Forum - Réminiscences
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Tala | 24/07/10 07:06
Elle est là. En moi. Je la sens, affluent dans mes veines. M'affaiblissant. Me rongeant. La fièvre me fait trembler, me donne si chaud. La sueur, elle, me détrempe, et chaque fois que quelqu'un bouge, prêt de moi, le souffle de son mouvement me glace, jusqu'aux os. Je ne suis plus maître de moi même, chaque parole,chaque geste, me demande un effort surhumain.
Je m'entend, perçois mon propre souffle, hâché, saccadé, court., spectatrice de mon Mal.
Je vois mes mains, lourdes, si lourdes, qu'elles se contentent de trembler violemment alors que je leur ordonne de se soulever. Elles restent là, inertes, pendantes, sur la paillasse, qui va bientôt devenir mon tombeau.
J'observe impuissante l'inquiétude visible dans les yeux des membres de ma famille. Je me hais. Leur peine devient mienne, s'ajoutant à ma souffrance corporelle.
Mes paupières sont si lourdes qu'il m'est difficile d'ouvrir les yeux. Je me résigne donc, elles restent closes. Et mon esprit s'échappe, tente defuir ce corps qui se meurt peu à peu.
Lentement, mon souffle s'apaise. Je perçois une tension nouvelle autour de moi, tendue vers une question : est-ce l'heure, enfin ?
Je revois des bribes de mon enfance, si proche, si lointaine ! Combien de jours, depuis que je suis allité ? Je vois le Loup. Là. Mon esprit caresse son pelage si doux. L'image s'estompe, alors qu'il déguerpit. Il m'abandonne !!!
La folie me prend ! Je me sens remuer vivement, crier, aussi faiblement qu'il m'est possible, et mes larmes se mélangent à la sueur. Des mains s'agitent autour de moi, tramponnent mon visage de linges humides. Des voix, vague brouhaha, s'infiltrent jusqu'à mon cerveau délirant, qui ne parvient pas à déchiffrer le sens. Des doigts fermes, glacés, lames acérées, viennent se positionner fermement à la base de mon cou, me relève la tête, m'obligeant à ingurgiter une potion aux saveurs amèrement brûlantes, qui enflamment ma gorge, me faisant tousser violemment. Des crampes insupportables m'étreignent le ventre, me ceignant jusqu'à mes entrailles.
Mourir. Cette pensée m'obsède. Elle tambourine en moi, en rythme avec mon coeur épuisé.
Coeur qui s'apaise, sous l'effet du breuvage. Ses battements frénétiques se calment, alors que corps et esprits retrouvent une certaine unité dans l'endormissement. Quelques secondes encore, je lutte, pour ouvrir les paupières, et revoir, une dernière fois, les visages aimés, avant de sombrer, je l'espère, une fois encore, dans un sommeil sans retour.
Le sommeil m'emporte au loin. Une forêt. Un Loup. Blanc. Une fourrure qui se fond à la merveille parmi la neige étincellante qui l'entoure. Oh ! Comme il a l'air anxieux ! Je m'approche de lui, forme éthérée. De nouveau, je souhaite poser mes mains sur lui, lui dire au revoir. Mes mains qui avancent cette fois, parfaitement sous contrôle. Il me regarde, tant et si bien que je pourrais voir mon reflet dans ses yeux noirs, si je me tenais réellement devant lui. D'une lenteur fantomatique, il se retourne, fuyant, refusant obstinément de recevoir mes adieux. Je m'arrête, et l'appelle, lui ordonne de s'arrêter.
- "Arrête !"
Le propre son de ma voix me parvient à travers le rêve, mon cri a franchi la frontière de la réalité. Le Loup s'arrête, sans se retourner. C'est alors que, pour la 1ère fois, je l'entend. Il me parle. Je m'enfonce dans mon délire. Ses pensées m'envahissent. Mon rêve m'échappe, devient sien, autant que mien.
- "Non, Fille de Lune. Non. Tu vivras"
Sèche. Volontaire. Sa pensée me fouette, m'étourdis. Je la percute de plein fouet. Ressens. Ses propres sensations... les miennes... Froid.... si froid ...
- "Mon heure vient, Loup. La mort m'enlace, je sens son baiser glacial. Ne sois pas triste. Laisse moi te faire mes adieux"
Il se retourne ... à moins que ce ne soit moi qui le rejoigne ?... Nous nous faisons face. Il gronde. Je l'entend, aussi nettement que s'il était là.
- "Ton heure n'est pas venue, Fille de Lune"
Un flash, une sensation. Etrange. Il a disparu. Je me retrouve seule. Le décor change, autour de moi. Je vole... J'aperçois les miens, en contrebas. Réunis, autour d'un feu. Emmitoufflés dans nos manteaux de laine, les mines défaites, semblant attendre. Attendre ma délivrance.
Toute notion de temps m'échappe depuis longtemps. Depuis quand me veillent-ils ? S'épuisent-ils à la tâche, luttant contre l'inéluctable ? J'entend. La musique lancinante qui s'élève dans le ciel sombre. Le Siku égrenne ses notes, accompagnant mon dernier voyage.... Suis-je morte, déjà ?
Je vogue, un moment, une éternité. Ici. Là. Je ne reconnais pas. Des lieux familiers, que je n'identifie pas, trop flous, trop vagues... Je m'éloigne peu à peu, de moi même...
Mais soudain, mon corps me rappelle. Quelqu'un, quelque chose, m'écrase le ventre. Je suffoque. La douleur atteint son paraoxysme, et une quinte de toux violente me prend, freinée dans sa course par ce poids, sur moi.
Mes yeux s'ouvrent péniblement, et je l'entrevois. Il est allongé sur moi, de tout son poids, ses pattes puissantes de part et d'autre de mon cou. Ses yeux reflètent un calme parfait, apaisant. La sueur perle sur mon visage, et je gémis , au prix d'un grand effort. Je m'agite, tente de me relever, en vain. Je halète, puis repose ma tête.
- "Ton heure n'est pas venue, Fille de Lune"
Cette pensée. De nouveau. Je veux secouer la tête, mais ne fait qu'un imperceptible mouvement. Ils vont le tuer ! Pars, pars, Loup ! La panique m'envahit, et je suis prisonnière de mon propre corps. Le Loup, lui, reste fermement sur moi, m'observant encore. Je me vois, être cadavérique aux cheveux foncés, effilochés, aussi blanche que lui.
- "Ma vie est tienne, Fille de Lune"
Non ! Non ! Je refuse. Je ne veux plus l'entendre. Le Loup pourtant est serein, m'envahit, me préparant. Il me montre son âme, me fait voir son plan. Il veut mourrir. Me donner sa Vie. Impossible. Non? Non !
Je veux me redresser, parvient à peine à soulever la tête. Je tente avec l'énergie du desespoir de le faire basculer. N'y parviens pas. Je n'arrive pas même à crier.
Je le repousse alors, d'esprit à esprit.
Je le sens. Il entre en moi. M'inssuffle sa vie. Je ne peux lutter contre lui, l'empêcher de se sacrifier. Sa volonté m'écrase, sa conscience sereine, certaine d'agir comme il se doit, me parvient, est mienne. Me convainc. J'arrête de lutter, alors que je sens des modifications se faire en moi.
Mon corps est envahi d'une douce chaleur, et j'ai la sensation qu'un sang neuf coule dans mes veines. Un à un, mes maux s'estompent, disparaissent. Je respire. Arrive à ouvrir les yeux, sans souffrir. Mes mains enlace le corps du canidé, corps que je sens s'affaiblir, dont le coeur ralentit peu à peu.
Des larmes roulent le long de mes joues, Fleuve d'Impuissance et de Chagrin.
Je ferme les yeux. Et renaîs par la Mort...
Tãla,
Louve des neiges
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Edité par Tala le 24/07/10 à 07:07
Rat De Labo | 24/07/10 08:45
heureux d'entendre parler de vos débuts sous ce sort, facétieuse louve 
Le Rat, démon clanique et seigneur du cauchemar.
"La récompense des grands hommes, c'est que, longtemps après leur mort, on n'est pas bien sûr qu'ils soient morts."
Noir-feu | 24/07/10 11:20
Tala | 25/07/10 15:48
La vieille femme parle. Des ombres étranges se reflétent sur sa peau frippée par les années. Ses yeux, eux, pétillent de l'éclat de ceux qui savent, qui veulent partager.
Une dixaine de paires d'yeux sont levés vers elle, tendus, vers la suite. Agenouillés, ou assis à même le sol, les enfants l'écoutent, bouches ouvertes :
" C'est une histoire vraie, petits. La jeune fille reprit conscience, totalement guérit. Mais le pauvre Loup... Mort, là, dans ses bras. Ce que l'histoire ne dit pas, c'est ce qui s'est passé exactement ensuite.... Mais ses parents, qui attendaient au dehors, virent ressortir un loup blanc, au regard larmoyant.
Certains racontent qu'il aurait dévoré la fille. Après tout, c'est bien connu. Les loups s'attaquent toujours aux plus faibles."
Et d'accompagner son histoire de grands gestes et de mimiques, faisant sursauter les enfants. D'une voix de confidente :
-" D'autres disent que non, qu'ils auraient senti une magie puissante opérer... la magie de l'autre âge .... et que la fille... vivrait, à travers l'animal.
Toujours est-il que, lorsqu'ils entrèrent dans la pièce, celle-ci était vide. Une pièce où la maladie, la mort, et la magie imbibaient l'air ambiant. Mais bien vide ! La leur n'était plus là ! Nul loup, non plus. Force était de le constater.
Voilà les enfants, voilà d'où vient la légende de Tãla, la Louve."
Les yeux écarquillés, les enfants semblèrent ébahis, quelques secondes. Puis un joyeux brouhaha marqua leur désintérêt soudain à la vieille, qui se leva pour partir.
Un des petits s'approche alors d'elle, pas trop près, et lui demande de sa voix aigue :
- "Mais attend, pourquoi la légende s'appelle t-elle la légende de Tãla ? Tu as dit tout à l'heure que la fille s'appelait Selenaïs ?"
La vieille femme se retourne vers lui, malicieuse. En voilà un qui avait de la suite dans les idées. Elle regarda un à un les enfants, qui peu à peu firent de nouveau silence, les yeux interrogateurs. Elle prend le temps de se rasseoir :
"- La légende ne se termine pas là, c'est vrai. Pour les partisans de la magie, tout du moins. Ceux là racontent que la fille, donc, serait devenue louve, en hommage à son ami disparu. Et savez-vous ? Louve, se prononce Tãla, dans une langue ancienne de l'ouest."
La vieille leur fit un clin d'oeil complice.
-"Certains racontent qu'ils ont revu la jeune femme. Oh ! Elle avait bien changé, d'après eux ! Mais pas de doute ! Ils disent que c'est elle qui se fait appeler ainsi. Ils disent qu'à présent, ses cheveux d'ébènes ont pris une teinte mauve, et que ses yeux bleus sont devenus aussi violet que les améthystes les plus pures
- Mais comment cela est-il possible ?
- Je l'ignore. J'ignore même si cette version est vraie. Ce que je sais en revanche, c'est que cette couleur symbolise la fusion amoureuse, la profondeur des sentiments, associée à une certaine mélancolie, à la tristesse. Alors ... peut être serait-ce là un changement extérieur lié à sa peine, à sa reconnaissance éternelle pour le Loup, si tant est qu'elle est survécu..."
La vieille clos son histoire en se muant dans un profond silence. Puis se relève, et part pour de bon.
Derrière elle, les enfants reprennent leurs jeux, s'imaginant loups, courant joyeusement à travers la petite cour ...
Tãla,
Louve des neiges
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Edité par Tala le 25/07/10 à 15:56
Rat De Labo | 25/07/10 19:14
enfin, toujours aussi sympa mamy
(vous plaignez pas, mon doigt aurait pu fourcher et écrire momie...)
Le Rat, démon clanique et seigneur du cauchemar.
"La récompense des grands hommes, c'est que, longtemps après leur mort, on n'est pas bien sûr qu'ils soient morts."
Edité par Rat De Labo le 25/07/10 à 19:15
Celimbrimbor | 25/07/10 21:04
On dérive encore là-dessus, et je blaste.
Ps>Vous pouviez pas attendre un peu, je reviens à peine d'un repos salutaire et ça commence déjà.
La Demeure Franche : [Lien HTTP]
Tala | 26/07/10 00:32
....
Bon... Ce n'était que taquinerie amicale, vraiment 
Tãla,
Louve des neiges
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Noir-feu | 26/07/10 15:36
Une histoire qui se dévoile peu à peu, j'aime!
Messire Rat, tenez-vous à carreau, ma Soeur manque toujours d'épouvantails pour ses champs d'eucalyp...euh...d'herbe.

Edité par Noir-feu le 26/07/10 à 15:37
Rat De Labo | 26/07/10 18:09
oui, oui super amicale, une taquinerie!!!! 

Bon sang si on peut plus taquiner, comment je vais réussir à draguer moi ...

Tãla, ça me rappelle moi-même et ma naissance...ces psychopompes qui vous retiennent sur terre, ah là là, on ne dira jamais assez les méfaits (ou les bienfaits, tout dépend où l'on se place, du côté du cadeau ou de la malédiction d'exister...)de nos amies les bêtes 
NF> jamais je ne me tiendrai à carreau quand on pique mon coeur, laissez les champs de trèfles se faire brouter par la corbeauserie, peu m'importe, j'épouvante qui je veux et quand je veux...(ils sont où ces initiés déjà
...)
Le Rat, démon clanique et seigneur du cauchemar.
"La récompense des grands hommes, c'est que, longtemps après leur mort, on n'est pas bien sûr qu'ils soient morts."
Edité par Rat De Labo le 26/07/10 à 18:11
Tala | 01/08/10 13:56
Nous voilà propulsés dans un univers vaporeux... Sommes-nous morts, tous les deux ? Tout y est merveilleusement lumineux, pâle. Nos âmes flottent, entremêlées, liées. Je pense comme le Loup. Il ressent comme moi.
Légers, aériens, nous tournoyons, emportés par un courant invisible, en douceur, à travers ce milieu ouaté.
- "Il en va ainsi, Fille de Lune
- Où sommes-nous Loup ? Pourquoi ... pourquoi vouloir te sacrifier pour moi ?
- L'Entre-Deux Mondes... L'Antichambre de l'Eternité .... Fille de Lune... Je suis né pour ça. Tel est mon Destin
- Né pour moi ? Pour me sauver ?
- Oui, Fille de Lune.
- Pourquoi Loup... Pourquoi ?
- Tu dois vivre, Fille de Lune. Ne le perçois-tu donc pas ?"
Le tourbillon nous entraîne, loin, nul part, partout. Nous dansons, feuilles au vent, sous le rythme d'une musique imperceptible.
Nous revoyons notre rencontre, lui, blessé, la patte prise dans un piège tendu par les miens. Moi, de la neige jusqu'au genoux, avaçant vers lui, méfiante, mais inexorablement attiré vers ses crocs, relevés, défiant la folle humaine de l'approcher plus avant. Le sang, se répandant sur une neige devenue écarlate. Nous entendons de nouveau, cette parole, qui m'était à moi même inconnue, que je prononçais alors, instinctivement.
-Wantaqo'ti. Paix, Loup.
Ses yeux, exprimant la surprise. Puis la compréhension. Des regards, qui se croisent, entrant dans un dialogue silencieux, semblant trouver dans le reflet de l'autre, l'élément manquant. Le Lien Ineluctable.
Nous virevoltons au sein de la Lumière, les souvenirs nous unissant comme au premier jour.
- "Tu es des nôtres, Fille de Lune. Tu nous guideras.
- Où Loup ? Tout reste si obscur pour moi ...
- Le Paradis. Le nôtre. Le Tien."
Nos esprits fusionnent, s'enlacent, et ne deviennent plus qu'un. Nous sommes Unité. Je suis Loup. Je ne comprend pas. Mais ses paroles sont Vérité. Je le sais. Nous le savons.
....
Une chute. Vertigineuse. Sans fin. Nous apercevons nos corps, inertes.
Fusion.
Ils s'évaporent, se modifient, alors qu'un halo pâle nous enveloppe. Nous devenons matière. Nous intégrons notre Etre.
Loup s'efface peu à peu, me laissant seule, en mon nouveau corps. Je le sens, non loin, mais pourtant disparu... Il a accompli son Destin. Et attendra à présent l'Heure.
Je suis Louve. Le corps animal devient mien, mes sens me suprennent, exacerbés. L'animal me convient parfaitement, gant de foururre, taillé à mes mesures.
D'un bond, mes pattes blanches me propulse hors de ma chambre mortuaire. Je suis. Je vis.
A l'extérieur, les humains me regardent. Des yeux appeurés, et haineux. Ils ne me reconnaissent pas. Je ne suis plus la leur. Une vague de tristesse me submerge. Les yeux humides; je m'échappe agilement, vers ma nouvelle existence....
Tãla,
Louve des neiges
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Edité par Tala le 01/08/10 à 13:56
Noir-feu | 01/08/10 15:16
