Forum - Entre Ténèbres et Néant
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Furya | 03/10/10 12:39
( Plume partagée avec Noir-feu
)
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Ailleurs, en un lieu si proche des limbes qu'il pourrait presque y être associé, deux sombres gemmes écarlates se tournent lentement, dardant leur macabre attention vers ce lieu qui se révèle. Se levant de son trône d'obsidienne, le Haut Seigneur des Dragons avance sur le promontoire effilé qui domine ses terres, enchevêtrement dantesque de rocs volcaniques aux arêtes agressives. Il les sent...
Non pas des Seigneurs de leur peuple, non, des serviteurs, des laquais, asservis par les ténèbres, elles qui devraient au contraire les servir de toute leur malice. Le Noir gronde sourdement, est-ce de colère, ou de dépit, à moins que seule la joie de savoir que certains des siens fendent encore les cieux ne l'engendre, nul ne sait. D'une pensée, il invoque son messager, ce dragonnet couleur de suie qui sait trouver les êtres, ou qu'ils soient. La voix rauque de Noir-Feu s'élève, tranchante, glaciale, lui donnant en un langage connu des seuls chevaucheurs d'orages quelques ordres brefs. Le messager prend son envol, disparaît dans les épaisses nuées qui entourent en permanence le Krak du Seigneur Dragon. Qui murmure:
-Trouve-les...trouve-les vite...
Il a su éviter toutes les créatures, trouver les portes, franchir les espaces et les temps, si petit, si insignifiant qu'à vrai dire, aucune attention ne s'est portée sur lui. Quelques regards de ce sombre monde l'ont peut-être entre-aperçu, mais que pourrait un être si dénué de la moindre puissance?
Le voilà pourtant qui se pose sur cette place où se tient la Dame, l'examinant avec une palpable curiosité, se demandant, peut-être, qui elle est, ce qu'elle est, et surtout, si elle lui offrira son dû, à savoir quelque tonnelet de breuvage fort. Se souvenant subitement de sa mission, il se dandine, comiquement, maladroitement, tendant à bout de patte un rouleau de parchemin, d'aspect plutôt banal. Le sceau qui le clôt, en revanche, l'est moins: de cire noire il révèle la silhouette d'un dragon matérialisée par de fins fils d'argent. Dardant sur la ténébreuse son regard de feu, il gronde doucement, l'engageant à prendre sa missive sans plus tarder, semblant étrangement fort à l'aise devant si inquiétante personne.
La missive, une fois ouverte, ne contenait que quelques phrases, tracées d'une écriture vive et assurée:
" Je vous salue, qui que vous soyez.
Mon nom est Noir-Feu, bien que j'imagine qu'il ne vous dise pas grand chose. Qu'il vous suffise de savoir, dans l'immédiat, que je suis un Dragon Noir, le dernier dépositaire du savoir et de la puissance de ce peuple en ce monde. Nul Dragon ne peut arpenter les cieux de cette terre sans que je l'apprenne, ce qui m'a amené à vous écrire cette missive.
Je vous invite donc à me rendre visite au plus tôt, de manière à ce que nous fassions connaissance. Je suis curieux de rencontrer celle, ou celui, capable de dominer mes frères comme vous semblez le faire, et je pressens que quelques trames communes pourraient naître, si vous daignez répondre à mon invitation. Le cas échéant, mon dragonnet pourra vous guider jusqu'à moi.
Bien à vous,
Noir-Feu"
L'aura du monde est rouge, l'humeur est noire. Le craquement est sinistre quand la brèche s'ouvre. Furya laisse vagabonder son regard sur le tourbillon qui naît au milieu d'une vaste étendue tranchante. Puis, le phénomène s'allonge peu à peu pour n'être qu'une brume d'âmes au-dessus de son univers. La nouvelle récolte remplit l'atmosphère d'une douce mélodie qui lui tire un simple soupire de réjouissance. Le couinement du dragonnet la ramène à son oeuvre courtoise. Elle savait que ceux d'En-haut pouvaient parfois être étonnants. Curieuse d'en savoir plus sur ce dragon isolé de la Source, elle enferme ses pensées dans une boule à songe. Furya la fait rouler aux pieds du messager qui recule légèrement de façon un peu suspicieuse. C'est donc à voix haute qu'elle parle à son interlocuteur comme s'il était en face d'elle.
"Salutations,
Il n'y a de domination que dans les luttes, elle n'existe pas dans la complicité que nous nourrissons pour notre oeuvre. Peut-être que je vous chevaucherai un jour ou l'autre, vous aussi, si notre respect est mutuel.
Pour le moment, croisons nos chemins afin de voir ce qu'il advient. J'espère que cela sera intéressant, je n'aime pas perdre mon temps même si ma vie ne s'échappe pas avec sa course "
Furya s'incline légèrement pour signer la fin de sa réponse. La boule à songe éclate en émettant le bruit du verre brisé, aussitôt des fumerolles ondulent pour s'immiscer dans les naseaux du dragonnet. Presque au même moment, le dragon noir peut percevoir en rêve éveillé l'image floue de la femme s'adressant à lui...
Le Dragon Noir perçoit soudain la présence de la femme, presque aussi nettement que si elle se tenait physiquement devant lui. Debout, il s'approche avec lenteur, son esprit puissant cerne la source du songe, aidé en cela par la présence de son messager aux côtés de Furya. Il écoute, observe, ne manifestant aucune trace de peur, mais plutôt une sorte d'admiration, de respect, peut-être, dont il n'est en aucun cas l'esclave. Son regard inflexible franchit le songe, le renvoie tel un miroir à la femme, accompagné de sa réponse.
"Dame,
C'est une grande joie que de sentir votre sombre et envoûtante présence en ce monde, devenu si fade. Et plus encore d'entendre vos paroles à l'égard des miens. Quand à me chevaucher...peut-être...oui, peut-être vous accorderai-je cet honneur un jour. En attendant, usons avec efficacité de ce temps si précieux pour voir si nous pouvons nous entendre. Choisissez l'heure et le lieu de notre première rencontre, je serai là. "
Et le Dragon semble s'incliner, dans un geste qui ne laisse place à aucune trace de servilité, mais qui témoigne d'une courtoisie sans faille, bien que recouvrant une sauvagerie ne demandant qu'à faire voler en éclat ce fragile vernis.
Furya apprécie de recevoir une réponse si rapide sans pour autant que sa personne ne le témoigne d'un quelconque signe physique. La puissance de son interlocuteur doit être assez grande pour que celui-ci puisse s'exprimer dans les mêmes voies. Elle note le charisme de Noir-Feu avec une distance distinguée. Un léger claquement de langue précède l'annonce de sa décision:
" Lorsque cette boule fade que ceux d'En-Haut nomment la lune sera noire, il y aura une forêt en feu. Suivez cette route jusqu'aux abords des Côtes du Vent Hurlant. Là, se trouveront les ruines d'une cité encore marquée par la terreur. Peut-être seront-elles encore fumantes, peut-être pas. De ce royaume déserté des vivants, je vous attendrai quelque part au milieu de cette désolation. Vous me trouverez si tel est votre désir. J'en suis certaine. Ce royaume est ridiculement petit pour qu'il puisse signer votre échec... "
Un semblant de défi achève ses paroles. Ce n'est guère un sourire, ce n'est point un regard qui cille, c'est au-delà toutes les perceptions physiques. Après quelques secondes d'un temps qui semble vouloir garder quelques obscurs secrets, elle penche légèrement la tête.
Les dernières exhalaisons songeuses se dissipent. Pour Furya, il n'y a plus rien à ajouter.
Edité par Furya le 03/10/10 à 12:40
Noir-feu | 03/10/10 12:42
Noir-Feu se contente de sourire, et d'acquiescer d'un sobre mouvement de tête. Ce qui devait être dit l'avait été, et trouver une forêt en feu, quoi de plus aisé pour un maître de cette arcane? La lune noire...elle est proche, le temps lui est compté, aussi convoque-t'il aussitôt ses proches conseillers. D'une voix tranchante et déterminée, il donne une série de directives, s'assurant ainsi de la bonne marche de ses plans, quand bien même son absence devrait durer un certain temps.
Lorsqu'il en a terminé, la nuit tombe, et déjà l'astre de la nuit se lève sur l'horizon. Rapidement, il se prépare au départ, délaissant armes et armure au profit de son habituelle tenue de soie noire aux discrets liserés d'argent. Puis il ceint sur son front l'artefact connu sous le nom de couronne d'Elladyl, non pour manifester un quelconque pouvoir, encore moins pour une vaine tentative d'impressionner Furya, mais parce que des siècles de guerres, de trahisons et de fourberies lui ont enseigné une redoutable prudence, et que l'artefact participe de manière notable à accroître ses sens aiguisés. Quelques minutes plus tard, il se rend au sommet de la plus haute tour de son Krak, et lance ses perceptions en quête de cet incendie que la Dame a évoqué. Un rire sardonique le secoue brièvement, une bonne dizaine de forêts brûlent, en cet instant, évidemment. Reprenant son sérieux, il dirige alors son attention vers les vies, cherchant cette aura de terreur qui suit, entoure la sombre Reine. Et parce qu'il est capable de lire les trames comme d'autres lisent une affiche, il trouve en quelques secondes le lieu recherché.
Les airs vacillent dans un éclat de noirceur lorsque l'homme reprend son apparence dragonnique, puis le saurien jaillit dans les airs à la manière d'une comète obscure, saisissant vivement un vent tempétueux qui le porte aisément dans la bonne direction.
La Lune est encore basse dans le ciel lorsqu'il parvient au-dessus d'une cité ravagée, entourée d'une barrière de feu encore hargneuse et gourmande. Ici et là, des panaches d'une fumée à l'odeur acre qui trahit la combustion de nombreux corps s'élève, voilant en majeure partie la faible lueur lunaire. Le regard du Noir parcourt rapidement la scène de carnage, cherchant quelque signe de Furya. Ce qui a dû être le palais du dirigeant de la cité semble avoir subi un sort tout particulier, une sorte de méticulosité perfectionniste dans l'art de la destruction, qui fait sourire le Seigneur d'Obsidienne. Sans hâte, il se pose devant l'amas de pierres qui a dû être la porte de l'édifice, hausse une arcade écailleuse en remarquant les corps déchiquetés artistiquement disposés de part et d'autre en une parodie macabre de garde. Elle ne doit pas être loin... Reprenant en un nouvel éclat de ténèbres son apparence humaine, Noir-Feu entre dans les décombres fumants, ne prêtant aucune attention aux quelques gémissement qui s'élèvent encore par endroits. Une fois encore, il examine soigneusement les alentours, et se remet en marche quand il aperçoit les restes d'un escalier qui fut large et richement ouvragé. Montant les quelques degrés, il entre dans les ruines instables du lieu qui fut en un temps meilleur une salle du trône. Un rictus amusé et approbateur lui vient. Le trône, intact, se dresse au milieu d'une pile de macchabées atrocement mutilés, voilé par une fumée plus dense qu'ailleurs. Devant le trône, celui qui a certainement été le seigneur de cette ville agonise encore, une fine baguette d'or en travers de la gorge. D'un oeil de connaisseur, Noir-Feu admire la précision du coup, mortel, certes, mais après une lente, très lente agonie. Puis son attention se tourne à nouveau vers le siège seigneurial, à peine discernable dans les nauséabondes fumerolles. Sa voix s'élève, rauque, tranchant dans le quasi silence avec la netteté d'une lame affutée dans les chairs tendres:
-Un spectacle à la hauteur de mes espoirs, Dame.
Edité par Noir-feu le 03/10/10 à 12:44
Furya | 03/10/10 13:15
Aux paroles du dragon noir, les fumées se rassemblent curieusement, dansantes, ondulantes devant le trône. Ce n'est qu'une diversion car derrière l'invité une ombre glisse, rapide, insaisissable. Furya sait qu'il sent qu'elle se rapproche de lui. D'ailleurs, le sol se fissure à son avancée pour s'arrêter brusquement aux pieds de Noir-Feu. Une voix irréelle vibre dans l'air car non modulée par des cordes vocales.
- J'ai failli attendre.
Soudain, une forme noire, profonde, vibrante d'obscurité transparaît à travers les fumerolles encadrant le trône. Furya y est assise avec une assurance qui pourrait laisser penser que cette cité est sienne depuis toujours. Pour rechercher un peu d'humanité dans son aspect physique qui échappe aux critères normaux, on pourrait lui donner l'apparence d'une femme élancée ayant dépassée les trente hivers d'un mortel de trois ou quatre saisons. Sa tenue tout en écailles, à la sobriété trompeuse puisqu'elle ne laisse que nus ses mains et la naissance de son cou après le col montant, est une seconde peau qui ne cache rien de sa silhouette sensuelle. Son visage androgyne n'est qu'un masque d'impassibilité inquiétante et mystérieuse. Elle porte longuement son regard lumineux dépourvu d'iris sur cette rencontre qui a lieu en la personne de Noir-Feu. Dans ses yeux dont les paupières ne clignent trop rarement, à la manière de l'encre, une tache coule pour entièrement les remplir d'ombres dansantes. Une danse éternelle qui s'accapare des moindres atrocités afin de composer sa mélodie.
Dans cette obscurité ambiante, à l'odeur agressive des incendies et écoeurante du sang versé, Furya voit le scintillement d'une couronne s'accaparant de la lueur des flammes. Elle sourit imperceptiblement. Les deux êtres s'observent longuement sans qu'un mot ne soit prononcé ou qu'une attitude marque une gêne. Le temps est précieux mais il sait s'arrêter pour les puissants. Après cela, les ombres infernales hantant le regard de Furia disparaissent pour n'être que cette lumière blafarde ou d'un bleu brûlant. Sa combinaison craque à son mouvement, elle descend du trône en marchant sur l'oeuvre mortuaire comme s'il s'agissait d'un escalier des plus communs.
- Comme il est d'usage de mettre des noms ici, vous pouvez m'appeler Furya, nous verrons plus tard, si nécessaire, la désignation de mes autres douceurs... Dit-elle avec détachement.
Rendue à son niveau, elle s'incline légèrement afin de marquer son respect. Point de condescendance, dans son attitude, elle est ce qu'elle est, et il n'est nul besoin qu'elle fasse étalage de sa puissance ténébreuse. Ce qui l'intéresse avant tout, c'est de savoir si elle peut se faire un complice en la personne de son ombrageux invité. D'ailleurs, elle se rend compte qu'elle manque à tous ses devoirs d'hôtesse en ne proposant pas quelque chose après son voyage. Après tout, cela n'a aucune importance. Ce sont les usages des médiocres, des mortels qui s'en servent pour combler les silences qui les perturbent ou donner un sentiment de cordialité. Ils sont au-delà de ceci, aussi, elle oublie rapidement cette idée plus que stupide.
- Je suis heureuse de vous rencontrer, Noir-Feu. Heureuse...Ce n'est qu'une façon de parler, le sentiment de joie m'est étranger. Vous comprenez certainement ce que je veux dire...Il ne fait aucun doute que nous marchons sur le même chemin. Je ne comprends pas votre solitude... Apparemment ce monde a oublié ce que noirceur voulait dire.
Noir-feu | 03/10/10 14:32
Le Seigneur d'Obsidienne ne bouge pas d'un millimètre lorsque le sol se fissure jusqu'à ses pieds, ses perceptions déployées à l'extrême fouillant les environs immédiats. Malgré le calme absolu qui semble l'habiter, une sourde impression de danger l'entoure, comme si chaque instant pouvait voir naître une trombe terrifiante de brutalité inouïe, infiniment létale. Un léger sourire relève le coin de ses lèvres à l'évocation d'une attente, sourire qui n'atteint nullement son regard incandescent. Il ne répond pas. Il sait qu'elle sait.
Il observe la femme sur le trône, soutenant longuement son regard sans le moindre vacillement, sans la moindre trace d'impatience, ou de doute. Son corps puissant, sans être massif, est aussi immobile qu'un roc, qui semble tout autant être enraciné depuis l'aube des temps en ce lieu, en ce monde, capable de résister aux pires tempêtes, à l'érosion du temps lui-même. Avec une absence de pudeur consternante, il détaille Furya, suit chacun de ses gestes avec une attention redoutable, impitoyable. Son infime sourire ne lui échappe pas, elle le sent. La voilà qui se lève, descendant avec une grâce et une assurance splendides le monceau de corps brisés. Imperceptiblement, la posture du Dragon suit son mouvement, gardant à chaque fraction de seconde un équilibre total, véritable machine de guerre parfaitement huilée. Après qu'elle se soit présentée, le Dragon murmure son nom, comme en éprouvant les textures sonores, les saveurs.
-Furya...Voilà Nom qui vous va à ravir, très chère.
Lentement, sans la quitter de son regard incandescent, il s'incline à son tour, avec une grâce proche de celle que pourrait manifester une danseuse elfe, mais dénuée de la moindre trace de féminité. A ses mots suivants, un éclat sauvage, primitif, traverse le brasier de ses yeux.
-Ce monde n'est plus que grisaille. Ni Lumière, ni Ténèbres, depuis tant d'éons que j'en ai perdu le compte. Nous marchons sur le même chemin, oui, mais les sentiments sont mes armes, et mon armure, je sais ce qu'est la joie la plus ardente, je connais la tristesse la plus insondable, elles sont miennes.
Désignant d'un geste lent le monde qui les entoure, englobant les cieux et les profondeurs, il murmure :
-Je me lie aux forces, aux êtres, aux choses, au gré de mes desseins. Pourtant, ils ne voient de moi que le reflet de leur nature, tout comme vous voyez en moi un reflet de la vôtre. Ceux et celles qui ont tenté de franchir le miroir hantent le Néant, consumés par leurs propres peurs. Qui pourrait rompre le Silence du Vide, y prendre place? Personne, à ce jour, mais cela n'importe qu'aux fous qui pensent avoir approché la vérité. Pourquoi romprais-je cette solitude, alors que nul n'est digne de régner à mes côtés, Furya?
Edité par Noir-feu le 03/10/10 à 14:32
Khorèn | 03/10/10 18:02
Alors, ça pactise avec la grande méchante louve ?
* * * * *
Besoin d'une toge noire à tête de mort effrayante, étripante, suintante ? Demandez Khorèn Le Magnifique !
Edité par Khorèn le 03/10/10 à 18:03
Furya | 03/10/10 18:45
- Ainsi donc vous vous targuez d'être mon miroir puisque j'y vois mon image? Amusant, très amusant...
Un claquement de langue termine sa phrase, elle le garde sous son regard de biais jusqu'à ce cela soit rendu impossible. Elle se penche simplement dans le but de récupérer sa baguette dans la gorge du souverain. Elle en essuie les souillures sur les vêtements déjà poisseux de sang. Quand cela est fait, elle relève la large mèche blanche coulant au milieu de ses omoplates qu'elle bloque avec son accessoire.
- Vous savez sans doute que c'est un honneur d'être le reflet de ce que je suis. Félicitations!
Elle se retourne vers Noir-feu, plus froide que jamais avec une attention capable de faire fondre la pierre elle-même.
- Si vous ne désiriez pas la rompre, vous ne seriez pas là en ce moment. Fais-je erreur?
-J'ai parlé de nature, et non d'image. N'est-ce pas précisément pour cette raison que vous avez accepté de me rencontrer? Quand à l'honneur qui pourrait en découler, j'en jugerai en son temps, ne vous en déplaise.
Le Dragon Noir laisse un sourire glacial relever le coin de ses lèvres, son regard impénétrable semble jauger Furya malgré le poids redoutable de son attention. Il n'attend visiblement aucune réponse à sa dernière question, poursuivant d'un ton rigoureusement neutre:
-Il adviendra un moment où cette solitude n'aura plus lieu d'être. Dans une seconde, dans mille ans, cela n'a aucune espèce d'importance. Vous semblez penser qu'elle me pèse, ce n'est plus le cas depuis longtemps. Les sentiments sont des armes, j'ai passé l'âge où ils étaient les défauts de la cuirasse. Quoi qu'il en soit, il se peut que notre chemin soit commun, un jour ou un siècle, mais le souhaitez-vous seulement?
Ses mains glissent derrière son dos comme elle aime le faire quand tout est calme. Quelque part un bruit sourd marque l'effondrement d'une bâtisse imposante. Un champignon de flammèches s'élève suite à l'aspiration de l'air qui éructe maintenant son trop plein de flammes. L'attention de Furya ne quitte pourtant pas celle que Noir-feu a pour elle.
- Votre solitude ne m'inquiète pas. Elle m'étonnait. Un Seigneur redoutable est toujours entouré par de plus ou moins bonnes accointances, par des pique-assiettes qui se cachent derrière sa toute puissance, en ceci, il n'est pas isolé. Mais après tout si ces connaissances sont dérisoires, alors effectivement la solitude est là. Elle est aussi une force car personne ne vous enchaîne.
Elle force un léger sourire pour marquer la fin de sa phrase. Sa poitrine se gonfle d'un étrange soupire. Par un regard, elle invite Noir-feu à la suivre pour observer la baie improvisée qui se résume à une plaie béante dans la salle du trône.
En contrebas, des ombres furtives semblent hanter les lieux. Elles apparaissent et disparaissent à une vitesse qu'un oeil humain ne pourrait voir.
- Vous voyez... Ce sont les pique-assiettes dont je vous parlais. Nous les nommons: les Chapardeurs. Pour être simple, ils sont comme les rats qui copulent en ce monde. Ils se gonflent la panse des restes qui nous leur laissons. Ces spectres se repaissent des dernières bribes de vie, des souvenirs, des espoirs anéantis. Ils sont tellement amusants à élever, mais si insignifiants...
Après cette parenthèse presque bon enfant, Furya dévisage le seigneur dragon avant de contempler la désolation qui s'étend sous leurs pieds:
- Ceci n'est rien. Ce n'est qu'une pierre dans la fondation. Vous avez dit que ce monde est gris dans les forces. C'est pourquoi, ce n'est pas vraiment à moi de poser la question de notre entente. Ce que je vais accomplir va aussi déplaire à ceux qui se disent ténébreux. Ils sortiront fiels, jalousies certainement. Ils prendront mon oeuvre de façon dérisoire, même quelque peu moqueuse car ils ont oublié... Leur peur sera témoignée par une pédanterie distrayante. Ces hommes et ces femmes ayant passés le pacte avec La Source, seront bousculés du songe éveillé qu'est le leur. Alors voulez-vous encore dormir, Noir-Feu? Ou bien voulez-vous vous réveiller à mes côtés?
Un coin de ses lèvres se relève pour fendiller son attitude impassible:
- Bien que vous n'ayez rien d'un dormeur, au contraire...
Celimbrimbor | 03/10/10 19:40
Complotez, tramez, et ainsi de suite.
Mais prenez garde à ne pas perturber trop l'équilibre des choses.
Il se pourrait que des gardiens veillent.
La Demeure Franche : [Lien HTTP]
Noir-feu | 04/10/10 12:03
Sans un mot, le Seigneur d'Obsidienne observe, écoute. Dans son esprit forgé par le Néant, rompu aux plus sombres danses, chaque mot, chaque geste de la Ténébreuse est analysé, froidement, avec la plus implacable rigueur. Ses traits ne manifestent rien, figés en une expression à la neutralité inquiétante, visage de la plus sombre pierre dévoré par un regard capable de plier la Mort elle-même à ses desseins. Les Trames se déploient devant lui, invisibles, impalpables routes d'obscurité qui révèlent les destins aussi bien que les passés. D'une pensée il les bouscule, en contraint quelques unes, en tranche d'autres, jusqu'à n'en voir plus qu'une. Comme le ferait un scribe sur son ouvrage, son âme se penche pour en lire les plus infimes caractères, en pressentir les plus secrètes nuances.
Se détachant des spectres, il revient au visage de Furya, la dévisage comme elle le scrute, au cours d'un instant qui n'est plus lié au temps, fugitive seconde ou cascade de millénaires, selon le regard porté. Ses lèvres dessinent une parodie de sourire, ses yeux ne sont plus que des puits sans fond, dénués de la moindre humanité, reflétant le Néant d'effroyable manière. Un être moindre que son interlocutrice y laisserait son âme, se perdrait dans cet abîme infini dépourvu de sens, hurlerait de la plus abjecte terreur, qui elle-même s'y perdrait avant même d'avoir pu exister vraiment. Sa voix se déploie, rauque, chuintante, de suie et de cendres. Les sons viennent caresser Furya avec une douceur sensuelle, lui offrant brièvement la somme de l'effroi jeté en pâture au Vide par des cohortes de damnés.
-Vous le savez déjà, Furya, n'est-ce pas? Vous attendiez cet instant comme je l'attendais, depuis l'aube des temps. Vous savez aussi qu'il n'y a qu'une seule Voie, si étroite que le moindre faux-pas anéantirait nos desseins mutuels. Alors je vous repose la question: le souhaitez-vous vraiment?
Un pas, puis un autre la rapprochent de son invité. Elle veut apprécier de plus près les charmes de ce regard. Furya cille imperceptiblement en dardant ses yeux dans ce néant qui aspire le temps. Quelle heureuse surprise, si délectable... Puis, son attention glisse sur ses lèvres qui égrènent les mots à travers de terribles intonations. Quand la question est posée, elle se recule de même distance. Ses traits androgynes restent figés dans l'impassibilité à l'opposé de toutes expressions chaleureuses, de tous désirs. Cependant qu'une sombre aura glisse sur elle à la manière d'une vague éternelle poussée par un courant furieux prêt à déchiqueter les chairs de son propre corps. Il peut s'agir d'une expression de son intérêt ou toute autre chose.
- On m'a supplié, on m'a demandé grâce, on m'a demandé la damnation, on m'a demandé la mort en délivrance. J'ai toujours offert, j'ai répondu d'une manière ou d'une autre à ces demandes, trop généreuse que je suis. Et vous, Noir-feu, vous êtes le premier à demander ce que je souhaite... Personne n'a fait une telle chose. J'ordonne ou j'offre mes grâces. C'est étrange que d'émettre un souhait, je n'en ai pas l'habitude. En revanche, je vous peux dire que je le veux.
Regard contre regard. Le Chevaucheur d'Orages plonge dans ces somptueuses amandes de lumière qui tranchent avec magnificence sur la noirceur de la Reine, contraste saisissant qui briserait les plus endurcis, alors qu'il y voit deux joyaux des ténèbres, d'une splendeur à couper le souffle. Sa soudaine proximité pourrait, associée à ce regard, le faire tituber, le conduire à rejoindre les rangs des âmes misérables qu'elle déguste avec délectation, s'il n'était le Seigneur de la Pétrifiée, dénué de la moindre humanité. Il contemple sans la moindre gêne ce visage aux traits fins, en apprécie la pureté machiavélique susceptible de troubler hommes et femmes sans distinction. Déjà elle recule, et le Dragon laisse un sourire cruellement prédateur planer sur son visage, s'amusant d'imaginer mortels et immortels succomber au plus absolu désespoir de la voir s'éloigner, ne serait-ce que d'un pas. Les airs sulfureux s'assombrissent, vibrant sourdement aux mots qu'elle prononce, se font complices de son arrogance, elle qui ose vouloir sa présence plutôt que de la souhaiter.
Sans détacher son attention d'elle, il désigne d'une main qui se lève avec une implacable lenteur les six Dragons fendant les cieux opaques au dessus d'eux, invisibles. Instant d'ultime tangence, car les Noirs obéissent à leurs propres desseins qui souvent se fracassent en une débauche de fureur afin de manifester leur place dans les ordonnances cosmiques. Mais les ancrages du Seigneur de Num en ce monde sont autant d'impalpables forces qui n'échappent pas à leurs regards, innombrables torons dont ils sentent l'inéluctable destin. Leurs rugissements ébranlent l'éther, mettant à bas les ultimes ruines de la cité damnée, enflammant les nuées qui se tordent comme des serpents furieux sous l'infernale chaleur dégagée par leurs gueules caparaçonnées. Claquements de voilures torturant les vents, ronde insensée qui écharpe les flots de fumées amères, les six Dragons saluent leur Seigneur en un ballet d'une grâce démentielle, l'équilibre se trace en arabesques de feu tourmentées sur la sombre toile des cieux. Enfin, la main de Noir-Feu s'abaisse, tandis qu'il avance d'un unique pas vers Furya.
-Nous façonnerons le monde à nos desseins. Nous offrirons des éternités de souffrances à ceux qui se dresseront devant nos pas, et d'insondables plaisirs à ceux qui nous serviront. Je vous offre l'Ombre du Néant en miroir de l'Ombre du monde d'en bas. Je vous offrirai de même la Septième Porte, car par les yeux des miens je vois et je sais. Mais ce temps n'est pas advenu, encore.
Edité par Noir-feu le 04/10/10 à 12:03
Furya | 04/10/10 12:22
Le sol tremble furieusement comme si les fondations de la terre elles-mêmes allaient être aspirées par un trou noir béant de magnétisme. Au centre de cette tempête occulte, les deux êtres restent imperturbables, si bien que le monde paraît tourner autour de leur personne. Cette composition, délicate et terrifiante de puissance, les enlace d'une complicité prometteuse. Puis soudain, tout est calme, un silence pénétrant qui fige jusqu'au souffle brûlant du vent. Témoins déchirés sans douceur par les seigneurs du chaos qui planent dans leurs entrailles brumeuses, les nuages furieux, aux masques grimaçants, ont des rictus rieurs de perversité. Lacérés de toutes parts, les cieux tendent des mains suppliantes vers les maîtres de leurs tourments, jusqu'à jeter les anges déchus à leur violence dans l'espoir de recueillir une seconde de clémence, une seconde d'un répit illusoire. Sous ces cris silencieux, Furya paraît sourire pour la première fois, comme le laisse deviner cette ombre enchanteresse qui flotte aux bords de ses lèvres.
Elle ne recule pas, au contraire, il vient de faire un pas, elle fait de même. Pernicieuse tendresse qu'est sienne lorsqu'elle glisse ses doigts experts aux plus divines tortures dans ceux du Roi du Néant. Sans craindre de résistance, elle attire cette main qui vient de témoigner de sa puissante Majesté, de sa générosité... Est-ce ses lèvres qui se posent au creux de la paume ou bien un peu du brasier des Enfers qui entretient les flammes de la luxure? De ce contact fugace qui pourtant laisse une empreinte où pulse une passion à se damner de désir, elle le remercie. Souveraine aux milles grâces infernales, Furya libère cette main prisonnière de ses filets après s'être enivrée de l'essence de Noir-feu dans l'espoir de savourer d'autres subtilités. Ensuite, elle murmure la chose qui lui est promise. Ses cils en frémissent autours des yeux où s'ourle une gourmandise communicative:
-La Septième Porte...
S'il faut attendre que le temps vienne. Alors, en digne Reine, elle attendra que ce sujet qui travaille pour elle, tende ce trésor lorsque le Roi, qui en connait le lieu secret, lui ordonnera d'être le présent.
-Est-ce là que notre rencontre s'achève?
Noir-feu | 04/10/10 12:24
Des milliers de regards occultes se tournent brusquement vers le centre de leurs désirs inassouvis, les Ombres retiennent leur souffle corrosif, avides de se gaver des miettes de cette luxure lascive qui unit le couple effroyable, source de leurs tourments les plus délectables. La sombre dextre du Seigneur d'Obsidienne vient se poser avec une sensualité perverse sur la nuque de Furya, l'attirant lentement vers les lèvres du Noir. Son souffle caresse le visage de la Reine, porteur des plus terribles facettes de ces sentiments qu'elle ne ressent pas. Flots tourmentés de tristesse, abimes insondables d'amertume, amours brisés, trahisons des êtres proches, il lui offre un avant-goût de ce qui anéantit les êtres en ce monde tandis que leurs lèvres se frôlent, trop brièvement, attisant encore ce désir brûlant qui les consume sans l'assouvir. Délicieuse torture prometteuse d'ivresses à venir, de soifs insatiables et dévorantes jamais apaisées, elle se love au sein même des coeurs de ténèbres, brûlure prête à jaillir à tout instant pour éveiller les plus torrides et inavouables passions. Puis il se recule, d'un mouvement sinueux empli de cette grâce morbide qui le caractérise, s'incline lentement tandis que déjà ses redoutables écailles le recouvrent. Déployant les membranes à la translucide noirceur qui le portent dans les airs, le Chevaucheur d'Orages murmure :
-Nous sommes unis dans les ombres, nulle distance ne saurait s'immiscer entre nous, nul temps ne le pourrait. Je vais corrompre les risibles et pitoyables ombruscules qui prétendent pouvoir empêcher notre avènement. Que s'élèvent les six cités damnées de votre dessein, j'aurai alors rassemblé ceux qui nous serviront à asseoir notre règne.
S'élevant alors d'un battement d'ailes puissant, le Dragon Noir rugit de toute sa sauvagerie, éparpillant loin à la ronde gravats et cadavres, ombres et âmes terrorisées, puis disparait dans les nuées.
Furya | 04/10/10 12:29
A travers ce souffle puissant, Furya retourne lentement vers le trône, vibrante de désir, de fureur. Elle s'y installe, songeuse, froide mais pourtant lascive. Ses doigts s'attardent sur ses lèvres dans l'espoir de recueillir encore un peu de cette gourmandise, de ce goût étranger que sont les émotions écoeurantes et pourtant tentantes d'insanités. Son regard lumineux accroche le vol du Seigneur de Num rejoignant ses contrées. Elle inspire profondément pour capter ses dernières émanations s'attardant dans l'éther, elle en gémit légèrement.
Autour d'elle, il n'y a que cadavres dont les yeux ne ressemblent qu'à des trous vides, les ventres sont souillés des intestins pesants qui dégoulinent sur des cuisses qui ne pourront plus frémir, incapables de l'honorer. Les humeurs s'étalent en des mers de violence inassouvie, de plaisir malsain. Furya a envie de se gorger de hideux délices, cela n'attendra pas...
Le Dragon retourne comme une tornade en son Krak, sombre demeure au coeur des laves, siège de son pouvoir en ce monde. Il est dit qu'une porte des limbes s'y trouve, mais qui pourrait prétendre en être certain? Nul n'a jamais franchi les sombres portes qui mènent aux tréfonds de sa citadelle. De son trône, le Seigneur d'Obsidienne lance quelques appels, donne certains ordres. Et des quatre coins du monde, des êtres se mettent en route, pressés de répondre à ses appels. Certains sont des défenseurs des Ombres, d'autres de la Lumière, l'influence du Noir s'étend telle une toile gigantesque sur le monde, et nul ne connait son véritable dessein.
Un sourire infernal assombrit encore ses traits. Lorsque les six cités de la Ténébreuse se seront dressées, le monde sera prêt à tomber sous le joug des Ombres, et la Septième Porte s'ouvrira, l'inéluctable est en marche. L'Éclat Ténébreux sera alors enfin trempé au fiel de la haine comme de la terreur, et se dressera inexorable sur le tranchant des mondes pour qu'enfin advienne son règne, ainsi que l'annonce la Prophétie d'Elladyl.
