étrangement. Sa main noueuse d'avoir trop dénouée les sombres intrigues se pose sur l'épaule du garçon à son service. Au fond de lui, il sait que le temps est échu, un cycle s'achève...

- Pars mon garçon, laisse-moi seul avec elle.
- Mais! Vous aurez besoin de nous!
Il regarde par-dessus son épaule pour s'assurer de la présence des sages, des combattants d'élite. Droits dans leur armures, l'expression de leurs visages glabres forgés dans la volonté ne laisse percer aucun doute sur leur talent aux maniements des armes et à la magie. Les autres ont les yeux fermés et leurs lèvres remuent en prières silencieuses.

- Partez tous! Débarrez cette porte! Cela ne sert à rien, absolument à rien. Ce n'est pas cela qui l'arrêtera, pauvres fous!
Bien sûr, jamais, ils ne l'abandonneront devant l'adversité.
Soudain le poids des responsabilités l'écrase impitoyablement. Le roi se détourne des cris qui montent jusqu'à lui. Une femme tire aussitôt les tentures pour camoufler un peu plus l'horreur qui s'apprête à franchir le seuil. La lumière fragmentée des éclairs traverse sans mal le lourd tissu. A l'extérieur, les éclairs de lumières se heurtent aux filets de ténèbres qui se referment impitoyablement sur le royaume. A l'intérieur, nul ne bouge. Le page fixe le souverain qui se dirige vers une petite boîte en nacre, le regard perdu dans le vague. Le souffle qui remplace la franchise d'une voix claire est plus puissant qu'un excès de fureur:

- Fynn, viens ici...

Il s'approche en silence. Sa gorge est nouée sans qu'il puisse se l'expliquer. Vraiment, il ne devrait pas pleurer comme une fillette, il est le fils d'un noble au service du roi qui lui assure une éducation. Il était destiné à être un grand parmi les siens. Et puis, le peuple des elfes est grand tout court, il traverse les âges, il nourrit les légendes et les quêtes. Le sien ne peut pas s'éteindre. La cité d'Ysendir ne peut pas sombrer sans qu'une lutte soit menée.

- Je veux que tu mettes ceci dans ta bouche. Ta mort sera douce et rapide, et ton âme sera sauvée.
- Non! Je dois devenir écuyer et ensuite chevalier! Elle ne pourra rien nous faire. Vous allez la repousser, comme à chaque menace dont nous avons eu à souffrir. N'est-ce pas, Mon Roi, vous allez le faire?
- Prends-le! »Au creux de sa paume fermement tenu par son souverain, il reçoit la petite capsule de verre «  coince-la entre ta joue et ta gencive. Si tu n'arrives pas à t'échapper, que tu es pris. Je t'ordonne de la croquer. »

Sous le regard insoutenable du vieil elfe, le page glisse le poison dans sa bouche. Le corps étranger qui se loge près de ses gencives n'a rien d'agréable, surtout quand on sait que c'est la mort elle-même. Pour l'instant, elle n'a pas de goût, elle est un petit morceau de verre prêt à se briser, comme ses rêves.
Le souverain lui tapote l'épaule pour le féliciter de ce geste courageux, plein de bon sens. Il en est plus léger. Au moins, il pourra sauver l'âme du petit. Pour lui et ses conseillers, le poison n'est pas permis. Ils se doivent de lutter jusqu'au bout.

Quelques petits coups retentissent contre la porte toujours barrée malgré l'ordre du roi. Ce n'est pas l'effet produit par des phalangues ou un heurtoir. On dirait plutôt le bruit sec d'une petite tige métallique...
Les poitrines se gonflent de fatalité, Finn découvre ce qu'est l'instinct de survie. Une main assurée le pousse dans les ténèbres d'un passage secret. On lui colle une lampe à huile dans les mains et on lui dit de fuir. Derrière lui, le mécanisme lambrissé se referme funestement. Le bruit se répercute jusqu'à ce que l'écho se lasse de cette mélodie d'outre-tombe. Le halo lumineux de la lampe lutte contre les ténèbres en projetant un cercle discret et tremblotant.
Subitement nauséeux par ce trop d'émotions, le page qui allait devenir écuyer crache la capsule. Non, il n'a vraiment pas le droit d'être lâche alors que son roi accueille la Dame de la Source! Son souffle tressautant a bien du mal à s'arrêter suivant sa volonté. Il colle son oreille contre la paroi dans l'espoir d'entendre quelque chose. Mais ce sont les sons étouffés de son coeur affolé qu'il perçoit, rien d'autre. Alors il se rend compte qu'il est horriblement seul. Finalement, cette petite capsule était une amie bien charitable.
Ses yeux verts grands ouverts, Fynn tend une main devant lui. Il la retire soudainement en pensant avoir senti le souffle glacé d'un spectre qui le scrute certainement tout en se gaussant des frayeurs.
Il doit avancer.
C'est comme ça que font les héros, ils avancent! Derrière lui, un sourd grondement déloge une pluie de poussière qui le fait tousser. Cette fois, il n'hésite plus, il descend à toute allure la volée de marches sans prendre garde aux toiles d'araignées qui s'accroche à son visage baigné de larmes...

Noir-feu | 07/10/10 00:59

...et il court, trébuchant souvent, marquant de son eau amère le sol poussiéreux du souterrain négligé depuis tant de lunes, il court, encore et encore, les entrailles broyées par la peur, les poumons aussi brûlants que les forges des titans.

Enfin, une vague lumière, ses pas se font plus sûrs, plus rapides encore. Il l'imagine déjà, la douce lueur d'un ciel étoilé, il a l'impression de sentir sous ses pieds la fraîcheur caressante de l'herbe, et il court, de toute son âme, de toutes ses forces. Quelques branchages vivement écartés d'une main tremblante, il inspire plus fort, rêvant des fragrances délicates d'un soir d'automne. Oh oui, il sera chevalier, un jour, et il lui fera payer au centuple ses méfaits, à cette ombre maudite!

C'est la lueur de l'incendie dévorant son passé qui l'accueille, les volutes étouffantes et poisseuses des cadavres des siens qui se consument, qui emplissent ses jeunes poumons. Ses beaux yeux verts s'écarquillent, son visage fin se décolore, ses genoux percutent sans douceur le sol calciné, un sanglot le secoue sans ménagement. Tant d'espoir anéanti le temps d'un souffle...

Adossée au squelette à moitié consumé d'un chêne vénérable, une silhouette adresse un signe vers les cieux déchirés par les Ténèbres. Trois Noirs se détournent de leurs proies, se laissent porter sans hâte en direction du jeune elfe, se posent, l'entourant d'un monstrueux rempart de griffes et de crocs dégoulinants de sang. D'un pas tranquille, du genre de celui qu'on emploie habituellement pour une petite ballade au clair de lune, la silhouette s'approche, frôle d'une main caressante les dures écailles de l'un des Noirs, qui incline lentement sa tête bardée de pointes acérées, une fierté dévorante irradiant de son regard infernal. L'être s'accroupit lentement devant le jeune page terrorisé, incapable du moindre geste. Il lui demande d'une voix douce comme la soie, rassurante:

-Comment t'appelles-tu, enfant?

-F...Fynn...murmure d'une voix brisée le petit elfe.

-Bien, Fynn. L'as-tu vue? L'as-tu vue Elle?

-N...Noooonnnnn!!!!

-Tu en as de la chance. D'une certaine manière. Veux-tu vivre, veux-tu me servir, Fynn?

Le regard brouillé se relève, se fait littéralement happer par deux yeux d'un rouge insoutenable et changeant. C'est pourtant un calme absolu qui en émane, et le page sent son coeur recommencer à tambouriner avec force dans sa poitrine. Il trouve la force de répondre, incapable d'échapper à l'envoûtement du regard de braises:

-Oui...Oui monsieur.

-Merveilleux. Alors viens, Fynn...murmure l'être, lui tendant une main secourable.

L'enfant se relève, jette un coup d'oeil effrayé aux trois Seigneurs des nuées, dépose sa petite main dans celle de l'homme, qu'il trouve étrangement chaude et douce. Un signe de tête, et les Dragons déploient leurs voilures, décollent dans une bourrasque d'une rare violence qui agite les longs cheveux blancs de l'être. Une légère pression sur cette main si fragile, puis le Seigneur d'Obsidienne entraîne le jeune Elfe vers son destin.

Edité par Noir-feu le 07/10/10 à 10:39

Furya | 08/10/10 14:37

Le page se laisse entraîner par le mystérieux seigneur à travers Ysendir. Ses beaux yeux verts dérivent au gré des vagues d'horreur qui heurtent toujours plus son âme meurtrie. Tout ce qu'il a connu a été anéanti. Par un réflexe stupide, il se retourne un instant pour regarder le palais bâti à la majesté de son peuple elfique.

Dans le salon que Fynn tente de deviner à travers l'horreur, les chandeliers ne diffusent plus la lumière pâlotte qu'ils tenaient fièrement à bout de bras. Les tentures sont toujours tirées, elles donnent même un sentiment d'intimité que La Dame de La Source trouve agréable. Une fine poussière recouvre le plancher, et s'accumule sur une table décorative où sont laissées quelques baguettes d'or, en continuant de tomber ici et là en de minces filets du plafond zébré de multiples fissures. L'invitée prend soin de les éviter afin de rester présentable devant son prestigieux hôte. Ses cheveux lunaires cascadent librement jusqu'à la chute de ses reins en complétant parfaitement sa silhouette élancée. Il n'est pas difficile de la suivre malgré l'obscurité régnante. Elle paraît absorber les dernières émanations lumineuses, elle est magnétique, noire.

Les mains derrière le dos, elle est absorbée par l'oeuvre d'un artiste ayant mis un peu d'âme dans sa prouesse. Tout est calme. Elle peut s'octroyer un peu de repos. Mais un râle la sort de son observation, elle pose alors ses yeux lumineux sur le sage qui se tord de douleur à ses pieds. Elle leur avait pourtant dit qu'elle ne voulait aucun bruit. Au commandement mental de leur maîtresse, Les Chuchoteurs cessent leur besogne. Enveloppés de larges bures, il est impossible de deviner une quelconque présence. Ils ne sont que deux, figés telles des statues à l'entrée du salon. Ce sont eux, les petites voix qui susurrent d'horribles choses. Ce sont eux qui poussent aux crimes. Ce sont eux qui offrent la folie aux esprits autrefois sains. Et là, ce sont eux qui noient les sages dans d'affreux cauchemars, qui font ressurgir les peurs les plus enfouies.

La poignée de combattants d'élite, quant à eux, sont épinglés au mur à la manière de papillon. Une main invisible les écrase dans cette posture inconfortable et décorative. A voir leur si beau visage, La Dame de La Source se prend d'envie d'en faire ses familiers. Tels des chiens, elle pourrait les enchaîner au trône de son Royaume. Ils viendraient lui quémander ses attentions et toujours généreuse, elle offrirait plus ce qu'il ne faut. Ou alors, elle caresse une idée plus alléchante mais qui ne lui laisserait que peu d'amusement, leur corps est si fragile qu'ils ne pourraient l'honorer comme elle le mérite.... Ils goûteront au trépas dans un état d'extase alors qu'elle ne serait plus que moyennement satisfaite.

-Savez-vous, mon petit Roi, que le Seigneur de Num a participé à votre destruction ?
A la manière d'un chat qui s'approche en douceur, la Dame de la Source dépose ses mains sur les épaules osseuses du souverain. Les yeux mi-clos, le vieil elfe halète l'air avec difficulté. Le mana qu'il a déployé pour la contrer en vain l'a épuisé.
-Cela ne se peut...articule-t-il avec difficulté.
-Donc, vous m'affublé de la belle image de menteuse ! » Elle se penche vers lui, mielleuse « C'est bien ce que vous sous-entendez ? »
-Non...Dame...Reine Furya.
-Alors quoi ?
-Il n'a pas besoin de vous. Il trône seul dans le néant.
-Oh ça... » Elle se redresse, sa tenue prêt du corps craquant délicieusement. Ses doigts fins caressent lentement la tête du vieillard « C'est vrai, il n'a pas besoin de moi pour être. Comme je suis seule à être ce que je suis. Seulement, mon petit roi, nous marchons sur la même voie. »
Le souverain proche de la déchéance tousse violemment, un filet de sang coule le long de sa bouche grimaçante. De son pouce, elle en efface brièvement la trace.
-Cela vous fait plaisir, je le sens. Moi aussi, je vous avouerai, enfin, c'est une façon de parler... Cela va bien au-delà des mots que vous utilisez pour cerner vos piètres idées.» elle le contourne avec un demi-sourire étrange « les Chuchoteurs ont vu quelque chose dans votre esprit, une peur qui n'est pas ordinaire. Regardez-moi, mon petit roi ! »

Le vieil elfe tente de lutter contre les serres qui se referment sur son menton. Les ongles s'enfoncent dans ses joues jusqu'à les faire saigner. Ses forces lui manquent pour résister comme il le faudrait. Bientôt l'autre main de la Dame le contrarie à tenir ses yeux ouverts. Malgré lui, il est happé par ce regard d'ombres dansantes qui masquent les lumières qui le hantaient quelques secondes plus tôt.
Des spasmes le secouent violemment, des larmes de sang coulent le long de ses joues creuses. Elle trouve cette peur, nichée au fin fond de son esprit qu'elle a écartelé. Furya s'en délecte, s'en amuse. Maintenant qu'elle est cernée, l'esprit se referme sur elle pour en délier toutes les saveurs. Elle voit un jeune elfe qui représente beaucoup pour ce vieux roi fatigué. Déçue que ce ne soit que cette protection, elle le relâche sans douceur, simple corps destiné à être végétatif.

-Vous ! Oui vous ! Vous allez abréger la vie de votre roi. Le pauvre est fou, il a perdu l'esprit ! »Les sages tentent de reculer en secouant la tête, de ramper vers les coins du salon lorsqu'elle se retourne vers eux avec un sourire qui n'en est pas un « Soyez heureux que je vous épargne ! Agonisez ou répétez : J'offre mon âme à Furya, ma Reine, Maîtresse des Ombres, Dame de La Source. Je suis son bras armé et pour son oeuvre sacrée, je lui offre ma vie. Dans sa bonté, elle me tend la mort éternelle et m'ouvre à La Source. »
Les voix s'élèvent, tremblantes, dans l'espoir d'attirer sa clémence...

Edité par Furya le 09/10/10 à 10:21

Sombrebarbe | 10/10/10 17:38

joli !

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J'ai retrouvé la Lumière ! Qu'elle Illumine mon chemin et chasse les ténèbres !

Lancwen de Sigil | 11/10/10 18:59

Un pantin de plus pour la Source...

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