Forum - Murmure d'une légende oublié ?

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Carlyle | 29/07/10 00:51

Il neigeait ce matin-là. Ce qui correspondait parfaitement au vent violent qui battait les pics montagneux et déchirés, heurtant le ciel comme autant de couteaux puissant, lacérant ce qu'il y avait à lacérer, éventrant les nuages dans un piaillement rageur de joie. Là, en équilibre précaire semblait-il, entre deux crevasses mal-ajustée, un manoir étendait son ombre terrible sur les pentes enneigées. Inaccessible, il était semblable à ce que quiconque imaginerait comme demeure du mal. Trop de fenêtres, trop de murs et trop de dimensions pour ce monde, il suintait les maléfices par chaque trous dans les planches des côtés, il sourdait le malheur et la désespérance.

Et c'est précisément pour cela que nous le laisserons là où il est, seul et abandonné, peuplé, sans doute, uniquement d'une vielle dame et de ses chats, en un écosystème étrange de catophagie, attendu que le ravitaillement y est impossible pendant le plus clair de l'année, pour nous rendre à l'endroit où commence véritablement cette histoire, soit dans une grande ville tout ce qu'il y a de plus quelconque, quelque part au Nord de la Taverne, dans une auberge accueillante mais pas trop chère.

Sise sur les contremarches basses du massif du tour du continent, ville de l'intérieur, étape entre la grande capitale intercontinentale et les nombreux ports qui ceignent le pourtour océanique et d'où les aventuriers de tout poil mettent les voiles vers l'aventure, le savoir et la mort bien souvent, Senau apposait sur le plateau rocheux ses rues appesanties de chaleur dans l'été et ses toits pentus chargé de neige quand parfois l'hiver descendait si bas, ses commerces toujours florissant et heureux de fournir les instruments du suicide aux fous qui cherchaient quelques glorioles à l'étrangers, ses tavernes pleines de souvenirs de gloire et de héros et ses habitants, tous marchands ou presque, tous fripons dans une certaine mesure et tous amoureux de l'argent, les plus jeunes n'attendant que de pouvoir émigrer dans la grande ville du centre, les plus vieux n'attendant que la mort dans leur lit ou dans une ruelle sombre.

Une cité très humaine, finalement, que rien ne distinguait de ses centaines de soeurs installées un peu partout. Pas de rues pavées d'or, pas de tuiles d'argent, pas de boutons de portes en rubis, pas de fontaines d'où coulaient le nectar et l'ambroisie. Des estaminets très classiques aux noms évocateurs, du « Vaillant Cinglant » au « Sanglier Triomphant », de la « Choppe Avisée » au « Léthé Oublieux », pour toutes les bourses, pour tous les goûts. Voire, les sans-logis mêmes vous prêteraient leur sale paillasse contre une petite pièce ou un manteau, si vous ne trouvez vraiment pas où dormir.

Le « Bourdon Silencieux », anciennement nommé le « Glas Perdu », avait changé de nom lors de son transfert d'un propriétaire -ayant défunté aussi subitement que mystérieusement et naturellement- symbolisait la ville, la contentant toute entière entre ses murs, par sa foule hétéroclite de négociants itinérants bedonnants, de capitaines de compagnies et leurs bras droit, de visiteurs occasionnels, de badauds de passage, de montagnards un peu perdus dans la civilisation monstrueuse, quelques tire-laines, dont le moindre n'était pas le tenancier du comptoir et enfin un ou deux résidants, qui estimaient plus propice à leur commerce d'avoir des points de chute un peu partout sur le continent qu'une seule demeure peu accueillante. Et puis, il y avait le propriétaire de l'auberge lui-même, qui résidait au second étage, réservé pour lui seul et ceux qu'il voulait recevoir.

Pour eux, en sus de sa suite, dont la chambre à coucher faisait la taille de la grande salle du rez-de-chaussée et ornée d'un bureau d'acajou précieux ainsi que de quelques armoires et d'un râtelier où pendent des instruments étranges, il y avait pour eux des chambres de grandeur respectable où ils pouvaient jeter leurs affaires ou dans la grande malle au pied des lits ou dans les placards profonds. Il avait fait convertir une des autres pièces en une salle à manger, quand il ne souhaitait pas dîner dans son salon privé ou qu'il ne voulait pas le montrer à ses convives. Enfin, pour son confort personnel, la porte au bout du couloir avait été cadenassée doublement et seul lui pouvait accéder, ainsi, à sa bibliothèque, qui comptait, selon les rumeurs, parmi les plus belles de la petite ville, ce qui pouvait signifier qu'elle possédait plus de quatre ouvrages de prix, mais personne n'avait pu jamais s'en assurer.

Il ne faut cependant pas croire que l'étage de ce commerce était une exception. Au contraire, les riches propriétaires de la ville aimaient, une fois fortune fait, étaler leur richesse en se privant d'une partie, non négligeable, de leur revenu. Le nouveau maître avait simplement pris le frac du pays où il s'était installé, sans rien vraiment changer. A la vérité, il n'aimait pas le changement. Enfin, non, c'était plus compliqué que cela.

En fait, la seule nouveauté qu'il avait apporté, avec la bibliothèque verrouillée, était quatre urnes pleines de cendres qu'il avait déposé négligemment sur le manteau de la cheminé. L'une d'entre elles lui servait même de presse papier et de plumier. La bonne avait vite renoncé à comprendre, elle n'avait pas été réprimandée quand elle en avait renversé un peu sur le sol et qu'elle avait, pour masquer sa bêtise, remplacé par de la poussière mêlée de cendre qu'elle avait réuni d'un coup de balai rapide. Il n'était pas plus original que les autres qu'elle servait également. Elle n'avait même pas pu apporter d'informations à ceux qui lui avaient demandé de l'espionner. Un excentrique de plus, voilà tout. Son seul très de caractère était sa ponctualité hors paire.

Quant à cet excentrique, et bien, il vivait à l'heure, allant et vaquant à ses occupations sans gêner personne. Parfois, des capitaines venaient le trouver et repartaient. Parfois, une femme lui rendait visite et repartait. Parfois même, il se promenait dans les rues de la ville, discutant avec tout un chacun. Et souvent, il allait disputer quelques parties d'échecs avec les mémoires de la ville, apprenant des tactiques. Finalement, il s'était plutôt bien intégré à la communauté, payait ses impôts depuis son arrivée en rechignant ce qu'il fallait, soutenait le maire et apportait un écot aux oeuvres charitables et à la milice du cru.

Autant vous dire que ce n'était pas du tout le cas de Hoachim, marchand récemment installé. Il faisait profession d'insolence et cherchait par tous les moyens à chasser le pouvoir en place, pour imposer ses idées de progrès et de croyances dogmatiques en un dieu oublié. Pourtant, malgré tout l'intérêt que l'on pourrait lui porter, notre histoire s'intéressera au monsieur tout le monde cité plus haut. D'abord parce qu'il est accompagné d'une fort jolie demoiselle dont la discrétion n'égale que la létalité et qu'il faut bien appâter le chaland. Ensuite, et bien, aurais-je perdu deux pages de vélin à vous en parler si elle ne jouait pas un rôle là-dedans ? Allons, vous me connaissez mieux que cela, non ?

Non. Je m'en doutais.

Dormez, rêvez bourgeois, l'ouverture commence, gardez votre roi.

Lancwen de Sigil | 29/07/10 09:30

Voilà un sieur que je ne comptais pas revoir de sitôt mais à époque désespérée, action désespérée.

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