Forum - [Rhumdhil] Mystères et houles de rhum

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Sanaga | 05/07/10 00:02

(Création d'un nouveau sujet pour ne pas pourrir ceux des autres, en fait. Donc, le début se cache par là: [Lien HTTP] )

[Gretaine]

Les épis de cannes à sucre lui fouettaient le visage à mesure qu'il s'y débattait, d'un pas à l'autre, fonçant aussi rapidement que sa contraignante bedondaine le lui permettait. Les pousses semblaient s'évertuer à lui boucher l'horizon, se refermant sur les traces de l'aigrefin, sans doute déjà loin. Voilà donc où était passée toute sa poulaille, songeait-il entre deux halètements. Sûrement qu'on les lui avait volés, comme on lui volait sa dernière bête aujourd'hui. Condamné à ne plus bouffer que de la pelouse, comme ces elfes, qu'il était. Alors que son souffle se consumait en sifflements éreintés, une étrange image imprégna ses pensées. Arthur se voyait roulant dans de verts pâturages, à paître tranquillement au beau milieu d'une foule de gensses aux longues esgourdes.

Un soubresaut de rire nerveux le prit, qui le fit se plier en deux. Un point de côté le tiraillait, qui n'allait pas arranger la course. S'ajouta à l'étrange scène de grands abreuvoirs de rhum, dans lesquels la populace allait laper à l'occasion. Et le voilà bon pour un second point, de l'autre côté. Se courbant aussi sec, Arthur rampait plus qu'il ne courrait. Il s'arrêta, le souffle écourté. Sa barbe hirsute s'était reconvertie en nid à poussière, et ses tempes en cascades ruisselantes de sueurs moites. Sa large poitrine se soulevait, tour à tour sifflante et brûlante. Tandis qu'il poursuivait le voleur, l'âge semblait l'avoir rattrapé, lui, plus rapide qu'il ne l'avait été.

Assis au beau milieu du champ, la morosité le gagnait. S'il rentrait bredouille, sa femme le ferait coucher sur le pallier. Quant à l'affaire, il aurait à s'en rabattre les oreilles pendant quatre lunes. Le pire, songeait-il en débouchant une fiasque d'eau, c'est qu'elle n'avait pas tort. Mortifié, il s'abreuva d'eau et de blasphèmes. Quelle erreur il avait faite, de quitter son auberge, imaginant l'herbe plus verte, plus drue, plus grasse ailleurs. À présent, la seule herbe qu'Arthur foulait jamais était d'un jaune tout racorni, aussi sèche que trique et douillette qu'un parterre de caillasse, fleurie de couleuvres tout plein. Que n'aurait-il pas donné pour retrouver ses cuisines peuplées de commis disciplinés, et ses vaisselles toutes de faïence éclatantes. Et puis, ses clients pleins de bon goût et d'écus, ah, ceux-là, s'il avait fallu, Arthur se serait damné à ployer mille et une courbettes devant le premier aborigène venu, pour s'en refarcir devant ses clients d'antan. Le cuistot se proposait sagement de rebrousser chemin, oreilles rabattues auprès de sa veille brune, quand un ramdam lui souffla la présence d'individus, un rien plus loin au septentrion. Partagé entre le devoir et la crainte de tomber dans un nouveau guêpier, verni de déveine comme il l'était, Arthur décolla le train, pour danser d'un pied sur l'autre.

Ce fut le caquètement d'une volaille qui ruina l'indécision et ses espoirs de tranquillité cagnarde. Et les épis de cannes de lui souffleter de nouveau à la face tandis qu'il avançait. La végétation ne prit pas la peine de le prévenir, lorsqu'elle s'arrêta brusquement au bord d'un ravin abrupte, manquant le faire chuter sur la plage, en bas. Craintif, Arthur se plaqua la bedaine au sol et visa le raffut, tout en bas. Un débarquement, qu'on aurait dit. Tout un tas d'individus plantés à la chaine, qui se passaient de main en main des caisses, du matériel, qu'ils entassaient sur les rivages. Mais ce qui inquiétait le cuistot, c'était les machins tout brillants qu'ils portaient à l'aine. Des armes; des soldats avec des armes, aurait dit Arthur, qui débarquaient sur Rumdhil. Qu'est-ce que des ferrailleurs pouvaient bien fiche sur une pareille île? Seule une plainte stridente lui répondit, qui le fit se rencogner au milieu des surgeons de cannes à sucre. Pas humaine, la plainte.

À demi aplati contre la terre, Arthur reprit de plus belle sa course, certain cette fois d'attraper son larron. Les cacardements lui assourdissaient presque les tympans lorsqu'il déboucha sur la butte qui surplombait elle aussi les rivages. Mais il arrivait pile trop tard. La bestiole battait encore l'air de ses pattes maigrichonnes quand le couteau lui entama sèchement le cou. Elle continua de s'agiter, pour la forme. Le sang qui s'égouttait réduisait les gloussements tantôt énergiques, en vagissements affolés, rhinolalies spongieuses et éclaboussantes. Arthur en resta bras ballants. Le voleur, une vieille femme rachitique, arborait une face si plissée par les âges, qu'on l'eut volontiers comparée à un vieux rideau froissé. Le miteux châle qui couvrait ses épaules courbées s'imprégnait du sang de la bête, lorsque celui-ci ne tombait pas en faible cascade dans une vieille écuelle, toute disposée à recevoir le flux vital de la pauvre victime. Bientôt, l'écoulement s'épuisa comme peau de chagrin, et la vieille femme jeta la carcasse de plume à terre. Levant l'écuelle à hauteur d'yeux, penchée au dessus du ravin, elle se mit à réciter un cantique pernicieux qui hérissa le cuistot tout entier. Ne lui prêtant pas la moindre attention, la vieille sorcière semblait sonder tour à tour le sang et les hommes du rivage, poursuivant sa complainte issue du fond des temps.

Et ce fut un Arthur transi qui évita de justesse de se compisser, reprenant conscience de sa propre présence. Alors que le chant se mourait, il ramassa par les pattes la bête sacrifiée, avant d'empoigner vigoureusement le bras de la vieille femme, qui, désormais silencieuse, abaissait son tribut pour se figer en un masque léthargique. Fort heureusement, la soldatesque, en bas, ne semblait pas les avoir remarqués; et s'ils les avaient remarqués, qu'auraient bien pu signifier pour eux une vieille femme et un gros homme curieux? Sous sa poigne inquisitrice, Arthur devinait la maigreur du bras, dont il croyait presque sentir les os. 'Voleuse!' eut-il voulu s'insurger. Mais rien ne s'échappa de sa gorge qu'un pauvre grognement de colère effarouchée.

Alors seulement, elle tourna son visage couturé de rides vers lui. Les traits se déployèrent en un jeu de plissures, comme la surface d'une eau troublée, pour façonner une expression de tristesse, et -Arthur en aurait mis son bras à couper-, d'étrange détermination. Elle dit alors, dans un langage qu'Arthur put cette fois comprendre sans mal:

-L'élu n'est pas de ceux là!

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De Legier Vovlloir Longve Repentance.
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Celimbrimbor | 05/07/10 00:47

Intrigant.

Baramir d'Eckmöl | 05/07/10 09:43

Intrigant en effet. La suite se fait attendre.

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Baramir d'Eckmöl, Mister Daifen 2008.
Archiviste occasionnel de la Skippypédia

Noir-feu | 05/07/10 20:10

Excellent! :b :b

Sanaga | 07/07/10 21:17

Il se retournait en tous sens dans son fauteuil, le cuistot, vanné. Sans doute espérait-il, en remuant sa généreuse barbaque sur le déguenillé siège en osier, que celui-ci allait finalement s'aplanir pour lui léguer une confortable couche. Mais il ne se passait rien que des craquements, et, avec un peu de chance, un torticolis viendrait s'ajouter à ses douleurs articulaires, le lendemain. Le gros lot. Il aurait du le prévoir, pourtant, qu'il coucherait dehors. Cette fois, elle lui en voulait vraiment; parce qu'une bête morte ne valait pas une bête vive, même si, rôtie au poêle, elle avait été succulente. Parce que ce n'était pas une heure pour rentrer. Parce qu'il aurait pu, quand même, se rincer la figure à l'eau claire avant de prétendre se reposer, et que de l'eau claire, y'en avait dans le cellier, ce n'est pas ça qui manque. Parce qu'il avait laissé sa bouillie d'avoine se calciner toute seule, et que ça lui prendrait toute une soirée à récurer, son satané fond de marmite. Et peut-être aussi pour n'avoir pas repeint la barrière, la lune dernière, que ça faisait une palanquée de lunes qu'il disait qu'il allait le faire, et que ça commençait à bien faire. Et pour tout un tas d'autres raisons qu'Arthur oubliait déjà, parce que son esprit divaguait, pris dans les récents évènements. . .

[Plus tôt]

-M'enfin?
-L'Unique l'a vu, comme je le sens!
-Oh...
-Il apparaîtra, l'élu, et chassera de ce monde les terreurs à venir.
-Ah?
-Longtemps, je l'ai cherché. Nul part, trouvé.
-M'enfin...
-Mais je le sens. Je sens sa présence, non loin. Il est là, dans ce qui nous entoure.
-Bon.

La vieille grande bringue -Gretaine était son nom- qu'Arthur tenait toujours par le bras, prêchait avec passion devant le parterre d'elfes à l'écoute. Sa conviction était telle, son espérance si forte, et ses yeux fouillaient le décor avec une telle intensité, qu'Arthur se sentait à poil lorsqu'elle posait son regard en travers de lui. Bien que leur parlant, elle ne faisait pas mine de les voir, et son regard parcourait sans relâche le village alentour.

Village qui s'était d'ailleurs un peu animé, depuis l'arrivée des cinq. D'autres elfes étaient venus d'il ne savait où. Des bardes, aurait-on dit, curieux de tout et avec qui les gens échangeaient volontiers. Parmi les cinq elfes dont Arthur s'était fait le restaurateur, se trouvaient deux grands hommes à l'air sauvage, un autre élancé, qui soulevait des paniers de récoltes comme des fétus de paille. Une elfette l'aidait, tandis qu'une dernière dirigeait les recherches; celle avec qui Arthur traitait, la tête chercheuse, toujours une pipe au coin de la bouche, et qui écoutait la vieille d'un air dubitatif. Sa fumée corrompait rudement l'air ambiant. Arthur en répugnait. Un coupe-faim comme on n'en faisait plus, la fumée de tabac. La chercheuse pourtant, Sanaga de son nom, semblait convaincue des bienfaits de ses émanations chamarrées. Grand bien lui fasse, Arthur n'était pas du genre à se couler les bronches pour trois minutes de divagation.

-Dites voir, reprit Sanaga. J'sais pas si le type de votre prophétie se trouve dans les parages, mais, n'est-il pas curieux que vous ne l'ayez trouvé plus tôt? Vous qui semblez si irrémédiablement aimantée vers lui.
-Il n'est apparu que depuis peu, oui, poursuivait la vieille femme, tout en ferveur. L'Unique seul sait pourquoi il n'apparaît qu'à présent, mais rien, rien n'est du au hasard. Il doit être prêt, maintenant. Prêt à suivre la voie vers une délivrance certaine.
Les elfes entre eux se jetèrent quelques coups d'oeil, avant que la fumeuse ne poursuive:
-Et donc, la fin du monde, c'est pour quand? Que je sache si je peux continuer mes recherches, ou si on doit remballer nos affaires.
Impassible, Gretaine observait les entourages de son oeil ardent.
-Les prophéties demeurent mystères. Si nous savions quel destin est le nôtre, voilà longtemps que nous oeuvrerions pour le combattre. Les calamités ne préviennent pas.

Arthur se racla la gorge, sa bête sanguinolente à bout de bras.
-S'cusez, mais faudrait pas que j'tarde à rentrer. Qu'est-ce qu'on fait d'la rombière?
Un haussement d'épaules lui répondit:
-Eh bien, j'ai du mal à voir en quoi tout ça nous concerne. Laissons madame rechercher son élu, et les herbes seront bien gardées. Je pense.
Sur quoi, à peine Arthur lui lâchait-il le bras que la frêle femme se mettait à errer, sans un au revoir, à travers le village. Avant de s'en retourner à son tour, il se souvint du débarquement. Faisant part de ses observations à Sanaga, il devina une ombre traverser son visage, comme soucieuse:
-Qu'est-c'que ça signifie, à votre avis?
-Un débarquement: je ne sais. Mais s'il s'en trouve plusieurs, il y a fort à parier que votre île s'en devient un dhil.
-Un dhil?...

Peu au fait des conjonctures militaires, Arthur allait la questionner lorsque le nain survint derrière lui.
-Alors, elle est où, cette taverne?
Le cuistot était revenu des rivages et, avec l'aide du nain, avant entrainé la vieille jusqu'ici, lui proposant par la même occasion d'aller ensemble boire un coup en taverne, au village. Il allait lui répondre, quand la fumeuse le devança, qui se fendait littéralement d'un sourire surpris.
-Baramir?
-Sanaga? J'aurais du m'en douter dès que j'ai senti cette odeur d'Herbe à Pipe.
-Je, balbutia Arthur, pris entre deux eaux. J'allais justement faire découvrir les spécialités locales à ce brave compagnon, qui s'était perdu. Nous...
Mais déjà l'elfe était sur Baramir:
-Laissez donc ce luron, Arthur, je m'en occupe!

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De Legier Vovlloir Longve Repentance.
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Edité par Sanaga le 07/07/10 à 21:33

Noir-feu | 08/07/10 19:50

*écoute toujours avec plaisir*:b :b

Miltiade | 09/07/10 02:43

Agréable à lire

Celimbrimbor | 13/07/10 11:49

Toujours mystérieux.

La Demeure Franche : [Lien HTTP]

Sanaga | 24/07/10 18:19

Vers l'Ouest, le ciel dégoulinait de nuages sanguins dans l'agonie lente du jour, à l'horizon. De l'Est, le voile de noirceur s'étendait, poursuivant inlassablement le crépuscule traînard et fuyant. Et après lui, les instants de liberté qu'éprouvait la Bête à survoler les terres de Rhumdhil. Les nuits sans lune, elle se fondait sur le plafond des cieux, noir implacable, dont seules les étoiles épars révélaient la présence, lorsque l'écailleuse venait à leur passer sous le nez. Et l'odeur de la chaire humaine, qui toujours éveillait ses sens. L'odeur de la chaire salée, surtout, qui débarquait sans cesse depuis quelques lunes sur Rhumdhil. La Bête n'était plus seule.

Mais ce soir, elle ne volerait pas. Un orbe gris et intraitable flottait autour du campement. Sous le poignant ponant qui battait en retraite, le hameau se couvrait d'une atmosphère de fumée. Emanant de la tente principale, comme un volcan recrachant son déluge pour mieux nettoyer la surface du monde, la fumée envahissait l'air. Et à sa source, les rires éthérés des deux compagnons se fendant la pipe, depuis des heures. Les éclats de voix, rauques et folâtres, portés par leur folie et leur inconstance, s'égrenaient dans de longues conversations.

-Viens ! Viens Baramir, je vais te montrer.

Le pan de toile vola sous le gloussement incontrôlable de l'écailleuse lorsqu'elle précéda Baramir au dehors. Pressante, Sanaga en aurait presque tiré le nain par les onze tresses de sa barbe, tant elle suffoquait de fébrilité. L'haleine courte d'avoir trop ri, chargée d'avoir trop bu, le duo stupéfiant marchait en se soutenant. Sur la terre qui allait en se rafraîchissant, leurs pas décrivaient d'incohérents entrechats.

Derrière eux, le calme recouvrait le pâle campement. Les volutes de fumée stagnaient encore, elles qui emprisonnaient le tout venant, lequel n'avait d'autre choix que d'inspirer leurs frasques à chaque pulsion de vie. Depuis de précaires bâtisses de bois chaulé, le chant des bardes s'en trouvait éthéré. Et surtout, surtout, pas un chat ne traînait, ni le miaulait, ni ne sifflait, depuis des lunes. La faune, lorsqu'elle ne se tapissait pas dans les coins les mieux cachés, avait fui depuis longtemps vers le Sud. Seuls demeuraient les humains, dans un village plus florissant et fantomatique qu'ils ne se l'imaginaient. Et cette brume qui épaississait l'air, affadissant les couleurs du paysage, comme une peinture usée par le temps.

Les deux noctambules extravaguaient encore lorsque, au détour d'une palissade, Sanaga stoppa net sa marche. Appliquant un doigt mystérieux sur sa bouche pour réclamer ce silence qu'eux-même n'avaient de cesse de briser, elle délaissa son épaule pour avancer parmi ronces et terre, suivie de près par Baramir. Au sein des élévations de palissades, un carré de culture se dévoilait d'entre brumes, mieux gardé que le campement lui-même. Les plantes qui y poussaient ressemblaient étrangement aux cannes à sucres, bien que plus petites et feuillues. Leur utilité, dans un premier temps, parut échapper au nain, le seul commerce rentable étant celui du rhum. Mais bientôt, au bout de l'allée, se dessina une cabane où s'entassaient, morts sur des paillasses, les plants desséchés. A l'intérieur, un laboratoire constellé de feuillets épars se trouvait encombrés de machineries métalliques, alambics de bois, distillateurs rayés.

Malgré l'encombrement de la pièce, une certaine logique répartissait chacun des dispositifs. Dissimulé par une toile en bout de ligne, un grand bac contenait assez de liquide pour que Baramir put s'y mouiller le bras jusqu'à l'épaule. Mais l'odeur n'était pas celle de l'eau.

-De l'huile, expliquait Sanaga qui désignait, débouchant du baril, un grand tuyau gisant à terre, que reliait une grande pièce de ferraille. Une pièce rectangulaire et disparate, tout en enchevêtrement de pièces de fer forgé, soudés entre eux çà, reliés par des courroies là, et d'où s'élevaient six grands cylindres abusés par la calcination. Des poumons altérés, aurait-on dit.

-Et voici un moteur, continuait l'écailleuse en tapotant une turbine de bois imbriquée dans ses soeurs. Sortons le.

Monté sur un essieu de coche, le moteur se trouva bientôt poussé dehors sous l'effort conjugué des deux amis toujours en brosse. Le prochain objet que sortit Sanaga d'un coffret duveté, Baramir put sans mal le reconnaître : une arbalète à manivelle qui, pesant déjà son poids, se trouvait alourdie par un amalgame de poulies jointes à la manivelle, dont la bielle se trouvait volontairement démembrée. En quelques minutes, l'arme se trouva étrangement assemblée, via un agglomérat de chaînes, au moteur alimenté d'huile.

Au clair de lune, deux cibles adossées à la palissade offraient leur coeur en joug. Sanaga encocha quatre carreaux sur la même arbalète qui, surmontée d'un barillet plat de deux chambres côte à côte, pouvaient chacune contenir une charge de deux carreaux. Alignée aux cibles, l'écailleuse sembla un instant se trouver empêtrée, lorsqu'elle regarda Baramir.

-As-tu du feu ? La demande se voulait désinvolte, mais ne put contenir un soupçon d'embarras.
-Du feu, toi ? Suspicieux à présent, Baramir ne bougea pas. Drazankhar serait-il survenu à l'instant, jonglant avec des citrons et dansant la polka, qu'il ne se serait pas trouvé plus interdit.
-Du feu, da, as-tu du feu ? Répétait l'écailleuse, tendant déjà la main.
-Oui ! Oui mais, tu pourrais en concevoir, toi.

A bien y réfléchir, Sanaga ne s'était emparée que du tisonnier, la soirée durant, pour raviver sa bouffarde mourante. Rien de bien étonnant à cela, mais à présent, Mister Daifen se posait de vagues questions.
-Bah, s'expliqua maladroitement l'écailleuse. Un manque d'eau-de-feu, ou une méchante toux, ces temps, affaiblissent mes tripes. Ne perdons pas de temps, va.
Dans un haussement d'épaules, Baramir lui tendit une pierre à feu. Eveillé par une mèche enflammée, le moteur se mit à pétarader bruyamment, tremblotent sur son essieu, recrachant par ses six bronches une fumée irrespirable. Bientôt motivée par le tournoiement successif des roues et des chaînes, la manivelle, prise de folie, s'emballa dans tourbillon gagnant en vitesse. Et les quatre carreaux, lancés à plein régime, de partir se ficher droit devant dans la palissade, cibles intactes.

Un long rire rauque étreignit Sanaga alors que sa main étouffait le feu de la machinerie. Elle n'avait jamais su viser juste. « Je l'ai appelée la mitrarbalète, déclara-t-elle, tout à ses pensées. En théorie, elle pourrait décocher dans les cinquante carreaux à la minute. Mais le moyen de la recharger assez rapidement pour profiter de ces effets, ça, je n'ai pas trouvé. Pas encore.

Tout sourire épanoui, elle se tourna vers Baramir.
-Encore quelques dizaines de lunes de recherches, et elle sera parfaite. Quoique la portée des tirs, comme la précision, laissent à désirer.

Encore lancée dans son élan, bien que réfrénée par l'arrêt du moteur, l'arme tremblait encore de fureur dans ses mains, malgré son bras crispé qui, bien que fermement bandé sur sa position, s'était vu désorienté par la charge de l'assaut et le retour de l'arme. Si l'écailleuse venait à approfondir ses recherches, nul doute que l'arbalète se faisait la promesse de tirs dévastateurs. Il n'eut pas le loisir d'approfondir son questionnement. Toute chaleur quittait le visage de Sanaga. Se détachant des brumes opalescentes, la silhouette frêle et déjetée d'une vieille femme guettait dans la nuit. Elle dut sentir sur eux le poids du regard de Gretaine, car la Dragonne reposa avec précautions l'arme dans son étui. Un sourd malaise l'éveillait, sans qu'elle n'eut pu le définir. Gretaine observait tout le monde. Tout jour, toute nuit. Avec une méfiance mesurée, l'écailleuse revint à Baramir.

-Rentrons parler de tes pirates.

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De Legier Vovlloir Longve Repentance.
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Noir-feu | 24/07/10 20:07

Sacrebleu! Songes-tu à aller chasser le Dragon?:o

Celimbrimbor | 25/07/10 19:00

Baramir, vous êtes trop près. :)

La Demeure Franche : [Lien HTTP]

Baramir d'Eckmöl | 26/07/10 13:08

Ami Mage, n'ayez aucune crainte pour votre femme, mais songez plutôt à me préservez d'elle.

Quoi qu'il en soit, le prochain texte sera de moi il faut croire ;)

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Baramir d'Eckmöl, Mister Daifen 2008.
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